Me Mountaga Tall : « C’est la peur de désigner les responsables qui amène à parler de responsabilité collective »

Le 25 mai 2019, le Congrès national d’initiative démocratique (CNID Faso Yiriwa Ton) a commémoré ses 28 années d’existence. Si quelques fois il a participé à l’exercice du pouvoir, il est le parti qui est resté le plus longtemps dans l’opposition depuis l’avènement de la démocratie, en 1991. Son Président, Me Mountaga Tall, plusieurs fois ministre, revient sur son combat.

Quel bilan faites-vous de ces années d’engagement à la tête du parti ?

Le CNID, c’est historiquement la lutte pour l’instauration de la démocratie au Mali. C’est aussi un engagement pour sa consolidation. La démocratie, c’est comme l’air que l’on respire, mais elle ne se mange ni ne se boit. Elle est comme un arbre que l’on plante et qu’il faut constamment arroser. Ce qui veut dire qu’il y a une action à mener au quotidien et à différents niveaux. Cette action a une prise directe sur les affaires quand on est au gouvernement. Nous y avons été quelques fois, non pas en tant que parti exerçant le pouvoir, mais comme parti associé.  Nous avons aussi servi notre pays dans l’opposition politique. Nous sommes le parti au Mali qui est resté le plus longtemps dans cette posture, en l’assumant dans la dignité et avec les contraintes qui y sont liées. Nous avons notre part dans les grandes avancées de la démocratie au Mali en tant que parti d’opposition à l’Assemblée nationale.  C’est ainsi le CNID, dans l’opposition, qui a été le premier parti à initier une proposition de loi, une question d’actualité, une interpellation au gouvernement, une motion de censure, à instaurer le débat sur la légalisation des mariages religieux, à introduire une proposition de loi sur le statut de l’opposition, etc. Mais dans la majorité aussi, dans les missions qui nous ont été confiées, nous avons allié résultat et intégrité.

N’êtes-vous pas de ce fait comptable de la situation actuelle du pays ?

Moi, j’assume pleinement mes responsabilités, toutes, mais rien que les miennes. Nous n’avons jamais été Président de la République, ni Premier ministre, ni chef d’institution dans ce pays. On nous a confié des ministères, nous y avons fait ce que nous pouvions et nous l’assumons. Cela ne peut pas faire de nous un coresponsable de la gestion du pays. Ce qui n’est pas notre part ne nous incombe pas.

Pour certains observateurs, c’est la faillite de l’élite politique qui a abouti à l’effondrement du pays…

Ce ne sont pas des observateurs, mais des populistes. Il n’y a pas un seul pays que l’on peut gouverner en dehors des politiques et de la politique. À ces conditions, tout ce qui existe, en bien ou en mal, dans un pays ne peut pas être imputé aux politiques. Il y a des partis et des personnes de la société civile qui ont pris part à la gestion de l’État. Que chacun assume sa part de responsabilité. Quand vous dites que c’est la classe politique qui est responsable, que dire de ceux qui n’ont jamais passé un jour au gouvernement ? Sont-ils aussi responsables ? C’est la peur de désigner les responsables qui amène ceux qui n’ont pas beaucoup de courage à parler de responsabilité collective. Que chacun dise : de telle année à telle année, il y a eu telle chose, sous le magistère de telle ou telle personne. Cela est plus objectif.

Que pensez-vous de la mise en place de  gouvernement de mission ?

Je souhaite le meilleur pour mon pays et qu’un gouvernement, quel qu’il soit, réussisse. Dans mon appréciation, on reconnait le maçon au pied du mur. Mais j’ai été très fortement impliqué dans le processus qui a mené à la conclusion de l’Accord politique de gouvernance. À la mise en place du gouvernement, les choses ne se sont pas déroulées comme  initialement entendu et le produit final à peu à voir avec l’idée initiale. C’est pour cela que nous-mêmes, en tant que parti et mouvement politique, n’avons pas estimé devoir signer cet accord, à plus forte raison figurer dans le gouvernement.

Qu’est ce qui était initialement prévu ?

L’histoire le dira. Mais il est clair qu’il y a eu beaucoup d’échanges de documents. Le premier et le dernier n’ont pas beaucoup des choses en commun.

Révision constitutionnelle : 3 questions à Me Mountaga TALL , président du CNID

 

Faut-il réviser la Constitution de 1992 ?

Le principe de la révision de la Constitution du 25 février 1992 n’est rejeté par personne. La Constitution elle-même prévoit les modalités de sa révision. Le débat porte sur les articles à modifier et sur les nouvelles dispositions à insérer. Je pense qu’il faut réviser mais après avoir recherché et obtenu le consensus le plus large et convenu du meilleur moment pour le faire.

La révision constitutionnelle fait débat. Quel en est l’impact sur la démocratie malienne ? 

Le débat en cours me rassure sur la vitalité de la démocratie malienne. L’exécutif, l’Assemblée nationale, l’opposition politique, la société civile, les médias et les réseaux sociaux jouent pleinement leur rôle. Il n’a pas été confisqué par l’élite et tous les Maliens se sentent concernés et interviennent. Le débat doit se poursuivre afin que la démocratie et le Mali soient gagnants.

Que devrait faire le gouvernement si le projet de loi n’était pas entériné par le référendum ?

Le peuple est souverain et sa volonté s’impose à tous. D’ailleurs cela a été clairement dit par les autorités. Pour moi le Oui dans les conditions actuelles diviserait encore plus le Mali alors même que l’objet du référendum est la consolidation de la paix et de la réconciliation. Et le Non va remettre en cause la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord. Il faut donc absolument trouver un compromis sur le contenu et la date du référendum. Et cela est possible.