Société: Mendicité à Bamako, des jumeaux à louer

A tous les coins de rue Il est 7heures du matin. Au carrefour du Quartier Mali juste avant le Pont Fahd, ils sont une bonne dizaine, debout, assis ou faisant des va-et vient entre les voitures. Le feu passe au rouge et les véhicules s’immobilisent. Tout d’un coup, les voilà , qui viennent s’agglutiner autour du véhicule d’une grosse voiture du type 4×4. Le conducteur vient de donner une pièce à  la mère la plus proche de la voiture. Les autres, alertées par on ne sait quoi affluent de partout. Désormais pris ‘’en otage », le monsieur leur distribue quelques pièces pour s’en sortir. Le feu passe au vert et les mendiants dont de plus en nombreux. Pour se tirer d’embarras, l’automobiliste a finalement jeté les pièces qui lui restaient. Les scènes de ce type sont de plus en plus fréquentes dans à  Bamako. On n’est même plus surpris de se faire copieusement injurié par un mendiant qui estime que la valeur de l’aumône n’est pas à  la hauteur de ses attentes. Pauvreté, misère, les raisons sont nombreuses qui poussent les familles à  ainsi jeter leurs enfants entre les voitures. Le fait qui a cependant retenu notre attention a été celui relatif aux femmes qui usent de cette pratique avec des jumeaux ou jumelles sous les bras. Elles sont de plus en plus nombreuses à  exhiber leur paire d’enfants pour s’attirer la pitié des passants et récolter ainsi quelques pièces. Les grandes voies, les rues, les places publiques, les lieux de cultes et même les portes de cimetières sont occupés généralement par des femmes mendiantes et des personnes âgées. En effet, jadis réservée aux enfants talibés et autres personnes présentant des incapacités physiques, la mendicité se généralise de plus en plus. Nous avons pu en découvrir une facette honteuse. Location de jumeaux de 1000 à  5000F par jour Cela parait invraisemblable et pourtant C’’est la triste réalité. Si religieusement ou traditionnellement on mendie par nécessité, de nos jours certaines femmes bien portantes en font leur métier pour s’enrichir. Elles vont jusqu’à  louer des jumeaux ou même de « faux » jumeaux. Ainsi, il n’est pas rare de voir des enfants très évidement d’âge différents revêtus d’une tenue identique et présentés comme jumeaux par leurs « mères ». Ces dernières démentent bien sûr et affirment que « leurs enfants ne se ressemblent pas parce que ce sont de vrais faux jumeaux ». Pour elles, ce sont les mauvaises langues qui colportent ces ragots. Pourtant, tout juste à  coté, un handicapé, mendiant aussi, nous confie que la loueuse a tout dit sauf la vérité. « Elles amènent ici beaucoup d’enfants qui ne se connaissent même pas, souvent elles les frappent pour les obliger à  jouer le jeu et aller quémander auprès des gens» révèle- t-il. Les mères avouent cependant volontiers que cette « activité » leur rapporte beaucoup d’argent surtout celles qui on t de jeunes enfants. On peut ainsi en voir qui ont à  peine quarante jours, allongés au pied de leur mère. Mais alors, à  moins que le taux de naissance des jumeaux n’ait subitement explosé, d’o๠viennent ces enfants ? Selon Ibrahim T., un sexagénaire qui exerce aussi dans le domaine « toutes les femmes qui se promènent avec des enfants jumeaux sous la main, ne sont pas toutes les génitrices de ces enfants. Elles vont louer ces enfants avec leur vraie génitrice. » Le coût du service varie selon lui, d’une mère à  l’autre. La fourchette est de 1000 Fcfa à  1500 Fcfa. Cela peut monter jusqu’à  5000 pour les très jeunes enfants, les plus « rentables » ! Il arrive des fois que les parties s’accordent sur le partage du butin de la journée. Très souvent, il existe un lien familial entre les deux parties. Ce qui a pour avantage de faciliter la transaction. Ces révélations de notre interlocuteur ont été confirmées par son voisin immédiat. « Des femmes qui ont eu la chance d’avoir des enfants qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, exercent également dans le domaine. Avec ces faux jumeaux, elles arrivent à  assurer la pitance quotidienne de leur famille », nous a-t-il révélé. Jalousie ou bon sens, nos deux vieux mendiants nous ont tenu ses propos : « Mais ce qui est déplorable, C’’est que malgré les fortunes accumulées, ces femmes ne comptent pas abandonner de si tôt cette pratique. Elles sont déjà  habituées à  cette manière de se faire facilement de l’argent». Car elles ont trouvé ainsi « un créneau porteur ». En effet, la pauvreté grandissante semble aller de pair avec une plus grande générosité des gens. « Le fait pour un passant de voir une femme avec deux ou trois enfants sous les bras et sous le chaud soleil ou la pluie, éveille immédiatement en ce dernier, de la pitié.» Pour faire sa bonne action quotidienne ou tout simplement avoir bonne conscience, on porte vite la main à  la poche pour faire un geste. Comme deuxième avantage pour une femme mendiante avec des jumeaux, il y a l’exécution de certains rites de sacrifices. « Il est très courant que des marabouts, des féticheurs, ou des diseurs de bonne aventure, demandent à  des personnes qui les consultent, d’offrir en sacrifices à  une mère de jumeaux. » Ces deux raisons qui sont loin d’être exhaustives poussent de ‘’fausses mères de jumeaux », à  envahir les rues. Là  o๠le bats blesse C’’est que les mères de jumeaux, vrais ou faux, semblent prendre gout à  la chose et même quand leurs enfants grandissent ou qu’elles sortent ont une meilleure situation financière, elles n’abandonnent pas pour autant les trottoirs. « Je fais promener mes enfants à  cause de la tradition, mais à  côté de ça, je gagne de quoi subvenir à  certains de mes besoins. Je peux gagner au minimum 1000 Fcfa par jour. Mon mari n’arrive plus à  prendre soin de toute la famille » nous dit clairement l’une d’entre elles. Mais la religion ou la tradition pousse-t-elle vraiment les jumeaux et leurs mères dans la rue ? Ce qu’en dit la religion musulmane Nous avons donc approché un leader religieux musulman. Sous le couvert de l’anonymat, il nous explique que la mendicité reste et demeure religieusement prescrite mais avec beaucoup de réserve. Selon lui, dans de nombreux hadiths, il est rapporté que le Prophète Mahomet (Psl) a conseillé à  tout homme d’aller chercher du bois mort à  vendre pour subvenir à  ses besoins plutôt que de s’adonner à  la mendicité. Un autre hadith du Messager de Dieu (Psl) d’enseigner que la main qui donne est toujours meilleure à  celle qui reçoit. Un troisième hadith d’indiquer que dans l’au-delà , les mendiants de ce bas monde, qui ne répondraient pas aux critères prescrits par la religion, se présenteront avec un visage purement décharné. Le drame C’’est que les personnes qui vont mendier ne semble guère se soucier des principes religieux. C’’est devenu pour eux un moyen de subsistance comme un autre. Certains font même fortune dans le domaine et se retrouvent à  la tête de biens immobiliers, de sotrama, avec sous leurs ordres une armée de mendiants professionnels. De plus en plus d’ailleurs, on voit des personnes qui ne souffrent d’aucune incapacité physique ni intellectuelle, mais ils font de la mendicité leur seule activité parce qu’ils veulent gagner de l’argent facile. Cette situation a transformé l’aspect traditionnel de la mendicité en une activité économique aujourd’hui. Alors que les autorités et les organisations de la société civile s’investissent dans la lutte contre l’exploitation des enfants, ce phénomène mérite qu’on y accorde la plus grande attention. Ces tout-petits méritent un peu plus l’attention de tous pour qu’ils aient l’espoir d’un avenir meilleur.

Mendicité des enfants : Dakar donne l’exemple

, affirme RFI ce jour. On est d’abord interpellé par la nouvelle et puis on se demande si finalement ce n’est pas une option à  considérer et à  appliquer un peu partout. Un peu à  l’instar du proverbe suivant : « La carotte ou le bâton », car chassez le naturel et il reviendra au galop. Oui si bon nombre d’associations et ONG s’évertuent à  faire du plaidoyer pour le droit des enfants, elles n’arrivent pas à  enrayer le phénomène de la marée infantile, répandue dans les artères bamakoises. Au feux rouges, entre les camions, sur les voies publiques, rien n’empêche ces intrépides gamins de quémander piécettes et nourriture pour ramener leur pitance au Maà®tre. poursuit l’article de RFI. Oui, les mendiants sont pour la plupart de jeunes enfants soumis aux maà®tres coraniques. Au Mali, ils sortent donc des médersas pour mendier toute la journée pieds nus sous la pluie parfois. Ces pauvres erres sont enfermés dans un système qui veut qu’ils rapportent une certaine somme au maà®tre au risque d’avoir des coups de bâton. L’épreuve est terrible pour ces gamins qui devraient plancher sur les bancs de l’école mais qui aujourd’hui, ont fini par prendre goût aux rues et à  s’exposer sans crainte à  la violence du ciel. La méthode forte : Dakar donne l’exemple ? « Depuis le 28 août, la police a interpellé 7 maà®tres coraniques, qui selon un responsable ont été déférés devant le parquet. C’’est un véritable coup de filet, car ces dernières années, peu de maà®tres coraniques soupçonnés de violences envers leurs élèves ont été traduits en justice ». Une législation, voilà  peut être ce qui manquait, car à  défaut d’empêcher les marabouts d’envoyer les enfants dans les rues et les parents de les envoyer dans les écoles coraniques, une initiative noble et morale à  l’origine, mais très vite détournée par la cupidité des soi-disants adorateurs d’Allah, aussi, la loi et les autorités légifèrent à  présent. « Le dernier procès remonte à  juin. Un marabout traduit devant les assises avait alors été condamné à  un mois de prison ferme pour avoir roué de coups deux mineurs dans son école coranique. En avril un rapport de l’ONG Human Rights Watch avait dénoncé l’exploitation d’enfants maltraités, soi-disant au nom de la religion. Depuis, les bailleurs de fonds étaient devenus plus pressants. Selon le Premier ministre : « Le Sénégal est sous la menace de ses partenaires », qui estiment qu’il ne lutte pas de façon efficace contre la traite des personnes ». Source RFI.

Ces « mendiants » qui construisent des maisons

Pour ceux qui aiment se promener dans Bamako, inutile de leur dire qu’en arrivant aux feux tricolores, aux carrefours ou dans un flot d’embouteillage, la seule voix qui se mêle à  celui des klaxons et du bruit des moteurs est le fameux « Fissabillayi » qui veut dire tout simplement donner à  Dieu. Cette voix est celle des mendiants. Ici au Mali, il y a plusieurs sortes de mendiants ; il y a ceux qui utilisent leur infirmité pour mendier, il y’a les talibés qui mendient au nom de Dieu et ceux qui promènent les jumeaux. Mais tout compte fait, la pratique s’avère lucrative à  tout ce groupe. Aider les pauvres est une recommandation de Dieu et de toutes religions monothéistes. Malheureusement de nos jours, on ne sait plus qui est pauvre et qui ne l’est pas, qui mendie par nécessité et qui le fait pour le plaisir. A première vue les mendiants, puisqu’il faut les appeler ainsi, sont très pauvres et si vous n’avez pas le C’œur en béton, vous risquez de sombrer dans un grand chagrin à  défaut de pouvoir les aider, mais si vous les suivez de près, vous verrez qu’ils sont deux fois plus riches que vous et pire, vous trouverez parmi eux des trafiquants de drogue. Les mendiants construisent des maisons : un paradoxe Les mendiants construisent bien et bel des maisons et beaucoup d’entre eux auraient même des Sotrama (car de transport public bamakois) en location. Braké Cissé un étudiant à  la FLASH résident à  Baco-djicoroni raconte : « La mendicité est devenue un métier, je dirais même un commerce bénéfique dans la circulation. La sincérité est une ouverture du C’œur et on la trouve chez peu de gens et ce que l’on voit comme ordinaire, n’est que dissimulation pour gagner la confiance des autres. Je connais des jumeaux mendiants qui sont parvenus à  construire deux villas à  Bacodjicironi et qui possèdent deux SOTRAMA en circulation mais continuent quand même de mendier. Soyons sincère, o๠est la morale ? Il faudrait plutôt les appeler des entrepreneurs au lieu de mendiants ; Moi je n’ai même pas une chambre ou poser ma tête mais je travaille dure hein ! Que dire de ceux qui en profitent pour faire du trafic de drogue avec l’argent de la mendicité ? Mendiant, mendiant… laissez-nous passer ouais ». Un vieux mendiant domicilié à  Sabalibougou se confie à  nous mais nous demande d’être discrets : JournalduMali.com : Bonjour, cela fait combien de temps que vous mendiez ? – Le mendiant : Mon fils Dieu m’est témoin que je ne te vois pas mais je sais que J’ai commencé à  mendier bien avant ta naissance en tout cas plus de trente ans auparavant. Tu as cet age ? – Journal du Mali : Non J.M : Vous mendiez vraiment par nécessité ? Le mendiant: au début oui, mais maintenant je ne sais vraiment pas pourquoi je suis ici. J.M : Gagnez-vous de l’argent ? Le mendiant : J’en gagne assez oui ! J.M : vous avez des enfants ? Le mendiant : J’en ai trois ils sont tous plus âgés que toi, ils ont tout fait pour m’empêcher de mendier mais je trouve toujours un moyen pour m’en sortir. J.M : D’autres disent que certains mendiants ont des maisons, des véhicules etc. est ce vrai ? Le mendiant : moi je vis dans ma propre maison à  Sabalibougou et beaucoup d’autres comme moi en ont aussi. Bon assez, de questions je dois continuer. J.M : Merci le vieux. Les talibés ne sont pas en marge Les « talibés » ne sont pas en marge de cette pratique, les maà®tres coraniques profitent de leur innocence pour faire fortune. Les enfants sont obligés de rentrer le soir avec une somme fixée d’avance par certains maà®tres sans scrupules. « Un enfant de 10 ans à  l’habitude de passer la moitié de la nuit devant notre portail, raconte un enseignant. Après quelques questions, je comprends qu’il ne veut pas rentrer parce qu’il n’a pas pu rassembler les deux mille francs que son maà®tre lui avait exigé. Je l’invite à  passer la nuit chez moi et ensuite, je lui remets la somme et il s’en va. ». « Baye Fall » du Sénégal Il existe groupe de mendiants venus du pays voisin Sénégal et communément appelés les « Baye Fall ». Ils tiennent cette appellation du nom de leur maà®tre qui s’appellerait Baye Fall. Ils crient à  qui veut les entendre qu’ils mendient pour leur maà®tre qui se trouve au Sénégal et lui à  son tour priera et intercédera pour eux. Ainsi ils se battent contre vents et marées pour assurer une vie luxueuse à  ce dernier. A Kalanbancoura, lors d’une de nos visites pendant le séjour du « grand maà®tre », nous avons remarqué qu’ils habitaient une grande construction et que tout le financement venait des pièces recueillies de gauche à  droite, grâce à  la population qui croit toujours donner à  Dieu. Les mères de jumeaux Quand aux femmes qui promènent les jumeaux, le sujet est encore plus délicat car profitant de la passivité de la religion musulmane, elles ont dépassé les bornes. En effet l’islam atteste qu’il est bon d’aider les jumeaux car le prophète PSL serait issu des jumeaux. Malheureusement là  aussi, les gens en ont en fait un commerce. Aujourd’hui les femmes promènent ces créatures innocentes sous un soleil sans merci, accablées de faim et de fatigue sans parler des maladies qu’ils contractent sur les lieux publics. Force est de reconnaà®tre que tous ces jumeaux ne sont pas de vrais jumeaux. Certaines femmes vont jusqu’ à  louer les enfants de mère différentes et le coût de la location s’élève à  2000F Cfa la journée, et grâce à  ces jumeaux, certaines femmes sont parvenues à  faire fortune. Vrai ou faux, les mendiants ne se plaignent pas de leur sort ! Quant à  la population, beaucoup sont ceux qui pensent que C’’est en donnant aux mendiants qu’ils se feront une place au paradis. Mais les mendiants eux se servent allègrement de l’intelligence de la population. Vigilance, vigilance !