Diawara Aissata Hamata Touré dite Lady : «plus de partis où il existe un culte de la personnalité »

La Présidente des femmes du RPM nous fait part de sa vision politique pour le Mali nouveau.

Pour le nouveau Mali, je veux un pays prospère, uni et indivisible. Un Mali où les enfants vont à l’école, où la culture de l’excellence est accentuée, où la santé est accessible à tous, où la justice est rendue d’une manière équitable, où l’autorité de l’État s’affirme et où les agents publics ne sont ni corrompus ni corruptibles.

Dans ce Mali, il serait bien que le nombre de partis politiques diminue, parce qu’il y en a trop. Il faut mettre des critères contraignants de création, comme un nombre minimum de signaturede militants.

Il ne faut pas avoir des partis dont les présidents ne changent pas et où il y a un culte de la personnalité. Lorsque quelqu’un veut accéder à la tête, elle lui est refusée et il part créer son propre parti. Au niveau des instances des partis, il faut faire respecter la loi 052 sur l’équité du genre. Cela permettra aux femmes à s’affirmer, à se former et à être aptes pour occuper des fonctions électives ou nominatives.

Le Mali a signé un Accord de paix issu du processus d’Alger contenant certains engagements. Il faut notamment aller vers une décentralisation poussée, ce qui n’est pris en compte dans la Constitution. Il faut donc aller vers la révision et la création du Sénat, afin que des élus locaux participent à la gestion. Le Haut conseil des collectivités pourrait disparaître. Quand à la Haute cour de justice, elle doit être maintenue. Si le Conseil économique et social pose problème au plan des moyens, sa mise en place pourrait attendre.

Il y a un besoin réel d’aller à un ancrage démocratique et nous avons besoin de notre culture. Avec l’échec de nos institutions, les légitimités traditionnelles jouent un rôle important. Dans le Mali nouveau, il est souhaitable que le Haut conseil islamique reste dans son rôle et ne s’implique pas en politique. Et il faut relire les lois pour éviter certains dérapages, comme la transhumance.

Abdrahamane Diarra : « obliger les partis politiques à se regrouper en fonction de leurs idéologies »

Le Président de la jeunesse URD nous fait part de sa vision politique pour le Mali nouveau.

Le Mali, au moment des indépendances, avait bien amorcé sa vie politique. Les tendances politiques obéissaient à des obédiences idéologiques et le militantisme se caractérisait par l’engagement patriotique.

De 1968 à 1991, le libre choix en matière de militantisme n’existait pas. À partir de 1991, l’engouement généralisé pour la démocratie multipartite n’a laissé guère le choix au respect des questions d’obédience idéologique. C’est pourquoi nous comptons aujourd’hui une floraison de partis politiques (plus de 250 pour environ 20 millions d’habitants). Le nombre de ceux représentés au Parlement n’ayant jamais pu excéder la vingtaine, la plupart n’arrivent même pas à faire élire des élus locaux. Une autre difficulté est le nomadisme politique injustifié.

Fort de ces constats, les réformes à opérer dans le Mali nouveau doivent concerner la vie et la pratique politique. L’octroi du récépissé pour la création d’un parti doit connaître un processus plus rigoureux. On peut donner une autorisation provisoire et conditionner l’obtention du récépissé à la tenue d’assises regroupant des représentants de toutes les localités du pays ainsi que de la diaspora, à la disponibilité d’un projet de société déclinant de façon précise l’idéologie et à un registre de signatures de 20 000 personnes au moins, avec adresses et autres contacts vérifiables. Et il faudra que la nouvelle formation s’attende à un retrait de son récépissé lorsqu’elle ne parvient pas à obtenir 10% des suffrages.

Ces réformes obligeront certainement les partis à se regrouper pour faire de réelles offres politiques aux populations et leur donner l’opportunité de meilleurs choix, basés sur des critères objectifs. Le nomadisme sera sanctionné par la perte du mandat.

Il urge aussi de mettre en place un organe unique, permanent et indépendant, dont les missions seront celles de l’ensemble des structures chargées des élections. Cela aura l’avantage de développer de réelles expertises dans le domaine électoral, de permettre la tenue d’élections libres, crédibles et transparentes et de donner leur légitimité aux dirigeants.

Pr Issa N’Diaye: « Il faut un Mali nouveau »

Le Professeur Issa N’Diaye nous livre son analyse sur la tenue d’un éventuel dialogue national, pour mettre à plat les problèmes que vit actuellement le Mali.

Quelles peuvent être les modalités du dialogue national ?

C’est toute la question. La crise est telle que la plupart des Maliens ont conscience qu’il y a nécessité de se parler entre eux.  Comment organiser, c’est là où il y a divergence. Chacun a son schéma derrière la tête. Le format est celui de la conférence nationale comme on l’a connu. Faire appel aux « forces vives de la nation »,  ceux qui sont du pouvoir et ceux de l’opposition ainsi que la société civile. Je pense que ce schéma n’est pas bon. Tous ces segments sont partie prenante de la crise et ne sont pas à même de trouver la solution.

Si c’est le pouvoir qui organise ce sera peu crédible comme processus, parce que la confiance au niveau de l’Etat est telle que les gens verraient d’un mauvais œil que ce soit l’Etat qui organise un tel dialogue national. De l’autre côté, il y a ceux qui se prétendent de l’opposition qui parlent de refonder l’Etat. Je pense que l’on ne peut pas parler de refondation sans mettre en cause les schémas institutionnels et ceux qui se disputent le pouvoir. Parce qu’aussi bien l’Etat que ses contradicteurs ont une part de responsabilité dans la déliquescence de la situation actuelle. Donc les populations auront du mal à faire confiance aux forces politiques de manière générale. Et la société civile malheureusement pour la plupart a émergé sur un terrain politique. Si je prends les chefferies traditionnelles, elles sont discréditées aujourd’hui. Les religieux aussi dans leur prise de position pour ou contre le pouvoir politique y ont laissé beaucoup de plumes.

Cela veut dire que le schéma traditionnel qui consiste à coopter les représentants des différents secteurs de la société marchera difficilement. Je pense qu’il faut inverser la démarche. Que ce soit un dialogue national du bas vers le haut. Il faut arriver à instaurer un débat à la base au niveau des plus petites organisations du pays (village, hameau, …). Et un débat ouvert à tout le monde de façon personnelle. De ce dialogue, des représentants et des portes paroles vont émerger. La deuxième étape consistera à désigner des délégués pour représenter à l’étape supérieure (arrondissement, …) et ainsi de suite. Ces représentants vont parler au nom des communautés de base et jusqu’au niveau national. A ce niveau un nouveau leadership va s’imposer à l’Etat. Et la synthèse sera l’émanation de la volonté populaire. Quitte à l’Etat de travailler cette synthèse et sa mise en application. Au terme de cela, il y aura une nouvelle forme d’organisation de l’Etat, une nouvelle charte des partis, de nouveaux textes, une nouvelle constitution, ….  Ce processus sera difficile à être accepté par les partis politiques et même l’Etat.

Quelles peuvent être les modalités du dialogue national ?

Le schéma traditionnel, qui consiste à coopter les représentants des différents secteurs de la société, marchera difficilement. Il faut inverser la démarche. Que ce soit un dialogue national du bas vers le haut. Il faut arriver à instaurer un débat à la base, au niveau des plus petites organisations du pays (village, hameau, …). Et un débat ouvert à tout le monde de façon personnelle. De ce dialogue, des représentants et des porte-paroles vont émerger. Ils parleront au nom des communautés de base jusqu’au niveau national.

Comment mettre en œuvre ce modèle ?

La tâche des experts, des juristes par exemple, sera de donner un habillage juridique à cette volonté populaire. Ce ne seront plus les experts qui vont inventer une Constitution, la plupart du temps importée. Les juristes auront pour tâche de traduire en actes juridiques la volonté populaire exprimée au cours des assises nationales. Il faut laisser les Maliens s’exprimer librement. Ce doit être un débat entre Maliens, il n’y aura pas d’étrangers.

Compte tenu des échéances à venir, aurons-nous le temps de tenir ce dialogue ?

Il faut mettre une croix sur le projet de révision constitutionnelle et sur la prolongation du mandat des députés, parce que de nouvelles instances doivent sortir de ce dialogue national. Ce sont des questions qui vont être réglées, parce qu’une  nouvelle Constitution sera définie et qu’un nouveau processus électoral sera lancé. Ses bases seront définies et une nouvelle représentation verra le jour à l’issue des assises. C’est un nouveau Mali, dans tous ses aspects, qui va être défini.

Un nouveau Mali ?       

Une nouvelle république. Maintenant pour aller à cette nouvelle république au sortir des assises nationales, nous pouvons mettre en place une transition qui va exclure tous les acteurs actuels. Un organe intérimaire qui va piloter tout cela pour aller vers un Mali nouveau, c’est possible. Ce schéma ne conviendra pas aux partis. S’ils parlent d’une transition , ils vont parler de gouvernement d’union nationale mais cela ne va pas résoudre les problèmes du pays. C’est un mauvais schéma.

Mais cela ne peut se faire qu’avec une véritable mobilisation populaire. Il faut que les gens se mobilisent  pour réclamer quelque chose de radicalement nouveau. C’est cette pression qui peut mettre hors-jeu les forces politiques actuelles.