Sacrifices religieux, un phénomène de société

Merci Morikè ! En circulant dans les rues de Bamako, vous avez dû tomber dessus au moins une fois. Des trucs étranges posés sur la route à  des endroits bizarres (sur le bord de la chaussée, dans un carrefour…), souvent des canaris, des petits tas d’herbes ou encore des œufs. Ou encore de l’argent. Les gens font très attention à  les éviter, et à  ne pas ramasser les pièces. à‡a vous dit certainement quelque chose…n’est-ce pas ? Non ? Ce sont des « sacrifices ». Très peu de maliens et surtout de maliennes pourraient jurer la main sur le C’œur ne jamais avoir mis les pieds chez un marabout. Les marabouts sont présents dans les moments difficiles. On peut aller les voir pour leur demander des choses plus « banales » ou plus précises : l’amour, le travail, la santé, pour savoir si on va avoir ce marché ou un autre, si on peut voyager ou non…On va aussi souvent les voir pour se protéger d’éventuels sorts. A la fin de la consultation, le « praticien » remet à  son client ses prescriptions. Il peut s’agir d’aller verser du lait dans le fleuve, de donner des galettes ou des piécettes à  un mendiant, de casser des œufs à  un carrefour. On raconte l’histoire d’un homme à  qui on avait demandé de se promener tout nu assis sur un cheval…et qui le fit ! Ces prescriptions doivent en effet être suivies à  la lettre si l’on veut voir son souhait exaucé. Cette dame que nous avons rencontré chez l’un des « karamoko » (nom respectueux signifiant maà®tre) nous avoue être devenue une abonnée. « Tous mes problèmes se gèrent ici. J’étais célibataire après un mariage sans enfant. Et grâce à  lui aujourd’hui je suis mère de famille » nous confie-t-elle avec le sourire sans toutefois vouloir nous révéler les sacrifices qu’elle a fait pour y arriver. Les marabouts ont la côte N’dji Coulibaly vient du cercle de Kolokani et réside au quartier de Banconi, à  Bamako. C’’est un « spécialiste en Géomancie » et il confirme «chez moi,je reçois beaucoup des gens, la plupart sont des femmes. Mon travail est de prédire l’avenir des gens afin de leur proposer des sacrifices à  faire pour éviter les situations difficiles ou s’attirer des circonstances heureuses. Celui qui fait correctement ses sacrifices verra ses vœux exaucés. C’’est un don que J’ai hérité de mon père qui était lui-même géomancien » nous confie- t-il. Amadou Diallo communément appelé Karamoko dans son secteur à  Boulkassoubougou est un marabout réputé surtout auprès des femmes. «Je suis l’un des marabouts le plus sollicité ici. Tu vois, tous mes matériels y compris mon véhicule ont été offerts par les clients, parce je suis un marabout qui donne des solutions immédiates aux problèmes difficiles ». Des chefs d’entreprise aux hommes politiques en passant par les étudiants préparant leurs examens et les jeunes filles en quête d’un conjoint, aucune catégorie sociale n’échappe au phénomène. Le plus souvent, nous confie le marabout, il conseille à  ses clients d’offrir un bélier, une chèvre, des poulets, des colas, ou du lait. Tous ces produits et même les plus improbables comme les griffes de félin ou la peau de reptile sont disponibles sur les « marchés spécialisés ». Des énergies « positives » ? Il existe des endroits plus favorables que d’autres quand on a un sacrifice à  faire. Le lieu le plus prisé de Bamako reste la chaussée submersible de Sotuba. Selon les informations recueillies auprès des sacrificateurs, elle serait le fief des djinns (esprits), et les satisfaire permet de s’attirer leurs bonnes grâces. Les croyances populaires attribuent également un pouvoir particulier à  l’eau. Pour certains, il n’est pas étonnant que des vies se perdent dans les flots tumultueux du fleuve. Mais les sacrifices ne concernent pas seulement la recherche du bonheur ou de la fortune, ils sont aussi le passage obligatoire avant le début de la saison de pêche. On y jette alors des noix de Kola, de la bouillie de mil et l’on égorge ensuite un coq blanc dont le comportement, une fois jeté dans le fleuve, permettra d’interpréter l’avenir de la saison. S’il disparaà®t dans le fleuve, c’est que Faro, génie du fleuve, accepte le sacrifice. D’autres endroits comme les routes, les cimetières sont tout autant prisés car « chargés d’énergie » nécessaire à  influer sur les destins des demandeurs. A Bamako, les carrefours sont particulièrement utilisés, l’intersection permettant de « semer le mauvais sort » qui ainsi ne saurait plus suivre l’infortuné. Ce que recommande l’Islam Faire des sacrifices, est interdit par le Coran. Ce sont là  des pratiques animistes ancestrales, nous dira un musulman intérrogé. Un maà®tre coranique fustige surtout la pratique qui pousse les gens à  faire des sacrifices en tout genre sur les tombes de leurs parents défunts. Cela est formellement interdit par la religion musulmane, selon Alpha Konaté. C’’est dans le but d’aider leurs parents décédés à  obtenir le repos éternel que certaines personnes s’adonnent à  des sacrifices sur leurs tombes. Les jours les plus prisés sont les vendredis o๠les cimetières ne désemplissent pas. Il n’est pas rare de voir sur des tombes, des calebasses de lait frais, des graines de mil, maà¯s, haricot ou même des habits neufs ou usagés. Croyant faire du bien à  leurs défunts, ces sacrificateurs se trompent. « La religion musulmane interdit formellement de déposer des sacrifices sur les tombes au cimetière, quelle qu’en soit la nature »martèle Alpha Konaté. « La religion recommande par contre de faire des bénédictions aux morts, prier pour le repos de leur âme. Pour ce qui est des sacrifices, ils ne doivent pas être déposés sur les tombes comme beaucoup le font mais donnés aux pauvres et aux démunis. Les défunts bénéficieront des retombées positives de ces dons», précise M. Konaté. On peut ainsi préparer de la nourriture et inviter des personnes à  la partager tout en priant pour le défunt. De même, on peut offrir des habits, de l’argent à  des démunis au nom du défunt, au lieu de les déposer sur sa tombe.