Forum International de la Diaspora : Positionner la diaspora malienne au cœur du développement national

La première édition du Forum International de la Diaspora (FID) se tiendra du 17 au 19 juillet 2025 à Bamako. Pour annoncer et présenter l’évènement, le ministre des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, M. Mossa Ag attaher a animé une conférence de presse ce jeudi 15 mai 2025 au CICB.

Placé sous le thème « les enjeux et défis pour une diaspora au cœur du développement économique national », le Forum International de la Diaspora, veut valoriser les compétences, les initiatives économiques et l’engagement civique des Maliens établis à l’extérieur.

Il vise entre autres à mobiliser la diaspora malienne, à la sensibiliser sur les opportunités d’investissement au Mali, à inciter les Maliens de l’extérieur à s’engager pour des initiatives de développement dans le pays et à échanger sur les besoins en compétence au Mali et les atouts de la diaspora.

« En initiant le Forum International de la Diaspora, nous voulons organiser un évènement d’envergure qui ne soit pas seulement un moment d’échanges mais un véritable catalyseur de projets et d’engagements pour le développement du Mali », a souligné le ministre Mossa Ag Attaher.

« Nous ne voulons pas juste un forum de plus. Il s’agit d’être plus pragmatique et de mettre à la disposition de tous les intervenants des espaces dédiés au sein desquels ils pourront s’exprimer, montrer et proposer leur potentiel au grand public. Nous souhaitons vivement qu’il y ait des signatures de conventions et d’accords de partenariats à la fin du Forum », a-t-il poursuivi.

Les trois jours que vont durer le FID, seront rythmés de diverses activités au programme notamment, entre autres, des conférences plénières, des panels thématiques, des sessions de networking, des expositions, témoignages et remises de distinction.

Il est prévu également des rencontres entre les investisseurs de la diaspora et les entrepreneurs locaux et leur mise en relation avec les autorités.

Plus de 500 participants sont attendus à ce forum, parmi lesquels, des représentants de la diaspora malienne des cinq continents, les autorités nationales, des participants issus du secteur privé, des institutions financières ainsi que des organisations internationales.

À travers cette 1ère édition, le gouvernement malien souhaite institutionaliser un rendez-vous régulier entre l’Etat et sa diaspora afin de construire une relation fondée sur la confiance, l’écoute mutuelle et la co-construction de projets structurants.

« En initiant ce forum, nous voulons surtout, à un moment important de l’histoire de notre pays, permettre à la diaspora d’apporter tout ce qu’elle peut, et nous voulons également la rassurer et la magnifier », a conclut M. Ag Attaher.

Mohamed Kenouvi

 

 

Immigration irrégulière : Un mal qui ronge la jeunesse malienne

Confrontés à plusieurs problèmes socio-économiques, beaucoup de jeunes Maliens choisissent de migrer dans la clandestinité vers d’autres horizons, jugés plus prometteurs, avec des conséquences souvent dramatiques.

L’expulsion début mars de la Mauritanie de plus de 500 Maliens en situation irrégulière dans le pays a remis sous les projecteurs la lancinante question de la migration des jeunes Maliens hors du continent africain, à partir des pays voisins et de l’Afrique du Nord.

Dirigés vers Gogui, une localité de la région de Kayes située à la frontière entre le Mali et la Mauritanie, ces expulsés maliens, pour la plupart en transit en Mauritanie, qui n’ont pas pu renouveler ou obtenir des cartes de résidents, étaient en situation illégale, selon les autorités mauritaniennes. Ces dernières ont justifié ces expulsions en soulignant que la migration irrégulière posait des défis sécuritaires et favorisait divers trafics, y compris celui des êtres humains.

La localité de Gogui est l’un des points de suivi des flux migratoires (Flow Monitoring Points, FMP) au Mali, mis en œuvre par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) à travers la Matrice de suivi des déplacements (Displacement Tracking Matrix, DTM).

Selon le rapport trimestriel, de juillet à septembre 2024, du suivi des flux des populations, le dernier en date, le FMP de Gogui a enregistré une baisse de 8% concernant les flux entrants au Mali, traduisant une baisse des expulsés de 50%.

En revanche, par rapport au trimestre précédent, les FMP de Hèrèmakono, dans la région de Sikasso, et de Place Kidal, dans la région de Gao, ont respectivement connu une hausse de 23 et 16%, concernant principalement les flux sortants vers le Burkina Faso pour le FMP de Hèrèmakono et vers l’Algérie pour celui de Place Kidal.

Sur l’ensemble des FMP du Mali (Kayes, Sikasso, Tombouctou et Gao), environ 127 927 flux migratoires ont été observés du 1er juillet au 30 septembre 2024, soit une hausse de 14% de la moyenne journalière par rapport au trimestre d’avril à juin 2024.

À noter qu’entre janvier et mi-juin 2024, les autorités maliennes ont rapatrié 4 577 migrants maliens volontaires en détresse à l’étranger, principalement en provenance de l’Algérie, du Niger, de la Libye, de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie.

Un phénomène, plusieurs facteurs

Une enquête menée auprès des migrants enregistrés par l’OIM sur la même période a révélé que 73% des hommes et 82% des femmes interrogés étaient situés dans la tranche d’âge comprise entre 20 et 30 ans, la plus représentée. Ceux et celles ayant entre 31 et 40 ans représentent la deuxième tranche la plus élevée, tandis que seulement 4% des hommes enquêtés et 1% des femmes avaient entre 41 et 60 ans.

Plusieurs raisons expliquent la décision de partir « à l’aventure » chez ces jeunes. La principale, selon le rapport susmentionné, est la recherche d’emplois ou de moyens de subsistance. 53% des migrants partent en quête de meilleurs emplois et d’opportunités pour assurer leur survie et celle de leurs familles.

En plus de ce facteur principal, d’autres raisons telles que, entre autres, les travaux saisonniers, notamment l’orpaillage (15%), les mariages ou la réunification familiale (1%), les guerres ou conflits (1%) et les études ou formations (1%) ressortent du rapport.

La plupart des migrants ont un niveau d’étude primaire (27% chez les hommes et 7% chez les femmes) et du collège (19% chez les hommes et 8% chez les femmes). 14% des migrants et 4% des migrantes n’ont aucun niveau d’éducation, tandis que seulement 1% des hommes et moins de 1% des femmes ont un niveau d’études supérieures.

Conséquences dramatiques

Le 2 février 2025, 9 migrants, dont 8 présumés Maliens, sont morts au large des côtes mauritaniennes à la suite du naufrage de leur embarcation. Cette embarcation de fortune avait quitté Nouadhibou le 26 janvier et s’était perdue en mer, selon le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur, qui a précisé que 28 autres Maliens figuraient parmi les rescapés de l’accident.

En décembre 2024, rien qu’au large des côtes mauritaniennes, de plus en plus prisées par les candidats au départ, au moins 6 migrants maliens ont perdu la vie dans un autre naufrage et 31 autres ont également péri dans les eaux territoriales marocaines. Un autre naufrage survenu en décembre 2024 a causé la mort de près de 70 migrants, dont au moins 25 jeunes Maliens identifiés.

Plus tôt, en juillet 2022, 22 migrants maliens, dont 3 enfants, ont perdu la vie au large des côtes libyennes. Selon le ministère des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, ces disparus faisaient partie d’un groupe de 83 migrants qui étaient en détresse au large de ces côtes depuis le 22 juin 2022.

Les drames migratoires impliquant des Maliens se sont multipliés ces dernières années, même si le nombre exact de personnes ayant perdu la vie reste difficile à déterminer, en raison du manque de données exhaustives et de la nature clandestine de ces migrations. Toutefois, à en croire des estimations globales, depuis 2014, environ 67 000 personnes, toutes nationalités confondues, ont perdu la vie ou ont disparu dans leur quête de départ.

Selon un rapport de ReliefWeb, un service d’information humanitaire fourni par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), en 2024, environ 16 500 Maliens ont migré de manière irrégulière vers l’Europe, faisant du Mali le principal pays d’origine des migrants pour l’année écoulée.

D’après Frontex, en 2024, 41 425 migrants ont atteint les Îles Canaries (Espagne), dont une grande part provenait du Mali, du Sénégal et du Maroc. Cette route de l’Atlantique Ouest est devenue l’une des plus meurtrières.

Si les estimations du nombre total de décès enregistrés sur les routes migratoires en Afrique de l’Ouest et du Centre en 2024 ne sont pas encore disponibles, l’OIM a enregistré 811 décès de migrants dans ces régions en 2023, soit une augmentation de 565% par rapport à l’année précédente. À l’échelle mondiale, 2024 a été l’année la plus meurtrière sur les routes migratoires, avec au moins 8 938 décès recensés, selon l’OIM.

Outre les décès, les migrations irrégulières entraînent de lourdes conséquences, souvent même chez les migrants rescapés des accidents sur ces routes migratoires, très dangereuses. En plus des traumatismes liés aux violences vécues, ces jeunes subissent également des stress post-traumatiques pouvant aboutir à la dépression et à la perte d’estime de soi. Leurs familles aussi sont impactées.

« Cela fait des mois que je suis sans nouvelles d’un neveu parti en Mauritanie. Personne ne sait ce qu’il devient et c’est très angoissant pour nous. Le plus dur, c’est de ne pas savoir s’il vit ou s’il est mort. C’est une très grande détresse pour sa femme et ses enfants », témoigne un interlocuteur.

Mobilisation tous azimuts

Pour faire face au phénomène de migration irrégulière, plusieurs acteurs se mobilisent de plus en plus à l’échelle nationale et internationale. Le gouvernement malien a intensifié ses efforts pour décourager les jeunes de prendre les routes de la migration clandestine. En novembre 2024, une campagne de sensibilisation intitulée « Préserve ta vie et refuse l’incertain » a été lancée pour informer la population sur les dangers de la migration irrégulière et promouvoir des voies légales de migration.

Cette campagne, qui a duré un mois, a été déployée dans tout le pays à travers des conférences, débats médiatiques, projections de films, activités culturelles et sportives, ainsi que des affiches de sensibilisation.

L’initiative, cumulée à l’augmentation, financée par l’Union européenne, de la surveillance des côtes ouest-africaines, principaux points de départ des migrants, a contribué à une baisse significative des départs de migrants par des voies irrégulières.

Selon les statistiques mensuelles sur la migration irrégulière de février 2025 publiées le 13 mars 2025 par Frontex, l’Agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes, les détections de franchissements irréguliers des frontières de l’Union européenne ont diminué de 25% au cours des deux premiers mois de 2025, avec environ 25 000 cas enregistrés.

Bien que la route de l’Atlantique Ouest, qui concerne principalement les migrants originaires du Mali, du Sénégal et de la Guinée, ait représenté une part significative des arrivées, elle a connu une diminution de 40% par rapport à l’année précédente, avec 7 200 arrivées enregistrées en janvier et février 2025.

De leur côté, outre les efforts de prévention du phénomène, les autorités maliennes ont annoncé le 22 janvier 2025 avoir rapatrié en 2024 environ 12 300 migrants maliens en situation de détresse à l’étranger, dans le cadre d’opérations de rapatriement et d’assistance. Par ailleurs, selon des informations publiées en décembre 2024, 929 Maliens figuraient également parmi les sans-papiers en attente d’expulsion des États-Unis.

Mohamed Kenouvi