(Défis de 2019 – 1/7) Sécurité : Briser la spirale des violences

Six ans après le début de la crise au Mali, la situation sécuritaire reste préoccupante. L’insécurité au centre s’est embrasée depuis quelques années, au point de faire de l’ombre au nord, qui a pourtant été sous le joug djihadiste. Outre le terrorisme, les conflits communautaires et le banditisme ont détérioré la situation jusque dans des zones encore épargnées. Les autorités sont à la manœuvre pour résoudre les problèmes.   

37 morts. Des blessés et des habitations incendiées à Koulogon, cercle de Bankass, dans la région de Mopti. Le massacre a été perpétré le 1er janvier 2019, jour de l’An, sur des civils peuls, par « des hommes armés habillés en tenue de chasseurs traditionnels dozo », selon le gouvernement. Épicentre de la violence depuis 2015, la région de Mopti est devenue le point névralgique de toutes les tensions communautaires. Selon les Nations Unies, en 2018 elles ont coûté la vie à plus de  500 civils. Plus tôt en décembre, 49 civils de la communauté Daoussahak avaient été assassinés à l’est de Ménaka. Les victimes s’accumulent et il est difficile d’avoir une compilation précise. Contredisant les ONG et l’ONU, le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga, assure que le gouvernement n’a enregistré que 203 victimes de violences.

Les persécutions continues des groupes terroristes se transposent désormais au sud-est du pays, dans la région de Koulikoro. Une vingtaines d’écoles ont été fermées en novembre sous la menace djihadiste. Le chef du gouvernement multiplie les tournées, aussi bien au nord qu’au centre, pour stabiliser la situation. Mais sa volonté est mise à l’épreuve par les violences, tantôt de groupes terroristes, tantôt de milices locales. « Lorsqu’on regarde la cartographie sécuritaire dans le contexte malien, on s’aperçoit que les raisons profondes de l’insécurité ne sont pas suffisamment questionnées à certains égards. Qu’on soit à Tombouctou, à Ménaka ou à Mopti, il est important de se questionner sur la manière dont l’État central arrive à trancher les crises entre les populations », affirme Aly Tounkara, sociologue et enseignant – chercheur à l’université des Lettres et des sciences humaines de Bamako.  « Quand une partie de la population a le sentiment qu’elle est lésée dans ses droits fondamentaux, que la justice n’est pas rendue de façon équitable, elle finisse par légitimiter le recours à la violence », poursuit-il.

La tuerie de trop ?

« Koulongo est une tragédie. Je pense que cela doit cesser. Et, étant à Koulongo,  j’ai une pensée très profonde également pour nos parents de Ménaka. Ils ont souffert et ont été violentés (…). Le cycle infernal doit s’arrêter et il faut que le Mali se dédie de nouveau à sa seule mission de paix et de développement… », a témoigné dès son retour de Bankass le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita. Car la tuerie de Koulongo a mis en émoi tout le pays. Le déplacement du Président sur les lieux du désastre a été salué aussi bien par les rescapés que par les responsables de diverses associations. « Nous avons pris acte de cette visite. C’est déjà un pas, mais nous restons dubitatifs sur le contenu, car nous pensions qu’il allait agir plus fort parce qu’il a vu ce qui s’est passé et que cela n’a rien avoir avec la lutte contre  le terrorisme », déplore Abderrahmane Diallo, secrétaire administratif de l’association Tabital Pullaku. Selon lui, il y a des amalgames qui pèsent depuis longtemps sur la communauté peule qu’il urge de lever. « Nous avons toujours demandé que le Président parle sur cette question du centre. Qu’il dise ouvertement, comme il l’a fait avec nos parents touareg, que tout Peul n’est pas djihadiste et que tout djihadiste n’est pas Peul, qu’on ne s’en prenne pas aux civils, mais il ne l’a jamais fait », regrette-t-il, inquiet.

Depuis le début de la crise, en 2012, jamais la situation socio-sécuritaire n’a été aussi préoccupante. Les différentes dénonciations de responsables de la communauté peule alertent sur l’urgence d’une solution adéquate. Ils  n’hésitent plus à dénoncer la complicité de l’État dans ce qu’ils qualifient « d’épuration ethnique ». Pour Abderrahmane Diallo, l’attaque de Koulogon constitue un évènement   « malheureux » de plus. « La milice Dana Ambassagou est connue du gouvernement et ils travaillent de concert. Elle a un récépissé délivré par le préfet de Bandiagara. C’est un permis de tuer », se plaint-il. Le gouvernement, de son côté, a toujours rejeté toute connivence avec ce groupe d’autodéfense dit de « dozos ».  Des arguments qui ne le convainquent point, face à la persistance des accusations et à la force de frappe « des chasseurs ». « Ils ne se sont jamais attaqués à des terroristes, toujours à des civils. Ils veulent chasser les Peuls de tout le Seno, c’est-à-dire des cercles de Douentza, Bankass, Koro et Bandiagara », soutient le secrétaire administratif de Tabital Pulaku.

Dans un communiqué, le groupe d’autodéfense s’est défendu d’avoir commis ces crimes horribles et dit n’être « impliqué ni de loin ni de près dans cette action visant à déstabiliser le pays ». Le retour à la normale semble dépendre d’une prise de mesures nouvelles et du rétablissement de l’État auprès des citoyens. En attendant,  c’est « la raison du plus fort qui est la meilleure » dans toutes ces zones, livrées à elles-mêmes. « La sécurité des populations  incombe à l’État et c’est à lui de prendre ses responsabilités. Aujourd’hui, le problème d’insécurité ne concerne pas seulement  le pays dogon. Même à Youwarou, Tenenkou, Djenné et jusqu’au Burkina Faso, c’est la même chose. C’est le gouvernement qui doit prendre les mesures qui s’imposent », dit Mamadou Goudienkilé, président de la coordination nationale de Dana Ambassagou.

Changer de regard ?

Aussi bien au nord qu’au centre, les révoltes trouvent leurs germes dans l’abandon prolongé de l’État et l’absence de justice. Face aux vides, les communautés se replient sur elles-mêmes pour assurer leur sécurité, une mission dévolue uniquement à l’État mais qu’il peine à assurer.

« Au-delà du règne de l’injustice, par exemple à Gao, à Tombouctou ou à Ménaka, il y a dans le centre du Mali des clichés qui traversent les  communautés. Quand on demande aux Dogons ce qu’ils pensent des Peuls, et vice-versa, vous verrez que pour les Dogons les Peuls les sous-estiment et que les Peuls pensent que les Dogons veulent les exterminer parce qu’ils sont des étrangers », diagnostique le sociologue Aly Tounkara. Des dimensions sociologiques qui entrent en jeu dans les antagonismes actuels. « Les réponses exclusivement militaires ont des limites évidentes. En aucun cas elles ne peuvent aider les populations à retrouver une paix durable, car elles ne s’intéressent pas du tout à ces dimensions sociologiques », argumente-t-il.

Quelles mesures ?

La sécurité et le retour de la paix demeurent des priorités du gouvernement, malgré la dégradation de la situation sur le terrain. Pour l’année 2019, les autorités prévoient des mesures sécuritaires supplémentaires partout sur le territoire. Après l’annonce  par le Premier ministre, mi-décembre, du déploiement à Tombouctou de 350 éléments des forces de sécurité et de 300 autres à Gao, le chef du gouvernement, interpellé par les députés sur la situation au centre, s’est voulu rassurant. « Nous allons accroitre les moyens mis à la disposition de nos forces, y compris sur le fleuve, pour assurer la sécurité des populations en ayant plus de mobilité et d’efficacité (…). Nous allons renforcer la présence administrative de l’État, l’administration de la justice et continuer l’opération du désarmement jusqu’à la fin du mois de janvier », a répondu Soumeylou Boubeye Maiga. 600 éléments des forces de sécurité seront recrutés à Mopti, de même qu’à Ségou, et un quota sera accordé aux régions de Sikasso, Kayes, Koulikoro et au District de Bamako. Les ripostes militaires sont pour le gouvernement indispensables, car appelant les acteurs impliqués dans les violences à faire le choix de la paix ou celui d’être combattu. Un choix apparemment simple, mais qui soulève des réticences. « Les gens continuent de se cramponner au référent communautaire ou géographique parce qu’ils n’ont pas trouvé d’acteur qui puisse les protéger. Les fonctions régaliennes que l’État est censé remplir sont assurées par les communautés elles-mêmes, d’où l’idée d’indépendance ou de rejet de l’État », explique le sociologue Aly Tounkara.

 

 

Cet article à été publié dans le journal du Mali l’Hebdo (N°196) du 10 janvier 2019

Massacre d’Aguel’Hoc : hommage au capitaine Sékou Traoré

24 janvier 2012, 24 janvier 2013, le massacre d’Aguel Hoc a un an. Pour rendre hommage au capitaine Sékou Traoré dit « BAD », le Bloc d’Intervention Populaire Pacifique pour la Réunification Faà®tière du Mali(Biprem) a organisé une journée commémorative le 24 janvier 2013. Sékou Traoré et ses camarades sont tombés en janvier dernier au champ d’honneur, brutalement assassiné par les rebelles du MNLA et autres islamistes à  Aguel’Hoc. Devoir de mémoire Affectueusement appelé BAD, Sékou Traoré et ses camarades d’armes sont de dignes fils du Mali tombés sur le champ de l’honneur lors du massacre d’Aguel-Hoc. Agé de 35 ans, cet ancien leader de l’AEEM s’est sacrifié pour sauver ses frères d’armes des assaillants. Ils s’étaient battu des heures durant pour sauver la ville. Ce jour là , à  court de munitions, il tombera entre les mains de l’ennemi, mais il demandera à  ses camarades de se sauver… La triste nouvelle tombe alors à  Bamako avec les photos des militaires égorgés et celle du capitaine éventré, des images qui ont fait le tour de la toile et des médias nationaux. Un massacre qui a aussitôt provoqué l’ire des femmes des militaires de Kati qui ont ensuite marché sur Koulouba. Par devoir de mémoire, le Bloc d’intervention populaire pacifique pour la réunification faitière du Mali(Biprem) composé d’autres mouvements ont rendu un vibrant hommage à  ces illustres jeunes morts pour la Patrie. « Voila un an, Sekou Traoré et ses camarades sont tombés sur le champ de l’honneur. Biprem et ses alliés rendent hommages à  ces dignes fils qui sont mort pour la patrie », a déclaré Aliou Badra Diarra. Pour la circonstance, le dessinateur peintre Abdou Ouologuem a également réalisé des Tableaux pour immortaliser les militaires sacrifiés : «depuis que J’ai appris cette triste nouvelle, je me suis mis à  travailler nuit et jour pour immortaliser ces jeunes. Je ne connaissais pas ce jeune officier, mais les circonstances dans lesquelles il est mort prouvent qu’il est un brave homme ». « Les grands hommes ne meurent jamais. Sékou est mon neveu, il avait le Mali sur le C’œur. Je remercie tout ceux qui lui ont rendu hommage », a déclaré au cours de la cérémonie l’oncle du capitaine Traoré en larmes. Ses anciens camarades du comité AEEM (Association des Elèves et Etudiants du Mali) de la promotion 1998-2000, avec à  leur tête, Abba Maà¯ga, l’ancien secrétaire général de la Faculté des lettres, langues, arts et sciences humaines (Flash), lui ont également rendu hommage. « Sékou Traoré dit Bad était mon secrétaire à  l’organisation. BAD doit être un exemple pour les jeunes. J’exige que toute la lumière soit faite sur le massacre d’Aguel Hoc ».

Côte d’Ivoire : 7 femmes tombent sous les balles de Gbagbo

Sept femmes ont été tuées jeudi par les forces loyales au président ivoirien sortant Laurent Gbagbo qui dispersaient une manifestation à  Abidjan, selon le dernier bilan de la mission de l’ONU dans le pays, l’Onuci. C’est pour crier leur ras le bol, d’une situation qui étouffe la Côte d’Ivoire que ces femmes, ont marché dans le quartier d’Abobo, chef lieu des affrontements entre patriotes et forces partisanes d’Alassane Ouattara. Selon Guillaume Ngefa, directeur adjoint de la Division des droits de l’Homme de l’Onuci. « Six femmes sont mortes sur place, et la septième est morte à  l’hôpital », a-t-il précisé, à  l’AFP. Le précédent bilan, basé sur des témoignages d’habitants, faisait état de six femmes tuées par les FDS qui dispersaient la manifestation dans le quartier d’Abobo, fief d’Alassane Ouattara, reconnu président élu par la communauté internationale. Selon un habitant du quartier joint au téléphone, plusieurs centaines de femmes battaient le pavé pour dénoncer la  » confiscation » du pouvoir par le président sortant Laurent Gbagbo au détriment du « président élu » le 28 novembre dernier, Alassane Ouattara, lorsque les forces de l’ordre ont tiré sur la foule. Le camp Gbagbo réfute Les FDS ont nié vendredi toute responsabilité dans ce drame, disant « ne pas se reconnaà®tre dans cette accusation forcément mensongère et sans fondement ». Or, il est clair que ce sont des forces de la nation qui ont tiré sur ces femmes. Cette vidéo tournée lors de la manifestation témoigne, jugez plutôt.

28 septembre 2009 -28 septembre 2010 : Triste anniversaire en Guinée

Souvenir amer, les responsables impunis ? Le 28 septembre 2009, l’opposition guinéenne se rassemblait au stade du même nom à  Conakry pour manifester contre l’éventuelle candidature du capitaine président Moussa Dadis Camara. Le stade avait alors été encerclé par des militaires déployés vraisemblablement par le chef de la junte de l’époque. Les forces de sécurité censées garantir la sécurité des citoyens, procédera à  une barbarie sans nom. Selon les chiffres de l’organisation des nations unies (ONU), il y aurait eut plus de 150 morts, une centaine de femmes violées et mutilées. Certains leaders ont même été pris à  parti par des militaires. Certains témoins ont affirmé par ailleurs que des miliciens sierra léonais et libériens étaient infiltrés dans la foule. Un an après le sinistre, les principaux instigateurs du massacre restent impunis malgré leur écartement du pouvoir. Le capitaine Moussa Dadis Camara est en convalescence au Burkina-Faso suite à  la tentative de meurtre de son aide de camp à  son encontre, en décembre dernier. Celui-ci qui était au premier rang au stade du 28 septembre, est en fuite depuis près de 10 mois. Les anciens ministres Claude Pivi et Moussa Tiégboro Camara, ne sont pour leur part, pas du tout inquiétés pour le moment. Souillées à  vie Ce jour là  restera à  jamais marqué dans la mémoire des nombreuses guinéennes violées et mutilées par des «hommes de loi ». Certaines seront même séquestrées durant plusieurs jours chez leurs bourreaux et d’autres violées en pleine rue. Elles seront pour la plupart chassées du domicile conjugale. Leurs maris les jugeant souillées à  vie. Rejetant la faute de ces exactions sur ces pauvres et malheureuses femmes. Dans ce pays o๠la pudeur est une règle d’or, nombreuses sont celles qui ont osé témoigner et s’exprimer sur les viols qu’elles ont subis. Une mère de famille témoigne au micro de nos confrères de RFI : «Â Ce qui s’est passé le 28 septembre, J’ai l’impression que pour moi, ce n’est pas encore fini. Quand je pense à  tous ces militaires qui sont passés sur moi, ça me traumatise. Mon mari m’a quitté, je me sens seule, ma vie s’est arrêtée le 28 septembre, C’’est terrible. J’ai pensé, sincèrement, à  me suicider, heureusement J’ai pensé à  mes enfants. Finalement, je me dis, tu te fais ça, toi peut-être ça va être réglé, mais pour tes enfants, ils n’auront personne à  côté. C’’est un cauchemard et le cauchemard continue…  », a déclaré Oumou, au bord du désespoir. Pas de manifestation en Guinée ! Un an jour pour jour après les évènements sanglants qui ont traumatisé l’ensemble du pays, aucune manifestation n’est prévue pour saluer la mémoire des victimes. à€ l’exception d’une prière qui aura lieu ce soir à  la grande mosquée de Conakry. On a l’impression que le gouvernement de transition voudrait éviter de heurter la susceptibilité de certains hauts cadres du pays et militaires. Cela dit, ce crime ne restera probablement pas impuni puisqu’un rapport d’enquête a été publié en milieu de semaine dernière. Ce rapport situe la responsabilité des militaires en place au moment des faits. Le capitaine Camara, son aide de camp Toumba, son neveu Moussa Tiégboro Camara et l’ancien porte parole du gouvernement Claude Pivi y sont notamment mis en cause. l’affaire suit son court. La majorité des victimes souhaiterait que les responsables soient jugés par un tribunal international sinon, il risquerait de ne pas y avoir de justice équitable au cas o๠C’’est la Guinée elle-même qui procéderait au jugement.

Guinée : de la guerre des bérets à celle des grandes puissances

Après les massacres du 28 septembre à  Conakry la commission d’enquête indépendante de l’ONU a qualifié dans son rapport de « crimes contre l’humanité » plusieurs faits des membres de la junte au pouvoir en Guinée (Moussa Dadis Camara, Aboubacar Sidiki « Toumba » Diakité, Claude Pivi) lors de ces évènements dramatiques : tirs sur une foule désarmée, viols de femmes, crimes à  caractère ethnique. Ce rapport a donné lieu à  une session du conseil de sécurité lundi 21 décembre. l’Union Européenne a décidé le 22 décembre « d’imposer des mesures restrictives supplémentaires à  l’encontre des membres du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) ainsi que des personnes physiques ou morales (…) responsables de la répression violente ou de l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays ». La France a pressé pour un procès rapide des responsables des massacres et M. Kouchner n’a pas caché son souhait de ne pas voir revenir Camara en Guinée. Comment expliquer ces violences en Guinée ? Les condamnations et pressions occidentales sont-elles totalement sincères ? De la lutte inter-ethnique à  la lutte intra-ethnique Quelques six heures après la mort de l’ancien dictateur guinéen Lansana Conté il y a tout juste un an en décembre 2008, une junte militaire avait pris le pouvoir, sous la houlette du capitaine Dadis Camara, « investi d’une mission divine ». Depuis lors, après des promesses habituelles de démocratisation et de pouvoir « bientôt » rendu aux civils, d’arrêt de la corruption ou du trafic de drogue, les militaires n’ont eu de cesse en réalité de se servir du régime à  leur profit, avec en prime une gestion des affaires publiques des plus fantaisistes, plongeant la Guinée dans le chaos. Comme souvent en Afrique, le contrôle du pouvoir se traduit par la main mise d’une ethnie sur les ressources du pays. Le premier président Sékou Touré était Malinké et s’est entouré des siens pour asseoir son pouvoir de terreur. Lansana Conté, son successeur dans la dictature, n’a eu de cesse « d’épurer » l’administration pour placer des Soussous, son ethnie. Dadis Camara vient lui de la Guinée forestière et, derrière les barbelés de son camp Alpha Yaya Diallo à  la sortie de Conakry, avait constitué une annexe présidentielle autour de son ethnie et de ses bérets rouges. Jusqu’à  ce que son ami et aide de camp Aboubacar Sidiki Diakité dit « Toumba », tente de l’assassiner le 3 décembre. Dadis est depuis soigné au Maroc et resté muet pendant que son ministre de la défense, le général Sékouba Konaté, dit « El Tigre » assure l’intérim et semble fidèle à  son supérieur. La pression de la culpabilité en relation aux massacres du 28 septembre peut expliquer le geste de Toumba : il tuait le « dictateur Dadis » et pouvait en réclamer la gloire. Si Toumba est désormais en fuite, un autre homme du clan se verrait bien calife à  la place du calife : le capitaine Claude Pivi, ministre de la sécurité qui tient le camp Alpha Yaya Dallo. Il semble clair que les militaires de la même ethnie se battent pour le pouvoir et la situation est très tendue. En fait, l’argent est sans doute, comme souvent, le nerf de la guerre ici : détenir le pouvoir en Guinée signifie mettre la main sur le magot des ressources naturelles. La Guinée est en effet le deuxième producteur et le premier exportateur de bauxite au monde, avec les réserves les plus importantes. Mais la Guinée C’’est aussi les diamants, l’or, le fer, le trafic de drogue et bientôt, au large, le pétrole. Et C’’est sans doute justement aussi la formidable manne promise par des contrats avec des entreprises chinoises en octobre dernier de l’ordre de 7 à  9 milliards de dollars pour l’extraction de ressources et la prospection pétrolière. Diplomatie à  géométrie variable De ce point de vue on comprend mieux les irritations occidentales : le concurrent chinois prend pied en Guinée. Les crimes perpétrés par la junte sont bien réels et doivent être vivement condamnés, mais on souhaiterait qu’il en soit toujours ainsi en occident. Or les pays occidentaux, notamment la France, ont une facilité à  invoquer les droits de l’homme quand cela les arrange. Quand on constate que Paris par exemple étouffe l’affaire des biens mal acquis éclaboussant trois pouvoirs africains, a soutenu le fils du dictateur Bongo durant la crise démocratique au Gabon, ou s’est tu sur le référendum anticonstitutionnel de Tandja au Niger, il paraà®t difficile de ne pas voir une diplomatie à  géométrie variable. l’Afrique est encore et toujours au centre de la lutte entre les grandes puissances sur l’échiquier géopolitique – ici avec la Guinée. La montée en puissance de la « Chinafrique » en gêne plus d’un en occident, et surtout la France, qui perd peu à  peu sa « Françafrique ». Après avoir soutenu la violation des droits de l’homme en Afrique, voilà  que la France invoque ces derniers… Les Chinois, sans doute moins hypocrites, ne posent pas de questions sur les droits de l’homme. En se focalisant sur un échange « extraction » contre « construction d’infrastructures », il se trouve que la Chine a plus de chances de contribuer au bien-être et au développement des populations guinéennes. La solution idéale serait bien sûr de parvenir à  imposer l’état de droit en Afrique, mais force est de constater que cela n’a pas été une priorité des puissances occidentales depuis un demi-siècle. La nouvelle donne géopolitique les forcerait peut-être à  pousser en ce sens, d’autant que la société civile africaine est à  bout. Mais malheureusement il y a fort à  parier que ce seront encore des guerres indirectes, issues d’une géopolitique nationaliste et court-termiste de sécurisation de sphères d’influences, qui émergeront.

Massacre du 28 septembre en Guinée : l’ONU a publié son rapport

Dadis pris dans son propre piège On se rappelle qu’au lendemain de cette répression sanglante, la communauté internationale avait vivement condamné ce qu’elle a qualifié de barbarie. Et le chef de la junte au pouvoir, le capitaine Moussa Dadis Camara, avait lui-même demandé une enquête internationale afin de situer les responsabilités de chacun. Dadis a ensuite rejeté toute les responsabilités sur son aide de camp de camp, le lieutenant Toumba Diakité. Il s’en est alors suivi la réplique de Toumba qui, se sentant trahi et pris comme cobaye, et tentera de tuer son chef. Le rapport pointe des membres de la junte, du doigt Dans le rapport de la commission d’enquête internationale, il est indiqué qu’au moins 156 personnes ont été tuées dans les répressions et 109 femmes et jeunes filles ont été violées et parfois mutilées. l’ONU parle de crimes contre l’humanité et impute toute la responsabilité à  Moussa Dadis Camara. Elle réclame, pour le chef de la junte et les autres responsables comme le lieutenant Toumba Diakité et le commandant Moussa Tiegboro Camara, la saisie de la Cour pénale internationale. Une équipe de la CPI en Guinée pour 2010 Signalons que l’issue de ce rapport impatiemment attendue par tous, constitue un coup dur pour la junte au pouvoir. Même si cela n’est pas l’avis du ministre de la communication Idrissa Chérif. Il explique « C’’est le gouvernement de Guinée qui a demandé cette enquête. Dans ce cas donc, je pense que les normes doivent être respectées. Mais, cela fera l’objet d’un débat houleux au sein des membres du CNDD et du gouvernement. Je pense que ce n’est pas un coup dur, parce que C’’est le peuple de Guinée et le président Dadis qui ont été victimes, pas des chinois. » La cour pénale internationale (CPI) n’a pas encore été saisie pour le dossier. Néanmoins, le procureur Louis Moreno Ocampo examine le cas guinéen depuis le mois de novembre. Il est donc prévu l’envoi d’une équipe sur place, début 2010 normalement. Si les Nations-Unies contribuent avec ce rapport à  retirer le capitaine Dadis Camara du paysage politique guinéen, indirectement, elles font le jeu de son remplaçant Sékouba Konaté. Ce dernier n’est en effet pas mis en cause et les diplomates comme les opposants le considèrent plus crédible que le chef du conseil national pour la démocratie et développement (CNDD). Sékouba s’installe doucement Le général Sékouba Konaté est sans nul doute, l’homme fort du régime en place en Guinée. Personne, ni la communauté internationale, ni les opposants guinéens n’ont rien à  reprocher au général. Il est considéré plus crédible que son compagnon Dadis. En effet, dans le rapport publié par l’ONU, concernant les évènements du 28 septembre, le nom du général n’apparait nulle part. Il n’est incriminé nulle part dans les textes. Beaucoup s’accordent à  dire qu’il fait l’affaire de tous parce qu’il n’a pas d’ambition politique. Tout ce qu’il voudrait, C’’est ramener le pays dans la stabilité et organiser au plus vite des élections, pour ensuite retourner dans les casernes, comme un bon soldat. Beaucoup ne veulent plus du retour de Dadis Il semble qu’en Guinée et même ailleurs, personne ne veuille du retour de Dadis. Le ministre des affaires étrangères français, Bernard Kouchner indiquait ce matin, qu’il ne souhaitait pas un retour de Dadis en Guinée. Il estime que la justice internationale doit l’arrêter pour crime contre l’humanité, « Il y a un risque de guerre civile si Dadis retourne en Guinée. ». De son côté, l’opposition guinéenne se réjouit fortement des conclusions de l’enquête menée par l’ONU et de celle de l’ONG Human Rights Watch. D’autant plus que C’’est le capitaine Dadis lui-même qui avait sollicité cette enquête. l’UE renforce ses sanctions l’union européenne durcit les sanctions qu’elle avait déjà  prises le 27 octobre dernier contre la Guinée. Et ce, après la publication du rapport de l’ONU. Il s’agit notamment de l’embargo sur les armes et munitions qui ont été renforcé. Egalement, l’interdiction d’exporter tout équipement ou matériel pouvant servir à  la répression. Par ailleurs, l’UE a aussi décidé de geler tous les fonds et les ressources économiques que les responsables guinéens ciblés, possèdent en Europe. Les personnes touchées par l’interdiction de transit et de séjour en Europe étaient au nombre de 42 au départ. A ceux-ci, s’ajouteront une trentaine d’autres dont la liste sera bientôt divulguée.

Guinée : le Rapport Human Rights Watch incrimine la junte

Le rapport fait état de 150 à  200 morts au stade du 28 septembre de Conakry. l’organisation HWR qualifie les massacres et viols collectifs commis par les forces de sécurité guinéenne de crimes contre l’humanité. Le rapport pointe du doigt, la responsabilité directe du chef de junte Moussa Dadis Camara et certains officiers guinéens Condamnation internationale Au lendemain des tragiques évènements du lundi 28 septembre dernier à  Conakry, aussi bien la communauté internationale que les guinéens eux même, avaient vivement condamné cette répression. Le capitaine Dadis avait lui-même affirmé n’être pour rien dans cette boucherie, l’imputant à  des indisciplinés de l’armée. Il s’était même dit ouvert et favorable à  une enquête nationale et internationale sur le terrain. Si les enquêteurs des Nations-Unies n’ont pas encore clos leurs recherches, deux autres équipes d’enquêteurs sont quant à  elles, terminées. Il s’agit notamment de Human Rights Watch et de la commission nationale indépendante. Cette dernière a officiellement signalé ce mercredi à  Conakry, avoir enregistré 33 cas de suspiscion de viols et mis certains témoignages en doute. Pour sa part, Human Rights Watch va plus loin dans son rapport intitulé «Â un lundi sanglant ». Après avoir interrogé plus de 240 personnes, elle estime que ce massacre peut être considéré comme un crime contre l’humanité. Le rapport incrimine clairement la garde présidentielle commandée par l’ex aide de camp de Dadis, le lieutenant Toumba Diakité, sous les ordres du capitaine. Cependant, les autres corps sont aussi indexés : la gendarmerie, la police, les militaires et les miliciens qui étaient munis d’armes blanches. Atrocités des agressions Parmi les atroces agressions commises par les officiers, l’organisation a enregistré des viols collectifs, des agressions sexuelles avec des bâtons et canons d’armes introduits dans les sexes des victimes. Certains après leur forfait, achevaient leurs victimes sans état d’âme. Beaucoup ont reçu des balles à  bout portant. Le rapporteur de HRW affirme que les militaires ont tiré jusqu’aux dernières balles de leurs armes. Dissimulation des faits Le rapport indique par ailleurs, que les forces de sécurité guinéenne, ont dissimulé un nombre important de corps. Ils auraient bloqué l’accès aux morgues, quelques heures après le massacre et auraient enlevé des corps, puis les auraient ensuite enterré dans des fosses communes. Dans le but certainement, de divulguer le nombre réel des victimes. Crime organisé L’organisation de défense des droits de l’homme, a par ailleurs recueilli des preuves montrant que la répression était planifiée. Elle n’était pas du tout le fait de soldats indisciplinés comme l’avait soutenu le conseil national pour le développement et la démocratie (CNDD). HRW estime donc que les responsables doivent répondre de leurs actes devant la justice internationale. Il est temps que des mesures soient prisent pour afin d’éviter une guerre civile en Guinée. La situation actuelle est explosive, il suffit juste d’une petite étincelle pour allumer la flamme. Il faut que tous se ressaisissent pour éviter une nouvelle guerre en Afrique de l’Ouest qui ne contribuera qu’à  enfoncer la Guinée, mais aussi ses voisins. Et à  freiner le développement économique et social des Etats et l’épanouissement des populations.