S.E. Hadi Shebli : « Notre peuple ne cessera jamais sa lutte pacifique »

Plusieurs Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens depuis le début de la commémoration des 70 ans de la Nakba. Alors que la situation est plus que jamais tendue dans la bande de Gaza, l’Ambassadeur de Palestine au Mali, S.E. Hadi Shebli, a bien voulu répondre aux questions de Journal du Mali.

Comment le peuple palestinien vit-il ce moment ?

La Nakba (catastrophe en arabe) marque en réalité une étape déterminante dans la tragédie palestinienne, qui a commencé depuis plus d’un siècle. En effet, depuis 70 ans, le peuple palestinien vit  toutes les formes de négation de ses droits,  violences, répressions, exils, emprisonnements, massacres, dépossessions, destructions, expulsions, pillages, qui ont mené à la création de l’État d’Israël en 1948.

Les chiffres témoignent  de la souffrance du peuple palestinien à partir de cette date, à l’origine ce que l’on peut qualifier de nettoyage ethnique planifié, un vrai génocide mené par l’État d’occupation. Les Palestiniens sont en réalité victimes du système d’apartheid de l’État d’Israël, cautionné par son allié, les États-Unis. Le peuple palestinien est martyrisé, violenté, tué et exilé depuis 1948 en violation des droits internationaux et des conventions et résolutions des Nations Unies.

Donald Trump est-il un frein à une solution pacifique entre Israël et la Palestine ?

Le Président Trump, en prenant la décision de déclarer Jérusalem capitale d’Israël, a  choisi son camp et  décidé d’être une partie du problème au lieu d’être une solution. Il était censé être un arbitre dans la crise, hélas il a préféré être complice de l’occupation israélienne. Par conséquent, il n’est plus habilité à jouer le rôle du médiateur. Il n’est plus crédible et nous exigeons une médiation internationale multipartite pour négocier sur la base des frontières de juin  1967.

Le gouvernement des États Unis  d’Amérique, en prenant cette décision, s’est exclu de l’action politique dans la région du Moyen-Orient. Il faut organiser une conférence internationale avec un certain nombre de pays. Nous n’accepterons plus aucun accord avec l’Amérique, car nous avons bien compris le jeu de l’accord, sans la question de  Jérusalem et celle des réfugiés sur la table des négociations. Tout accord qui ne traite pas ces deux sujets est une parole en l’air. Nous ne sommes plus prêts à écouter des discours politiciens.

Les autorités israéliennes accusent le Hamas d’instrumentaliser la contestation, cela est-il avéré ?

En réalité, le problème n’est pas de savoir qui instrumentalise qui où quoi, Mais plutôt qui est le vrai obstacle à la paix ? Accuser est facile, mais poser une vraie action en vue d’une paix réelle est la grande équation qu’il faut résoudre. Riposter par des  tirs à balles réelles contre des manifestants désarmés traduit-il une volonté d’Israël d’aller vers la paix ? Non, je ne pense vraiment pas !!! La réalité est que l’occupation israélienne cherche par tous les moyens à justifier les crimes odieux perpétrés contre les Palestiniens. Cela en toute impunité et en violation du  droit international et de toutes les conventions en matière des Droits de l’Homme.

Comment expliquer que les manifestations de cette année aient pris autant d’ampleur ? 

Toutes les manifestations pour la liberté et la justice ont de l’ampleur. La particularité cette année vient de la commémoration des 70 ans de la Nakba, qui donne plus de volonté d’aller de l’avant dans la lutte pour la liberté et contre l’occupation et la répression. Notre peuple ne cessera jamais sa  lutte pacifique. Nous continuerons de le faire jusqu’à la victoire, la création de l’État Palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale.

Le Front démocratique pour la libération de la Palestine accuse les autorités du pays de laxisme et prône une solution plus radicale. Comment pourrait-elle se traduire ?

Les méthodes radicales ont montré, à mon avis  leurs limites. La violence est une perte pour nous tous, elle ne sert aucune cause juste. Nous estimons qu’il est grand temps d’expérimenter des solutions diplomatiques. Telle est la vision des autorités palestiniennes, en vue de gagner la bataille sur la scène internationale et de réclamer les droits légitimes palestiniens par des moyens de droit pacifiques.

Cette nouvelle  démarche commence à porter ses fruits, car la Palestine est aujourd’hui membre observateur aux Nations Unies et membre également de plusieurs organisations internationales.

Certains observateurs estiment que pour arriver à la paix Israël doit renoncer à la Cisjordanie et que la Palestine, de son côté, a un droit au retour. Partagez-vous cette analyse ?

Notre position est claire. Nous réclamons tout simplement un État de Palestine Indépendant et souverain, sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem Est  comme capitale. Nous demandons juste nos droits fondamentaux, à travers une médiation internationale multipartite issue d’une conférence internationale.

Comment appréciez-vous la relation entre le Mali et la Palestine?

Le Mali et la Palestine ont une relation historique, le Mali est un pays frère et ami qui a toujours soutenu la cause juste de la Palestine. Le peuple Malien a été toujours du côté du peuple palestinien dans sa lutte contre l’injustice et l’oppression.

Je profite de cette occasion pour exprimer toute la gratitude de l’État et du peuple palestinien à l’ensemble du peuple malien frère, les différents gouvernements successifs du Mali ont gardé à travers le temps une position de soutien inlassable à la cause Palestinienne. Nous resterons reconnaissants envers le peuple vaillant du Mali pour toujours.

Je profite de votre voix pour souhaiter plus de stabilité, de paix, du progrès et de développement pour le Mali, implorant  Allah le Tout Puissant, en ce début du mois sacré de Ramadan, pour le bonheur de toute la Omma Islamique. Je souhaite également un climat de paix et d’apaisement pour les élections futures au Mali.

Bamako : Le premier conseil des ministres reporté, manifestations en ville…

Mis en place le mercredi 28 avril dernier, le nouveau gouvernement de transition devra encore attendre pour tenir sa première réunion officielle. Très attendu par l’opinion publique (à  cause des nombreux dossiers en attente), le premier Conseil des ministres n’a pu avoir lieu, nous rapportent plusieurs sources gouvernementales, qui ne donnent pas d’autres raisons. Tout porte à  croire que ce report de la rencontre de l’exécutif serait en rapport avec la situation sécurité qui prévaut dans la capitale depuis ces dernières 72 heures. En effet, depuis ce lundi, Bamako est en proie à  de violents affrontement entre les éléments de l’ex garde présidentielle (bérets rouges) et l’ex junte militaire, dirigée par le capitaine Amadou Haya Sanogo. «Calme apparent » Bamako, qui s’est réveillée ce matin dans un calme précaire malgré quelques coups de feu entendus tard dans la soirée, semble retrouver son visage. Si dans les écoles publiques, les directeurs d’établissements ont libéré les élèves «Â par mesure de sécurité », les transports, eux, ont repris tôt le matin. Contrairement à  hier, de nombreuses stations d’essence ont repris du service, et les commerces se sont mis en marche. Au grand marché de Bamako, les commerçants se sont mis activité, les kiosques de journaux, eux, ont été envahis tôt le matin par des lecteurs qui voulaient comprendre ce qui s’est passé au cours des dernières journées dans leur pays. Mais vers 11h, la situation s’est inversée à  causes des manifestations de lycéens. La décision du chef du gouvernement de reporter le Conseil des ministres d’aujourd’hui a sans doute un lien avec la fragilisation du climat sécuritaire de ces derniers temps. «Â J’ignore les raisons, mais les ministres ne se réuniront pas aujourd’hui », nous a confirmé tôt ce matin un conseiller technique à  la Primature. Dans les différents départements ministériels, tous les agents ont été libérés. A la Cité ministérielle, au moment de notre passage, nombreux étaient ceux avaient déjà  rejoint leur domicile. A la devanture de la Cité (non loin du Camp-para de Djicoroni, quartier général des bérets rouges), le dispositif de sécurité a été sérieusement renforcé. «Â Panique dans la capitale » Jusqu’à  12 heures, tout semblait bien fonctionner à  travers la ville. Quand, brusquement une alerte a été donnée par des coups de fusils en l’air au centre ville et aux abords des camps de la gendarmerie et de la garde nationale à  Dar-Salam. Le Boulevard de l’Indépendance, menant à  Djikoroni et plusieurs routes principales ont été bouclées par les militaires. Dès lors, C’’est un mouvement de panique qui s’est emparé, de la ville. Et plusieurs personnes ont vite rejoint leurs familles. Certaines stations d’essence, qui avaient ouvert le matin, sont obligées de fermer, pour, disent les agents, parer à  toute éventualité. Et jusqu’à  13 heures, tout semblait calme. A l »Office de radio télévision du Mali (ORTM), la tension reste encore vive, et le programme de diffusion peine à  reprendre son cours normal. Des anciennes images et de vieux documentaires continuent de passer en boucle. Et les employés ont été sommés d’évacuer les lieux par les forces de l’ex junte Ce climat, peu souhaitable pour bon nombre de Maliens, traduit véritablement la fragilité de la sécurité dans la capitale malienne. Et les scènes de far-West produites dans la soirée du lundi dans certaines rues de Bamako ont crée la psychose chez de la population. Combien de temps cela va durer ?

Musulmans en marche ! 10000 manifestants à Bamako pour protester contre le code de la famille

La marche de samedi dernier, a constituée un véritable levée de bouclier pour les milliers de fidèles musulmans qui ont parcouru (à  pied) la longue distance comprise entre la Bourse de travail et le Monument de la paix. Dans leur déclaration, ils demandaient au Président de la République de ne pas promulguer le code en sa forme actuelle. L’ultimatum devient une marche contre la loi « Nous nous opposons à  ce code jusqu’au bout ! », « Tout sauf la caution des musulmans », ou encore « nous voulons notre religion, nous voulons nos valeurs sociétales, laissez-nous à  nous-mêmes !», pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants ce samedi 15 Aout. En effet, depuis le 4 août dernier, l’adoption du nouveau code de la famille et des personnes est devenue une réalité. Suite à  ce vote par l’Assemblée Nationale, le milieu musulman ne cesse de s’agiter afin que la promulgation dudit code ne voit jamais jour. C’est en quelque sorte une invective lancé au président de la République. Au nombre des actions posées, il faut noter le grand meeting animé le dimanche 9 août dernier au siège du Haut conseil islamique, qui avait pour but d’inviter le président de la République à  ne pas le promulguer le code. Vendredi dernier, les prêches se sont multipliés sur l’ensemble du territoire national pour fustiger le code des personnes et de la famille. Ainsi, avec les milliers de manifestants, l’avenue empruntée était noire de monde. On pouvait lire sur les pancartes et les banderoles confectionnées à  cet effet : « Non au nouveau code ! ATT : le Satan ! Non à  un code féministe et libertin, nos valeurs ancestrales et religieuses nous suffisent… » Lors de la marche, les leaders religieux se sont indignés du comportement des élus nationaux qui, disent-ils, peut être assimilé à  de la provocation. Au terme de la marche, des milliers de fidèles ont pris part à  la marche et réitéré des bénédictions pour le pays en proférant des malédictions ouvertes à  l’endroit des députés, le Gouvernement et même le président de la République. Une position ambigue? Mais ce qu’il convient de souligner et qui s’avère nettement paradoxal, est que le Haut-Conseil Islamique avait ses représentants dans la commission qui a élaboré le texte du code. Ont-ils, ces représentants de la haute instance musulmane, failli a leur mission, ou n’ont-ils pas été entendus ?