Développement des filières agricoles : quelles stratégies ?

Pomme de terre, mangue, anacarde ou sésame, les filières agricoles porteuses ne manquent pas au Mali. Mais, depuis plus d’une décennie, malgré la définition de leur cadre d’action par la Loi d’orientation agricole(LOA) en 2006, leur développement est confronté à de nombreuses difficultés, remettant en cause leur capacité à assurer la rentabilité pour les acteurs.

Dans un pays à vocation agropastorale comme le nôtre, l’idéal est d’avoir une approche filière, sur laquelle est ancrée la LOA. Son objectif est une agriculture durable, compétitive et rentable, explique-t-on au ministère dédié. Il s’agit de mettre en valeur toute la filière de production, c’est-à-dire de l’acquisition des intrants à la transformation, en passant par le marché. Si tous les maillons « sont performants, on peut obtenir une filière rentable » grâce à des interprofessions bien organisées.

« Il s’agit d’amener les producteurs à prendre un certain nombre de responsabilités », explique le Dr Abdrahamane Tamboura, agro-économiste. Le retrait de l’État de la vie économique ayant nécessité l’implication des producteurs, « l’approche a trouvé son sens à travers la première crise du coton ».

Stratégie globale

Même si la question des filières doit être analysée au cas par cas, les obstacles sont communs. Ils concernent les problématiques que sont la baisse de fertilité des sols, l’érosion ou l’adaptation des semences, pas toujours accessibles pour les producteurs. La non maîtrise des facteurs de production, le faible niveau d’équipement et le faible niveau de connaissances s’y ajoutent. L’organisation des acteurs est un frein dont sont conscientes les autorités, qui ont simplifié « les procédures de reconnaissance des interprofessions ».

À la faiblesse des procédures institutionnelles il faut ajouter la difficulté des acteurs à créer « une dynamique qui parte de la base au sommet ».

Malgré son importance économique, la filière pomme de terre, qui vient d’adopter son Plan de développement stratégique, est encore limitée, car la consommation annuelle de la production locale ne dépasse pas 2,4 kg / an / personne (pour une moyenne de 90 kg / an / personne). La production nationale représente 70% des 156 000 tonnes produites par cinq pays de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Niger, Guinée, Sénégal et Burkina Faso).

Quand à la filière mangue, en constante croissance, malgré son potentiel de  production de 570 000 tonnes, elle souffre entre autres d’une faible maîtrise des opérations post récole, d’un faible niveau de financement et d’une insuffisance d’infrastructures de stockage et de conditionnement.

Mangues douces-amères

Les sept pour mille francs !!! On se croirait en décembre o๠elles sont un plaisir coupable, étant produites à  contre-saison et coutant donc bonbon…Mais non ! Nous sommes bien en avril et pour les amateurs de douceurs, la période pour les déguster a commencé. Les mangues non greffées, les « nounkourouni» comme on les appelle en bamanan sont bel et bien sur le marché. Mais, début de saison et crise obligent, elles sont « inachetables » comme s’exclame ce client qui repart, dépité, avec son envie au creux de l’estomac ! Pas possible pour les petits portemonnaies de s’offrir les fruits délicieux. Adja vient juste d’arriver de Siby ! Elle a avec elle deux paniers de mangues non greffées, muries sur l’arbre « balamon », comme elle dit ! Elle assure qu’elles sont bien fermes et sucrées au possible. Leur prix? à‡a dépend de la taille : les petites sont à  6 pour 500 francs et les grosses à  7 pour 1000 francs. « Inachetables »! La raison est pourtant simple selon Adja. « On est au début de la saison et les récoltes ont à  peine commencé ». Pour trouver des mangues de bonne qualité, pas celles qu’on fait murir artificiellement, il faut aller loin, dans les champs. « Ce qui nous revient assez cher surtout en terme de transport. En fait, on attend tous la « pluie des mangues ». D’habitude, C’’est vers la fin avril, donc à  partir de là , ça devrait aller » nous confie la revendeuse qui fait pourtant de bonnes affaires. En quelques minutes, le stock de mangues a sensiblement diminué et certains commerçants des boutiques environnantes viennent en chercher. « C’’est pour Madame, nous confie un monsieur d’un certain âge qui passe à  moto. Elle est enceinte et exige les mangues de Siby !» Il continue son chemin après en avoir acheté pour deux mille francs, de quoi calmer maman et bébé pour quelques jours… Comme la grande majorité des bamakois, « pour l’instant, je passe sans les regarder, même si ça me fait envie de les voir étalées au bord du goudron » s’amuse Bouba, étudiant. Son camarade, lui, a plus de chance, car originaire de Siby, il reçoit déjà  des petites cargaisons des parents qui en savent leur petit friand. « Viens à  la maison, je t’en donnerai quelques-unes contre quelques exercices de statistique»Â… à‰change de bon procédé, le marché « exos contre mangos » semble équitable pour Booba … Qui finalement en mangera quelques-unes, de ces mangues si douces mais au prix si amer pour l’instant.

Fruits et légumes au Mali : Pour une meilleure politique d’exportation

Un secteur en pleine expansion Cette dernière décennie, le Mali s’est illustré par la croissance exponentielle de ces exportations agricoles. Pour ce qui est du secteur fruits et légumes, d’importants progrès ont été réalisés. Mas tout n’est pas rose. Le président de l’Association Malienne des Exportateurs de Légumes et Fruits (AMELEF), Bakary Yaffa explique que le secteur rencontre quelques difficultés sur le plan national et international. Il précise « qu’il y a 10 ans, le Mali n’était pas connu sur le plan agricole. Durant ces sept dernières années, notre pays effectué d’importants progrès en matière d’exportation, de mangues en particulier.» Notons que l’industrie de la mangue a connu un essor considérable et l’exportation s’est étendue à  de nombreux pays de la sous-région mais aussi, à  l’Occident. Cela dit, un autre défi se pose aux exportateurs maliens. Celui notamment de la fabrication des emballages pour le transport des produits. Notre pays ne dispose en effet d’aucune usine de fabrication de carton correspondant aux normes internationales. Le Mali est obligé de se ravitailler au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, en France, en Espagne, et en Hollande. « Il faut que le CNPM et le gouvernement malien nous aident à  mettre en place une usine de fabrique de cartons parce que nous dépensons énormément pour les acheter. Si nous mettions ensemble nos efforts pour l’installation d’une fabrique, cela fera une entrée importante d’argent dans le pays» a souligné Bakary Yaffa. La mangue connait de beaux jours au Mali. Selon Bakary Yaffa, l’explosion du marché de ce fruit qui, il n’y pas si longtemps, n’intéressait pas les commerçants a permis de créer des emplois. Il précise que durant la période de production (de mars à  mai ndlr), les producteurs emploient entre 300 et 400 personnes. Ces emplois selon Mr Yaffa, étant temporaires, « il faut que l’Etat adopte une politique de récupération de ces jeunes. Et même si ce n’est pas pendant cette période, il faut une continuité pour exploiter la mangue et autres fruits et légumes. » Créer une politique d’exportation Pour le président du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM), Mamadou Sidibé, le Mali doit adopter une meilleure politique de gestion des exportations. Selon lui, les pays ne se développent pas seulement avec le commerce interne, mais aussi grâce à  l’exportation. Même s’il reconnait le fait que le Mali ne dispose pas d’assez de matières exportables. Cependant, « les fruits et légumes sont un secteur très porteur, avec un potentiel dont nous devons savoir tirer parti». Il ajoute que même si une politique nationale de développement de cette filière existe, elle ne bénéficie malheureusement pas d’un bon suivi. La responsabilité en revient surtout au secteur privé qui ne s’implique pas assez dans le développement du secteur. « C’’est à  nous, secteur privé, de mettre sur pieds, une unité de fabrication de carton. l’Etat n’a pas à  le faire à  notre place. » Mr Sidibé reconnait cependant que la spéculation foncière est devenue importante au Mali. Les exploitations agricoles disparaissent au profit des habitations.Or dans de nombreux autres pays d’Afrique et d’ailleurs, l’Etat étant responsable des terres, octroie des superficies importantes aux exploitants agricoles afin de faire fructifier l’économie du pays à  partir de l’agriculture. Et une part importante est également accordée aux cultures d’exportation. Il y a moins de cinq ans, les ivoiriens, sénégalais et burkinabés venaient s’approvisionner en mangues au Mali. Ils y trouvaient plusieurs variétés qu’ils ramenaient chez eux et exploitaient. Mais aujourd’hui, ces pays ne viennent plus ici parce qu’ils ont réussis à  faire pousser ces plans chez eux et à  les adapter à  leur climat. l’autre difficulté majeure que rencontrent les opérateurs du secteur, C’’est l’accès au financement. Mr Yaffa explique que « les banques refusent de nous financer sous prétexte que nous disposons de produits périssables. Et qu’il n’y a aucune garantie dans ce que nous faisons ». Le président du CNPM a donc demandé à  l’Etat de venir en aide au secteur. Et ce en proposant des options permettant d’accéder au crédit, par exemple, en créant un fond de garantie qui sera alloué aux opérateurs. Pour encourager les opérateurs à  investir dans le secteur, l’Etat pourrait également accorder des bonus aux plus grands exportateurs. Le Patronat malien s’engage à  accorder des financements aux consultants désireux d’approfondir leurs études dans ce domaine.

Agriculture : développer la filière mangue à Sikasso

l’assemblée générale ouverte ce mercredi et devant s’étendre sur 2 jours dans la cité du kènèdougou, devra déboucher sur la mise en place d’une interprofession de la filière mangue en 3e région. Le comité interrégional de pilotage de la filière mangue, et le programme compétitivité et diversification agricole (PCDA), veulent doter la filière, d’un instrument moderne de gestion et de promotion Moderniser la filière mangue Le coordinateur régional du PCDA de Sikasso, Mr Mahamadou Camara, déclare : «Â  Cet outil de gestion que nous allons mettre en place, nous permettra de moderniser cette filière. Egalement de faire en sorte que, l’ensemble des acteurs, dans un plan de compétitivité partagée, puisse en profiter au maximum. » Filière considérée comme priorité dans le développement de la région, la mise en place de cette interprofession qui servira de cadre de concertation de l’ensemble des acteurs, aura sans nul doute, un impact positif sur la mangue. Le représentant du gouverneur de Sikasso, Mr Soumaila Sangaré, estime que les défis identifiés au cours des différents diagnostiques, n’auront de chance d’être relevés que, lorsqu’ils seront traités par une masse critiquer d’organisations professionnelles. Et cela, à  travers l’établissement du cadre de dialogues constants et soutenus. La filière mangue en chiffres En 2008, le Mali exportait 920 tonnes de mangues ( 2% du marché mondial) vers les pays européenns alors qu’auparavant ce secteur souffrait du manque de copétitivité. En 2009, ce chiffre a doublé de moitié. Les acteurs de la filière ont donc décidé de prendre le taureau par les cornes, en dotant la filière d’une unité de transformation locale, ceci dans l’optique d’une industrialisation croissante de la filière. La nouvelle orientation a permis de favoriser les paysans producteurs qui vendent le kilo de mangues à  environ 75francs. L’amélioration de la filière résulte du projet agricole  » Projet compétitivité et diversification agricole (PCDA) », avec l’implantation d’une unité de conditionnement de mangues. Elle comprend un espace de tri, une salle de lavage, et de pré-conditionnement et enfin de conservation. L’unité emploie près de 200 personnes » Il s’agit surtout de rendre la mangue Malienne compétitive sur le marché mondial en professionnalisant toutes les étapes de la production à  la récolte, à  l’exportation. On parle aujourd’hui d’un label spécial Mangue Malienne…