Webactivistes, ces cyber militants maliens

On les trouve sur Facebook, Twitter, Viber ou WhatsApp. Ils sont Maliens, viennent de divers horizons et sont d’âges variés, mais tous tirent profit du développement galopant des TIC et des potentialités mobilisatrices qu’offrent le web et les réseaux sociaux pour s’engager, impliquer ou sensibiliser beaucoup d’autres à des causes aussi diverses que l’environnement, le développement, le droit du travail, les droits de l’Homme, l’égalité entre les sexes, ou la liberté d’expression. Ce sont les webactivistes, avec pour seules armes, néanmoins redoutables, un smartphone ou un ordinateur.

« Être un webactiviste au Mali c’est être un fou qui passe son temps à poster des phrases, à crier, à invectiver les autorités pour dénoncer ce qui ne va pas. Il faut de la détermination pour en faire partie et pour y rester », déclare Fatoumata Harber, « la grande sœur des webactivistes africains », qui a basculé dans l’activisme cyber lors de l’occupation de sa ville, Tombouctou, par les djihadistes en 2012. « En tweetant sur la situation que nous vivions, je me suis rendu compte de la puissance du web et des réseaux sociaux », poursuit cette citoyenne du monde 2.0, qui, depuis, s’implique dans d’autres causes, comme la promotion et l’autonomisation des femmes ou les mutilations qui leur sont faites comme l’excision.

La force de frappe de tout activiste du web, son réseau, un vivier important de personnes connectées dont chaque membre peut donner de d’ampleur, répercuter, amplifier le message qu’il veut faire passer. Une viralité redoutable qui s’avère être « une arme efficace permettant d’éveiller les consciences, d’empêcher les gens de tout gober, de les amener à prendre position par rapport à certains sujets d’intérêt national », explique Djimé Kanté, syndicaliste au CHU Gabriel Touré, qui utilise les réseaux sociaux pour dénoncer l’insalubrité, les conditions de travail et d’hygiène de l’établissement hospitalier. Mais son activisme c’est surtout dans le domaine politique qu’il l’exprime, à chaque fois que les autorités font des promesses qu’elles n’arrivent pas à tenir. « Je n’hésite pas à le leur rappeler et insister là-dessus, en langue nationale bamanan, pour toucher le plus de monde possible dans le pays », souligne-t-il.

Intimidations Mais l’activisme 2.0 a aussi ses revers, dans un pays où il ne fait pas forcément bon de tout dire. « J’ai reçu très souvent des menaces, je ne le cache pas », affirme Fatoumata Harber. « Quand ton mari, qui n’est pas sur Facebook, te dis que tu as dit ça sur le réseau, cela veut dire que quelqu’un a appelé pour lui dire de faire pression sur toi, ça arrive très souvent » poursuit-elle philosophe. « On a souvent des menaces, c’est vrai, ou des intimidations. Les gens s’attaquent aux personnes mais pas à la pertinence de ce qu’elles disent », confirme Djimé Kanté. Mais, pour eux, c’est un moindre mal, comparé à la possibilité offerte par le web d’élever les acquis démocratiques. « Chaque Malien qui a accès au réseau social devrait faire en sorte que la démocratie avance » poursuit-il, « en restant indépendant et en échappant à toute récupération politique », complète Fatoumata Harber. Pour les webactivistes maliens, les réseaux sociaux sont un grin 2.0, qui permet d’apporter sa pierre à l’édifice. « Le jour où on arrivera, au Mali, à faire accéder le maximum de gens aux réseaux sociaux et quand la connection sera rapide, ce jour-là, on permettra de faire un grand pas vers la démocratie », conclut Djimé Kanté.

Témoin du Cinquantenaire : Fily Dabo Sissoko, de l’anti-socialisme à la poésie

Né en 1900 à  Bafoulabé, dans la région de Kayes, Fily Dabo Sissoko, est l’une des grandes figures qui ont marqué l’histoire du Mali. D’ethnie, Kassonkhé, il fait ses études primaires à  Bafoulabé, puis s’inscrit à  l’à‰cole normale William Ponty de Gorée (Sénégal). Il enseigne à  l’école régionale de Bafoulabé avant de devenir en 1933 chef de canton de Niambia, succédant à  son père. Il participe aux activités liées au Front populaire et à  la Résistance. Nommé chef de canton de Niambia dans le cercle de Bafoulabé en 1933, il participera aux organisations nées de l’activité du Front populaire et de la Résistance au Soudan français. C’’est en 1945, qu’il débuta la politique, avec son élection à  l’Assemblée constituante en 1946, 1951 et 1956 à  travers le parti progressiste soudanais (PSP) qui a été absorbé par l’US-RDA en 1959. Ainsi, il fut élu à  l’Assemblée nationale française en 1946, 1951 et 1956. Il devient sous-secrétaire d’à‰tat à  l’Industrie et au Commerce du gouvernement Robert Schuman (2) (du 5 au 11 novembre 1948). Prisonnier de l’indépendance Plus tard, Fily Dabo Sissoko est à  la tête du Parti progressiste soudanais (PSP), parti politique conservateur, ayant le soutien des chefs traditionnels et des colonisateurs. En 1957, lors des élections cantonales, le PSP est battu pour l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (US/RDA) de Modibo Keita. Alors que les partis fusionnent en 1959, Fily Dabo Sissoko s’oppose à  l’option socialiste prônée par Modibo Keà¯ta. C’’est ainsi que celui-ci, devenu président du Mali indépendant, le fait prisonnier en 1962 parce qu’il s’oppose à  la création du Franc malien. Condamné donc à  mort pour tentative de déstabilisation de l’à‰tat, sa peine est commuée en prison à  perpétuité. Il purge sa peine dans un bagne près de Kidal o๠il meurt dans des conditions mystérieuses en 1964. Homme de lettres Parallèlement à  sa carrière politique, Fily Dabo était écrivain. Il publia de nombreux poèmes, des nouvelles et des essais, s’attachant à  la défense de l’identité culturelle malienne. Il participe à  la réhabilitation de la tradition orale. La Politesse et la civilité des Noirs (essai publié dans le Bulletin de la recherche du Soudan) 1950 : Les Noirs et la culture : Introduction aux problèmes de l’évolution des peuples noirs (essai publié à  New York) 1953 : Crayons et portraits (poésie, Mulhouse, Imprimerie Union) 1953 : Harmakhis, poèmes du terroir africain, en 1955 : Sagesse noire, sentences et poèmes malinkés (Paris, à‰ditions de la Tour du Guet) 1955 : La passion de Djimé (roman Paris, à‰ditions de la Tour du Guet) 1957 : Coup de sagaie, controverse sur l’Union française (essai, à‰ditions La Tour du Guet, Paris,) 1959 : Une page est tournée (essai, Dakar, Diop) 1962 : La savane rouge (Avignon, Presses universelles) 1963 : Poèmes de l’Afrique noire, en 1970 : Les Jeux de destin 1970… Notons qu’aujourd’hui, plusieurs structures éducatives (lycées, Centre de formations professionnels…) portent le nom de cet illustre homme.