IARDT : Nouveaux entrants

Encore à l’état embryonnaire, le marché de l’assurance au Mali n’en est pas moins dynamique, avec une croissance, certes faible mais constante, qui attire de nouveaux acteurs.

Selon les entreprises du secteur, ce dernier est en développement, bien que le marché malien soit encore peu significatif comparé à ceux de certains pays de la sous-région. Afin de prendre leur part d’un marché qui promet de belles marges de progression, les acteurs se positionnent.

Présente sur le marché malien depuis 1996 dans la branche Vie, la SONAVIE investi à présent le secteur IARDT. Elle a en effet procédé à l’acquisition de 75% du capital de la compagnie d’assurances Sabunyuman en fin d’année 2015. Désormais présidé par le Directeur général de la SONAVIE, Mamadou Touré, le conseil d’administration de Sabunyuman se veut très optimiste en ce qui concerne les perspectives : « nous avons pris huit mois pour structurer l’entreprise. L’innovation est au rendez-vous et nous sommes confiants pour l’avenir ».

Un nouvel acteur est également à l’approche du marché de l’assurance malien, c’est Atlantique Assurance Mali, filiale du groupe Banque Atlantique. Atlantique Assurance a déjà obtenu l’agrément d’exercer et sa directrice générale, Cissé Adame Bah, annonce le lancement officiel de cette nouvelle compagnie de la branche IARDT pour fin novembre, avec une spécialisation dans l’assurance de biens.

 

3 questions à Tidiane Hady Kane Diallo, président d’honneur de la Fédération interafricaine des assureurs conseils (FIAC)

 

Quel est la différence entre un assureur-conseil et une compagnie d’assurance ?

Comme son nom l’indique, c’est un assureur qui conseille. Il est plus du coté du souscripteur que de celui des compagnies. C’est un intermédiaire entre le consommateur et les compagnies. Ceci dit, ce sont les compagnies qui sont propriétaires des produits d’assurance qu’il commercialise et ce sont elles qui en sont les initiatrices.

La FIAC souffle ses 10 bougies. Quel bilan dressez-vous et comment s’annonce l’avenir ?

Il y avait trois objectifs au départ, à savoir regrouper tous les assureurs conseils de la zone CIMA, être leur porte parole en assurant la défense de leurs intérêts, mais aussi aboutir à leur adhésion dans les structures de décision. Les deux  premiers objectifs ont été remplis. Le dernier point reste le seuil à franchir, et nous sommes en bonne position pour le faire. Pour l’avenir, je suis optimiste, nous avons une vision pour donner à la profession un contenu notable. C’est ce que nous sommes venus voir entre nous, et nous projeter sur les cinq à dix ans à venir.

Quels sont les défis auxquels vous restez confrontés ?

En matière d’association, l’unanimité n’est toujours pas acquise. Il y a toujours des gens à convaincre. Nous travaillons aussi à la pérennisation de l’association. Il nous faut être imaginatifs pour trouver des sources de financement afin de continuer nos activités. La rencontre de Bamako avait entres autres objectifs de nous y aider.

Assurances : doucement mais sûrement

En moins d’une dizaine d’années, le marché de l’assurance a connu un essor considérable au Mali. Les compagnies se sont multipliées, rivalisant pour offrir des produits attractifs à un public réticent à souscrire des offres dont il n’a pas encore très bien compris ce qu’elles pouvaient lui apporter. Mieux faire comprendre les produits d’assurance et attirer le plus de clients possible, tel est le challenge de la douzaine d’entreprises qui se disputent le marché étriqué du Mali. Avec l’espoir de voir les mentalités évoluer mais aussi un soutien plus important de l’État dont les compagnies d’assurances estiment être un partenaire de développement.

Alors que s’achève à Bamako la 10ème Assemblée générale de la Fédération interafricaine des assureurs-conseils, les courtiers d’assurance, comme on les appelle plus souvent, veulent rester optimistes. Ceux qui jouent le rôle d’intermédiaires entre les compagnies d’assurances et leurs clients en sont sûrs, le marché va continuer de grossir et les 32 courtiers d’assurances maliens entendent participer pleinement à la croissance du secteur. Force est en effet de constater que malgré une expansion exponentielle, l’assurance au Mali reste encore à l’état embryonnaire. « Prenez la Côte d’Ivoire où le chiffre d’affaires du secteur assurance tourne autour de 100 milliards de francs CFA, alors qu’au Mali, nous avons à peine le quart de ce montant », explique Constant Yao Djeket, Directeur général de NSIA et NSIA-Vie Mali, qui souligne cependant que la croissance, même si elle est faible, est au rendez-vous. Pour lui, les causes de cette croissance au ralenti ont été diagnostiquées par les professionnels du secteur qui s’attellent à les solutionner. « La première est la mentalité du Malien. Lorsque vous lui parler d’assurances, il vous répond que son sort est entre les mains de Dieu », raconte l’assureur, qui avoue avoir une réponse toute prête : « c’est Dieu qui a permis que les produits d’assurances existent pour aider les gens à faire face à leurs difficultés ».

Manque de confiance Un message qui a encore du mal à atteindre son objectif, si l’on en croit les témoignages des commerciaux des compagnies. « On souffre sur le terrain. Nous pouvons aller chez un client potentiel trois ou quatre fois, il nous tiendra le même discours. Non pas qu’il ne comprenne pas ce que l’assurance peut lui apporter. Je crois que les gens comptent sur la solidarité pour faire face aux situations difficiles, alors que l’expérience montre que c’est de moins en moins possible », se plaint Aboubacar, commercial. D’autres avancent le manque de confiance qu’ils ont en ces compagnies qui « ne cherchent que leur profit. Combien de mes connaissances ont eu maille à partir avec leur assureur ? C’est d’ailleurs toujours l’entreprise qui a gain de cause, même si on va jusqu’au tribunal », assure Maimouna Haïdara, qui a décidé de se « passer des assureurs ». « C’est surtout un problème de compréhension », se défendent les assureurs, qui estiment que le public n’appréhende pas correctement tout ce que l’assurance peut résoudre dans leur vie. « Les gens se limitent la plupart du temps à l’assurance automobile, parce qu’elle est obligatoire. Ils prennent d’ailleurs les polices les plus minimales mais quand ils sont confrontés à des problèmes, ils veulent que l’assurance couvre tous les coûts. Cela n’est pas possible, on ne peut vous donner que ce pour quoi vous avez signé », poursuit Aboubacar, qui se retrouve bien souvent face à des clients furieux estimant avoir été grugés. « La réputation qu’on nous fait n’est pas du tout justifiée », plaide M. Djeket qui reconnait volontiers qu’il existe, comme dans tous les domaines, des « gens qui ne font pas leur travail avec sérieux ».

Nouveaux produits Le secteur assurance est scindé en deux branches : l’assurance Vie et l’assurance Non-vie, plus connue sous le vocable d’IARDT (Incendie, Accident et Risques Divers et Transports). Selon les chiffres 2015, la SONAVIE fait la course en tête, avec 59% de part de marché sur le créneau assurance-Vie, devant ses deux concurrents, NSIA Vie Mali (29%) et Saham Assurance Vie Mali (12%). Pour se maintenir en haut du tableau, le leader se renforce en entrant au capital de Sabunyuman, mais aussi en proposant des services innovants comme le produit épargne retraite dédié au monde agricole, Samiya, ou un produit d’épargne spécifique pour les commerçants, Fartama. Les plans épargnes retraite rivalisent en effet désormais d’attractivité (réduction du montant minimal des cotisations, multiplication des garanties optionnelles, etc.), tandis que les assurances maladies précisent leurs offrent afin de contourner la concurrence qu’est désormais l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Outre les assurances retraite, d’autres produits comme l’épargne études (pour financer les études supérieures des enfants du souscripteur) commencent à susciter un intérêt accru auprès du public. Enfin, la bancassurance qui permet de commercialiser les produits d’assurance au guichet des banques. « Cela permet de profiter du réseau d’agences du partenaire bancaire pour atteindre le maximum de clients », explique un assureur. Ce système a d’ailleurs donné des idées aux banques, à l’instar de la Banque Atlantique Mali qui devrait lancer au mois de novembre prochain Atlantique Assurance, spécialisée dans la protection des biens.

Pour Mamadou Touré, Directeur général de la SONAVIE, le secteur Non-Vie est plein de perspectives et sa société entend s’y positionner dans un avenir très proche, à travers sa filiale Sabunyuman, qui lancera bientôt de nouveaux produits. Pour l’instant, ils sont huit sur ce secteur dominé par Saham Assurance Mali, ex-Colina (33% de part de marché), présente au Mali depuis 1989. La concurrence est donc rude et c’est à travers l’innovation, mais surtout une meilleure communication à l’endroit du public, que les assureurs du Mali entendent maintenir, voire accélérer la croissance de leur secteur.

Acteurs économiques Malgré ces avancées, le taux de pénétration de l’assurance reste encore assez faible. Une des raisons de cette situation est la « non-obligation » de s’assurer. « Normalement, est soumis à l’obligation d’assurance toute personne ou activité qui peut causer du tort à autrui ». Devraient donc être assurés les chantiers de construction, les restaurateurs, les professions médicales, les commissaires aux comptes, etc. Autant de clients potentiels dont une partie marginale fait aujourd’hui la démarche de souscrire à un contrat d’assurance. De plus, « la fiscalité plombe notre activité. Imaginez que l’État prélève 20% de taxes sur l’assurance maladie. Cela veut dire que si vous versez 100 francs de cotisation, l’assureur en reverse 20 aux impôts. C’est énorme !», déplore M. Djeket, qui rappelle que les assureurs sont des acteurs à part entière de la vie économique du pays. « Nous payons nos impôts mais en plus alimentons l’activité financière avec les fonds que nous collectons à travers l’épargne de nos clients. Cet argent sert aux banques et à l’État, les compagnies d’assurances participant régulièrement aux emprunts obligataires, et donc au financement des grands chantiers de l’État », poursuit-il.