Objectif Kidal pour l’armée malienne. Tout pour déplaire au MNLA et au MIA

Officiellement, il s’agit de permettre au nouveau gouverneur de prendre ses fonctions. Il s’agit du colonel Adama Kamissoko, nommé gouverneur de la région de Kidal le 2 mai en conseil des ministres. Mais ni le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA), une dissidence du groupe Ansar Dine d’Iyad Ag Ghali, ni le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA) ne sont prêts à  accepter l’arrivée d’un gouverneur et surtout pas de troupes gouvernementales. Les FAMA (forces armées maliennes) peuvent-elles compter sur la Misma? Non, si l’on en croit le président Alpha Condé (Guinée). « La Misma n’est pas mandatée pour aller désarmer le MNLA », a également précisé le porte-parole de la force africaine. Sur le Tchad? Les forces tchadiennes ont quitté Kidal pour se repositionner à  Tessalit. Et sur la France? Jean-Yves Le Drian a déclaré, lors de son dernier passage au Mali qu’il ne pouvait « pas y avoir deux armées maliennes ». Rien ne laisse toutefois penser que les forces françaises pourraient être engagées dans une opération de rétablissement de l’ordre républicain. A Kidal, il ne reste plus d’ailleurs qu’un petit contingent du GTIA2 (et parfois des éléments du dispositif Sabre). Quant au tout nouveau Haut conseil de l’Azawad (HCA) qui vient de voir le jour à  Kidal, il se veut catégorique sur trois points: pas question de revendiquer l’indépendance d’une partie du Mali, pas question de prendre ou de reprendre les armes, et enfin pas question de faire une alliance avec les islamistes. Des prises de position qui ne vont guère dans le sens du MIA et du MNLA.

Les Islamistes se déchirent

C’est le premier coup de théâtre au Nord-Mali, conséquence directe de l’intervention armée de la France depuis deux semaines. Le groupe islamiste touareg Ansar Dine (« Défenseurs de la religion »), qui fait régner la terreur depuis 10 mois à  Tombouctou, Kigal et Gao aux côtés des combattants d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), vient de se scinder en deux. Des dissidents touareg islamistes ont créé leur propre groupe, le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA). « Le MIA affirme de la manière la plus solennelle qu’il se démarque totalement de tout groupe terroriste, condamne et rejette toute forme d’extrémisme et de terrorisme et s’engage à  les combattre », affirme la nouvelle entité dans un communiqué reçu jeudi par l’AFP. « L’intervention française au Mali crée aujourd’hui une nouvelle situation politique qui se manifeste par la scission au sein d’Ansar Dine », explique au Point.fr André Bourgeot, spécialiste du Mali au CNRS. « L’avènement du MIA modifie inévitablement les rapports de force politiques dans le nord du pays. » Label « al-Qaida » Le coup d’à‰tat militaire du 22 mars dernier contre l’ex-président malien Amadou Toumani Touré a totalement désorganisé l’armée malienne, qui n’a rien pu faire face aux combattants islamistes qui se sont emparés des trois principales régions administratives dans le nord du pays. La cité de Tombouctou est tombée aux mains d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), anciennement connue sous le nom de Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Ces djihadistes, qui combattaient en Algérie durant la guerre civile, ont été en partie expulsés du pays par l’armée algérienne. Aujourd’hui réfugié dans le Sahel, le GSPC a obtenu le label « al-Qaida », devenant la branche régionale de la nébuleuse terroriste. Il finance et arme aujourd’hui deux autres groupes islamistes qui lui sont – de fait – affiliés. Né fin 2011, à  la suite de la défection de membres d’Aqmi, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) dicte sa loi dans la région de Gao. Quant à  la ville de Kidal, elle demeure sous la coupe des Touareg islamistes d’Ansar Dine, faction créée elle aussi en décembre 2011. Flexibilité des islamistes « La nouvelle stratégie d’al-Qaida est de mettre sur pied des groupes locaux dirigés par des autochtones, afin de mieux s’adapter aux réalités du terrain », explique André Bourgeot. « S’ils demeurent autonomes, les trois groupes islamistes, qui vivent du trafic de drogue, poursuivent le même objectif : instaurer la charia dans l’ensemble du pays », ajoute le spécialiste du Mali. « Leurs membres peuvent ainsi combattre avec l’un ou l’autre groupe, selon les besoins du terrain. » Mais cette réalité est aujourd’hui bouleversée par l’arrivée du MIA, qui affirme vouloir une solution négociée à  la crise au Mali. à€ sa tête, figure Algabas Ag Intalla, qui n’est autre que l’envoyé d’Ansar Dine, qui s’est rendu en décembre dernier à  Ougadougou pour négocier avec la Communauté économique des à‰tats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) l’arrêt des combats. Or, coup de théâtre, un mois plus tard, le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, décide contre toute attente de reprendre les hostilités. « Algabas Ag Intalla, très implanté localement, est le seul à  même de rallier à  sa cause d’autres Touareg, comme ceux du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) « , affirme André Bourgeot. La carte touareg Ce mouvement touareg, qui est lui laà¯que, lutte depuis cinquante ans pour arracher à  Bamako l’indépendance de l’Azawad, nom donné au nord du Mali. Il s’est même allié, lors du coup d’à‰tat militaire de mars 2012, aux islamistes touareg d’Ansar Dine pour conquérir les grandes villes du nord. Mais il en a ensuite été exclu. Considérablement affaiblis, les Touareg du MNLA ont déclaré lundi à  l’AFP être « prêts à  aider » l’armée française, en faisant « le travail au sol » contre les djihadistes du nord. « D’un point de vue militaire, je pense que le MNLA n’existe plus », a riposté le lendemain Tieman Coulibaly, le ministre malien des Affaires étrangères. Tandis que les premières forces africaines de la Misma commencent à  se diriger vers le centre du Mali, la nouvelle de la scission d’Ansar Dine pourrait relancer l’hypothèse d’une solution négociée en parallèle. « Algabas Ag Intalla, nouveau chef du MIA, se pose aujourd’hui comme le seul interlocuteur respectable aux yeux de la communauté internationale », analyse André Bourgeot. « Cela renforce la dimension touareg au nord du pays et pourrait favoriser un règlement politique intérieur de la crise, et donc les conditions d’un éventuel retrait des troupes françaises. »