Cherche mangue greffée… désespérément 

Elles sont enfin sur les étals. Les mangues du Mali, les « meilleures du monde », ravissent les papilles de tous les amateurs de leur pulpe douce ou acide, moelleuse ou fibreuse selon les goûts. Mais pour tout gourmand averti, il est aisé de remarquer que la mangue greffée du Mali se fait rare, et ce même pendant la saison.

La campagne d’exportation de mangues a démarré le 20 mars dernier et les perspectives sont bonnes pour les producteurs qui occupent de plus en plus le marché international avec les fruits cueillis dans les vergers maliens dès la mi-mars. Keith, Kint, ou encore Muscat, la mangue malienne se décline en plusieurs variétés chacune ayant son public, à l’extérieur comme à l’intérieur du Mali. Il s’en vend pour plus de 8 milliards de francs CFA chaque année à l’export et la part de la mangue dans le PIB ne cesse de croître.

Exportations en expansion Paradoxalement, plus la mangue malienne a du succès à l’étranger, moins on en trouve sur le marché local et la hausse des prix à l’étal constatée ces dernières années confirme ce fait. Si auparavant, on pouvait rentrer chez soi avec un lot de mangue greffées « américaines » (sucrées à chair ferme, prisée aux États-Unis) vendues à 75 ou 100 francs CFA l’unité, aujourd’hui, il faudra en débourser le double pour le même produit. Il est également facile de constater que celles-ci ne sont pas toutes du premier choix. Petits calibres, peau abimées, degré de murissement largement avancé, etc. Pour avoir de belles mangues, les revendeurs sont de plus en plus obligés de se rabattre sur les productions des pays voisins, avec la Guinée en premier choix. Djelika, vendeuse de fruits, propose ses mangues au bord d’une route à l’ACI 2000. Chez elle, le panier de 5 mangues est cédé entre 500 et 1000 francs CFA en fonction de la grosseur du fruit. Bien que l’activité soit rentable surtout avec les mangues locales, elle éprouve des difficultés à s’approvisionner. « Il est souvent difficile de se procurer les mangues ici. On les trouve pourtant au Mali mais c’est très difficile d’en avoir. Par contre ce qui vient de l’extérieur c’est très facile à obtenir mais c’est plus cher », explique-t-elle.

Les 600 000 tonnes annuelles de mangues produites en moyenne par le Mali, ne suffisent donc pas pour alimenter les marchés intérieur et extérieur ? « Les mangues maliennes sont aussi  vendues sur le marché intérieur mais ce ne sont pas les mêmes variétés qu’à l’export. Toutes les variétés ne sont pas exportées », explique Cheick Keletigui, responsable de la filière mangue pour les producteurs de Sikasso, qui confirme que « les mangues vendues sur le marché local sont généralement de moins bonne qualité que celles exportées à l’étranger ».

Quand la mangue devient le 4ème produit d’exportation

Un potentiel sous-exploité Au Mali, le potentiel d’exportation de mangues dépasse les 300 000 tonnes par an. Mais par manque d’organisation de la filière, seule une infime partie est exploitée. Les plus hautes autorités ont décidé d’inverser la tendance en initiant des programmes et projets dans le secteur. Ainsi, hier, le Ministère en charge des investissements et du commerce (représenté par le projet cadre intégré), en collaboration avec la Commission nationale de validation des exportations de mangue au Mali a organisé une réunion pour faire le bilan. Cette réunion s’inscrivait dans le cadre du dispositif de suivi et d’amélioration des statistiques d’exportations mis en place en avril 2008. Selon les données statistiques, le Mali a exporté 8517 tonnes de manques en 2007, 12 576 tonnes en 2008 et 6 857 tonnes en 2009. Les statistiques établissent que la campagne 2010. Ainsi, les exportations ont atteint 10 410 tonnes pour un chiffre d’affaires de 6, 5 milliards FCFA. Le Mali a également exporté 17 tonnes de mangues séchées et 400 tonnes de purée de mangue. Avec ces chiffres la mangue est devenue le 4ème produit d’exportation du pays après l’or, le coton, et le bétail. En plus des marchés africains, d’autres marchés prometteurs se situent en Europe (Allemagne, France, Pays Bas). De nouvelles unités de transformation Dans le cadre de l’intensification des politique devant promouvoir la filière, il est prévu la création, dans les prochaines semaines, d’une unité de transformation de fruits et légumes à  Yanfolila. Faut-il indiquer que cette année, le projet cadre intégré s’est essentiellement tourné vers l’augmentation de l’exportation des mangues. Et cela, à  travers l’entretien des vergers, le suivi du traitement par les techniciens de l’office de protection des végétaux et la sensibilisation des producteurs aux bonnes pratiques agricoles…En outre, le Projet cadre a soutenu la participation de 27 participants dont 18 exportateurs au salon international de fruits et légumes de Berlin (Allemagne), et celle de plusieurs professionnels au Salon international de l’agriculture de Paris.

Filière mangue au Mali : un vrai potentiel économique

Ces fruits sont confrontés à  l’exportation à  des contraintes d’ordre sanitaire et phytosanitaire « La mangue, avec une production annuelle de plus de 300 000 tonnes, est le premier fruit d’exportation avec 12 000 tonnes exportées en 2008 dont le tiers vers les pays de l’Union européenne (UE) » : le constat est établi par Adama Coulibaly, conseiller technique au ministère de l’Agriculture qui présidait hier à  l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA), le lancement du Projet d’appui à  la maà®trise des risques sanitaires et phytosanitaires au niveau de la filière mangue d’exportation. La cérémonie s’est déroulée en présence du directeur général de l’ANSSA, le Dr Youssouf Konaté, du président du Comité directeur du projet et coordinateur du Programme de compétitivité et diversités agricoles (PCDA), le Dr Gagni Timbo, et d’autres acteurs de la filière.Les experts et les autres acteurs ont établi que la filière mangue fait actuellement face à  des contraintes réelles. Celles-ci sont d’ordre sanitaire et phytosanitaire. Notre pays disposant d’un énorme potentiel dans ce domaine précis, il y a donc nécessité, et surtout urgence, d’agir pour une meilleure maà®trise des risques sanitaires et phytosanitaires liés à  ce produit. Concrètement, des actions doivent être menées pour améliorer la filière et rendre nos mangues encore plus compétitives sur le marché international. Il faut aussi renforcer l’infrastructure nationale de maà®trise des risques sanitaires et phytosanitaires pour améliorer l’accessibilité de nos mangues d’exportation au marché mondial. Des efforts sont accomplis dans ce sens depuis quelques années mais il faut maintenir le cap sur le renforcement des capacités de la filière avec l’implication de l’ensemble des acteurs et partenaires concernés. Améliorier la filière Dans cet objectif, l’ANSSA et le PCDA sont des acteurs majeurs qui s’inscrivent dans un partenariat avec les autres acteurs notamment les entreprises d’exportation et les organisations professionnelles de la filière. A ce niveau, les responsables de ces structures ont pris la mesure des enjeux réels. Le directeur général de l’ANSSA a confirmé l’intérêt accordé à  au développement de la filière mangue et à  l’exportation de nos mangues par les différents acteurs. Dans l’amélioration des filières de production agricole, le PCDA multiplie les initiatives et les actions pour promouvoir les filières à  vocation commerciale et porteuses de croissance et d’investissement. A ce propos, le président du comité directeur du projet a rappelé la sélection d’un portefeuille de filières d’intervention comprenant également des filières à  consolider et à  paramétrer, notamment celle de la mangue. Gagni Timbo a expliqué que pour chacune des filières, le PCDA a préparé, en rapport avec les acteurs concernés, un plan d’actions prioritaires devant servir de tableau de bord pour la réalisation des investissements. Le Projet d’appui à  la maà®trise des risques sanitaires et phytosanitaires de la filière mangue planchera sur des problématiques essentielles. Il travaillera ainsi sur l’harmonisation des normes adoptées dans la filière et des textes législatifs nationaux avec les normes à  l’échelle internationale et la finalisation et l’adoption du système de traçabilité des mangues. Le renforcement des capacités des acteurs et leur accompagnement dans l’implémentation des mesures figurent aussi parmi les priorités du projet. Adama Coulibaly a noté que nos textes législatifs et réglementaires ne sont pas toujours en harmonie avec les normes internationales applicables, les procédures et critères d’évaluation de la conformité des produits. La compétitivité croissante au niveau des marchés d’exportation de la mangue ne laisse, a-t-il averti, aucune place aux origines ne faisant pas l’effort de maà®triser les risques sanitaires et phytosanitaires. Le projet qui résulte d’un partenariat public-privé, entend être un exemple dans la mise en œuvre de bonnes pratiques d’hygiène et de production, mais surtout du dispositif d’auto-contrôle.