Youssouf Tapo : l’artiste toujours détenu en Côte d’Ivoire

L’artiste, chanteur et compositeur malien Youssouf Tapo a été arrêté le 11 novembre 2023 à Bouaké, en Côte d’Ivoire, avec 7 membres de son équipe. Une détention qui s’inscrit dans un climat de tension où les relations artistiques et culturelles entre le Mali et la Côte d’Ivoire sont de plus en plus mises à l’épreuve.

À Bouaké pour un concert qui était prévu au Centre culturel Jacques Aka, le chanteur Youssouf Tapo a été interpellé le même jour par les forces de sécurité. Et, depuis près d’un mois, l’incompréhension règne. Le manager de l’artiste, Papa Konta, affirme toujours aujourd’hui ne pas connaitre les raisons de cette interpellation, car elles n’ont pas été divulguées. Le 30 novembre 2023, la Team Maliba a organisé un point de presse afin de fournir plus de détails sur cette interpellation en terre ivoirienne et solliciter l’implication de tous pour une libération. Le manager s’est rendu durant une semaine à Bouaké sans avoir eu accès à l’artiste. Les proches de Youssouf Tapo dénoncent un manque de transparence sur les raisons de son arrestation. Selon une source sécuritaire ivoirienne, les organisateurs ont fait appel à des videurs (gros bras) d’Abidjan pour sécuriser le concert à Bouaké. Ce qui a soulevé des questions au niveau des agents de la sécurité nationale, qui ont décidé de mettre aux arrêts l’artiste, l’organisateur et les gros bras pour enquête.

Aly Inèba Guindo, Chargé de Communication du ministère de la Culture, affirme que le département est au courant de la situation de Youssouf Tapo et travaille avec le ministère des Affaires étrangères, en collaboration avec l’ambassade du Mali en Côte d’Ivoire, qui lui fait parvenir régulièrement des rapports sur la situation. Selon lui, tout est mis en œuvre pour avoir des explications sur son arrestation et obtenir sa libération. En Côte d’Ivoire, silence radio du côté des autorités, ce qui donne libre cours aux interprétations. Certains proches et internautes lient cette affaire à celle des 49 militaires ivoiriens arrêtés au Mali en juillet 2022, qui avait considérablement refroidi les relations entre les deux pays. Même si, comme le confient certains observateurs, Youssouf Tapo et son staff n’ont pas cette envergure. Toutefois, les relents de cette affaire sont toujours présents. Pour rappel, le concert de Salif Keïta  prévu pour le 17 novembre dernier à Abidjan a été aussi annulé après plusieurs semaines d’appel au boycott. L’artiste ivoirien Didi B, qui devait effectuer un concert à Bamako en septembre 2022, avait dû l’annuler à cause des tensions autour des 49 militaires, quelques jours après l’artiste malienne Mariam Bah, qui devait se produire en Côte d’Ivoire.

Raffinerie d’or au Mali : pour quelle rentabilité ?

Le Mali a signé un accord avec la Russie pour la construction d’une usine de raffinage de l’or lors de la visite d’une délégation ministérielle dans ce pays ce mois-ci. D’une capacité de 200 tonnes, l’unité industrielle pourrait être la première de la sous-région. Mais le défi reste sa rentabilité, car l’or produit localement est principalement raffiné hors du continent.

Le Mali a produit 72,2 tonnes d’or en 2022, dont 66,2 tonnes dans des mines industrielles. Cet or est essentiellement raffiné hors du pays. Mené par des sociétés spécialisées, le raffinage est l’activité industrielle qui consiste à « purifier l’or pour le porter à 999,9 pour 1 000 carats ». L’or pur est destiné au marché international et, en dehors de celle implantée en Afrique du Sud, les unités de raffinage sont peu nombreuses sur le continent.

« Au Ghana, les raffineries sont devenues des éléphants blancs », explique un acteur du domaine. Parce qu’il faut une masse critique, estimée à environ 500 tonnes par an, pour les rendre rentables. Au Mali, les sociétés Marena Gold et Kankou Moussa affinent des quantités qui ne sont pas industrielles. « Elles font du service », affinent et donnent au vendeur, contrairement aux raffineries, qui vendent pour le compte des sociétés productrices.

Rentabilité

Pour atteindre ce seuil de rentabilité, le Mali pourrait compter sur l’or des sociétés qui n’ont pas de problème à vendre sur place. C’est même l’idéal, car cela diminue les risques qu’elles prennent en le transportant jusqu’à la raffinerie, ajoute notre interlocuteur. Mais il faut que la raffinerie soit d’un standard international afin de pouvoir vendre partout.

Il est possible d’avoir une raffinerie d’une capacité de 200 tonnes par an. Mais sera-t-elle rentable ? Une question essentielle, parce qu’il s’agit d’une industrie très gourmande en énergie, ce qui pourrait augmenter le coût de production de l’or et le très cher, donc peu compétitif.

Ce qui pourrait être fait est de créer un marché de consommation de l’or, en mettant  en place une industrie de bijoux pour les vendre sur le marché international. L’autre alternative est d’installer des succursales de certaines raffineries, des antennes locales qui permettront aux sociétés d’exploitation d’éviter certains problèmes. Mais tout ceci est dans l’intérêt des sociétés minières. Celui de l’État demeurant le prélèvement des droits et autres taxes.

Kidal : le pari Gamou

Nommé le 22 novembre dernier Gouverneur de la région de Kidal après la reprise de la ville par l’armée malienne, El Hadj Ag Gamou est très attendu pour assurer la continuité du contrôle et de l’autorité de l’État dans la zone. Mais, pour y arriver, le Général touareg doit relever certains défis.

Deux semaines après sa nomination, le Général El Hadj Ag Gamou a quitté Bamako le 5 décembre 2023 pour l’Adrar des Ifoghas. Sa délégation a fait escale à Gao, où il a prêté serment dans la foulée.

Avant de s’envoler pour Kidal, le nouveau Gouverneur de la région a rencontré à Bamako les plus hautes autorités de la Transition, dont le Colonel Assimi Goïta. « Il a mis cette période à profit pour des rencontres avec différents ministres pour acquérir les conseils et orientations autour de ce qui l’attend. Toute cette organisation faite à Bamako, avec l’ensemble de son cabinet, entre en droite ligne avec le programme qui lui a été confié », affirme une source proche du général Ag Gamou.

Le nouvel homme fort de la région de Kidal a annoncé les couleurs de sa mission à sa sortie d’audience avec le Président de la Transition, le 24 novembre 2023. « Je vais tout faire dans l’intérêt général de la population de Kidal, faire venir tous les services sociaux de base et faire en sorte que la population de Kidal, qui a été trop fatiguée par l’insécurité, revienne chez elle et que cette région soit une région normale, comme toutes autres de la République du Mali », a-t-il promis.

Choix stratégique

L’une des principales missions assignées au Général Ag Gamou à Kidal est la consolidation de la cohésion sociale, qui passe par la réconciliation et le retour des déplacées dans la région. Issu de la fraction Imghad, dans une zone où la chefferie traditionnelle est détenue par les Ifoghas, dont sont issus la plupart des rebelles de la CMA, le nouveau Gouverneur pourrait toutefois se heurter à un rejet d’une partie des Kidalois. Contactés, les cadres de la CMA ont d’ailleurs préféré ne pas réagir à sa nomination.

Mais Alhassane Ag Hamed Ahmed, membre du Conseil communal des jeunes de Kidal, qui soutient que les Imghads et les Ifoghas de Kidal « cohabitent très bien » et qu’il n’y a « jamais eu une rivalité grave entre ces deux fractions », pense que le choix des autorités de la Transition porté sur El Hadj Ag Gamou est le bon. « Il a l’esprit d’un bon leader et, à la différence des Gouverneurs précédents, il connait bien le terrain », glisse-t-il, mettant tout de même l’accent sur l’appui indispensable du gouvernement dans la réussite de sa mission. « Les gens de Kidal n’ont pas peur de Gamou et ils le connaissent mieux que beaucoup d’autres, à Bamako ou ailleurs. Il faut qu’il ait l’appui des autorités mais aussi la pleine latitude de décider et de proposer des initiatives en tant que militaire », préconise-t-il.

Pour le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koïna, le Général Ag Gamou possède des atouts et dispose de plusieurs leviers pour réussir la réconciliation et le retour des déplacés à Kidal.

« Gamou est un symbole. Il est aussi un des cadres Touaregs qui appelle à la paix et qui a la confiance des plus hautes autorités. La majorité des Touaregs sont des Imghads. Si c’est Gamou qui les appelle à retourner à Kidal, je pense que ce sera plus écouté que si c’était fait par d’autres personnes », analyse-t-il.

Ménaka impactée ?

La nomination du Général Ag Gamou à Kidal pourrait impacter la situation sécuritaire dans la région de Ménaka, d’où il est originaire et où lui et ses hommes du Groupe d’auto-défense Imghads et alliés (GATIA) jouent un rôle-clé dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Pour l’heure, les forces du Général Gamou y sont toujours, mais il n’est pas exclu qu’elles se déplacent vers Kidal avec l’installation du nouveau Gouverneur.

« À Ménaka, cette nomination est plutôt bien vue. Même si certains membres du GATIA de Ménaka se déplacent vers Kidal, il n’y a pas que le GATIA dans la zone. Il y a aussi le MSA de Moussa Ag Acharatoumane, qui va rester », relève Dr. Koïna.

Mais une telle situation favorisera-t-elle la multiplication d’attaques terroristes dans la région de Ménaka, qui vient par ailleurs d’être visée, avec les localités de Labbezagan, Gossi et Tessalit, le 3 décembre dernier ?

« Je pense que les groupes extrémistes et les rebelles vont plutôt chercher à déstabiliser l’armée dans d’autres zones que Ménaka et Kidal », estime l’expert.

COP 28 : le Mali cherche la bonne température

Le Mali fait partie des 20 pays les plus vulnérables au changement climatique, selon l’index Notre Dame Global Adaptation Initiative (ND-Gain). Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), en Afrique de l’Ouest, il est prévu une augmentation de la température moyenne de 3,3°C d’ici 2 100. Elle pourrait atteindre 4,7°C dans la moitié nord du Mali. Le changement climatique frappe donc durement les plus pauvres et les plus vulnérables. C’est pourquoi il est attendu des décideurs réunis à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, pour la COP 28, des mesures concrètes pour répondre à la menace immédiate.

Canicules, sécheresses, inondations, pluies torrentielles ou tempêtes, les phénomènes extrêmes dus au changement climatique se sont multipliés par 5 dans le monde entre 1970 et 2019, selon l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Outre les dégâts environnementaux, ces catastrophes ont négativement impacté le taux de mortalité et l’économie. Environ 2 millions de décès dus à ces catastrophes ont été enregistrés en 50 ans. Des chiffres qui ont évolué d’environ 170 morts par jour au début des années 1970 à 40 aujourd’hui.

Sur le plan économique, les pertes liées au changement climatique ont été multipliées par 7 les 50 dernières années dans le monde. Aux États-Unis, ces évènements ont coûté plus de 2 000 milliards de dollars pour la même période. Un coût qui, selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), pourrait atteindre entre 140 et 300 milliards de dollars par an pour les pays en développement dans les prochaines années.

Vulnérabilité accrue

Le Mali fait face depuis plusieurs décennies aux impacts de la dégradation des conditions climatiques. Désertique sur une large partie de son territoire, il compte 124 millions d’hectares, dont 60% de désert, 4% de forêts potentielles et 36% de terres utilisables pour l’agriculture et l’élevage. Estimée à plus de 22 millions d’habitants en 2022, sa population vit principalement en milieu rural et enregistre un taux de croissance annuelle de 3,3%. L’économie, essentiellement basée sur l’exploitation des ressources naturelles, accroît la dépendance aux aléas du climat. L’agriculture et l’élevage représentent respectivement 16,2% et 15,2% du PIB, le sous-secteur forêt 7,2% et la pêche 5%, selon les données de l’INSTAT.

La hausse de températures, les sécheresses, les inondations, les vents forts et les vents de sable sont des manifestations visibles de l’impact négatif du changement climatique sur l’environnement au Mali. Selon l’Évaluation environnementale intégrée au Mali (EEI), réalisée en 2022 conjointement par le PNUD et le PNUE en collaboration avec le gouvernement, les parties prenantes onusiennes et la société civile, les projections montrent que la température de l’air au Mali pourrait augmenter de 2,0°C à 4,6°C d’ici 2080 par rapport aux niveaux préindustriels. D’après les mêmes constats, le pays connaît depuis 2005 une période relativement riche en pluies. Mais celles-ci sont plus irrégulières et respectent moins la saisonnalité. En outre, elles s’accompagnent généralement d’inondations qui causent d’énormes dégâts et font des victimes. Même s’il demeure des incertitudes quant à l’évolution de la pluviométrie, en raison de sa grande variabilité, les estimations de Mali Météo font état d’une diminution de la pluviométrie de 22% sur la période 1950 – 1970 et entre 1971 et 2000, d’après une étude réalisée en 2011. « Depuis 10 à 15 ans, l’isohyète 1 500 mm a disparu, Bamako et ses environs ont connu une sahélisation et les zones désertiques et semi-désertiques ont progressé jusqu’à la latitude de Mopti (14°31’N) ».

La croissance démographique et l’augmentation de la pression sur les ressources naturelles accentuent la dégradation de l’environnement au Mali. Les superficies agricoles ont connu une augmentation annuelle de 8% entre 1984 et 2020. Le système, essentiellement extensif, se fait donc au détriment des espaces forestiers et des pâturages. Les faibles rendements ne permettent pas de couvrir tous les besoins et l’utilisation de produits phytosanitaires contribue non seulement à dégrader la santé humaine mais constitue un facteur supplémentaire d’érosion des sols, de pollution des eaux et de destruction de l’écosystème. L’agriculture irriguée est la principale consommatrice d’eau, avec 97%.

Ces facteurs climatiques, combinés à un contexte sécuritaire dégradé depuis 10 ans, contribuent à une forte urbanisation et à ses conséquences sur la diminution des espaces naturels autour des villes, ainsi qu’aux insuffisances dans la gestion des déchets solides et liquides. De 600 000 en 1960, la population urbaine est passée à 9 millions en 2020 et représente 44% de la population totale.

Solutions collectives

Même si les plus touchés ne sont pas les plus grands pollueurs, nous sommes « tous responsables, même à des degrés divers », de la planète qui souffre, explique Berthé Minian Bengaly, Directrice du Centre international pour le conseil (CICF), spécialisé en accompagnement et formation dans les domaines de la finance durable, de la sécurité et du changement climatique au Mali depuis 2010.

Puisque « les conséquences concernent tout le monde », les solutions doivent être globales. L’une des raisons de la COP, qui réunit les acteurs publics et privés. Engagée dans la sensibilisation, surtout du secteur privé, pour la prise en compte de la pertinence du changement climatique, l’organisation s’attèle à accompagner les « entreprises à changer de modèle économique » pour s’approprier des innovations liées au changement et les mettre en œuvre dans les chaînes de production.

Pour la Présidente du CICF, la COP 28 est surtout l’opportunité pour les pays en développement de se faire entendre et de mettre en œuvre la responsabilité collective. Il s’agit de nouer des contacts afin que le secteur privé puisse bénéficier des fonds disponibles, dont souvent il n’a pas connaissance ou ne sait pas comment y accéder. L’occasion est bonne pour « faire des prospections, voir le bon créneau pour être éligible et préparer l’adaptation. Car on ne peut plus évoluer de manière classique », conclut-elle.

Également présente à la COP 28, Fatoumata Boubou Koita est la Présidente du Mouvement Mali Propre (MMP), fondé en 2018. L’organisation évolue dans les domaines de la sensibilisation et de l’éducation environnementale, la communication et l’entrepreneuriat vert.

Faisant le constat qu’au Mali l’insalubrité, avec une prédominance des déchets plastiques, est un fléau qui contribue à cette dégradation de l’environnement et menace la vie des animaux, elle ne se contente d’un rôle d’observatrice. Le mouvement prépare 3 activités et envisage des projets capables d’aider les jeunes et les entreprises afin de créer une synergie d’action avec le Sahel et le monde. Le « Green circle » est destiné à faire partager les expériences et à proposer des solutions vertes. Le MMP prévoit aussi une mobilisation éducative pour participer au renforcement de capacités, parce qu’en la manière les innovations sont permanentes et qu’il faut s’en inspirer pour les adapter à notre contexte. Le film « Gnaman », « Des ordures en or ou comment transformer les déchets en richesse », sera présenté au public. Une manière d’envisager la création d’une chaîne de valeur et de réunir les acteurs « pour faire des déchets une nouvelle alternative pour créer des emplois ».

Investissements durables

Les banques multilatérales de développement ont souscrit à une déclaration commune le 3 décembre 2023 lors de la COP 28 à Dubaï. Elles se sont engagées à renforcer leur collaboration avec leurs clients, partenaires au développement, société civile et secteur privé, afin de réduire la pauvreté et les inégalités et de faire face aux crises. Déterminées à renforcer leur « ambition climatique », les banques se disent « prêtes » à « consolider les progrès et les résultats majeurs obtenus au cours de l’année écoulée ». Ainsi, en 2022, elles ont conjointement engagé 61 milliards de dollars de financement climatique pour les économies à revenu faible et intermédiaire, soit une hausse de 18% par rapport à 2021, et près de 100 milliards de dollars dans toutes les économies où elles opèrent.

Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le financement de l’adaptation représente 37% de cette somme et le cofinancement climatique a atteint 46 milliards de dollars, dont 15 milliards provenant de la mobilisation de financements privés.

Alliance des États du Sahel : réussir là où le G5 Sahel a échoué

Alors que le processus d’opérationnalisation de l’Alliance des États du Sahel (AES) est enclenché, le G5 Sahel, déjà à l’agonie avec le retrait du Mali en mai 2022, semble promis à une « mort » inévitable avec les retraits du Niger et du Burkina Faso. Pour plusieurs observateurs, le sort du Sahel se joue désormais au sein de la nouvelle Alliance entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Depuis la signature de la Charte du Liptako-Gourma actant la création de l’Alliance des États du Sahel, le 16 septembre 2023, la page du G5 Sahel semble avoir définitivement été tournée dans la région. Après les retraits du Burkina Faso et du Niger le 29 novembre dernier après celle du Mali en mai 2022, l’organisation sahélienne est bloquée dans son fonctionnement et réduite uniquement au Tchad et à la Mauritanie.

« La naissance de l’AES marque la fin du G5 Sahel. Déjà, il était mort depuis un bon bout de temps. Depuis que le Mali s’en était retiré, il n’y avait plus de continuité géographique. Maintenant, avec l’Alliance, il est sûr et certain que le G5 Sahel ne pourra pas survivre », tranche Dr. Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel.

Bakary Sambe, Directeur du Timbunktu Institute, est du même avis. « Cette alliance signe la mort du G5 Sahel. Il faut savoir que le Mali, le Niger et le Burkina Faso étaient des pivots du G5 Sahel.», appuie-t-il.

Faire mieux que le G5 Sahel

Selon Dr. Koïna, l’Alliance des États du Sahel, qui réunit les 3 pays du Sahel central et dont le financement repose entièrement sur les contributions de ses membres, contrairement au G5 Sahel, qui dépendait de financements externes, est mieux outillée pour atteindre les objectifs de sécurisation et de développement de la région sahélienne.

« La mutualisation des efforts entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger a déjà permis de réaliser des succès significatifs en matière de défense », a souligné par ailleurs le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdoulaye Diop le 27 novembre, à l’ouverture des travaux des experts des pays de l’AES.

En effet, les forces armées des trois pays mènent simultanément depuis quelques semaines des frappes intenses et ciblées sur les positions des groupes terroristes dans la Zone des trois frontières.

Pour le chef de la diplomatie malienne, nul doute que l’AES engrangera à long terme des résultats probants pour la région, parce que c’est un « mécanisme innovant, avec un leadership et une appropriation véritablement africains des solutions endogènes aux défis rencontrés par les pays de l’Alliance ».

ADEMA – RPM : jusqu’où ira le rapprochement ?

À l’approche des futures échéances électorales, les lignes semblent bouger dans la classe politique. L’Alliance pour la démocratie au Mali – Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) et le Rassemblement pour le Mali (RPM) ont tenu le 20 novembre dernier une rencontre à l’issue de laquelle les deux formations politiques ont annoncé les couleurs d’un futur cheminement commun.

« Les deux parties ont convenu de mettre en place une commission de travail paritaire pour poursuivre la réflexion sur l’élaboration d’un projet politique commun et formuler des recommandations sur l’ensemble des questions d’intérêt national soulevées », indique le communiqué conjoint ayant sanctionné la rencontre.

Les deux anciens partis présidentiels, qui ont déclaré avoir une convergence de vues sur des questions liées à leurs relations bilatérales, à la situation sociopolitique et sécuritaire du pays et l’internationale, ainsi que d’autres sujets d’intérêt, se sont également engagés à « œuvrer ensemble pour contribuer au renforcement de la sécurité de la gouvernance, à assurer la réussite de la Transition en vue d’un retour apaisé et sécurisé à l’ordre constitutionnel à travers un cadre politique beaucoup plus dynamique ».

Alliance électorale en vue

L’annonce de l’élaboration d’un projet politique commun entre l’ADEMA et le RPM sonne comme le début d’une alliance politique électorale entre les deux partis en vue des échéances électorales à venir.

D’ailleurs, à l’ADEMA, on ne s’en cache, pas d’autant plus que le parti a toujours milité pour la mise en place d’une large coalition soutenant une candidature unique à la prochaine élection présidentielle de fin de la Transition. « Avec le RPM, nous sommes tout à fait dans l’optique d’une alliance politique électorale. La raison d’être des partis politiques est la conquête et l’exercice du pouvoir. Vu le contexte actuel, il faut que nous nous mettions ensemble pour aller à cette conquête, avec un projet commun qu’on pourra offrir au peuple malien », affirme Yaya Sangaré, Secrétaire général de l’ADEMA.

Si l’aboutissement du rapprochement des deux partis à une alliance électorale n’est également pas exclu du côté du RPM, le ton y est beaucoup plus mesuré. « N’allons pas trop vite en besogne », temporise Sékou Niamé Bathily, Chargé de Communication du RPM. « Nous allons laisser le soin aux membres du comité paritaire de se retrouver et de décider ce qui va se passer après et nous verrons bien. Les deux directions vont ensuite donner le ton », glisse-t-il, soulignant que les deux formations politiques ont actuellement une convergence de vues et se dirigent « certainement vers une synergie d’actions ».

À en croire le porte-voix du RPM, le parti, à l’origine, avait décidé de démarcher plusieurs formations politiques suite à l’organisation de son 1er Congrès extraordinaire, comme c’est le cas traditionnellement après un congrès où le parti présente à ses partenaires le renouvellement de sa direction, mais aussi celui des points de convergence entre les différents camps politiques.

« C’était cela d’abord l’objectif pour le RPM, dans un premier temps. Mais, avec l’ADEMA, nous avons une histoire commune et nous partageons suffisamment de choses. C’est pourquoi nous avons jugé d’aller un peu plus en profondeur et de mettre en place un comité paritaire entre les deux partis afin de travailler à préparer l’avenir ensemble, à avoir un projet commun pour diriger les destinées du Mali à nouveau », explique M. Bathily.

Quel poids ?

L’Adema-Pasj a présidé aux destinées du Mali pendant 10 ans, de 1992 à 2002, à travers les deux mandats du Président Alpha Oumar Konaré. Le RPM, de son côté, a été au pouvoir pendant 7 ans, de 2013 à 2020, avec le Président Ibrahim Boubacar Keita. Les deux partis politiques ont également une très grande assise sur toute l’étendue du territoire national et conservent un certain poids sur l’échiquier politique.

Mais une éventuelle candidature unique, soutenue par une alliance politique, dans le contexte actuel, augmenterait-elle leurs chances de reconquérir le pouvoir ? « Je pense que non. Ils ne pourront pas briguer à nouveau la magistrature suprême, du moins pas dans l’immédiat, à l’issue de la présidentielle de fin de transition. Le RPM a considérablement baissé en popularité, d’autant plus qu’aux yeux de nombreux Maliens ce parti est plus ou moins responsable de la mauvaise gestion du Mali ces dix dernières années. L’Adema également est un peu comptable de ce bilan, parce qu’elle a toujours été dans la majorité présidentielle », répond un analyste.

G5 Sahel : le Niger et le Burkina Faso quittent l’organisation

Le Burkina Faso et le Niger, ont annoncé samedi s’être retirés de l’organisation antiterroriste G5 Sahel, suivant l’exemple du Mali, parti en mai 2022. Les deux pays «ont décidé en toute souveraineté du retrait du Burkina Faso et du Niger de l’ensemble des instances et organes du G5 Sahel, y compris la Force conjointe», à compter du 29 novembre, indiquent-ils dans un communiqué. Les deux pays justifient leur retrait par des « lourdeurs institutionnelles, des pesanteurs d’un autre âge qui achèvent de nous convaincre que la voie de l’indépendance et de la dignité sur laquelle nous sommes aujourd’hui engagés est contraire à la participation au G5 Sahel dans sa forme actuelle ». Les deux Etats n’entendent pas non plus « servir les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel encore moins accepter le diktat de quelque puissance que ce soit » peut-on lire dans le communiqué. Quelques heures après l’annonce de cette décision, un document de la commission de l’Union européenne a circulé sur les réseaux sociaux. Dans ce document daté du 23 octobre, on pouvait y lire que l’UE qui finance en grande partie le G5 Sahel suspendait son soutien aux composantes nigérienne et burkinabé de la force conjointe du G5 Sahel. La décision est intervenue également alors que les trois pays : Mali, Burkina Faso, Niger renforcent leurs liens au sein de l’Alliance des Etats du Sahel. En mai 2022, le Mali, également gouverné par des militaires depuis 2020, avait quitté le G5 Sahel, invoquant une organisation « instrumentalisée par l’extérieur ».

À sa création en 2014 pour lutter contre le terrorisme au Sahel, l’organisation était composée du Mali, du Burkina, du Niger, de la Mauritanie et du Tchad. La force conjointe a elle été lancée en 2017.

Alliance des États du Sahel : la pleine opérationnalisation en marche

Instituée le 16 septembre dernier par la signature de la Charte du Liptako-Gourma entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, dans l’objectif d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle aux parties contractantes, l’Alliance des États du Sahel (AES) vient d’amorcer à Bamako sa pleine opérationnalisation.

Un peu plus de deux mois après sa création, l’opérationnalisation de l’Alliance des États du Sahel est en marche, conformément aux dispositions de la Charte du Liptako – Gourma qui prévoyait à son article 15 qu’elle serait « complétée par des textes additionnels, en vue de la mise en œuvre des dispositions prévues à l’article 3 », qui lui-même stipulait que « les Parties contractantes mettront en place ultérieurement les organes nécessaires au fonctionnement et mécanismes subséquents de l’Alliance et définiront les modalités de son fonctionnement ».

Aller vite et bien. Tel semble être le mot d’ordre des plus hautes autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la mise en place de cette nouvelle Alliance, dont la phase de concrétisation est enclenchée depuis le 23 novembre 2023, avec des concertations ministérielles à Bamako.

Accélérer l’intégration économique

Une première réunion ministérielle de l’Alliance des États du Sahel sur le développement économique dans l’espace du Liptako-Gourma s’est tenue le 25 novembre 2023 dans la capitale malienne, réunissant les ministres chargés de l’Économie et des Finances, de l’Énergie, du Commerce et des Industries des pays membres. Cette réunion ministérielle sur les questions de développement économique visait à créer une synergie d’actions pour l’accélération du processus d’intégration économique et financière de l’Alliance.

Précédée de la rencontre des experts, les 23 et 24 novembre, qui ont échangé sur différentes thématiques telles que les échanges commerciaux, la circulation des personnes et des biens au sein de l’AES, la sécurité alimentaire et énergétique, la transformation industrielle, les potentialités et perspectives, le financement,  l’intégration économique, l’arsenal réglementaire et les réformes nécessaires, elle a accouché de plusieurs recommandations.

Celles-ci portent sur l’accélération de la mise en place de l’architecture juridico-institutionnelle et des mécanismes de financement des instances de l’AES, l’amélioration de la libre-circulation des personnes dans l’AES et le renforcement de la fluidité et de la sécurité des corridors d’approvisionnement, en luttant notamment contre les pratiques anormales et les tracasseries dans l’espace AES.

Les ministres ont aussi opté pour l’accélération de la mise en œuvre de projets et programmes énergétiques, agricoles, hydrauliques, de réseaux de transport routier, aérien, ferroviaire et fluvial dans les États de l’AES, la création d’une compagnie aérienne commune, le développement des aménagements hydro-agricoles d’intérêt commun, pour booster la production agricole, la construction et le renforcement des projets d’infrastructures et la mise en place d’un dispositif de sécurité alimentaire  commun aux trois États de l’AES à travers des organes dédiés.

Ils ont en outre recommandé la réalisation d’infrastructures adaptées pour le développement du cheptel et la mise en place d’abattoirs modernes pour l’exportation de la viande et des produits dérivés de l’espace AES, le développement des stocks de sécurité pour améliorer les capacités de stockage en hydrocarbures, la mise en place d’un fonds pour le financement de la recherche et des projets d’investissements énergétiques et en matière de substances énergétiques, notamment à partir de l’exploitation des ressources minières.

Parmi les autres recommandations figurent la réalisation des projets de centrales nucléaires civiles à vocation régionale, l’élaboration d’une stratégie commune d’industrialisation des pays de l’Alliance, la promotion du financement d’infrastructures communautaires par la diaspora, la mise en place d’un Comité d’experts pour approfondir les réflexions sur les questions de l’Union économique et monétaire, la promotion de la diversification des partenariats et la création d’un fonds de stabilisation et d’une banque d’investissement de l’AES.

Les ministres de l’Économie et des Finances des pays membres ont également décidé de la mise en place d’un Comité de suivi de la mise en œuvre de toutes les recommandations issues de leur réunion. « Il y a de bonnes idées, comme le G5 Sahel. Maintenant, il s’agit de les matérialiser. C’est cette matérialisation qui pose beaucoup de problèmes. Il ne s’agit pas de se réunir ou de seulement planifier », estime Hamidou Doumbia, porte-parole du parti Yelema.

Une architecture institutionnelle en gestation

En prélude à la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Alliance des États du Sahel qui s’est tenue le jeudi 30 novembre, toujours à Bamako, les experts des trois pays se sont réunis les 27 et 28 novembre et se sont penchés sur des propositions pour une structure institutionnelle de l’Alliance, avec les différents organes à mettre en place et l’articulation entre ces organes, à travers des mécanismes de fonctionnement et d’articulation clairement établis.

Ils ont en outre eu pour tâche de compléter la Charte du Liptako-Gourma, texte constitutif de l’AES, pour intégrer aux aspects de défense et de sécurité la dimension diplomatique et les questions relatives au développement économique de l’espace commun aux trois États. « Nous vous chargeons de nous proposer les bases pour faire de l’AES cette Alliance que nos populations attendent, cette Alliance qui leur fera sentir et vivre des conditions améliorées, en œuvrant à la paix et la stabilité ainsi qu’au développement harmonieux de nos États », a dit le Chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, à l’ouverture des travaux.

« Nous attendons de vous des recommandations pour que le Burkina, le Mali et le Niger, liés par une histoire, une culture et des valeurs communes, mais surtout liés par une relation stratégique particulière, puissent parler d’une seule et même voix partout où cela sera nécessaire », a-t-il ajouté.

Les travaux des experts étaient organisés en différents sous-comités, dont « Diplomatie et questions institutionnelles », « Défense et Sécurité » et « Questions de développement économique ». Selon une source au ministère des Affaires étrangères du Mali, leurs recommandations, qui n’ont pas fait l’objet de communication, seront soumises à l’examen des ministres des Affaires étrangères lors de la réunion de ce jeudi, avant d’être rendues publiques à la fin de la session ministérielle.

Bras de fer en vue avec la CEDEAO ?

Le processus d’opérationnalisation de l’AES est enclenché à quelques jours de la tenue du prochain sommet ordinaire de la CEDEAO, avec laquelle sont en froid les 3 pays membres de l’Alliance. D’ailleurs, l’AES, née dans un contexte où l’institution sous-régionale ouest africaine brandissait la menace d’une intervention militaire au Niger pour réinstaller le Président déchu Mohamed Bazoum, s’apparente pour certains observateurs à une organisation « rivale » de celle-ci.

« L’alliance des États du Sahel est en train de prendre une autre forme, qui peut peut-être sembler être une substitution à la CEDEAO ou une alliance qui accepte ceux qui ne sont pas forcément en ligne droite avec les principes démocratiques. Cela me semble très circonstanciel », glisse le politologue Cheik Oumar Doumbia.

Selon nos informations, au cours du sommet de la CEDEAO prévue le 10 décembre prochain à Abuja, au Nigéria, les Chefs d’États vont à nouveau se pencher sur la situation dans les pays en transition et exiger le retour à l’ordre constitutionnel dans les délais convenus. Les sanctions contre le Niger pourraient être maintenues et le Mali pourrait en subir de nouvelles, suite au report sine die en septembre dernier de l’élection présidentielle, initialement prévue pour février 2024.

Mais, selon certains observateurs, l’opérationnalisation enclenchée de l’AES pourrait contribuer à freiner les ardeurs des Chefs d’États de la CEDEAO dans la prise de sanctions contre les trois pays de l’Alliance, qui pourraient alors claquer la porte de l’organisation sous-régionale.

« Un éventuel éloignement de l’Alliance des États du Sahel pourrait remettre en question la cohésion et la solidarité au sein de la CEDEAO. Ces trois pays sont géographiquement situés en plein cœur de la région et leur intégration est essentielle pour la mise en œuvre des projets régionaux, tels que les infrastructures de transport et le commerce transfrontalier. Leur départ pourrait donc ralentir ou compromettre ces projets », avertit un analyste.

DEF 2023 : pas d’orientations pour près de 1 700 établissements secondaires privés

Après six longs mois d’attente, les orientations du DEF session de mai 2023 sont disponibles depuis le 28 octobre 2023. Si elles mettent fin à une certaine angoisse chez les élèves, elles l’ont créée chez certains promoteurs de lycées privés, qui n’ont pas eu d’élèves orientés et qui craignent aujourd’hui de mettre la clé sous la porte. 

Si pour certains observateurs et parents d’élèves les orientations du DEF session 2023 ont beaucoup tardé, car ils s’inquiètent de voir comment les établissements pourront terminer les différents programmes en six mois, sans compter d’éventuelles grèves, plusieurs établissements secondaires privés n’ont pas obtenu d’élèves cette année. Sur 72 688 élèves réguliers orientés dans les établissements secondaires, 29 900 l’ont été vers des établissements publics, au nombre de 111, soit un total de 42%, contre 41 000 élèves, soit 58%, dans 869 établissements privés sur 2 539 sur l’ensemble du territoire national. Selon un promoteur de lycée qui a requis l’anonymat, lors des orientations de la session du DEF 2021-2022, son établissement n’avait pas reçu d’élèves de la part du gouvernement, ce qui a fait que l’année dernière il n’avait pas de classe de 10ème. Cette année, le même scénario se dessine pour le jeune promoteur, qui craint d’ailleurs la fermeture de son école si la situation perdure encore l’année prochaine. M. Kaba Diok, PDG du groupe scolaire et universitaire Toubakôrô Alassane Doucouré, assure que chaque année les écoles publiques envoient des quotas au niveau de la Cellule de planification statistique (CPS) et qu’après la proclamation des résultats l’État priorise ces établissements. Ce n’est qu’ensuite qu’il partage le reste des effectifs entre les lycées et les centres de formation professionnelle. La grogne naissante des promoteurs enfle alors que depuis plusieurs jours un rapport du Vérificateur général sur la période 2017-2022 révèle 19 milliards de francs CFA de fraudes et de mauvaise gestion dans le cadre des subventions de l’État accordées aux établissements privés. Selon ce rapport, « des subventions ont été versées sur la base d’attributions irrégulières d’élèves aux établissements privés alors qu’ils étaient initialement orientés vers les établissements publics ». Un rapport similaire de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI) a fuité sur les réseaux sociaux en août dernier. L’OCLEI a par la suite rédigé un communiqué pour se désengager du contenu publié, qui n’était pas encore définitif selon la structure.

Conseil national de transition : une perpétuelle reconfiguration

Depuis sa mise en place, en décembre 2020, le Conseil national de transition (CNT) a connu plusieurs réaménagements. Passé de 121 à 147 membres en octobre 2022, conformément aux recommandations des Assises nationales de la Refondation, l’organe législatif transitoire a vu sa composition évoluer fréquemment.

Le 23 octobre 2023, le Président du CNT, le Colonel Malick Diaw, a annoncé la suspension pour 1 mois de 4 membres pour « absences non justifiées lors des travaux des commissions et des séances plénières de la session d’octobre 2023 ». Cette suspension, qui consiste en « l’interdiction de participer aux activités du CNT et la perte du bénéficie du salaire et des indemnités », concernait Mohamed Ag Intallah, Aménokal de Kidal, Mohamed Ali Ag Mattahel, Akli Ikan Ag Souleymane et Boubacar Sidigh Taleb Sidi Ali, tous proches des groupes armés du Nord. Deux d’entre-eux, Akli Ikan Ag Souleymane et Boubacar Sidigh Taleb Sidi Ali, ont annoncé dans la foulée leur démission de l’organe législatif transitoire.

Démissions et décès

Avant ces deux dernières démissions en date, le Conseil national de transition en avait connu bien d’autres. Quelques jours plus tôt, l’ancien député RPM Mamadou Diarrassouba, cité dans une affaire d’atteinte aux biens publics, avait rendu le tablier pour se « mettre à la disposition de la justice ».

Le 8 décembre 2020, trois jours après la séance inaugurale du CNT, lors de laquelle il était absent, l’Imam Oumarou Diarra s’était officiellement retiré de l’organe, expliquant dans la lettre de démission adressée au Président de la Transition que le CNT ne correspondait pas à ses attentes et qu’il aurait été une réussite seulement après une concertation entre les acteurs cités dans la Charte.

Kadidiatou Haidara, fille du leader religieux et Président du Haut conseil islamique du Mali, Chérif Ousmane Madani Haidara, qui avait été nommée au CNT en décembre 2020 mais n’y a jamais siégé, a été remplacée en octobre 2021. Par la suite, le Lieutenant-Colonel Adama Diarra avait démissionné de son poste, étant appelé à d’autres fonctions dans la lutte contre la prolifération des armes légères.

Nommés respectivement Consul général du Mali à Guangzhou en Chine, Consul général du Mali à Bouaké et Consul général du Mali à Lyon en France, Mamadou Sory Dembélé, ancien Président de la Commission Santé, le Colonel Abdoul Karim Daou et Sory Ibrahima Diakité, 4ème Secrétaire parlementaire, ont eux aussi quitté le CNT en octobre 2021. Par décret N°2023-PT-RM du 11 août 2023, ils ont été remplacés par MM. Hama Barry, Mohamed Albachar Touré et Mahamadou Coulibaly.

Dans une lettre adressée au Président du Conseil national de transition datée du 27 juillet 2023, mais rendue publique le 8 août, l’artiste Salif Keita avait également soumis sa démission « à compter du 31 juillet 2023 », pour des « raisons purement personnelles ». Le célèbre chanteur, qui a avait indiqué rester toujours « l’ami incontesté des militaires de mon pays », a été nommé une semaine plus tard Conseiller spécial du Président de la Transition.

Suite au décès de certains de ses membres, le CNT a aussi connu des changements en son sein. Décédé en janvier 2021, Abdrahamane Ould Youba a été remplacé par Sidi Mohamed Ould Alhousseini et l’ancien Président de l’ADEMA Marimantia Diarra, qui a tiré sa révérence le 23 juillet dernier, a été remplacé par l’ingénieur Oumar Maiga.

Décrets abrogés

Condamné le 14 septembre dernier à deux ans de prison, dont un ferme, pour « atteinte au crédit de l’État », le leader du mouvement « Yerewolo debout sur les remparts », Adama Ben Diarra dit « Ben le Cerveau », a vu son décret de nomination au CNT  abrogé le lendemain de sa condamnation par le Président de la Transition.

Avant lui, Issa Kaou Djim, ancien grand soutien du Colonel Assimi Goita, avait connu le même sort. Poursuivi pour atteinte au crédit de l’État, interpellé sur la base du flagrant délit, placé en détention provisoire le 29 octobre 2021 puis libéré le 8 novembre 2021, l’ancien 4ème Vice-président de l’organe législatif de la transition avait vu son décret de nomination être abrogé 24h après par le Président de la Transition.

Arrêté pour son implication présumée dans une tentative de déstabilisation des institutions de la Transition, le Colonel Amadou Keita, qui occupait de hautes fonctions au CNT, a lui aussi été renvoyé de l’institution le 24 juin 2022, suite à l’abrogation de son décret de nomination.

Mise en place de délégations spéciales : la CODEM s’inquiète

À l’issue du Conseil des ministres du 18 octobre dernier, le gouvernement a annoncé la mise en place de délégations spéciales dans certaines collectivités territoriales, suite aux dysfonctionnements, irrégularités et insuffisances constatés après des missions de contrôle et de suivi effectuées par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. À la CODEM, la pertinence « d’une telle décision à pareil moment » est mise en cause. Dans un communiqué daté du 27 octobre 2023, le parti de l’ancien ministre Housseini Amion Guindo déplore l’absence de transparence sur la désignation des collectivités territoriales concernées, s’interroge sur le suivi de la procédure légale en la matière et déplore la non dissolution des collectivités concernées au cas par cas, « seul préalable avant une telle décision, qui ne doit avoir aucun caractère global ». « Le parti CODEM suit avec beaucoup d’attention la mise en place desdites délégations spéciales, tout en souhaitant qu’elles soit faite avec objectivité et dans l’intérêt exclusif des collectivités concernées », précise le communiqué. Selon une source à la direction générale des collectivités territoriales, ces changements vont toucher les maires et conseillers communaux de Bamako notamment la Commune II, VI et le District. Les communes urbaines de Kayes, Ségou, Mopti, San, Bougouni, Kéniéba, Nioro du Sahel, Gao, Kita ainsi que certaines assemblées locales et régionales de ces localités.

Pour rappel, une délégation spéciale est une forme de gouvernance temporaire mise en place dans une municipalité ou une collectivité locale lorsque les organes normaux de gouvernance, tels que le conseil municipal, ne sont pas en mesure de fonctionner normalement. Cette mesure est généralement instaurée en réponse à une crise ou à des circonstances exceptionnelles qui empêchent le fonctionnement normal des institutions locales.

Diversifier les sources d’énergie : une solution à long terme

Le secteur de l’électricité au Mali est marqué par une forte dépendance à l’importation de carburants pour la production thermique. Selon une étude du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), en 2020 la capacité de production électrique était de 1024,92 MW, dont 835 MW pour l’ensemble d’EDM SA. Le thermique représentait 69%, pour 26,8% d’hydroélectrique et 4,2% de solaire.

En 2020, le Mali avait un taux d’électrification de 50,56% à l’échelle nationale – 96% en milieu urbain et 21,12% en milieu rural. Cela se traduisait par 10,24 millions de personnes ayant accès à l’électricité contre 10,01 millions n’y ayant pas accès. En milieu rural, 8,79 millions de personnes n’avaient pas accès à l’électricité.

Coûts et risques élevés

Malgré un potentiel important en ressource solaire, les coûts d’investissements dans les mini-réseaux solaires PV ne sont pas concurrentiels par rapport au thermique, note le rapport. Ceci s’explique par les nombreux risques d’investissement dans le contexte. Il en résulte un coût plus élevé de l’électricité produite par les mini-réseaux solaires PV. Mais l’investissement dans des actions publiques d’atténuation des risques peut créer des économies importantes et favoriser la réalisation des objectifs du Mali en termes d’électrification rurale par le biais de mini-réseaux solaires à l’horizon 2030. Le coût moyen de l’électricité produite par les mini-réseaux pourrait diminuer de 83,2 centimes de dollars US à 51,1 centimes par Kwh grâce à l’atténuation des risques.

Au Mali, la consommation finale totale (CFT) d’énergie a été estimée à 5 511 Ktep. Les produits pétroliers ont représenté 20% de cette consommation finale, soit 12% de la consommation de produits pétroliers dans l’espace UEMOA. L’électricité représente 5% de  la CFT et 15% de la consommation d’électricité de la sous-région.

Selon la Commission de régulation de l’eau et de l’énergie (CREE), le coût moyen de l’électricité produite au Mali est inférieur à celui de la sous-région. En 2019, le tarif moyen de l’électricité par kilowatt était de 90 francs CFA pour un coût de production d’environ 120 francs. Un manque à gagner pour la société productrice qui est compensé par l’État en termes de subventions, même si celles-ci ne couvrent pas la totalité du gap, d’où des dettes importantes.

Ainsi, malgré des coûts initiaux d’installation élevés, l’énergie solaire présente la  meilleure option, compte tenu du potentiel de notre pays en la matière. Représentant 51% de la puissance installée d’EDM SA, l’hydroélectricité, qui constitue également une énergie propre, a cependant ses limites. Les changements climatiques et la baisse du niveau des précipitations incitent à opter pour d’autres sources, comme le solaire ou l’éolien.

Délestages : jusqu’à quand ?

De plusieurs heures dans la capitale à plusieurs jours dans certaines localités, les coupures d’électricité ont atteint une ampleur jamais égalée. Mettant à mal l’activité économique et provoquant la colère des consommateurs, ces délestages intempestifs sont devenus le lot quotidien des clients de la société Énergie du Mali (EDM). Entre absence d’investissements et mauvaise gestion généralisée, le bout du tunnel semble encore loin.

Dans une interview diffusée sur ORTM1, la chaîne nationale, le 24 octobre 2023, la ministre en charge de l’Énergie et de l’eau depuis le 1er juillet 2023 a tenté d’expliquer les nombreux délestages subis dans la fourniture de l’électricité.

Surfacturations, vols de carburants, pénuries organisées et autres fraudes, les pratiques malsaines au sein de la société chargée de la production et de la distribution de l’électricité ont atteint un niveau inquiétant, selon elle. La mauvaise gestion au sein d’EDM, qui est même devenue un instrument politique aux dires de la ministre, ne date pas de maintenant. Un véritable système où commerçants et travailleurs sont complices. Souvent, au lieu d’une facture, ce sont deux à trois qui ont été retrouvées pour un seul récépissé de réception.

Suite aux contrôles effectués, c’est un montant d’un milliard six cents millions de factures supplémentaires qui a été enregistré chez un seul fournisseur sur deux mois de vérification. Chez un autre, rien qu’en 2022 ce sont 52 factures supplémentaires pour un montant de 18 milliards de francs CFA qui ont été découvertes.

Les principaux fournisseurs auxquels EDM doit de l’argent sont ceux qui lui livrent des carburants et ceux qui lui fournissent de l’électricité. Pour une dette totale de 600 milliards de francs CFA et 800 fournisseurs.

Ce manque de rigueur généralisé a même entraîné un déficit de production qui a empiré au fil du temps, expliquant la dégradation actuelle. Selon la responsable du département, le fioul, plus économique, aurait été délaissé au profit du gasoil, exonéré et facilement détourné. Ainsi, entre Balingué, la centrale qui reçoit et distribue le carburant aux autres centrales du pays, « des quantités » importantes ont disparu, « des manquants qui se sont accumulés ». Jusqu’à 59 citernes en 4 jours.

Une déclaration qui a mis le feu aux poudres et fait bondir les syndicats. Lors d’une Assemblée générale suivie d’une conférence de presse, le 27 octobre 2023, les représentants des trois syndicats d’EDM ont contesté les propos de la ministre.

Arrêter l’hémorragie

Pour résoudre de façon urgente les problèmes et réduire les délestages, la ministre évoque quelques pistes. Des sanctions à l’encontre de ceux qui ont commis des fautes et l’identification de tous les protagonistes impliqués dans cette chaîne de fraude. Dans la foulée, Madame Bintou Camara a rencontré les opérateurs pétroliers le 30 octobre 2023. L’une des mesures adoptées est la « réduction drastique du nombre des fournisseurs », qui passe de 800 à 4 sociétés. « Dans un avenir proche », la première responsable du département de l’Énergie promet d’élaborer des contrats de management de la quantité de carburant livrée pour accentuer les contrôles dans ce domaine. Ce qui permettra en outre de faire du stockage et de prévenir les coupures, parce qu’il n’existe pas pour le moment de seuil d’alerte. Avec les promesses de livraison prochaine de carburant en provenance de Russie, la desserte pourrait s’améliorer, promettent également les autorités.

Les pertes de la société sont aussi financières et il y a un besoin pressant de mobiliser entièrement les recettes. Les problèmes de trésorerie au niveau d’EDM ne datent pas non plus de maintenant. En effet, plusieurs fois, pour payer les salaires, la société était obligée de faire des découverts à la banque, s’installant dans un cycle infernal d’endettement qui a atteint des sommets, confie un ancien agent.

EDM a donc besoin d’encaisser toutes ses factures, ce qui n’est pas encore le cas, notamment auprès des services de l’État, qui sont de grands consommateurs mais de mauvais payeurs.

Estimées à 20 milliards de francs CFA, les recettes mensuelles, dont 18 milliards servent à payer les fournisseurs et 2 milliards les salariés, doivent être améliorées, en même temps qu’une diminution des charges. Dont celles du personnel, estimé par la ministre à 2 500 travailleurs et environ 500 stagiaires. Un dernier chiffre contesté par les syndicats, qui dénoncent des recrutements inopportuns, surtout suscités par les autorités, ne reconnaissant que 15% de « part » dans le dernier recrutement.

Assumer les responsabilités

Refusant d’être les « responsables » de cette situation, les représentants du Syndicat national des Constructions civiles, des mines et de l’énergie (SYNACOME) se sont dits « touchés » par les propos de leur autorité de tutelle. « Nous sommes témoins que les gens travaillent à l’EDM. Nous sommes atteints lorsqu’on nous accuse d’être des voleurs. Nous ne sommes pas tous bien, mais ces propos nous ont touchés », a dit Baba Dao, Président du SYNACOME. Expliquant que leurs familles ainsi que des agents de terrain ont été mis en danger par les propos tenus, il propose comme solution le financement.

C’est au ministère de définir la vision qui va permettre d’assurer l’alimentation du pays en électricité. L’élément déclencheur de la situation que nous vivons aujourd’hui ne date pas de maintenant, explique un acteur du domaine. Si la définition de la politique (notamment du choix du mix énergétique) est le rôle de l’État, la fourniture de l’électricité, principalement dans les grandes villes, revient à l’EDM. L’AMADER et d’autres acteurs s’occupant d’autres aspects.

Malgré la forte demande, « EDM n’a pas intérêt à raccorder de nouveaux clients, parce que le prix de vente moyen de l’électricité est inférieur à son coût de production ». Chaque nouveau client est donc un trou de plus ajouté au déficit. Cependant, les pertes d’EDM augmentant, il faut s’interroger. Ce prix de revient est-il optimisé ? La plus grande part de l’énergie produite est thermique. Elle fonctionne à partir de carburant que nous importons et dont nous ne maîtrisons pas le prix. Le second problème est la mauvaise gestion d’EDM. « Il faut donc assainir et bien gérer le peu que nous avons », suggère-t-il. Le vol de carburant dénoncé est réel, poursuit-il. Le fait que beaucoup de travailleurs ont leurs propres sociétés qui sous-traitent des marchés est aussi une réalité, tout comme les surfacturations et bien d’autres choses. Des sociétés qui n’ont aucune expertise et se voient attribuer des marchés sur des fausses bases. Tout cela mis bout à bout ne peut qu’augmenter les charges. S’agissant du personnel, il doit aussi être optimisé, avec les compétences nécessaires. À EDM, il faut réduire les pertes techniques et commerciales. Parmi les mesures urgentes, il faut aussi envisager de contrôler la consommation afin d’éviter le gaspillage énergétique et réduire les pertes auprès des gros consommateurs, en mettant en place des « systèmes automatisés au lieu d’investir un milliard pour augmenter la capacité et réduire les gaspillages en investissant la moitié de cette somme », par exemple.

De janvier à septembre 2023, l’État assure avoir subventionné la société EDM à hauteur de 106 milliards, pour payer notamment ses fournisseurs. Il a également reconstitué son capital pour 146 milliards. Mais EDM est confrontée à des difficultés d’investissement dans ses installations de production, de transport et de distribution. La société, endettée et déficitaire, n’arrive pas non plus à s’autofinancer. Ses coûts de production d’énergie se situent entre 140 et 160 francs CFA le kWh, alors qu’elle le vend aux populations 90 francs CFA en moyenne. En février dernier, trois ministres, Abdoulaye Maïga, Alousséni Sanou et Lamine Seydou Traoré (alors ministre de l’Énergie) avaient été mobilisés par le gouvernement lors du Salon des investisseurs pour l’Énergie au Mali (SIEMA 2023), dans l’optique de plaider auprès des partenaires pour débloquer près de 600 milliards de francs CFA pour le Plan de Développement du sous-secteur de l’Électricité sur la période 2022 – 2026. L’activité de deux jours, qui a réuni plus de 200 participants, n’a finalement réussi à récolter que 50 milliards.

Aujourd’hui, si les autorités promettent moins de délestages, espérant qu’il n’y aura plus de ruptures dans la fourniture de carburant, elles invitent à la patience, car l’amélioration promise n’est pas encore au rendez-vous. Dans la capitale, la grogne monte, même si ses formes ne se dessinent pour l’heure pour la plupart que sur les réseaux sociaux.

Tchikan : Fousseyni Maiga est de retour

Avec plusieurs réalisations primées à l’international à son compte, dont le court métrage de fiction « Wolonwula » qui a remporté à lui seul 18 prix internationaux, le long métrage « Sira », qui a obtenu un prix spécial lors du dernier FESPACO à Ouagadougou et le 3ème prix du meilleur long métrage de fiction au festival Teranga de Dakar, Fousseyni Maiga, journaliste-réalisateur, revient avec un nouveau long métrage intitulé Tchikan, dont la sortie en avant-première est prévu pour le 3 novembre 2023.

Le film Tchikan raconte l’histoire de Madou Karatô, la soixantaine révolue, un macho égocentrique qui veut épouser trois femmes à la fois. Humilié dans sa propre famille et stigmatisé dans le village, il gagne au loto. Rejeté par tous auparavant, Madou Karatô décide de prendre une revanche sur la vie et de satisfaire ses vieux rêves d’enfance et de jeunesse. Premier long métrage du Mali dédié exclusivement à la thématique des violences basées sur le genre (VBG) et des abus sexuels, le film, de par son approche artistique et intemporelle, transcende plusieurs générations, plusieurs cultures, plusieurs idéologies et aborde les VBG sous le prisme des réalités sociales et de la responsabilité humaine. Le film démontre que les VBG et les abus sexuels sont le fruit d’une faillite sociétale et porte le message d’une action collective et responsable, « Agir avant que les victimes ne réagissent », tout en montrant une nouvelle voie portée vers plus d’actions concrètes en matière de lutte contre les abus.

Le budget global du film s’élève à 70 millions, intégrant les frais de développement, de production, de post-production et la promotion, ainsi que le financement de la tournée nationale pour des projections gratuites. 20 millions est le nombre estimé des personnes qui seront touchées par le film, à travers les diffusions en salles, sur les réseaux sociaux, dans les festivals et lors des projections grand public. Il est prévu 48 semaines de durée pour la tournée dans tous les quartiers du District de Bamako et dans toutes les capitales régionales du pays avant la diffusion TV et sur les réseaux sociaux. Au regard du rythme accru de ses productions, Fousseyni Maiga a été incontestablement le réalisateur malien le plus actif au cours des cinq dernières années.

Digitalisation des SFD : une innovation indispensable

En Afrique de l’Ouest en général, et au Mali en particulier, l’écosystème de la finance digitale reste principalement marqué par le Mobile money offert par les opérateurs de téléphonie et, dans une moindre mesure, par les applications de paiement et de transfert d’argent. Pour faire face au faible taux de bancarisation, la digitalisation offre des opportunités aux systèmes financiers décentralisés (SFD) qui entendent en profiter, mènent la réflexion.

Pour améliorer l’accès des populations les plus vulnérables aux services financiers, les acteurs des systèmes financiers décentralisés (SFD) envisagent de s’adapter. Afin de permettre à leurs structures d’être compétitives dans un environnement dynamique où la concurrence et le besoin de modernisation et de rénovation restent permanents. Cette digitalisation des services doit en effet permettre aux SFD d’améliorer l’accès aux services mais également d’atteindre leur diversification, la rapidité des opérations, la transparence ainsi que l’innovation.

Diagnostic nécessaire

Après plusieurs années de réflexion, les acteurs de la Commission de digitalisation des SFD et leurs partenaires du Projet inclusif ont examiné le 12 octobre dernier l’étude diagnostique pour la digitalisation de leurs produits financiers et non financiers. 12 SFD ont été concernés par cette étude, dont les résultats doivent permettre aux structures de mieux appréhender leurs transformations digitales à travers des actions spécifiques.

Initiée pour réduire l’exclusion, l’étude doit notamment pallier les contraintes rencontrées par les bénéficiaires du monde rural. Outre la digitalisation, elle vise à l’amélioration des services numériques, la réduction des coûts d’opération, l’obtention de davantage de lignes de financement et l’augmentation des chiffres d’affaires.

Le Projet inclusif ambitionne de favoriser l’inclusion financière de 440 000 petits producteurs et Petites et moyennes entreprises agroalimentaires des régions de Sikasso, Kayes, Koulikoro, Ségou et Mopti sur une période de 6 ans.

Fin juin 2023, le nombre de SFD dans l’UEMOA s’établissait à 524, après 530 au trimestre précédent. Les institutions de microfinance de l’Union desservent 17 772 024 clients à travers un réseau de 4 544 points de service répartis dans les États membres. Une année plus tôt, le nombre de bénéficiaires était de 16 658 585 pour 4 484 points de service, selon la note de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). À la même période, l’épargne mobilisée par les SFD de la région représentait 5% de celle mobilisée par les établissements de crédit.

Malgré ces chiffres en hausse, l’institution sous-régionale note des défis importants à relever par les SFD pour maintenir la dynamique positive, notamment la maîtrise des risques.

Coopération Mali – Russie : un nouveau tournant ?

Entre Bamako et Moscou, c’est « collé-serré » depuis le début de la Transition. Le rapprochement entre les deux capitales s’est renforcé avec la « rectification » de la Transition, en mai 2021. Une douzaine de mémorandums d’entente devant aboutir à la réalisation de nombreux projets viennent d’être signée entre les deux pays, à l’issue de la semaine russe de l’Énergie, qui s’est achevée le 16 octobre dernier à Moscou.

Au-delà du domaine militaire, dans lequel le Mali et la Russie ont suffisamment renforcé leurs liens ces deux dernières années, les deux pays s’accordent à diversifier leur coopération sur d’autres plans. La visite de la délégation malienne de haut niveau, conduite par le ministre de l’Économie et des finances Alousséni Sanou à Moscou du 11 au 16 octobre 2023, a posé les jalons de ce nouvel élan. Plusieurs conventions ont été signées dans des domaines tels que l’Énergie, les Mines, l’Agriculture ou encore les Transports, entre autres.

Selon le ministre de l’Économie et des finances, des accords juridiques ont été signés pour la réalisation de deux à quatre centrales nucléaires au Mali, chaque centrale ayant une capacité minimale de 55 mégawatts, l’installation d’une usine d’affinage d’or d’une capacité de 200 tonnes à Bamako, avec à la clé une formation gratuite du personnel malien en Russie, et un transfert permanent de compétences, l’exploitation de certains minerais, la création d’un cadastre minier plus détaillé, la fourniture de 350 000 tonnes d’intrants agricoles, toutes spécialités confondues, d’ici février 2024, ainsi que celle de 200 millions de litres de produits pétroliers à l’État du Mali.

Le gouvernement malien envisage, par ailleurs, en partenariat avec la Russie, la réalisation de deux lignes de tramway à Bamako, ainsi que la création d’une compagnie aérienne pour la desserte nationale et sous-régionale et l’accès du Mali à des satellites de communication. À en croire la ministre des Transports, cette compagnie aérienne devrait être opérationnelle dans un an.

« La relation économique entre le Mali et la Russie est au beau fixe aujourd’hui. Des projets structurants engageant l’État du Mali pour les cinquante années à venir sont signés. Il s’agit pour nous de veiller à la mise en œuvre de tous ces projets pour que le Mali puisse être rapidement un pays émergent », a indiqué Alousséni Sanou.

Nouvelle dimension

Pour le géopolitogue Abdoulaye Tamboura, l’annonce de la signature de ces différentes conventions entre le Mali et la Russie constitue un nouveau cap dans les relations entre les deux pays.

« Cette coopération a pris une nouvelle dimension. Auparavant, elle était axée sur les domaines militaire, minier et de l’éducation. C’est un renforcement des acquis entre le Mali et la Russie et c’est de bon augure pour les deux pays. Cela permet à la Russie de diversifier ses offres et au Mali de diversifier ses partenariats », souligne-t-il.

Toutefois, des observateurs s’interrogent sur la capacité de la Russie à matérialiser tous ces projets et promesses, dans un contexte de guerre avec l’Ukraine, qui mobilise beaucoup de moyens, et de sanctions occidentales sur le pays. En 2019, lors du premier sommet Russie – Afrique, le Président Vladimir Poutine avait promis de doubler les échanges avec le continent, les faisant passer de 20 milliards de dollars à 40 milliards. Cette promesse n’a pas été tenue, d’après l’Institut français des relations internationales (IFRI). La Russie part avec plusieurs trains de retard en Afrique. Selon des chiffres avancées par certaines chancelleries occidentales, le volume des échanges de l’Union européenne avec Afrique a atteint en 2022 163 milliards d’euros alors que pour la Russie, il était chiffré à 20 milliards d’euros. Ce choix assumé des autorités vers la Russie pourrait avoir comme conséquence que les Occidentaux se détournent définitivement du Mali.

En dépit de cela, le 26 juillet dernier, le Colonel Assimi Goïta a pris part au 2ème sommet Russie – Afrique à Saint Petersbourg. Invité personnellement par Vladimir Poutine, avec lequel il communique régulièrement par téléphone, le Président de la Transition accomplissait son premier séjour en dehors du Mali depuis sa prise de pouvoir en mai 2021. « Cela dénote de toute l’importance que le Président de la Transition accorde à la coopération entre la Russie et le Mali et de ses relations privilégiées avec le dirigeant russe », glisse un analyste.

UMAV : les difficultés s’accumulent

Alors qu’a été célébrée le 15 octobre dernier la Journée internationale de la Canne blanche, l’Union malienne des aveugles (UMAV) vit des heures difficiles.

Plus de 220 000. C’est le nombre de personnes aveugles au Mali, soit un taux de prévalence de la cécité estimé à 1,2%, selon le Programme national de Santé oculaire, qui a divulguéé ces chiffres le 9 octobre 2023. L’Union malienne des aveugles (UMAV), qui célèbre cette année ses 50 ans, traverse une période de turbulences. Chaque année, l’État lui octroie une subvention de 11 millions de francs CFA : 6 pour l’association et 5 pour l’école (Institut des jeunes aveugles). Cette somme est jugée insuffisante, voire dérisoire. L’UMAV a des structures de production, sous l’égide de la Société de production des aveugles (SOPRAM), dont l’unité de production de craies et celle de serpillières, qui traversent actuellement une période assez difficile, plus une fabrique des verres corrigés et une unité d’ophtalmologie. La SOPRAM compte aujourd’hui plus d’une cinquantaine d’employés, dont une majorité de jeunes aveugles déscolarisés qui arrivent à subvenir à leurs besoins sans pour autant aller mendier, assurent ses responsables. Almamy Gana, chef d’atelier de l’unité de production de craie, explique que, depuis sa création en 1988, elle n’emploie que des non-voyants, pour faciliter l’intégration de ces derniers. Ce travail leur permettait de prendre en charge leurs familles autrefois, mais l’atelier est actuellement confronté à des problèmes à cause de la mévente des produits. Il y a plus de 140 000 boites de craies en stock dans le magasin et les employés en sont à neuf mois de travail sans salaire. Selon lui, cela s’explique par la diminution du marché qu’octroyait l’État, de 50 à 25 millions annuels. « Cela fait six ans maintenant que la société ne bénéficie plus de ce marché et l’atelier est à l’arrêt depuis 3 ans ».

Soulagement. C’est ce qu’on ressenti les travailleurs de l’Union malienne des aveugles (UMAV) lorsqu’en décembre 2020 leur Président, Hadji Barry, fut nommé membre du Conseil national de transition (CNT). Ce soulagement fut de courte durée, puisque les impacts ne sont toujours pas visibles. Les derniers investissements étatiques au profit de l’UMAV remontent à 2018, lorsque les autorités ont inauguré un Centre d’accès universel aux télécommunications et aux TIC. Drissa Diarra, 3ème Vice-président de l’UMAV en charge du partenariat, assure que chacun à un rôle à jouer et que la population doit agir comme un ambassadeur pour toutes les personnes en situation de handicap.

Sécurité : pour les FAMa, objectif Kidal à « tout prix »

Après les prises d’Anéfis et de Tessalit, tous les regards sont tournés vers la ville de Kidal, dont le contrôle est le principal objectif de l’armée malienne. Alors que la MINUSMA accélère son retrait, « l’inévitable » bataille de Kidal semble plus que jamais imminente.

Dans sa note aux correspondants du 14 octobre dernier, la Minusma alertait sur les « tensions accrues dans le nord du Mali » qui augmentaient la probabilité d’un départ forcé de la Mission de cette région du pays. Une semaine après, le 21 octobre, la Mission onusienne a indiqué avoir achevé son retrait accéléré de sa base de Tessalit, dans la région de Kidal, « dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel ».

« Avant son départ, la MINUSMA a dû prendre la décision difficile de détruire, désactiver ou mettre hors service des équipements de valeur, tels que des véhicules, des munitions, des générateurs et d’autres biens, parce qu’ils ne pouvaient pas être retournés aux pays contributeurs de troupes auxquels ils appartenaient ou redéployés vers d’autres missions de maintien de la paix des Nations Unies », a précisé la Mission onusienne.

« Les FAMa occupent entièrement le camp de Tessalit. Nous allons défendre corps et âme cette emprise pour honorer le Mali. Il faut aussi savoir que l’ONU n’a laissé aucun matériel de guerre dans le camp. Tous les matériels de guerre ont été soit transportés soit détruits sur place », a confirmé le Chef du détachement FAMa de Tessalit.

La même procédure devrait s’appliquer pour le cas de Kidal, même si le gouvernement de transition, dans un communiqué, le 18 octobre dernier, soupçonne une « fuite orchestrée en prétextant des raisons fallacieuses », visant à « équiper les groupes terroristes en abandonnant délibérément des quantités importantes d’armes et de munitions pour réaliser leur dessein funeste ».

Retrait anticipé

La fermeture du camp de Tessalit, qui marque le premier retrait de la Minusma de la région de Kidal, a été suivie dans la foulée de celle du camp d’Aguelhok. « Nos Casques bleus ont quitté ce jour le camp d’Aguelhok, dans le cadre de notre retrait du Mali et dans la fourchette prévue dans le plan communiqué au gouvernement malien. La situation sur place était devenue très dangereuse pour leur sécurité, avec des informations faisant état de menaces réelles contre eux », a affirmé un communiqué de la Minusma le 23 octobre.

Si à Tessalit l’ex-camp de la Minusma a été rétrocédé à l’armée malienne, ce n’est pas le cas à Aguelhok, où les Casques bleus de l’ONU ont déserté leur ancienne emprise sans rétrocession aux autorités maliennes.

Alors que cette situation faisait craindre une confrontation entre l’armée et le CSP-PSD pour le contrôle du camp, les tensions se sont très vite exacerbées entre les deux parties. Selon un communiqué de l’armée du 24 octobre, qui a souligné que cette situation de départ précipité de la Minusma mettait en péril le processus entamé et menaçait la sécurité et la stabilité dans la localité d’Aguelhok, « les terroristes ont profité de ce désordre pour s’introduire dans le camp et détruire plusieurs installations. Ils ont été neutralisés par les vecteurs aériens des FAMa ».

Quant à la rétrocession du camp de Kidal, qui cristallise les attentions et est source de tensions entre l’armée malienne et la CMA, appuyée par Fahad Ag Almahmoud, la Minusma a indiqué évaluer « attentivement la situation en vue d’ajuster le plan de retrait de sa base dans la ville de Kidal », sans pour autant avancer de date précise. Elle a, selon des sources locales, évacué le 25 octobre une grande partie du personnel du camp de Kidal. Il ne reste plus que quelques soldats tchadiens et togolais qui partiront dans quelques jours. En attendant, la CMA et ses alliés ont pris position autour du camp.

Changement de stratégie ?

Le départ précipité de la MINUSMA de son emprise de la ville de Kidal, contrairement au calendrier initial, pourrait-il impacter le processus de récupération de ce camp par l’armée malienne ?  Pour Ibrahima Harane Diallo, chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au Sahel, bien qu’il aurait été souhaitable que la Minusma s’en tienne au calendrier de départ, ce changement n’affectera en rien les plans des FAMa, qui, selon certains observateurs, pourraient presser le pas et risquer des pertes en n’avançant pas à un rythme mieux « sécurisé ».

« À partir du moment où l’armée est déjà présente dans certaines localités telles que Ber, Anéfis ou encore Tessalit, cela suppose que stratégiquement elle peut s’emparer de Kidal », dit-il. « Cette question de changement de calendrier n’est pas à mon avis déterminante dans la stratégie militaire mise en place. Cela peut peut-être changer la tactique de l’armée, mais je ne suis pas sûr qu’elle apporte un changement de stratégie globale », confie celui qui est également chercheur associé au Timbuktu Institute.

À l’intérieur de la ville de Kidal, la CMA mobilise. Sur ses différentes pages, Alghabass Ag Intalla a lancé un appel à la jeunesse de « l’Azawad » afin qu’elle soit la protectrice de la patrie et des faibles. « Un pays que nous ne protégeons pas ne mérite pas d’y vivre », a-t-il ajouté. Dans une déclaration en date du 24 octobre signée du « Meeting de la population de Kidal », il est demandé à la MINUSMA de céder son emprise aux autorités locales. Le meeting, poussé par la CMA, annonce tenir désormais un sit-in permanent à l’aérodrome de Kidal, pour « empêcher tout atterrissage d’avions autres que ceux impliqués dans le processus de retrait de la MINUSMA ». Ce sit-in, s’il a lieu, pourrait mettre en place des boucliers humains, selon un analyste.

Communication contre communication

Comme nous l’écrivions dans l’une de nos récentes parutions, en prévision de la reprise des hostilités à Kidal plusieurs combattants venus de Libye se sont joints à la CMA. Ils ont apporté avec eux de nombreuses armes, dont des missiles sol-air pour tenter d’abattre les avions des FAMa. À en croire certaines sources, Fahad Ag Almahmoud et ses hommes, qui étaient principalement stationnés aux alentours d’Anefis, se sont rapprochés de Kidal. La tension est très vive et les principaux leaders de la CMA jouent une partie de leur va-tout sur la communication. « Nous nous battons pour défendre notre culture et nos aspirations politiques. Nous continuerons de nous battre jusqu’à obtenir un nouvel accord avec le gouvernement, qui nous garantira une administration en mesure d’offrir une nouvelle gouvernance à nos régions », clamait Bilal Ag Achérif, cadre de la CMA, dans une récente interview accordée à un journal étranger. D’habitude réservé, le Secrétaire général du MNLA multiplie les interviews avec des médias français et britanniques, dans lesquelles il lance des appels à des soutiens matériels et s’évertue à porter des accusations d’exactions sur les FAMa et « Wagner ». La présence du groupe paramilitaire au Mali n’a jamais été confirmée par les autorités, qui évoquent plutôt des instructeurs russes. Sur les réseaux sociaux, notamment X (ex-Twitter) et Facebook, des comptes proches de la CMA relaient des accusations d’exactions supposées sans toutefois apporter de preuves concrètes. Pour tenter de contrer cette communication, l’armée a réajusté sa stratégie. Les « longs » communiqués de la DIRPA sur deux ou trois pages ont été remplacés par des formats plus courts et plus digestes. Face au terme de génocide visant une communauté employé par des proches de la CMA, les autorités utilisent activement l’ORTM. Dans l’une de ses émissions, la chaine nationale a fait intervenir Zeidan Ag Sidilamine, un ancien cadre des mouvements rebelles des années 1990 qui a même été leur porte-parole et qui dément tout amalgame visant des Touaregs à Bamako.

Vers un nouvel accord ?

Une éventuelle prise de Kidal par les FAMa ne signifiera pas non plus la fin de la guerre. Même si, pour beaucoup d’analystes sécuritaires elle permettra de porter un coup aux groupes rebelles et terroristes en les privant d’une base arrière, après l’occupation de Ber. Et pour Bamako ce sera un énorme gain politique. Toutefois, les tactiques de guérilla et de harcèlement se poursuivront certainement. Jusqu’à quand ? La signature ou la relecture d’un Accord pour la paix, répond un analyste en géostratégie. Avec cette fois-ci « l’État en position de force ». Les différents protagonistes ont conscience que cette guerre d’usure ne pourra pas durer éternellement. La voie du dialogue est toujours ouverte, si l’on s’en tient aux différentes déclarations des autorités et des groupes armés. Avec quel médiateur ? L’Algérie toujours, mais son rôle est contesté. La CMA estime « être trahie » par Alger, qu’elle juge beaucoup trop silencieuse et qui ne ferait pas assez pression sur les autorités, qui, de leur côté, n’ont que peu goûté que le Président algérien reçoive une délégation de la CMA.

Minusma : un retrait mouvementé

Alors que la 2ème phase du retrait de la Minusma est marquée par des affrontements entre les Forces armés maliennes et les groupes armés du CSP-PSD, la mission doit également faire face aux accusations des deux parties mettant en doute sa neutralité. Une situation qui complique davantage le désengagement de la mission onusienne, désormais prise entre le marteau et l’enclume.

S’il était déjà difficile pour la Minusma de se retirer du Mali dans des conditions sécuritaires idoines, les accusations des différentes parties qui revendiquent le contrôle des camps de la mission la mettent définitivement dans une situation encore plus délicate.

Le 13 octobre, devant le corps diplomatique accrédité au Mali, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, n’a pas mâché ses mots sur la situation à Kidal, où, quelques jours plus tôt, les groupes armés de la CMA avaient pris le contrôle des positions avancés de la Minusma.

« Au-delà du manque de communication sur un sujet aussi sensible, le gouvernement déplore profondément l’abandon des unités maliennes du Bataillon des forces armées reconstitués et aussi l’encerclement et l’occupation de leur camp par la CMA sans aucune réaction de la Minusma », a-t-il fustigé, soulignant que le gouvernement avait été mis devant le fait accompli concernant l’occupation du Camp BAFTAR de Kidal.

Entre deux feux

Dans une note d’information en date du 16 octobre 2023, le ministère a exprimé son étonnement et dénoncé « l’action unilatérale de la Minusma, contraire à l’esprit de coordination et de collaboration voulu entre les deux parties dans le cadre du processus de retrait et non conforme au plan de retrait convenu en ce qui concerne le camp de Kidal ».

Le CSP-PSD, de son côté, a dénoncé dans un communiqué, le 13 octobre, un parti pris de la Minusma avec un « chronogramme flexible que nous soupçonnons d’être en phase avec le rythme opérationnel et tactique des FAMa ». « Nos remarques et suggestions sur la présence de zones d’ombres pendant les précédentes rétrocessions des emprises aux forces maliennes semblent avoir été purement et simplement écartées », a indiqué le CSP, prévenant que ses forces « ne sauraient rester observatrices dans la situation sans également agir ».

Menace d’attaque directe de la mission onusienne ? Pour Dr. Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel, cela semble très peu probable. « Les groupes armés ne veulent pas du tout se mettre à dos la communauté internationale, qu’ils sollicitent d’une manière ou d’une autre pour une solution pacifique. Certainement ils vont mettre la pression, mais je ne les vois pas directement attaquer les forces onusiennes », tranche-t-il.

Délai tenable ?

Selon la Résolution 2690 du Conseil de sécurité des Nations unies, le désengagement de la Minusma doit être effectif le 31 décembre 2023. Si, d’une part, le gouvernement du Mali et, de l’autre, les groupes armés du CSP-PSD tiennent au respect de ce délai, les Nations unies, également « déterminées à achever le retrait de la Minusma dans le délai prévu », se disent toutefois préoccupées par l’intensification des tensions et une présence armée croissante dans le nord du Mali, « qui risquent d’empêcher le départ ordonné et dans les délais ».

Dans une note aux correspondants en date du 14 octobre 2023, la Minusma a fait cas de convois logistiques n’ayant pas été autorisés à quitter la ville de Gao depuis le 24 septembre pour récupérer le matériel des Nations unies et des pays contributeurs de troupes actuellement à Aguelhok, Tessalit et Kidal. « Cela pourrait avoir un impact important sur la capacité de la mission à respecter le calendrier imparti ». Mais, selon le gouvernement, les autorisations concernant ces convois sont liées à la situation sécuritaire et seront délivrées « en fonction des améliorations constatées ».

« La Minusma va tout faire pour s’en tenir au délai. À défaut de pouvoir acheminer le lot de matériels, je pense qu’elle va les abandonner sur place. Mais le respect du délai est très important pour la mission et jusque-là le déroulement du processus nous conforte dans l’idée qu’elle va le respecter », affirme Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité.

Le 16 octobre, la Minusma a entamé, comme prévu, « dans un climat de haute tension », le processus de retrait de ses camps dans la région de Kidal, en commençant par Tessalit et Aguelhok. Cela alors que dans la matinée l’armée malienne, anticipant le décrochage, avait fait atterrir à Tessalit un avion qui a essuyé des tirs de rebelles séparatistes, mais qui a pu se poser et repartir sans difficulté après que l’aviation eût neutralisé les positions ennemies, selon un communiqué des FAMa. La Minusma a cité ces accrochages comme illustrant la détérioration rapide des conditions de sécurité pour la vie de centaines de soldats de la paix, indiquant que son personnel avait été contraint de chercher abri dans les bunkers en raison de ces échanges de tirs. Initialement prévu pour la mi-novembre, son retrait du camp de Kidal pourrait s’accélérer. Les camps de Tessalit et de Douentza ont été rétrocédés aux FAMa le 21 octobre dernier. Dans un communiqué publié hier 22 octobre, la mission onusienne a révélé avoir « achevé son retrait accéléré de sa base de Tessalit dans la région de Kidal, au nord du Mali, dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel. De nombreux soldats du contingent tchadien ont été rapatriés directement à Ndjamena à bord d’avions affrétés par leur pays. Pendant ce temps, les autres contingents présents à Tessalit, tels que l’équipe népalaise de neutralisation des explosifs et munitions (EOD), les ingénieurs cambodgiens et l’unité de services et de gestion de l’aérodrome bangladaise, sont tous partis à bord d’avions des Nations unies. Le personnel restant est parti dans un dernier convoi terrestre en direction de Gao le 21 octobre 2023, mettant fin à la présence de la mission à Tessalit. « Avant son départ, la MINUSMA a dû prendre la décision difficile de détruire, désactiver ou mettre hors service des équipements de valeur, tels que des véhicules, des munitions, des générateurs et d’autres biens, parce qu’ils ne pouvaient pas être retournés aux pays contributeurs de troupes auxquels ils appartenaient, ou redéployés vers d’autres missions de maintien de la paix des Nations Unies. Cette décision, qui constitue une option de dernier recours suivant les règles et procédures de Nations-unies, est due au fait que 200 camions, qui devaient se rendre dans la région de Kidal récupérer ce matériel, sont à Gao depuis le 24 septembre, faute d’autorisation des autorités au vu de la situation sécuritaire » peut-on lire dans le communiqué.

Aigles : préparation tronquée mais positive

Avec une cascade de blessures, les Aigles du Mali ont tout de même remporté leurs deux matchs de préparations. Quels sont les enseignements à en tirer ?

Ce serait un euphémisme de dire que cette fenêtre FIFA est spéciale pour le sélectionneur des Aigles du Mali. Sur les 27 joueurs convoqués pour les 2 rencontres amicales, 19 ont effectué le voyage vers le Portugal pour affronter l’Arabie Saoudite le 17 octobre. Les nombreuses absences n’ont pas pesé lourd sur ce match puisque les remplaçants, notamment Fousseini Diabaté et Lassine Sinayoko, se sont distingués. L’attaquant de l’AJ Auxerre, déjà buteur le 13 octobre face à l’Ouganda, a récidivé, démontrant aux yeux du sélectionneur être une véritable alternative. Ibrahima Koné, souvent titulaire à la pointe de l’attaque des Aigles, s’est grièvement blessé lors de ce match et doit subir une intervention en Espagne. Sa durée d’indisponibilité n’est pas encore connue. El Bilal Touré, blessé lors de la pré-saison, est sur la phase de retour et poursuit sa rééducation dans son club de l’Atalanta Bergame. Sekou Koita, le gaucher de Kita, est lui aussi blessé. Une réalité avec laquelle Éric Sekou Chelle a dû composer durant ces matchs amicaux. Moussa Djenepo qui était du rassemblement, également blessé, a dû retourner en Belgique.

Blessures en cascade

Si les Aigles ont dans le fond de jeu montré de belles choses et une grande efficacité face à l’Arabie Saoudite, un important casse-tête se pose à M. Chelle. À moins de 4 mois du début de la CAN, où le Mali est logé dans le groupe E avec la Tunisie, la Namibie et l’Afrique du Sud, et à 1 mois du début des éliminatoires pour la prochaine Coupe du monde, il va devoir trouver une formule intégrant une ossature déjà établie à un groupe qui a fait étalage de belles promesses. Pour ce rassemblement, les Aigles étaient privés de Lassana Coulibaly, Adama Traoré Malouda, Massadio Haidara, Amadou Haidara ou encore Cheick Doucouré. Yves Bissouma, touché lors du premier entraînement, est rentré en Angleterre, à Tottenham. En dépit de toutes ces absences, le Mali a montré un fond de jeu, ce qui faisait partie des objectifs que s’était fixé le sélectionneur. Désormais, toute l’attention d’Eric Sékou Chelle est tournée vers les prochaines échéances, avec l’espoir de récupérer tous ses joueurs afin d’avoir à disposition ses munitions au complet.

Projet de code pénal : nouveau visage de la justice ?

Débuté en 2017 par le ministère de la Justice et des droits de l’Homme, le processus de relecture du code pénal et du code de procédure pénale a franchi une nouvelle étape. Deux projets de loi portant code pénal et code de procédure pénale ont été adoptés par le Conseil des ministres le 11 octobre 2023. Deux textes qui ambitionnent de corriger les lacunes en la matière et d’améliorer la distribution du service public de la justice. En attendant leur validation, ces textes comportent des innovations qui, espèrent les acteurs, contribueront à mettre en phase les textes et la réalité.

Le code pénal et le code de procédure pénale en vigueur datent de 2001. Des textes qui après plus de 20 ans d’application ont montré leurs limites, face à l’évolution de la situation socio-économique. Ce qui justifie, selon les initiateurs, la nécessité d’une mise à jour pour permettre aux praticiens d’avoir des « instruments juridiques pertinents », capables de lutter efficacement contre la criminalité sous toutes ses formes. L’issue du processus vise à obtenir des codes « consensuels, modernes dont l’application contribuera non seulement à garantir la bonne gouvernance, la stabilité et la paix, mais aussi à restaurer la confiance des justiciables en la justice ».

Des innovations majeures

Désormais le code pénal regroupera toutes les dispositions pénales contenues dans des textes épars et concernant divers domaines. Le nouveau projet de code pénal comprend ainsi 702 articles contre 328 dans le code en vigueur. Selon le ministère de la Justice, il prend en compte la responsabilité pénale des personnes morales, la mise en danger de la vie d’autrui, la rétention des notes en milieu scolaire et universitaire, les violences basées sur le genre (VBG, harcèlement sexuel) les pratiques de l’esclavage par ascendance, la question des mineurs face au terrorisme, la définition et la répression de la haute trahison, le délit d’apparence, le financement occulte des partis politiques, notamment.

Pour les acteurs de la justice, le code introduit aussi la numérotation analytique qui permet à ces derniers de garder des repères solides dans l’exploitation du document. Le projet de code qui regroupe l’ensemble des textes pénaux rend plus facile la recherche des instruments juridiques en vigueur et éparpillés dans des documents distincts.

En ce qui concerne le projet de code de procédure pénale, il prévoit notamment, le relèvement des délais de prescription, le renforcement du rôle du Ministère public, la clarification des règles de garde à vue, une meilleure réglementation des conditions de plainte avec constitution de partie civile, l’adoption du référé-liberté pour combattre les détentions injustifiées, l’introduction formelle des techniques d’enquêtes spéciales, le double degré de juridiction en matière criminelle, la création des chambres criminelles permanentes au sein des tribunaux de grande instance avec la suppression des cours d’assises.

Le projet de code de procédure pénale comporte 1371 articles contre 634 dans le code actuel. L’une des innovations en la matière, souligne le ministère est l’incorporation au texte proposé de l’ensemble des textes déjà modifiés ou nouvellement adoptés (Pôle national économique et financier, l’agence des gestions des avoirs gelés, saisis ou confisqués, la loi portant répression de la cybercriminalité… L’autre avancée concerne l’internalisation de plusieurs dispositions résultant d’instruments juridiques communautaires, régionaux ou internationaux auxquels le Mali a souscrit (OHADA, UEMOA, Union africaine, CICR, Conventions diverses du système des Nations Unies). Des partenaires ont « poussé » pour cette modernisation des textes de la justice voient le jour. L’USAID à travers Mali Justice Project qui a pris fin en février dernier a pendant 7 années appuyé le ministère de la Justice dans le processus.

Grandes attentes

Ce processus de modernisation et d’adaptation à un nouveau contexte, répond à un besoin pressant et récurrent des acteurs de la justice. La « loi pénale étant d’interprétation stricte », Chaque infraction doit être précisément prévue ainsi que les peines encourues, ce qui constitue un facteur de garantie pour une justice plus équitable. La relecture ainsi entreprise s’inscrit dans un vaste chantier de réformes du secteur de la justice entrepris depuis plusieurs années. La démarche qui s’est voulue inclusive vise le double objectif de rendre nos textes conformes à la réalité mais également d’édicter des règles en phase avec nos valeurs profondément ancrées. C’est pourquoi, pour certains acteurs, il est urgent d’entamer un processus de révision afin de sortir du « mimétisme » et de la reproduction de modèles quels qu’ils soient. Un travail de refondation indispensable qui doit aller au-delà d’une relecture de textes, selon Adama Samassékou, président du comité d’experts pour l’élaboration du programme national d’éducation aux valeurs. Pour lui, ce processus doit constituer une phase d’une transition plus longue qui permettra à la suite d’une réflexion bien menée de mettre à l’endroit en accordant à nos pratiques du droit leur place afin d’aboutir à une révision en profondeur.

L’introduction de dispositions spécifiques prévoyant et condamnant « l’esclavage par ascendance » est une « bonne chose » parce qu’il faut effectivement condamner ce genre de pratique qui ne sont pas acceptables dans une société démocratique, relevait M. Nouhoum Tapily, ancien président de la Cour suprême, lors de l’atelier de validation en août 2022. Il est vrai que le monde évolue, mais « nous avons nos réalités sociétales qui font que certains comportements qui peuvent être tolérés ailleurs ne pourraient pas l’être à l’état actuel dans notre pays ». Ainsi l’homosexualité, même s’il n’est pas nommé et « certains actes qui s’apparentent à ce genre de pratiques » ne sont pas tolérés dans notre société, seront érigés en infraction.

Implications

Depuis l’indépendance, les textes organisant la répression des infractions n’ont connu qu’une relecture, celle de 2001. Or, depuis, de nouvelles infractions et un nouveau contexte ont justifié la nécessité d’un nouveau dispositif. Parmi les mesures annoncées, celles qui concernent la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, du blanchiment du produit de la corruption, du recel du produit de la corruption, entre autres constituent des axes majeurs pour la prise en compte de l’efficacité dans la lutte contre la corruption. En effet, plusieurs acteurs ont souligné les limites des poursuites et des condamnations à des peines de prisons si elles ne sont pas accompagnées de mesures coercitives pouvant permettre de récupérer les produits de ce qui aurait été déterminé.

Une préoccupation prise en compte par les nouvelles dispositions pour rendre plus efficients les résultats de la lutte.

Aussi la « simplification » dans la poursuite, la création de pôle spécialisé pourraient offrir plus de célérité dans les traitements et contribuer à diminuer le taux de détenus en attente de jugement. Un état de fait qui crée un véritable fossé entre les justiciables et ceux qui rendent la justice et augmentent la défiance à l’égard de la justice.

Une fois qu’elles seront adoptées la mise en œuvre de ces dispositions constituera le prochain défi que devront relever les autorités en charge du processus. Selon plusieurs acteurs, outre les moyens qui seront indispensables pour mettre en place les changements de dispositif, c’est l’appropriation des futurs textes qui doit être la priorité. Il faut effectuer des démarches auprès de toutes les forces vives du pays afin qu’elles s’approprient le document, préconise M. Tapily. Essentiel pour l’inclusivité mais aussi afin que les citoyens comprennent la loi qui leur sera appliquée. Parce que plus la loi est connue, plus les gens y adhèrent et plus elle devient efficace, soutient-il. Si les nouveautés dans ces textes sont appréciées, plusieurs observateurs attendent de voir à l’application avant de juger. Car, selon eux, la distribution de la justice par certains magistrats est liée aux goûts des princes du jour. Les deux projets de loi seront soumis au vote du CNT, mais aucune date n’est encore fixée.

Repères :

15 au 20 août 2022 : atelier national de validation

Projet de  Code pénal : 702 articles contre 328 dans le code en vigueur

Projet de  Code de procédure pénale : 1371 articles contre 634 dans le code actuel

Gao et Tombouctou : comment s’adapter au couvre-feu ?

Les couvre-feux instaurés à Gao et Tombouctou par les différents gouverneurs ont été prorogés le 9 octobre. Comment s’adaptent les populations et comment accueillent-elles cette prorogation ?

Après l’attaque du bateau de la COMANAV en provenance de Gao le 7 septembre dernier, avec 49 morts civils et 15 militaires maliens, et l’attaque le lendemain du camp de Gao par des groupes armés terroristes, un couvre-feu nocturne a été instauré dans la ville de Gao jusqu’au 9 octobre, reconductible. Presque dans la foulée, à Tombouctou, alors que la ville est soumise à un blocus et cible de tirs d’obus de la part du JNIM, le gouverneur de la région, le Commissaire divisionnaire Bakoun Kanté, a instauré également un couvre-feu allant du 11 septembre au 10 octobre 2023, de 20h à 6h du matin. Ces mesures ont été prorogées alors que les populations essayent encore de s’adapter. À Tombouctou, elles ont été un peu allégées, passant de 20h à 21h. Même si elle est contraignante, la majorité des habitants de Tombouctou approuvent la décision, selon des sources sur place. « La ville a besoin de sécurité, il faut moins de personne dans les rues, surtout la nuit, pour que les forces de l’ordre puissent faire leurs opérations de sécurisation à travers la ville », assure Tandina El Hadj Beyt’allah, blogueur de la Cité des 333 Saints. Il ajoute qu’il n’y a pas eu de grand changement dans les habitudes des Tomboctiens, « les gens s’habituent au couvre-feu, ils rentrent le soir à la maison avec des provisions ». À Gao, où le couvre-feu dure de 22h à 6h du matin, avec un allègement de 2 heures par rapport au mois dernier, les commerçants soufflent un peu mais réclament plus. Souley Ibrahim, un résident de Gao, affirme que depuis l’instauration du premier couvre-feu « la sécurité de la ville s’est nettement améliorée. Il n’y a pratiquement plus d’enlèvements et les habitants se sentent plus en sécurité ». Abdoul Karim Samba, Président d’une association locale de la société civile, affirme qu’un seul cas de braquage a été recensé durant la période du premier couvre-feu. Si la mesure est appréciée sur ce point, elle n’enchante pas une partie de la population, surtout les commerçants et les boutiquiers, qui sont obligés de fermer leurs structures dès 21h ou 22h. Une situation intenable, qui joue sur l’économie de la ville, selon la même source, car il y a plusieurs petits commerçants qui ne gagnent réellement que pendant la nuit. Avec le couvre-feu, il est difficile pour eux d’obtenir de quoi subvenir à leurs besoins.

La population des deux régions se dit résiliente, tout en espérant que cette situation ramène la sécurité et la paix sur leurs territoires.

Cadre des partis et regroupements politiques : que reste-il du mouvement ?

Mis en place par une soixantaine de partis et regroupements au lendemain de la prise du pouvoir par les militaires, en août 2020, le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie semble s’essouffler. Malgré son changement de nom pour devenir le Cadre des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel, le mouvement, qui ambitionnait de fédérer les énergies pour constituer un contrepoids aux autorités de la Transition, peine à exister dans un paysage politique en pleine reconstruction.

Il semble bien loin le temps où le Cadre revendiquait plus de 70 partis politiques, dont 3 regroupements de partis : EPM (24 partis politiques), Espérance Nouvelle Jigiya-Kura (21 partis), ARP (21 partis), 2 Mouvements politiques (Morema et ADRP) et « de grands partis politiques » comme Asma CFP, UM-RDA, Yelema et RDS.

Après avoir décidé de boycotter les Assises nationales de la refondation initiées par les autorités de la Transition, le Cadre a connu ses premières dissensions et plusieurs de ses membres ont pris des positions divergentes, mettant à mal l’unité du regroupement. Mais c’est la récente campagne pour l’adoption de la nouvelle Constitution, votée lors du référendum du 18 juin 2023, qui semble avoir mis un terme au consensus au sein du mouvement.

Cadre vide ?

Le Cadre des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel est doté d’un système de rotation de sa présidence.
Le Président en exercice a trois mois pour passer le flambeau a un autre pour la conduite des activités. Une présidence qui semble être moins formelle actuellement, tant le Cadre s’exprime peu, sinon pas du tout.

« Présentement, le Cadre, bien qu’il existe, est en hibernation depuis le début de la campagne référendaire, où il n’y a pas eu de consensus autour du mot d’ordre à donner aux militants », avoue Dr Laya Amadou Guindo, Président de l’Alliance démocratique pour le rassemblement du peuple (ADRP), membre du cadre.
Étant entendu que c’est un cadre d’échanges, les sujets qui ne font pas l’unanimité sont laissés à l’appréciation des entités qui le composent, explique M. Guindo.
Ainsi, malgré les départs de l’ADEMA et de Yelema, entre autres, le « Cadre reste dynamique, avec des entrées et des sorties », comme tout mouvement, affirme M. Guindo. Ne pouvant pas s’exprimer au nom du Cadre, qui ne se réunit plus depuis longtemps, il tient à préciser que son parti reste opposé au report de l’élection présidentielle et invite les autorités de la Transition à respecter le chronogramme concernant les dates de l’élection présidentielle et la Charte de la Transition, seul document qui régisse les autorités actuelles.

CAN 2024 : le Mali dans le groupe E avec la Tunisie, l’Afrique du Sud et la Namibie

La CAF a procédé jeudi 12 octobre au tirage au sort de la Coupe d’Afrique des nations. Le Mali est logé dans le groupe E avec la Tunisie, l’Afrique du Sud et la Namibie. Les Aigles vont retrouver la Tunisie une nouvelle fois en phase de groupe de la CAN après leur duel polémique lors de l’édition 2022. Alors que la Tunisie était menée 1-0, Janny Sikazwe, l’arbitre zambien de la rencontre a sifflé la fin du match avant la fin du temps réglementaire, à deux reprises. Environ une demi-heure plus tard, le match a semblé devoir reprendre avec un autre arbitre. Les Maliens sont revenus sur le terrain pour disputer les ultimes secondes du temps réglementaire et un éventuel temps additionnel. Mais les Tunisiens sont restés au vestiaire et le match n’a pas pu reprendre. L’arbitre a par la suite confié avoir été victime d’insolation. Le Mali et la Tunisie se sont par la suite retrouvés quelques mois plus tard, pour le dernier tour qualificatif de la coupe du monde. La Tunisie s’est qualifiée grâce un but contre son camp de Sikou Niakaté lors du match aller. Les autres adversaires du Mali dans ce groupe sont l’Afrique du Sud (vainqueur en 1996) et la Namibie qui en est à sa quatrième participation. Les matchs des Aigles auront lieu à Korhogo, dans le nord du pays. Le Sénégal, champion d’Afrique en titre, affrontera le Cameroun dans l’un des chocs de la phase de groupes de Les Lions de la Teranga seront également opposés à la Guinée et la Gambie dans le groupe C. Le Maroc, demi-finaliste du Mondial-2022, se retrouve de son côté dans un groupe F à sa portée, en compagnie de la RDC, la Zambie et la Tanzanie. La Côte d’Ivoire, pays hôte, hérite quant à elle du Nigeria et de deux adversaires a priori plus abordables, la Guinée Equatoriale et la Guinée Bissau, dans le groupe A. Le match d’ouverture opposera les Ivoiriens à la Guinée Bissau, le 13 janvier, au stade d’Ebimpé, près d’Abidjan. La Coupe d’Afrique des nations 2024 en Côte d’Ivoire se disputera du 13 janvier au 11 février.

 

Transition : une opposition se dessine

Le report sine die de la présidentielle de février 2024 semble être celui de trop. Soulevant une vague d’indignation et de refus au sein de la classe politique et de la société civile depuis son annonce le 25 septembre dernier, il pourrait être le déclencheur d’un nouveau train « d’opposants » à la Transition.

C’est loin d’être une surprise. Le report de l’élection présidentielle continue de faire des remous et de donner un regain nouveau à plusieurs entités politiques et de la société civile. En réaction à l’annonce du report de la présidentielle, le 25 septembre dernier, une « décision unilatérale des autorités de la Transition qui renvoie de facto à une autre prorogation de la Transition », qu’elle a condamnée, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS), avait décidé de « mobiliser tous ses militants, sympathisants et autres pour organiser dans les meilleurs délais la tenue d’actions patriotiques pour exiger la mise en place d’une transition civile, seule voie pour sauver la République »

Pour Youssouf Daba Diawara, Coordinateur général de la CMAS, selon des propos relayés par l’AFP, « cela fait plus de trois ans que la gestion de la Transition est confiée à des autorités militaires. Hélas, les raisons pour lesquelles le peuple malien est sorti pour combattre le régime de Ibrahim Boubacar Keïta n’ont pas pu être atteintes. Pour la CMAS, la faute incombe aux tenants du pouvoir ».

La CMAS a annoncé dans la foulée la tenue d’une marche le 13 octobre 2023 pour demander la mise en place d’une transition civile. L’annonce de cette marche a suscité de nombreuses réactions. En réponse, le Collectif pour la défense des militaires (CDM), soutien affiché des autorités de la Transition, a rendu publique l’organisation d’un meeting à la même heure et avec presque le même itinéraire. Face au risque de confrontation et suite à une mission de « bons offices » menée par le Président du Haut Conseil Islamique, Ousmane Madani Haidara, Mahmoud Dicko a finalement demandé à ses partisans d’annuler leur manifestation. Selon nos informations, le gouverneur n’a pas donné son autorisation pour la tenue de ces deux manifestations.

D’après des analystes, même avec l’annulation, l’Imam Mahmoud Dicko a réussi son pari en captant pendant plusieurs jours l’attention des autorités et des Maliens. Les relations de l’Imam ne sont plus au beau fixe avec les autorités de la Transition depuis la prise de pouvoir du Colonel Assimi Goïta. L’ex « autorité morale », qui était très influente lors des premières heures de la Transition, a été écarté. Une mise à l’écart qui lui a laissé un goût amer. Même s’il s’astreint à un certain silence, il arrive à l’Imam Dicko de lancer des piques, comme lors du forum de Bamako en 2022 ou encore deux jours avant la tenue du scrutin référendaire, lorsqu’il a harangué des partisans du non. Un analyste politique qui a requis l’anonymat ajoute : « le fait que les autorités de transition aient discuté avec la CMAS et obtenu l’annulation de la manifestation démontre qu’elles ne minimisent pas la capacité de mobilisation des partisans de l’Imam Dicko, même si cela ne peut plus atteindre les proportions d’il y a quelques années contre le régime d’IBK ».

À en croire Jean-François Marie Camara, enseignant – chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB), la posture actuelle de la CMAS n’est pas surprenante.

« Lorsqu’une transition dure trop, cela crée un sentiment de monotonie qui peut entrainer des frustrations. Et quand les élections sont toujours repoussées, il est normal d’aboutir à de tels mouvements. Il revient aux autorités de la Transition de revoir leur copie », affirme-t-il.

Bloc « anti-prolongation » ?

Si jusque-là la Transition n’a pas fait face à une véritable opposition, cette nouvelle prolongation va changer la donne. À la marche de la CMAS étaient attendus des membres de l’Appel du 20 février, dont les principaux responsables, les magistrats Cheick Chérif Koné et Dramane Diarra, ont été récemment radiés de la magistrature. Cette nouvelle opposition germe alors que les tensions se cristallisent autour de la situation sécuritaire, du report de la présidentielle, de la vie chère et des nombreuses arrestations.

« Le Parena est dans la dynamique de constitution d’un bloc contre le report et pour la non candidature des tenants de la Transition », confie Diguiba Keita dit PPR, Secrétaire général de la formation politique de l’ancien chef de la diplomatie malienne Tiébilé Dramé.

« Il est fort probable qu’un bloc puisse se former contre les autorités de la Transition. Si elles ne parviennent pas à créer un climat de dialogue avec l’ensemble des forces vives de la Nation ou à organiser une table-ronde avec la classe politique et la société civile, cela peut créer d’autres tensions pouvant aboutir à des manifestations », met en garde pour sa part Jean-François Marie Camara.

Mais, selon certains observateurs, une opposition à la Transition aujourd’hui aurait du mal à peser contre les autorités actuelles, engagées dans la « reconquête » de tout le territoire national. Un objectif dans « lequel beaucoup de Maliens se retrouvent ». D’ailleurs, le Cadre d’échanges des partis et regroupements de partis politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, qui était considéré comme un « opposition » à la Transition, n’a jamais réussi à faire tourner le rapport de forces à sa faveur. Il s’est par la suite effrité. La Coordination des organisations de l’Appel du 20 février pour sauver le Mali a semblé un moment prendre le relais, sans grand impact non plus.

Si un éventuel nouveau front d’opposition à la prolongation de la Transition pourrait réunir tous les partis politiques ou organisations de la société civile qui se sont prononcés contre le report de la présidentielle, il pourrait dès le départ être confronté à un manque d’unanimité autour des exigences vis-à-vis de la Transition.

En effet, au moment où certains prônent la tenue pure et simple des élections selon le chronogramme initial, d’autres optent plutôt pour la mise en place d’abord d’une transition civile qui organisera plus tard les élections.

« Le Parena ne maîtrisant pas le contenu de la transition civile, se limite à une demande, voire une exigence de respect du calendrier annoncé et s’oppose à un report des élections », clarifie le Secrétaire général du parti du Bélier blanc.

Positions tranchées

La CMAS a été jusque-là la seule à vouloir organiser des manifestations contre la prolongation de la Transition, en demandant la mise en place d’une transition civile. Mais plusieurs autres partis ou regroupements de partis politiques et organisations de la société civile se sont eux aussi érigés contre le report de la présidentielle, initialement prévue en février 2024.

Dans un communiqué au ton particulièrement virulent en date du 25 septembre, le parti Yelema a mis les gouvernants en garde sur « les risques qu’ils font peser sur notre pays dans leur approche solitaire, non consensuelle, non inclusive, pour des objectifs inavoués ». Pour le parti de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, cette nouvelle prolongation, en plus de violer la Charte de la Transition, « n’a fait l’objet d’aucune discussion interne entre les forces vives et ne saurait être une décision consensuelle ». Beaucoup de partis craignent que léger report ne devienne finalement « indéfini », alors que la Transition s’achemine déjà vers ses quatre ans, et que cette énième prorogation n’isole encore plus le Mali.

La Ligue démocratique pour le changement, de son côté, tout en désapprouvant et en condamnant sans équivoque cette « tentative de prise en otage de la démocratie malienne », a invité le gouvernement à renoncer à son projet et à « organiser l’élection présidentielle au mois de février 2024 comme déjà proposé aux Maliens et convenu avec la communauté internationale ». « Face à l’enlisement évident de la Transition, la Ligue démocratique pour le changement fait appel à tous les Maliens, en particulier les acteurs politiques, à œuvrer pour l’organisation de l’élection présidentielle comme prévu, pour un retour à l’ordre constitutionnel », a écrit le parti de l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Moussa Sinko Coulibaly, dans un communiqué, le 26 septembre.

La Coordination des organisations de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali plaide elle aussi pour la mise en place d’une transition civile. Lors d’une conférence de presse, le 30 septembre, elle a invité « les démocrates et républicains de tout bord et de tout horizon à rester mobilisés et debout comme un seul homme au secours du Mali en détresse jusqu’à l’installation d’une transition civile plus responsable, consciente de ses missions ».

Le M5-RFP Mali Kura, pour sa part, après avoir dénoncé cette décision « unilatérale », a rappelé « l’impérieuse exigence de respecter les engagements dans la mise en œuvre du chronogramme devant aboutir au retour à l’ordre constitutionnel ». Le ton est un peu plus mesuré au Rassemblement pour le Mali (RPM), qui a exprimé sa « profonde inquiétude et son étonnement de voir que le cadre de concertation mis en place pour un dialogue entre le gouvernement et les partis politiques n’ait pas été impliqué dans le processus de cette importante décision ».

Air France : la reprise des vols au Mali attendra

Oui et finalement non. Air France ne reprendra pas ses vols en direction de Bamako demain vendredi 13 octobre. Mardi, la compagnie aérienne annonçait recommencer à desservir le Mali « en coordination avec les autorités maliennes », avec trois vols hebdomadaires à compter. Ces vols vendus par Air France ne seraient plus assurés par des avions de la compagnie, mais par « un Boeing de la compagnie portugaise Euro Atlantic Airways », spécialisée dans la location d’appareils à des compagnies tierces, a précisé un porte-parole d’Air France à l’AFP. Toujours auprès de l’AFP, la compagnie a précisé que la reprise était « reportée jusqu’à nouvel ordre». Le ministère des Transports a alors expliqué dans un communiqué daté d’hier 11 octobre que la demande de reprise d’Air France était en cours d’examen et que « les vols d’Air France demeurent suspendus pendant cette procédure d’examen ». Le colonel Drissa Koné, directeur général de l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac) qui avait donné son aval aurait été limogé selon plusieurs informations, mais aucune annonce officielle n’a été faite à ce sujet. Contacté, un responsable du ministère des Transports oriente vers les prochains communiqués du conseil des ministres pour confirmation ou non. Depuis que le ministère français des Affaires étrangères a placé tout le Mali en zone rouge début août, il est techniquement impossible pour la compagnie de se rendre au Mali. « Selon cette classification, il est déconseillé aux ressortissants français, y compris au personnel navigant des compagnies aériennes, de se rendre dans le pays. Le Burkina Faso qui était également concerné par la suspension des vols a fait de la déclassification du pays en zone rouge une condition préalable à la reprise des activités de la compagnie. Pour rappel, le 7 août dernier Air France avait suspendu ses 7 vols hebdomadaires vers le Mali, justifiant cette décision par le « coup d’État au Niger » et « la situation géopolitique » au Sahel. Cette suspension avait ensuite été prolongée à plusieurs reprises. Après la suspension des liaisons Paris-Bamako par Air France, les autorités maliennes avaient décidé, le 11 août, d’annuler l’autorisation de la compagnie d’exploiter cette ligne qualifiant la suspension de « manquement notoire » aux termes de l’autorisation d’exploitation accordée à la compagnie.

Kidal : la reconquête en marche ?

Partie de Gao le 2 octobre dernier, la colonne militaire des Forces armées maliennes (FAMa), en route vers Kidal, poursuit son avancée. Alors qu’elle a repris le contrôle de la ville d’Anefis, à environ 112 km de Kidal, le 7 octobre, l’armée malienne est plus que jamais tournée vers la reconquête de ce bastion des ex-rebelles de la CMA, hors de contrôle de Bamako depuis plus d’une décennie.

Le calme avant la tempête. Après d’intenses combats les 4, 5 et 6 octobre, les forces armées maliennes, appuyées par des Russes, ont pris le contrôle le 7 octobre de la localité d’Anefis, une ville stratégique qui permet d’accéder à Tessalit, Aguelhoc et Kidal. La colonne des FAMa, qui a quitté Gao le 2 octobre vers la région de Kidal, a été la cible de plusieurs attaques de groupes terroristes. Depuis la reprise des hostilités avec la CMA, les autorités de la Transition ainsi que l’armée emploient indistinctement le terme « terroristes » pour désigner les ennemis qu’elles combattent. Selon des sources crédibles, les combats entre les FAMa et la CMA, appuyée par des éléments de GATIA fidèles à Fahad Ag Almahmoud, ont causé de nombreux morts et dégâts. Aucune des parties n’a communiqué le bilan de ses pertes. La colonne, composée de véhicules blindés et pick-up, plus d’une centaine, escortés par des avions et des drones, a finalement eu raison de la résistance des groupes armés grâce à l’apport des vecteurs aériens. Le terrain plat et dégagé favorisait les frappes et offrait peu de possibilités aux assaillants de se couvrir. Désavantagés par le terrain et alors que leurs pertes s’accumulaient, ils ont été contraints d’abandonner Anefis. « Aujourd’hui, l’armée malienne occupe Anefis et ses alentours. La situation sécuritaire est sous contrôle mais reste toujours imprévisible », a confié dans la foulée un officier à la télévision nationale. Selon certaines sources, Fahad Ag Almahmoud et ses hommes sont principalement stationnés aux alentours d’Anefis avec quelques éléments de la CMA. Le reste des troupes est replié sur la ville de Kidal, ainsi qu’à Aguelhoc et à Tessalit. En prévision de la reprise des hostilités, plusieurs combattants venus de Libye sont venus se joindre à la CMA. Ils ont apporté avec eux plusieurs armes, dont des missiles sol-air pour tenter d’abattre les avions des FAMa.

Objectif Kidal

Si l’objectif final reste l’occupation de l’emprise de la MINUSMA dans la ville de Kidal, programmée pour novembre, les FAMa doivent aussi, selon le calendrier, prendre possession des emprises de la mission onusienne à Aguelhoc et à Tessalit. Du fait de la situation sécuritaire précaire, les acteurs, aussi bien gouvernementaux que de la MINUSMA, se gardent de donner une date précise pour la reprise de ces camps. La seule certitude qui semble partagée est que la MINUSMA va achever son retrait le 31 décembre 2023. En attendant, les différentes forces se préparent. « La CMA, qui a attaqué plusieurs camps le mois dernier (Bourem, Léré, Bamba, Dioura…), ne peut se permettre de perdre ses positions à Kidal », confie un analyste qui a requis l’anonymat. De leur côté, les autorités de la Transition, qui pourraient faire face à une contestation suite au report de la présidentielle, ont grandement besoin du gain politique que leur apporterait la prise des bastions de la rébellion, qui cristallise l’attention de beaucoup de Maliens. Selon des observateurs, de nouvelles batailles sanglantes et coûteuses s’annoncent. D’autant que se trouvent aussi dans cette zone les terroristes du JNIM, dont la collusion avec la CMA a été rapporté par de nombreuses sources, qui prendront certainement part aux différentes batailles. L’environnement devrait leur être favorable, notamment dans l’Adrar du Tigharghar, une montagne située entre Kidal et Tessalit qui a servi de sanctuaire aux terroristes d’Al Qaïda et d’Ansar Eddine en 2012, et qui est une cachette parfaite pour tendre des embuscades et prendre à revers une unité de combat.

Panique à Kidal ?

En attendant, des sources rapportent une certaine panique dans la ville de Kidal. Les habitants redoutent l’offensive. Beaucoup d’entre eux, qui s’étaient habitués à la non présence de l’État malien, plient bagage en direction de Tinzawatene, à la frontière avec l’Algérie, ou de Bordj Badji Moctar, sur le territoire algérien. C’est dans cette situation tendue que la composante FAMa et celle et de la Plateforme des mouvements du 14 juin d’Alger du Bataillon des Forces armées reconstituées a quitté le 10 octobre le Camp 1 de Kidal pour celui de la MINUSMA. Le camp est depuis occupé exclusivement par la CMA. La MINUSMA précise qu’elle n’a pas évacué les 110 éléments mais qu’ils sont « venus » d’eux-mêmes. Rappelons qu’en février 2020, la première compagnie du Bataillon reconstitué de l’armée malienne (BAFTAR) est arrivée à Kidal. Depuis lors, cette armée, cantonnée dans son camp, n’a pas pu mener d’opérations.

Championnat national : la reprise repoussée d’une semaine

Le championnat national 2023-2024 qui devait débuter ce 7 octobre a été repoussé d’une semaine à la demande des clubs de Ligue 1 selon la fédération. Mais, la course à la succession de l’AS Réal qui a mis fin à plus de trois décennies d’hégémonie Djoliba AC – Stade Malien est déjà lancée. Et les deux plus grands clubs du Mali comptent lutter de nouveau pour le titre.

Le Djoliba AC est très revanchard après avoir perdu le titre de trois points la saison dernière. Le Djoliba AC qui a recruté plusieurs nouveaux joueurs annonce les couleurs pour cette saison. Les principaux responsables du club promettent une vague rouge sur le championnat alors que l’équipe de Hérémakono débute sa saison ce samedi face à l’US Bougouni, huitième lors du dernier exercice. Son rival honni, le Stade Malien de Bamako doit se faire pardonner une saison galère. Neuvième du championnat en 2022-2023 avec seulement 41 points pris en 30 journées, les Blancs de Bamako dont la saison est lancée depuis plus d’un mois ont déjà engrangé de la confiance. Le 23 septembre dernier, le Stade Malien a remporté la supercoupe du Mali en venant à bout de l’AS Réal 2-0. Le week-end dernier, en dépit d’une grosse frayeur, le Stade Malien a réussi à se qualifier pour la phase de groupe de la Coupe CAF. Victorieux à l’aller à Bamako 2-0, les Blancs ont perdu au retour 1-3 face aux Aigles noirs du Burundi, mais le but à l’extérieur a fait toute la différence. Si pour le Stade Malien, les perspectives semblent bonnes, le champion en titre, l’AS Réal a beaucoup moins de certitude. Après avoir perdu la supercoupe, les Scorpions ont été éliminés de la course à la phase de groupe de la ligue des champions par les Mauritaniens du FC Nouadhibou. Une défaite amère alors que l’AS Réal voulait écrire l’histoire en devenant le premier club malien à se qualifier pour la ligue des champions sous ce format.

Plus de gains

Une semaine avant la reprise du championnat, la fédération a revu à la hausse les gains pour les clubs qui seront sur le podium. Le champion recevra désormais 30 millions de FCFA au lieu de 20 millions précédemment. Le deuxième du championnat percevra 15 millions de FCFA (10 millions avant) et le troisième aura 10 millions de FCFA au lieu de 5 millions FCFA. Les récompenses pour le football féminin ont également été revues.

Soumaila Lah : « Ce jeu va se gagner à l’usure »

Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, répond à nos questions sur les récentes attaques de la CMA et les retraits au sein du CSP

Comment comprendre le retrait de plusieurs membres du CSP ces dernières semaines ?

Ces retraits étaient prévisibles dès l’instant que où le CSP et les autorités de la Transition sont entrés en bras de fer sur fond de récupération des emprises de la MINUSMA. Une première lecture en filigrane nous permet d’affirmer que la composition de départ du CSP explique en partie ces retraits. Certains groupes membres étaient à la base pro-gouvernement (même si certains bras armés ont depuis fait le choix de rester dans la configuration actuelle du CSP). Une seconde lecture fait état de pressions sur certains mouvements, ce qui a conduit ces mouvements à porter leur choix sur Bamako, d’où ces retraits.

Ces différentes parties pourraient-elles prendre part aux hostilités ?

Sauf à y être contraintes, je ne pense pas. Ces parties ont toutes rappelé leur attachement à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Une manière soft et très pragmatique de ne pas prendre position et éventuellement être amenées à prendre part ouvertement aux hostilités. Il y a lieu de rappeler, en outre, que ces parties sont aujourd’hui entre le marteau et l’enclume, entre leurs frères d’hier et leurs alliés de circonstance du moment. Une participation aux hostilités ne saurait donc être une option pour elles.

Nous avons assisté ces derniers jours à une recrudescence des attaques de la CMA (Bourem, Léré, Bamba, Taoussa) alors que beaucoup pensaient qu’elle allait concentrer ses forces sur la région de Kidal…

Ces attaques étaient prévisibles pour qui s’attarde un brin sur l’évolution de la situation ces derniers mois. Les désaccords sur la mise en œuvre de l’Accord et le jeu des chaises musicales avec comme fond sonore la rétrocession des camps de la MINUSMA ont fait souffler de part et d’autre des intentions d’affirmation et des velléités va-t’en-guerre. Les renforcements des positions et les attaques peuvent être analysés comme des stratégies de défense et de démonstration des capacités de nuisances des parties en présence. Les crispations ont fini par faire franchir le Rubicon. Les bruits de bottes demeurent donc une option sur la table pour faire fléchir et in fine prendre le pas sur l’autre. 

Une de ces attaques a été menée à Dioura dans la région de Mopti. Quel message la CMA souhaite passer à travers cette offensive ?

Cette attaque s’inscrit également dans cette stratégie globale. Prendre les devants et montrer au camp d’en face ses capacités à l’attaquer là où il s’y attend le moins. Ce jeu va se gagner à l’usure. Chaque camp a donc intérêt à maintenir le moral de ses troupes au beau fixe. La configuration peut rapidement changer.

Lutte contre la corruption : où en est le traitement des dossiers ?

La lutte contre la corruption, érigée en priorité de la Transition, semble s’accélérer ces dernières semaines avec l’interpellation de plusieurs personnalités soupçonnées dans divers dossiers. Toutes bénéficient de la présomption d’innocence tant qu’elles ne sont pas condamnées, 

Depuis plusieurs semaines, de nombreuses personnalités ont été arrêtées dans le cadre de la lutte contre la corruption. La dernière arrestation d’une personnalité d’envergure est celle d’Adama Sangaré, maire du District de Bamako depuis 2007, placé sous mandat de dépôt le 20 septembre dernier. Il est accusé d’avoir « effectué des morcellements, des attributions illégales de parcelles appartenant à l’État et des accaparements des terres ne relevant pas de leur compétence dans la zone aéroportuaire ». Adama Sangaré qui est un habitué de la maison centrale d’arrêt avait d’abord été incarcéré en octobre 2019 pour faux et usage de faux et atteinte aux deniers publics dans le cadre d’un dossier portant sur une marché d’éclairage public pour près de 500 millions de francs CFA en 2010, avant d’être remis en liberté en mai 2020, puis réincarcéré en mai 2021 dans la même affaire, avant d’être à nouveau libéré un mois plus tard, en septembre 2021. Pour certains observateurs, le cas particulier d’Adama Sangaré est une illustration parfaite de certains maux de la justice malienne : arrêter sans juger. Ce spectre plane sur l’ancien ministre de la Sécurité et de la protection civile, le Général Salif Traoré, accusé de « faux, usage de faux, détournement de biens publics et complicité d’abus de biens sociaux » dans l’affaire dite « Sécuriport ». Il a été placé sous mandat de dépôt le 30 août 2023, au camp 1 de Bamako. Cette nouvelle affaire qui porte sur un contrat de concession entre le Gouvernement du Mali et la Société Sécuriport LLC pour la fourniture d’un système de sécurité pour l’aviation civile et l’immigration est une des nombreuses qui visent d’anciens responsables sous la présidence IBK.

Des procédures lentes

Si les mandats de dépôt sont rapidement décernés, l’instruction des différents dossiers traîne en longueur. Inculpé puis arrêté le 26 août 2021 par la chambre d’accusation de la Cour suprême dans l’affaire de l’achat d’un avion présidentiel et d’équipements militaires, Soumeylou Boubeye Maiga est mort le 21 mars 2022 sans avoir été jugé. L’arrestation de l’ex-Premier ministre d’IBK avait été dénoncée par Cheick Mohamed Chérif Koné, ancien premier avocat général de la Cour suprême. Selon lui, cette juridiction n’était pas compétente pour instruire l’affaire. Le procureur général de la Cour Suprême Mamadou Timbo s’en était défendu affirmant que lorsque la haute cour de justice (compétente pour juger selon la Constitution de 1992) est inopérante, « l’instruction se poursuit à la Cour suprême ». Selon un analyste qui a requis l’anonymat, ces arrestations serviront à « étoffer » le bilan de la transition. Mais dans le fond, les affaires ne bougent pas. Dans le cadre des dossiers de l’achat de l’avion présidentiel et celui des équipements militaires, plusieurs personnes citées, notamment des opérateurs économiques, ne se trouvent pas au Mali. Un mandat d’arrêt vise également Moustapha Ben Barka, aujourd’hui vice-président de la BOAD. D’autres anciens ministres d’IBK, contraints à l’exil, sont visés depuis le 25 juillet 2022 par des mandats d’arrêts internationaux pour « crime de faux, usage de faux et atteinte aux biens publics » dans l’affaire dite Paramount, qui remonte à 2015. Il s’agit des anciens ministres de l’Économie et des finances Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra et de l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants Tiéman Hubert Coulibaly, ainsi que plusieurs opérateurs économiques, notamment Babaly Bah, ancien PDG de la BMS.

Des procès possibles ?

L’absence de ces personnes ainsi que les décès de certains responsables compliquent l’instruction de ces affaires. Madame Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2015 est placée sous mandat de dépôt depuis le 26 août 2021 dans l’affaire dite de l’avion présidentiel et de l’achat des équipements militaires. Dans une lettre ouverte envoyée au président de la transition le 26 août 2022, elle avait réclamé la tenue de son procès. « J’avais placé tout mon espoir en la procédure en cours. Malheureusement, le temps que prennent les choses me préoccupe au plus haut niveau, notamment au regard de mon âge et de l’espérance de vie très limitée dans notre pays », indiquait-elle dans sa lettre. Mais, selon un analyste qui a requis l’anonymat, il sera difficile de tenir ces procès, car selon lui, « cela pourrait relever la faiblesse de certains dossiers ». Pour lui, « la justice joue la montre, le temps de la transition ». Aucune date n’a encore été indiquée pour d’éventuels procès et la justice communique très peu sur les affaires. Selon une source judiciaire, une cour d’assises spéciale devait être convoquée pour qu’un jugement ait lieu, mais sans donner plus d’explications, il ajoute simplement que cette cour n’est plus en « projet ». Cette source ajoute que la lenteur dans les procédures s’explique aussi par les changements intervenus au niveau des juridictions. Plusieurs juges ont été remplacés. « Avec un nouveau juge, c’est comme si la procédure reprenait de nouveau » , assure-t-il.

Le dossier des masques COVID qui s’est traduit par l’interpellation de Youssouf Bathily, ancien Président de la Chambre de commerce du Mali et certains de ses collaborateurs depuis le 23 novembre 2022, n’a pour le moment pas non plus trouvé de suite. Il leur est reproché des malversations financières dans l’achat des masques COVID qui ont été distribués en 2020 peu avant la tenue du scrutin législatif.

Des auditions en cours 

L’ancien Président de l’Assemblée nationale de 2013 à 2020, Issiaka Sidibé, croupit lui aussi à la Maison centrale d’arrêt de Bamako depuis le 9 août 2023. Accusé d’atteinte aux biens publics, l’ancien député a été mis aux arrêts, ainsi que son ex-Directeur financier et actuel Président de la Fédération malienne de football, Mamoutou Touré dit Bavieux, Modibo Sidibé, Secrétaire général de l’Assemblée nationale et du CNT, Demba Traoré, ancien comptable, et Anfa Kalka, ancien Contrôleur financier de l’institution parlementaire. Si les anciens dossiers patinent, des auditions ont été menées pour ceux récemment sortis des tiroirs. Selon nos informations, le président de la FEMAFOOT Mamoutou Touré a été entendu par un juge d’instruction le 27 septembre. Il a clamé son innocence des faits qui lui sont reprochés. Mamadou Diarrassouba, ancien questeur de l’Assemblée nationale et actuel membre du CNT, est également visé dans le même dossier, mais n’a pas été écroué en raison de son immunité parlementaire. Soupçonnés de malversations financières, Abdrahmane Niang, ancien Président de la Haute cour de justice, et deux de ses anciens collaborateurs, dont l’ancien Directeur administratif et financier Mamby Diawara, ont aussi été placés sous mandat de dépôt début septembre. Après deux semaines de détention, la santé de M.Niang, octogénaire, s’est considérablement dégradée, nécessitant une évacuation dans une clinique pour des soins.

« Ristournes du coton »

Outre ces affaires, Bakary Togola, l’ancien Président de l’Assemblée permanente des Chambres d’agricultures du Mali (APCAM) a lui aussi signé son retour en prison, après avoir été inculpé en septembre 2019 pour « détournement de deniers publics, sur la base de faux et usages de faux, soustraction frauduleuse et autres malversations estimées à plus de 9,4 milliards de francs CFA entre 2013 et 2019 », puis acquitté en novembre 2021.