Retour à la campagne : le calvaire des aides ménagères

Les premières pluies sont tombées sur la capitale Bamako depuis quelques semaines. Si pour certaines, ces pluies viennent anéantir la canicule qui s’abattait sur la ville, pour d’autres, C’’est l’annonce du retour vers le village. Ces jeunes filles, tous âges confondus, qui avaient pris d’assaut la capitale après les dernières pluies de l’année passée, afin d’y trouver des emplois temporaires, veulent à  présent rentrer au village le temps de l’hivernage. La seule possibilité à  Bamako, C’’est le service de « bonne » pour un modeste salaire entre 5 000 et 10 000 FCFA. Traitées comme des esclaves, ces jeunes filles font l’objet de tous les abus, humiliations, et violences parfois sexuelles. Après un an vécu stoà¯quement, aujourd’hui, elles cherchent à  retourner à  la maison : un autre calvaire qui débute. Le cas de Sanata En effet, le cas de Sanata illustre bien des situations que vivent les aides ménagères lors des préparatifs du retour. Agée de 18 ans, la jeune Sanata comme nombre de ses paires, a choisi Bamako pour faire fortune après les dernières récoltes dans son village en septembre dernier. La jeune servante n’avait alors que 17 ans. Très vite, elle fut embauchée par une enseignante. Son travail consistait à  s’occuper des enfants pendant que Madame était au service. Elle était tellement belle Sanata que les jeunes du quartier n’ont pas perdu leur temps. Trois mois après sa venue à  Bamako, la jeune servante a contracté une grossesse. Devenue encombrante pour madame l’enseignante, celle-ci la renvoya. Sanata a ensuite sillonné la ville, mais personne ne voulait d’une servante enceinte. Au lieu de rentrer au village, la jeune fille préféra rester à  Bamako car ses parents ne lui pardonneraient jamais sa « faute ». C’’est pourquoi, la pauvre fille qui avait déjà  utilisé ses économies pour survivre, rôda dans les rues et continua à  y vivre grâce à  la solidarité de ses camarades. Elle n’ira donc pas cette année au village et trouvera des explications à  fournir à  ses parents par l’intermédiaire de ses copines qui iront au village. Bloquées à  Bamako Quant à  Sitan, cette autre servante, elle n’est âgée d’à  peine 13 ans et depuis 7 mois, celle pour laquelle elle travaille à  Lafiabougou, ne lui a jamais versé un sou. Et au moment o๠les camarades de la gamine s’apprêtent à  rentrer au village, sa protégée lui a promis d’attendre un peu. Celle qui l’a embauchée, vient pourtant partir pour le Burkina Faso. Quand reviendra-t-elle ? Sitan ne le sait pas, mais, les larmes aux yeux, elle dit n’avoir pas le choix. Elle doit attendre, même s’il le faut pendant plusieurs années, ne pouvant rentrer au village sans son argent. Bintou elle, est régulièrement payée par ses patrons. Il y a deux ans cependant qu’elle n’est pas repartie au village. A travers une correspondance adressée à  ses parents, elle leur avait expliqué que le double de son salaire lui est payé afin qu’elle reste à  Bamako pendant un certain temps. Elle a même pris le soin d’envoyer un peu d’argent à  la famille. Mais, toute cette histoire est fausse. Bintou a plutôt été enceinte et mis au monde un petit garçon. Ne pouvant rentrer au village avec le « colis » embarrassant, elle a décidé de rester à  Bamako en attendant de trouver à  qui le confier. En vain. Cette année encore, elle n’ira pas au village. Mariam elle compte rentrer dès la semaine prochaine à  la maison. Hélas, ses patrons ne lui ont rien versé depuis 4 mois avec la seule explication : « Nous n’avons pas d’argent et n’allons pas nous transformer en argent ». La jeune « 52 » de son côté n’est pas restée les mains croisées. Elle a contacté la police et espère dans les jours à  venir, être en possession du fruit de sa sueur. Démission de la société Voilà  le quotidien de centaines de jeunes maliennes, victimes d’une société o๠les plus forts écrasent les plus petits. Le problème des jeunes filles rurales dans la capitale malienne nous interpelle tous. Personnes ne doit rester indifférent à  l’esclavage de ces jeunes femmes qui n’ont commis qu’un seul crime : celui d’être pauvre, de vouloir lutter pour la survie. Que sont-elles devenues, ces nombreuses associations pour la promotion de la femme, pour la protection de la femme, etC’…? Que font-elles fait ces associations de femmes qui se paient des voitures au luxe et oublient les campagnes afin de « sensibiliser » les femmes ? A quoi ont servi les nombreux séminaires, rencontres, réunions, et débats sur la situation de la femme malienne ?

Saison pluvieuse à Bamako : pénurie d’ aides ménagères…

Sur 100% de familles à  Bamako, plus de 95 % possèdent une aide ménagère ou « bonne » à  la maison. Tant les femmes qui travaillent sont plus nombreuses que celles qui sont au foyer. Les bonnes viennent en masse de leurs villages pour chercher du boulot dans la capitale. Elles quittent généralement le village vers la fin du mois de septembre et restent jusqu’à  la fin du mois de juin. La période Juillet-Août-Septembre correspond à  la saison des pluies au Mali. Toutes les bonnes rentrent donc au village pour aider les parents dans les champs. Elles y retournent avec l’économie amassée durant leurs neuf mois de travail. La galère des vacances Le début de la saison pluvieuse correspond au début des vacances, donc au début de la galère pour les femmes. C’est à  cette période là  que les bonnes quittent leurs lieux de travail pour rejoindre le village. C’’est comme si elles se donnaient le mot. Rares sont celles qui restent un ou deux années d’affilées à  Bamako. Le casse-tête commence alors pour la recherche de bonnes de saisons. Chacune court de gauche à  droite pour trouver une fille pour les trois à  quatre mois de vacances. Mais o๠chercher ? Comment trouver une bonne de qqualité ? C’’est toute la question. Parce même lorsque vous allez dans les organismes chargés de l’embauche des bonnes, vous n’en trouverez pas. On vous répondra tout simplement qu’il n’y en a pas de disponibles à  Bamako puisqu’elles sont toutes parties. Les femmes qui ont la chance d’avoir des filles à  la maison et bien entendu, non paresseuses sont les plus heureuses. Beaucoup de filles sacrifient leurs vacances au profit des travaux ménagers qui n’en finissent pas. Elles font la cuisine, la lessive, nettoient la maison et tous les autres petits boulots qui s’imposent pour l’entretien de la maison. Pour les femmes qui n’ont pas d’enfants o๠qui ont des enfants en bas âges, C’’est plus compliqué. Elles sont obligées de se lever très tôt, avant le chant du coq, pour préparer et nettoyer toute la maisonnée avant le réveil des autres. Elles font ensuite le petit déjeuner avant de se préparer pour aller au marché. Elles reviennent préparer le repas de midi. Et rebelotte avant 19h, pour que le dà®ner soit prêt ! Et ce n’est pas tout, elles ne vont se coucher que lorsque tout le monde est déjà  au lit, c’est-à -dire, vers 23h au plutard. [ Superwoman…sans la bonne ] Les femmes fonctionnaires ont aussi leur part de souffrance. Déjà  la veille, tout est prêt pour la cuisine du lendemain. Elles se lèvent parfois à  3h du matin pour faire le petit déjeuner, le déjeuner et le dà®ner. A 6h déjà  tout est disponible. Elles mettent les repas au frais et se préparent pour le boulot. Il n’ y aura qu’à  réchauffer. A 16h, elles quittent rapidement le bureau pour revenir s’occuper du foyer conjugal. Le même train-train quotidien continue pendant les trois mois de vacances. Du moins, jusqu’à  la rentrée des classes o๠elles pourront souffler avec le retour des bonnes !

VIH SIDA : Les aides ménagères de Bamako exposées à la contamination

A cause de leur statut analphabète, les aides ménagères s’adonnent à  certaines pratiques familières aux urbains. En abandonnant leur village et leurs parents, elles laissent derrière elles, us et coutumes, pour rechercher de quoi constituer leur trousseau de mariage. Au retour de leur périple citadin, elles partageront fièrement avec le village, tout ce que, des années de durs labeurs auront permis d’amasser en termes de biens matériels et financiers. Depuis toujours, ce métier très utile des aides ménagères, expose celles qui le pratiquent au danger. Le mercantilisme de nos sociétés et la recherche de d’argent facile accentue la vulnérabilité des aides ménagères. A l’instar des citadines, il est de notoriété publique que nombre de nos aides ménagères ont emboà®té le pas à  leurs sœurs, professionnelles du sexe. Or la propagation du VIH sida étant une réalité cruelle de nos jours, on peut craindre le pire. Amasser beaucoup d’argent sans souffrir et faire plaisir aux siens, tel semble être le credo. De fait, les aides ménagères sont soumises à  la volonté de patrons à  la libido démesurée. Elles sont souvent victimes de rapports sexuels non protégés. Bonjour les dégâts ! Dans certaines familles, ces aides ménagères après avoir fini les travaux ménagers, s’acquittent d’un autre devoir : Vendeuses ambulantes, elles sillonnent les « grins », garages et chantiers et rares sont celles qui ne tombent pas dans les filets de dragueurs et Don-juan impénitents. Elles finissent par en faire un métier. Ce business sous couvert des glaciaires qu’elles portent rapporte. Le plus souvent, les rapports sexuels qu’entretiennent les aides ménagères avec des partenaires sexuels occasionnels ne sont pas protégés. Il est urgent que ces jeunes filles soient informées des risques liés au VIH / Sida. Une prévention et une sensibilisation s’impose auprès de cette frange vulnérable et qui n’a pas été à  l’école. Sinon imaginez leurs retours aux villages, o๠fiancés et amis les attendentÂ