Accord pour la paix : Une nouvelle feuille de route

Le 17 juin, le Comité de Suivi de l’Accord (CSA) a tenu, à l’invitation du ministre algérien des Affaires étrangères, sa 3ème session consultative de haut niveau. Après une évaluation de la feuille de route du 22 mars 2018, les participants ont convenu d’une feuille révisée. Avec quelles incidences ?

Ils étaient tous présents : membres des mouvements signataires, gouvernement, chef de la MINUSMA, et le ministre algérien des Affaires étrangères de l’Algérie, chef de file de la médiation, et ses homologues du Niger et du Burkina Faso, le 17 juin dernier à Bamako. Des ambassadeurs accrédités, le directeur Afrique du Quai d’Orsay et d’autres personnalités impliquées dans la mise en œuvre de l’Accord ont pris également part à cette réunion. « Ce CSA s’est tenu à un moment crucial dans l’agenda de mise en œuvre de l’Accord et ce rendez-vous était important, parce que tous les partenaires et toutes les parties avaient ces derniers mois décidé d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord, vu la détérioration de l’aspect sécuritaire au nord mais aussi au centre du pays », a justifié le nouveau porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mossa Ag Attaher.

Pour avancer sur les axes prioritaires, dont certains issus de la feuille de route du 22 mars 2018, les parties ont élaboré une feuille révisée à mettre en œuvre d’ici fin 2019. Elle met l’accent, selon le porte-parole de la CMA, sur « la finalisation du DDR, l’envoi en formation des éléments du MOC qui ont fini le DDR et la mise en route rapide de la Zone de développement des régions du Nord, et invite toutes les parties à œuvrer pour que le dialogue inclusif ait lieu et que les éléments de l’Accord qui nécessitent clarification ou interaction entre les parties et les acteurs sont vus afin d’intégrer ce qui doit l’être dans la Constitution en révision ».

Le nouvel élan affiché ne convainc pas Boubacar Bocoum, analyste politique et spécialiste de la communication institutionnelle. « Je ne pense pas qu’il accélère grand-chose, parce que les aspects évoqués dépendent des moyens financiers promis par les bailleurs. L’État n’est pas entré en possession de ces montants et s’il n’y a pas d’argent les discours sont inutiles ». « Il s’agit d’une feuille de plus, qu’on ne pourra pas appliquer. Ils sont dans leur rôle, sauf que pendant ce temps la crise perdure ».

Accord pour la paix : Faut-il une relecture ?

Le 15 mai 2015, la salle Djeli Baba Sissoko du Centre international de conférences de Bamako accueillait solennellement la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale entre le gouvernement du Mali et la Plateforme, puis avec la CMA un mois plus tard. Un vent d’espoir soufflait. Quatre ans après, la situation a empiré et certains s’interrogent sur la viabilité de l’Accord en l’état.

Chaque jour qui passe, le sang coule dans une partie du territoire national. Des attaques armées, des mines, des braquages, ont installé un climat de terreur inégalé. Pourtant, il y a quatre ans, un Accord pour la paix et la réconciliation nationale à l’issue du  processus d’Alger avait été conclu en deux temps entre le gouvernement, la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).  Sa mise en œuvre prévoyait tout, sauf la situation actuelle de violence du nord au centre. Pour le porte-parole de la CMA, « c’est le manque de volonté qui a fait qu’il y a un pourrissement de la situation ». « Aujourd’hui, nous ne sommes pas en train de perdre seulement le Septentrion du pays, mais aussi le Centre et le Sud. Nous avions dit qu’il fallait une armée nationale refondée, reconstituée et redéployée dans les régions septentrionales pour circonscrire l’ensemble des problèmes de sécurité auxquels nous pouvions faire face, mais on ne nous a pas écoutés », se plaint Mahmoud Ould Mohamed. Selon lui l’aggravation de la situation découle du retard accusé dans la mise en œuvre et du fait d’avoir occulté les axes principaux de l’accord. « Quand nous avons signé l’accord, en 2015, le problème de Mopti et du Centre n’existait pas. En 2014 et 2015 on cherchait à redéployer l’armée à Kidal. Aujourd’hui il y a des difficultés à le faire à Ségou et à Mopti », précise-t-il. Le porte-parole de la CMA estime que l’Accord devrait s’attaquer aux axes majeurs, comme la révision constitutionnelle, au lieu de s’attarder sur les autorités intérimaires ou le MOC, 48 mois après sa signature. « Cela n’est plus du retard mais un rejet », accuse-t-il.

Relire l’Accord ?

Ces absences de progrès et la crainte d’une partition programmée du pays  alimentent les velléités de relecture de l’Accord afin de l’adapter au contexte et pour le faire accepter par le peuple. « Il est aisé de constater que sur le terrain l’Accord n’a pas instauré la paix, parce qu’il n’émane pas des communautés concernées. Il a été conçu et imposé du dehors », explique le Professeur Issa N’Diaye. Il ajoute « l’insécurité et les conflits armés ont créé une économie malsaine, dont se nourrissent certains groupes armés » et « on ne saurait arriver à la paix sans démolir les bases de cette économie malsaine ». En outre, de la signature de l’Accord à aujourd’hui, de nouveaux acteurs sont apparus sur le terrain. « L’État est confronté à une réalité tellement complexe que s’attaquer à la mise en œuvre de l’Accord demande au préalable un certain nombre des réformes institutionnelles. Or, à ce niveau, il y a la réticence de la société civile, l’instabilité politique et le chef de l’État lui-même, qui semble être à l’arrière-plan sur toutes ces questions », relève le politologue Ballan Diakité. Selon lui, il y a des craintes qui expliquent la « nonchalance » de l’État. « Demander à un État fragilisé de mettre en œuvre un accord pour l’autonomisation de certaines régions alors qu’il y a des velléités séparatistes, c’est précipiter d’une certaine façon la division ». Le Professeur Issa N’Diaye pense que « cet accord est mauvais » et que « sa viabilité passe par sa renégociation avec les populations concernées ». Une alternative qui ne fait pas l’unanimité. « Il est prévu que les parties maliennes, entre elles, discutent d’un certain nombre des choses, mais il n’est pas question de remettre l’Accord sur la place publique pour en débattre avec des partis politiques ou d’autres », réfute le porte-parole de la CMA.

Mahmoud Ould Mohamed : « Ce DDR accéléré est un premier processus de mise en confiance»

La cérémonie du lancement officiel du programme DRR des ex-combattants des groupes armés présents dans le MOC de Kidal, Gao et Tombouctou a eu lieu le 6 novembre à Gao.  L’enregistrement des 1 600 premiers d’entre eux s’est tenu le lendemain. Mais les intéressés demandent des garanties sur certains points avant de s’engager dans un processus qui pourrait leur être fatal. Le porte-parole de la CMA, Mahmoud Ould Mohamed, présent lors du lancement, explique ses réserves.

Qu’est-ce qui explique les réticences des combattants à s’engager dans le processus ?

Ce sont des incompréhensions et un manque de communication. Depuis qu’on a déclenché le système de DDR accéléré, la  commission technique de sécurité (CTS) qui gère le MOC  n’avait pas fait de feedback aux intéressés par rapport aux questions qu’ils soulevaient, notamment sur les grades et les statuts de ceux qui sont morts ou blessés au cours des différents attentats. Ils attendent plus de réponses et d’éclaircissements que des questions de revendications. La commission DDR a péché sur ce plan pour n’avoir pas procédé à ces genres de flux d’information et de communications avec les intéressés. Au niveau de la CMA nous portons ces revendications à un niveau plus élevé, ce ne doit pas constituer un blocage pour nous.

Avez-vous la même compréhension du DDR que les autres parties ?

Nous avons la même vision que le gouvernement et la Plateforme. Le problème c’est beaucoup plus la commission DDR elle-même qui est un peu confuse, parce que son plan de travail n’est pas très clair. Elle pense que ce sont seulement des étapes pendant qu’il y a un travail de communication et d’appropriation qu’il faudrait faire avec les acteurs sur le terrain. C’est ce qui a péché.

En quoi le processus pourrait contribuer à la sécurité dans ces régions ?

C’est pour cela qu’on l’a appelé DDR accéléré, pour essayer de mettre en marche l’armée reconstituée qui commence avec le noyau du MOC. Ils vont faire les mêmes missions dévolues au MOC auparavant, que sont la sécurisation des institutions et les patrouilles mixtes. Ils vont rentrer dans le processus et être redéployé immédiatement. C’est le noyau de l’armée reconstituée.

Est-ce que l’objectif à terme d’un désarmement des groupes armés est atteignable ?

Une fois que le processus se met en place sur le plan politique et sécuritaire il n’y a aucun problème. Le désarmement n’a jamais été un blocage. Mais il a toujours été sur les avancées politiques. Ce DDR accéléré est un premier processus de mise en confiance entre les acteurs. S’il marche, désarmer devient une question banale.

Zahabi Ould Sidy Mohamed : « Le DDR ne restera pas éternellement ouvert »

La date limite pour l’application effective du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion est prévue pour ce 15 octobre. Longtemps une arlésienne, le DDR semble désormais en passe d’enclencher la vitesse supérieure. Le président de la commission nationale de désarmement, démobilisation, et réinsertion (CNDDR) Zahabi Ould Sidy Mohamed revient pour nous dans cette longue interview sur les différents aspects du processus.

Quelles sont les avancées enregistrées depuis la mise en place du DDR ?

Le processus de désarmement, de cantonnement fait partie des mandats de la commission nationale désarmement, qui a été mise en place au dernier trimestre 2017. C’est une structure qui est prévue par l’accord de paix et qui est composée de commissions mixtes dans lesquelles on retrouve les parties signataires, c’est-à-dire essentiellement le gouvernement, la CMA et la Plateforme. Plus tard, pour des questions d’inclusivité, les commissions verront leurs effectifs augmenter, parce que les mouvements au cours du processus se sont éclatés en sous-groupes à cause de divergences. Nous avons toutes les structures qui sont déjà mises en place et ce au niveau national et régional. Les différentes antennes sont opérationnelles. Le travail de la commission se divise principalement en trois étapes. La première qui est la mise en place des structures est déjà terminée. La deuxième est celle de l’enregistrement des combattants. Il était convenu que les mouvements donnent la liste de leurs combattants quatre mois après la signature de l’accord, malheureusement ceci a pris du retard pour diverses raisons. Si je devais faire un bilan d’étape, les structures sont en place, le personnel est formé et nous en avons presque fini avec le processus d’enregistrement. Nous avons plus de 32 000 combattants enregistrés, certains avec leurs armes et d’autres avec des munitions. Nous avons une date butoir qui est le 15 octobre afin que les derniers registres nous parviennent. Vous avez des retardataires, des indécis.

Et pour ceux qui n’auraient pas transmis les listes avant cette date ?

Les mouvements ont une réserve sur la date. Ils nous disent que d’autres de leurs combattants doivent arriver bientôt. Mais, il nous faut des repères. Si après le 15, d’autres se présentent cela fera l’objet d’une discussion au niveau du comité de suivi de l’accord (CSA) qui l’acceptera ou le refusera. Le DDR ne restera pas éternellement ouvert, parce que nous n’en finirons pas.

Le processus a connu du retard. A quoi cela était-il dû ?

Le DDR ne se déroule pas de manière isolée. Il est lié au processus politique. L’accord prévoit plusieurs volets : politico-institutionnel, sécurité-défense, développement et le volet humanitaire. Ces quatre volets sont souvent liés, et dans les négociations, les parties ne veulent pas lâcher du lest sur un aspect avant de connaitre les progrès liés aux autres aspects. Les combattants se disent également que s’ils donnent leurs armes, ils n’auront plus de moyen de pression. Sans compter qu’ils avancent en avoir besoin pour se sécuriser dans des zones hostiles, puisqu’AQMI et les autres groupes djihadistes sont contre le processus. Vous avez aussi une révision de la constitution qui s’impose pour mettre en place un sénat. Des autorités intérimaires qui ne progressent pas beaucoup, tout ceci est un package qui fait que les choses trainaient.

Quelles sont les conditions d’éligibilité pour les combattants ?

Pour un programme DDR, il est très important d’avoir une banque de données. Cette dernière servira de document de référence pour tous les autres volets. Nous avons les critères d’intégration sur lesquelles les parties sont d’accords. Ils le sont aussi sur le mode opératoire des cantonnements. Il reste à déterminer le quota de ce que la fonction publique ou les services de l’Etat peuvent absorber. Tout ce monde ne saurait être intégré. Il y a des débuts de discussion entre les mouvements et le gouvernement sur la question. Elles ne sont pas encore finalisées, mais nous espérons qu’elles le seront très vite. Une fois que nous serons fixés, nous commencerons le screening. C’est-à-dire tous les combattants qui se sont pas enregistrés passeront par le processus DDR qui se chargera d’abord de les identifier. Le processus n’est que pour les nationaux. Les étrangers ne sont pas concernés. Ensuite, nous ferons un test militaire pour savoir si réellement c’est un combattant ou un civil en arme. Par la suite, il y aura un test de santé sur les standards de recrutement dans l’armée nationale. Nous avons aussi le critère de l’âge, le recrutement concerne ceux qui ont de 18 à 35 ans. Au delà, ils ne seront pas éligibles à l’intégration y compris pour ceux qui iront à la fonction publique. Nous l’avons fixé en conformité avec la législation malienne. Passé un certain âge, vous êtes admis à la retraite. Et si tu es recruté à 40 ans, il y a des risques que tu ne puisses pas bénéficier de pension complète à la fin de ta carrière.

Quid de ceux qui ne seront pas intégrés ?

Tous ceux qui ne pourront pas être intégrés seront redirigés vers la réinsertion socio-économique. Elle est composée de trois catégories. La première est pour ceux qui optent pour l’apprentissage des petits métiers. Une fois la formation finie, nous leur donnons des kits d’installation. Pour cela, nous avons des partenaires, un programme de soutien de la Banque mondiale pour lequel nous avons déjà eu un premier financement destiné à 4000 combattants. Le deuxième est celui de la réinsertion communautaire. Le conflit a impacté les communautés. Les armes ne sont pas seulement détenues par les combattants. Des communautés aussi en ont pour l’auto-défense. Nous avons une approche que nous appelons arme contre développement. Puisqu’ils ont mis de l’argent dans ces armes, en contrepartie pour les récupérer, nous leur proposons de réaliser des projets d’intérêt communautaire. Nous ne voulons pas acheter les armes. L’expérience a montré que dans d’autres pays où le cash était utilisé, cela créait un trafic d’armes énorme. Nous avons une troisième catégorie : les projets pilotes de réinsertion. C’est destiné à des personnes qui peuvent créer des emplois.

Les sites de cantonnement sont-ils prêts?

Il y a dix sites de cantonnement, les mouvements en ont demandé 22. Mais, nous ne pouvons pas attendre. Si nous le faisons, nous en aurons pour dix ans. Ce qui est déjà fait, nous allons les utiliser. La MINUSMA en a construit huit, et le gouvernement en a ajouté deux. Nous allons procéder à des aménagements additionnels dans certains endroits. Il n’en faut pas beaucoup pour faire un site de cantonnement. Une tente, un forage deux conteneurs pour stocker des armes et le compte y est, on ne fait pas des cinq étoiles.

Les conditions sécuritaires sont-elles réunies ?

Nous n’avons pas la sécurité à 100%. Nous comptons justement sur le cantonnement pour améliorer la sécurité. Il y a des risques et nous prenons des mesures afin d’y faire face. Nous comptons commencer le processus de DDR avec les éléments du mécanisme opérationnel de coordination (MOC). Nous débuterons le 5 novembre.

Comment va se faire l’intégration des combattants de la milice Dana Ambassagou annoncée en début de mois ?

C’est un programme spécial, certes une approche similaire mais c’est un peu différent. Le regroupement se fera dans trois endroits : Tenenkou déjà construit, Douentza où il y’a des structures que nous pouvons utiliser et Koro. C’est là où se concentrent les groupes d’auto-défense. Nous ferons un screening là-bas aussi sauf qu’à ce niveau nous aurons du travail à faire en matière des droits de l’Homme. Il y’a eu beaucoup d’évènements là-bas et cela demande des dispositions spéciales. Ce sera comme ce que nous avons fait au nord, où nous avions des guichets de droits de l’Homme qui nous permettait de filtrer afin que les auteurs de graves violations n’intègrent pas les forces de l’ordre.

Comment mesurez-vous l’importance du DDR pour le processus de paix ?

Le DDR est le cœur de l’accord de paix. Tous les Maliens attendent que l’accord apporte la paix, qu’il mette fin à l’insécurité rampante. Si nous ne contrôlons pas les armes, nous tombons dans l’anarchie. Le cantonnement réduira la circulation des groupes armés sur le terrain. Les groupes qui sont hostiles à l’accord seront facilement identifiables par les drones qui surveillent la zone. Une fois le cantonnement effectif, des troupes non autorisées feront face aux forces qui combattent le terrorisme.

Mali : Que se passe-t-il à la CMA ?

Depuis près d’un mois,  des membres de la  Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) sont ciblés. Début septembre, l’un de ses commandants au  MOC de Tombouctou est assassiné. Puis d’autres attaques suivent. La dernière en date est une tentative d’assassinat sur un autre  responsable de la CMA au sein du même mécanisme, le 28 septembre, à quelques encablures de la Cité ville de 333 saints. Que se passe-t-il ?

« Nous pensons aujourd’hui que la CMA dérange beaucoup des gens ». C’est en tout cas à cette conclusion qu’est parvenu Ilad Ag Mohamed, l’un des porte-paroles de la Coordination des mouvements de l’Azawad, mouvement signataire en 2015 de l’Accord pour la paix et la réconciliation  au Mali. Le 28 septembre, le coordinateur du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou, membre de la CMA, échappe à une tentative d’assassinat en dehors de la ville. Quelques semaines plus tôt, Salim Ould Mbekhi, commandant de ce même mécanisme pour le compte de la CMA, est assassiné par de présumés djihadistes. Pour Ilad Ag Mohamed, « les groupes terroristes s’opposent au MOC et le  considèrent comme leur cible », c’est pourquoi « ils visent très souvent » ses maillons forts.

Si la CMA est harcelée par des groupes terroristes, elle est aussi ces derniers temps dans les viseurs de la Force Barkhane. Le 27 septembre, cette force antiterroriste a arrêté au bureau régional du mouvement de Ménaka huit de ses éléments. C’était à l’issue d’une opération ayant mobilisé 120 parachutistes et des  troupes au sol. Ilad Ag Mohamed, qui n’apprécie pas ce genre d’incursions, s’explique. « Barkhane visait un individu qui n’est pas un membre actif de la CMA. Selon elle, il aurait participé à l’attaque de poste de garde de Ménaka en janvier et serait aussi membre du groupe Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), ce qui est faux ». Pour le journaliste et éditorialiste malien Adam Thiam, la Force Barkhane « intervient généralement quand il y a un soupçon de connexion avec des djihadistes », avance-t-il, sans pointer du doigt aucun groupe. Alors que des voix ne cessent d’invoquer des passerelles entre des groupes djihadistes et certains mouvements signataires de l’Accord, le porte-parole de la CMA apporte quelques éclaircissements. « Il est vrai qu’il y a des mouvements membres de la CMA qui ont un passé islamique, comme le Haut conseil islamique sorti des entrailles d’Ansar Edin. Mais aujourd’hui il n’y a plus aucune relation entre les deux », précise Ilad Ag Mohamed.

Tandis que le GATIA et le MSA mènent à Ménaka, avec Barkhane, des opérations contre des groupes terroristes, la CMA, quant à elle, campe sur ses positions.  « Il y a ceux qui veulent utiliser la CMA comme un mouvement supplétif des armées qui combattent le terrorisme, sans aucune condition. Or, nous nous pensons que notre première responsabilité est de faire tout pour que l’Accord soit mis en œuvre, dans toutes ses dispositions », met ainsi en avant le porte-parole du mouvement. Il ajoute toutefois : « quand on sera parvenu à une armée nationale reconstituée, il n’y a aucun doute que l’une de ses missions urgentes sera la lutte contre le terrorisme ».

Dans ces zones du nord, la question terroriste est complexe et très sensible. Et elle engendre le plus souvent des conflits communautaires et intracommunautaires.

Un nouveau tournant ?

« Il y a un nouveau tournant dans la guerre du nord, à travers l’assassinat d’un membre du MOC à Tombouctou et une plus forte implication de Barkhane dans des questions de proximité à Ménaka et à Kidal », souligne Adam Thiam. Le 26 août dernier, la force française a mené des frappes sur la position d’un membre de l’EIGS dans la région de Ménaka. Sa récente descente dans cette ville est surtout perçue par les analystes comme « un exercice d’avertissement ». « Il y a la volonté de mener une opération de communication », dit Baba Alfa Umar, chercheur sur les questions sécuritaires au Sahel. Selon lui, l’opération de Ménaka est « comme une action tactique faisant partie d’une stratégie robuste, inchangée pour tout ce qui revient comme horreurs depuis le terrain ces derniers semaines », relève-t-il.

Face à ces évènements, la CMA espère une accélération prochaine de la mise en œuvre de l’Accord et entend, dès le 15 octobre, discuter de toutes ces questions pour prendre des mesures internes.

Tombouctou : La situation sécuritaire s’enlise-t-elle ?

Le retour de la paix et de la sécurité est la principale préoccupation des populations maliennes. À Tombouctou, même si on observe un certain calme, le récent assassinat du Commandant du MOC et les supposées infiltrations de groupes djihadistes dans la ville inquiètent quant à  une dégradation du climat sécuritaire. Qu’en est-il ?

« Ce qui s’est passé à Tombouctou n’est pas nouveau. Les assassinats ciblés se font aussi dans les autres régions ». C’est ainsi que Boubacar Ould Hamadi, le Président de l’Autorité intérimaire de la région, perçoit la situation d’insécurité qui peine à être endiguée. Il y a deux semaines, le Commandant du bataillon de la CMA au sein du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou est assassiné par des individus armés non encore identifiés. Pour la CMA, ce genre d’acte est « un signal fort » de l’infiltration de terroristes dans la ville. Ceux-ci prouvant par la même occasion leur capacité à opérer.

Avant la présidentielle, la multiplication des braquages et enlèvements de véhicules avait suscité une montée des tensions. Depuis, selon le Président de l’Autorité intérimaire, la situation est stable. « La sécurité par rapport à la circulation des personnes et des biens s’est beaucoup améliorée. Nous avons engagé beaucoup de concertations impliquant les communautés. Mais, pour ce qui est des actes d’assassinats ciblés, c’est une question qu’on ne maitrise pas bien », témoigne-t-il.

Tout comme partout dans le Nord, la sécurité n’est jamais garantie. C’est pourquoi, Fousseyni Berthé, Commissaire principal de police de Tombouctou, soutient que la situation est « est calme mais imprévisible ». Selon lui, le tronçon Tombouctou – Goundam est celui qui enregistre le plus d’actes de banditisme, mais il écarte la thèse d’une dégradation du climat sécuritaire.

Alors que jusqu’à présent les patrouilles mixtes, censées sécuriser l’intérieur des villes, n’ont pas encore commencé à Tombouctou, des efforts sont à entreprendre pour instaurer la paix. Le rétablissement de la confiance entre les différentes parties signataires, objectif de ce dispositif, sera le pas qu’il faudra oser. « Seule la mise en œuvre de l’Accord peut être la solution », préconise Boubacar Ould Hamadi, qui ajoute « nous pouvons nous débrouiller pour rassembler les communautés et les s’impliquer dans la sécurité, mais c’est difficile ».

Selon Baba Alkaya, humanitaire à Tombouctou, des séances de sensibilisation auprès des populations sur le vivre-ensemble, la paix et la sécurité sont  entreprises dans la Cité des 333 Saints. Mais des telles initiatives suffiront-elles à faire régner la sécurité ?

Mohamed Ould Mahmoud : « Nous n’accepterons plus qu’un membre de la CMA soit arrêté comme ça… »

Ces derniers jours, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) secoue l’actualité. Après l’assassinat de son commandant au MOC de Tombouctou, le 9 septembre, deux de ses combattants ont été enlevés le 11 à Tinzawaten, et le 15,  un de ses officiers a été arrêté par la gendarmerie à Bamako. Le porte-parole de la Coordination, Mohamed Ould Mahmoud sur ces différents épisodes.

Comment avez-vous vécu l’arrestation de votre officier ?

Tout d’abord nous avons été surpris par le fait qu’on arrête cet officier, parce qu’il est membre du sous-comité Défense et sécurité du Comité de Suivi de l’Accord (CSA). Il était venu pour cette réunion mensuelle à laquelle il a l’habitude de participer. Pour nous, s’il faut opérer des arrestations dans nos rangs, il serait bon de le faire conjointement avec nous. Nous sommes dans un partenariat. On ne peut pas arrêter un officier d’un si haut rang dans un style qui n’est pas respectable. Dans le style comme dans la forme nous n’avons pas été du tout contents. On a voulu jouer sur notre fibre émotionnelle, mais nous avons gardé notre sang froid.

Qu’est ce qui a motivé cette arrestation ?

Notre officier MOC à Tombouctou, assassiné il y a quelques jours, travaillait sous les ordres d’Ibrahim Ould Handa, qui a été arrêté. Ils ont retrouvé un appel de lui remarqué dans les échanges téléphoniques, ce qui est  tout à fait normal. Après les interrogatoires, il a été libéré, mais ce genre de situation ne devrait pas arriver.

Des rumeurs annonçaient que vous alliez boycotter le CSA du mardi ?

Nous, nous sommes une structure qui mesure l’envergure de sa responsabilité.  Nous voudrions plutôt comprendre pourquoi on a arrêté notre officier. Ceci pose aussi le problème de la sécurité de tous les membres de la CMA qui sont en mission à Bamako pour la mise en œuvre de l’Accord. Nous n’accepterons plus qu’un membre de la CMA soit arrêté comme ça par les structures du gouvernement malien. Nous avons fait notre communiqué mais nous avons participé aux travaux du CSA, pour être dans les fondamentaux et non à la périphérie de l’Accord.

Deux autres combattants ont été enlevés à Tinzawaten. Qu’est ce qui explique cet acharnement contre la Coordination ?

La CMA est la seule qui a une présence géographique dans tout l’Azawad, même  dans les coins les plus reculés. Nous imposons la sécurité. Les intégristes ont dénoncé le MOC et les patrouilles mixtes parce qu’ils savent que ce mécanisme pourrait les mettre en difficulté. Mais, malheureusement, le Mali aussi traine les pieds depuis trois ans. Les ennemis de la paix, aussi longtemps qu’ils pourront frapper, le feront. Il faut que l’armée nationale reconstituée soit déployée rapidement. C’est la priorité des priorités si le Mali veut conserver sa souveraineté et son intégrité territoriale.

MOC de Tombouctou et de Kidal : Gao a servi de leçon

Le 23 mai, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou a été lancé en présence du commandant de la force de la Minusma. Celui de Kidal a démarré deux semaines plutôt. A la différence de l’installation du Moc de Gao en 2016, endeuillé par l’attentat,  le mode de déploiement et de sécurisation de cet outil dans les deux régions s’opère avec mesure.

Jeudi 24 mai, la conférence de presse bimensuelle de la MINUSMA s’est tenue au siège de la mission à Badalabougou. Animée par  Madame Myriam Dessables, chef de bureau de la communication stratégique et de l’information publique et le commandant de la force, le Général Jean Paul Deconinck en direct de Tombouctou.

Après la revue sur les différentes activités menées par la MINUSMA et sa force de police dans le pays, l’interaction sur  l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination de façon générale a été engagée entre le commandant de la force de la mission des Nations Unies et les journalistes dont certains étaient en direct de Gao.

« J’étais il y a quelques instants dans le camp de MOC de Tombouctou où j’ai pu assister à l’inauguration officielle de ce  bataillon MOC  comme on l’avait fait le 11 mai à Kidal. Je retiens une certaine fierté d’avoir pu souligner les efforts consentis  par les parties tant au niveau politique, opérationnel que  tactique », s’est réjoui le General Jean Paul Deconinck.

Plusieurs fois annoncé, le lancement de ces deux MOC constitue un pont indispensable pour la poursuite de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Comme dit un adage, « vaut mieux tard  que jamais ». Au-delà de la symbolique,  le Général Deconinck pense qu’il s’agit de bien plus. « Nous avons constitué aujourd’hui le socle du panthéon de Tombouctou, c’est-à-dire un commandant  intégré et cohérent», se félicite-t-il.  51 éléments, soit 17 pour le gouvernement, la CMA et la plateforme sont ainsi déployés à Tombouctou et à Kidal. Une compagnie de 150 hommes sera dans une semaine à Kidal et une autre dans deux semaines à Tombouctou selon le général.

Un acheminement progressif qui n’a rien avoir avec les 500 et  quelques éléments fournis d’un coup au MOC de Gao. Un  mécanisme  qui a subi un attentat terroriste incroyable et qui, depuis laisse à désirer. « Certaines  lacunes au niveau de Gao, ont été relevées dans le sens où nous étions allés trop vite. Il fallait atteindre certains objectifs alors que certaines conditions n’étaient pas remplies », regrette le commandant. C’est pourquoi, cette fois ci,  « ce n’est pas pour rien que nous commençons par le socle. On va les former, leur inculquer des éléments indispensables au niveau de la conduite militaire, de la discipline », réajuste-t-il. En même temps,  les équipes d’entrainement à Gao seront renforcés pour  rendre opérationnel ce MOC comme les deux autres. « Nous avons tiré des enseignements sur le plan sécuritaire, des aménagements du site, sur le progressivité  dans les  installations, aussi au niveau humain et inclusivité des différents mouvements signataires », conclut le commandant, appelant à la collaboration de la population pour parvenir à des résultats tangibles.

La force de la  MINUSMA assure pour le moment la sécurité de ses éléments à Tombouctou et à Kidal.  Mais « petit à petit ces unités » prendront la relève.

Ainsi, à terme, 600 éléments, dont 200 pour chacune des parties seront acheminés dans  chacune de deux régions. La mise en place des  MOC de Gao, Tombouctou et Kidal  ouvre la voie au processus démobilisation désarment et réintégration sans lequel la sécurité serait impossible.

Tombouctou et Kidal : enfin le MOC

Le mécanisme opérationnel de coordination (Moc), régulièrement évoqué  tarde à se mettre en place dans les régions du Nord.  Prévue par l’Accord pour la paix, réaffirmée  comme indispensable par la feuille de route signée  le 22 mars, l’installation de cet outil annoncé le 30 avril  à Tombouctou et  à Kidal n’a pas lieu,  mais reste programmée.

Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Tieman Hubert Coulibaly avait lors de sa conférence de presse  du 19 avril affirmé que ce dispositif essentiel  allait démarrer dans « dix jours ». Engagement non tenu, témoignage  des difficiles dépassements que les parties auront  à opérer pour avancer. Prévue officiellement pour 30 avril, la mise en place du mécanisme opérationnel de coordination à Tombouctou et à Kidal a donc été de nouveau ajournée.

Le MOC et le processus de Démobilisation, Désarmement et réinsertion(DDR) constituent le volet sensible inclus dans les mesures sécuritaires intérimaires. L’un reste  un préalable pour l’autre. La 28e réunion de la  Commission Technique de Sécurité (CTS) tenue le 19 avril à Bamako avait recommandé l’installation de ces mécanismes de coordination dans les deux régions concernées. Selon la MINUSMA, les partis signataires ont annoncé lors de la dernière session du CSA, leur engagement à « démarrer graduellement  l’opérationnalisation des unités mixtes de MOCs de Tombouctou et de Kidal avec l’enregistrement d’une cinquantaine de combattants » pour chaque région. Des informations confirmées par  Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. « Il  y a juste un problème de  regroupement des différentes parties qui n’est pas encore fait. Du côté de la CMA, tout l’effectif est regroupé à Ber et attend qu’il rejoigne Tombouctou. Celui de Kidal est sur place.  Les FAMAs  ont déjà  désigné leur effectif mais n’ont  pas rejoint le groupe », informe-t-il. Une  première vague de 51 officiers issus des différentes parties dont 17 pour chacune pour chaque région sera bientôt acheminée. « Nous nous sommes dits qu’ au lieu d’attendre  les  200, il faut démarrer pour que chaque deux semaines  le même effectif suivra », précise Ilad Ag Mohamed. Avec la signature de la feuille de route pour la mise en œuvre du chronogramme d’actions prioritaires endossées par la 23è session du comité de suivi de l’Accord, cet énième report n’entame donc pas l’optimisme des acteurs.  La poursuite de la mise en œuvre de ce nouveau  chronogramme devrait contribuer à faire avancer un processus dont chacune des étapes  est indispensable pour le succès de l’Accord.

Accord pour la paix: Une feuille de route de plus ?

Les partis signataires de l’Accord ont signé le 22 mars une feuille de route pour la mise en œuvre du chronogramme d’actions prioritaires endossé lors de la 23ème session du CSA. Ces nouveaux engagements, en 21 points, étalés jusqu’en 2019, ressemblent fort aux précédents : est-ce une feuille de route de plus ?

Le gouvernement, la CMA et la Plateforme ont adopté une nouvelle feuille de route le 22 mars. Fixant 21 points d’actions prioritaires, ce chronogramme vise la tenue d’élections inclusives, libres  et transparentes et l’accélération de  la mise en œuvre de l’Accord. Un de ses points-phares est l’atelier de haut niveau sur  la Réforme du secteur de la sécurité (RSS), qui a réuni du 27 au 29 mars tous les acteurs impliqués.

Le document précise les différentes actions à mener de mars 2018 à  fin 2019. Entres autres : parachever les collectivités territoriales de Taoudeni et Ménaka lors de la session d’avril de l’Assemblée nationale ; assurer entre mars et avril le fonctionnement effectif des Autorités intérimaires et des Collèges transitoires, pour qu’ils puissent fournir des services sociaux de base et organiser les élections à venir ; lancer le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Kidal et Tombouctou et recenser les combattants éligibles à l’intégration ou au programme Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR). S’agissant de Ménaka, une délégation dite des « communautés lésées » séjourne depuis deux semaines à Bamako. Elle dénonce la non prise en compte de ses propositions de communes dans le projet de loi que les élus nationaux examineront. Les MOC de Kidal et Tombouctou, maintes fois annoncés, restent toujours un défi. Celui de Gao, plus d’un an après son installation, ne suscite plus l’enthousiasme.

Lors du point de presse de la MINUSMA, le sous-secrétaire général à l’État de droit et aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, Alexander Zuev, a salué cette nouvelle démarche. « Ce chronogramme est très important pour la mise en œuvre de l’Accord de paix et il y a des activités tout à fait concrètes, comme les huit sites de cantonnement et les MOC à Gao et bientôt Tombouctou et Kidal ». A Gao, où il s’est rendu, « la situation sécuritaire est particulièrement complexe ». Pour Boualem Chebihi, chef de file de la médiation et ambassadeur d’Algérie au Mali, « tout dépend de la volonté des parties de respecter leurs engagements ». Mais l’expiration du précédent chronogramme et le report de la 24ème session du CSA invitent au doute quand à l’efficacité de ce énième arrangement.

MOC : un grand pas en un an

Colonne vertébrale du retour de l’administration dans les régions du Nord, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) est indispensable dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix. Un an après l’attentat qui a endeuillé le premier camp MOC, à Gao, qu’en est-il de ce dispositif, censé réduire tout vide sécuritaire, avant, durant et après les processus de cantonnement, d’intégration et de DDR ?

Le 18 janvier 2017, le camp du Mécanisme opérationnel de coordination de Gao a été ensanglanté par le pire attentat jamais mené sur le sol malien. 55 personnes au moins y ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été blessées. Le dispositif est crucial, indispensable même, dans le processus de redéploiement des forces de défense et sécurité reconstituées. Un an après l’attaque, la conviction des responsables du MOC n’a pas été ébranlée par l’ampleur du choc. Des éléments de la CMA, de la Plateforme et des forces armées maliennes ont démarré les patrouilles mixtes dans la Cité des Askia. « Les hommes qui sont en train de diriger  le MOC sont convaincus qu’il est la solution pour que tous les belligérants se rapprochent  et se fassent confiance », soutient le colonel Mahamane Boubou, Coordinateur adjoint de la Plateforme au MOC de Gao. L’attaque, revendiquée par le groupe Almourabitoune, a généré un sentiment de solidarité chez les survivants. « Le fait que nous ayons marché sur la chair de nos camarades a été pour nous une motivation pour continuer », estime le colonel Mahamane Boubou. « On a travaillé la confiance. Au départ, les gens ne pouvaient même pas s’asseoir ensemble, mais, aujourd’hui, chacun d’entre nous rend visite à ses camarades », se satisfait-il. L’effectif, qui était de 600 éléments, est passé à plus de 700 aujourd’hui, avec la  participation de certains mouvements dissidents.

Statu quo

A une semaine de l’anniversaire de l’attentat, c’est toujours  le statu quo dans la mise en place des MOC de Kidal et de Tombouctou. « La CTS en parle tous les jours, mais on attend toujours. Nous sommes prêts à recevoir tous les combattants. C’est certainement un problème entre les responsables des mouvements et le gouvernement concernant les arrangements sécuritaires », estime le colonel Mahamane Boubou. Le ministre de la défense, Tiéna Coulibaly,  a évoqué lors de la dernière session du CSA les rencontres qui  auront lieu sur cette question, estime que les MOC sont un préalable au lancement du DDR.

CMA et Plateforme s’engagent pour la paix

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 avaient prolongé de 30 jours à partir du 06 septembre 2017, le précédent accord de trêve de 15 jours. Après 5 jours de négociations sérrées, les différentes parties ont enfin abouti à la signature, mercredi 20 septembre, d’un document intitulé : Engagements, qui marque le fin des hostilités entre les deux mouvements et pose les jalons d’une mise en oeuvre effective de l’Accord.

Les négociations entre la CMA et la Plateforme ont débuté vendredi 15 septembre dernier à l’ex-Cres de Badalabougou. C’était en présence du ministre de la Réconciliation nationale Mohamed Elmoctar, du haut représentant du président de la République Mamadou Diagouraga et du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Mahamat Saleh Annadif. La CMA était représentée par Bilal Ag Achérif et plusieurs personnalités tandis que la délégation de la plateforme était représentée par Me Harouna Touré et plusieurs leaders du mouvement. Durant cinq jours des tractations ont été menées par le ministre de la Réconciliation nationale et la médiation internationale pour concilier les points de vue divergents et aboutir à un document acceptable par tous. Lors de cette première journée, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies a exprimé son agacement face au double jeu des protagonistes qui, depuis deux ans bloquent la mise en œuvre de l’Accord. «  Nous avions patienté. Nous avions beaucoup attendu » avait lancé le patron de la mission onusienne avant de prévenir : « notre patience a des limites ». Une impatience que le ministre de la réconciliation nationale a aussi exprimé en appelant les concernés à prendre leurs responsabilités.

C’est donc chose faite, désormais, ose-t-on croire. Le dialogue et les concertations semblent avoir fini par avoir raison sur la violence. Mercredi 20 septembre, les deux mouvements ont signé un document dit ‘’Engagements’’ lors d’une cérémonie présidée par le chef de file de la médiation internationale l’ambassadeur algérien Boualem Chebihi. A ses côtés, le ministre de la Défense Tiena Coulibaly, le représentant de la plateforme Fahad Ag Almahmoud, le représentant spécial adjoint de la MINUSMA Koen Davidse et le représentant de la CMA Bilal Ag Achérif.

Le chef de file de la médiation a salué l’exercice qui a permis « aux frères d’échanger », même de façon passionnée, mais avec un ferme engagement pour la paix et la réconciliation. Il a exprimé sa reconnaissance aux participants de ces cinq jours de travaux inlassables. Prenant la parole au nom du gouvernent, le ministre de la Défense et des anciens combattants s’est dit «  heureux » de la tenue de cette cérémonie. Pour le ministre, le gouvernement du Mali est très engagé pour la mise en œuvre de l’Accord car « les populations du Nord du Mali ont attendu très longtemps ». « La plateforme se réclame des populations, la CMA se réclame des populations et le gouvernement se réclame des populations » c’est pour cela que c’est un devoir pour chacun que la situation change a-t-il déclaré. La Minusma à travers son représentant spécial adjoint aux affaires politiques, très impliqué dans la résolution des divergences a félicité les responsables des mouvements, la communauté internationale et le gouvernement, qualifiant de « bonne nouvelle » la signature annoncée. A son tour, le représentant de la plateforme, espère qu’à la sortie de cette signature «  la coexistence pacifique et la fraternité entre des frères partageant le même espace géographique » sera une réalité. Il a assuré que la plateforme respectera tous les engagements qu’elle aura à prendre et espère qu’à l’avenir celle-ci n’aura plus à répondre à la question selon lui « extrêmement gênante », pourquoi ne faites vous pas la paix avec vos frères ?

Une commission de haut niveau verra prochainement le jour pour combler les attentes. Le représentant de la CMA quand a déclaré que cet événement est « le fruit des efforts des parties, de leurs engagements profonds à la recherche d’une stabilisation effective ». Bilal Ag Achérif a invité tous les acteurs engagés dans le processus à joindre leur effort à cet engagement pour l’atteinte des objectifs. Il a en outre appelé à condamner les criminels qu’ils soient de la CMA ou des autres rangs. « A la sortie de cette cérémonie les conditions doivent être réunies pour que les autorités intérimaires soient opérationnelles où qu’elles se trouvent, pour que les populations locales sentent la présence d’une administration qui parle en leur nom » a souhaité le représentant de la CMA.

C’est après toutes ces interventions des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l’Accord de paix que le document dit ‘’Engagement’’ a été signé par les parties. Le document comprend deux titres. Le premier concerne les mesures de confiance qui passent par l’organisation du retour ordonné des éléments de la Plateforme à Takalot dans un délai maximum de deux semaines à compter de la signature du présent engagement, sous l’égide de la CTS avec l’appui de la MINUSMA ; la cessation immédiate, totale et définitive de toute forme d’hostilité ; la libération des détenus ; l’engagement d’œuvrer à la clarification du sort des personnes disparues et à ne protéger aucun auteur de crime ; l’établissement d’une commission de haut niveau pour renforcer la cohésion entre les deux parties, chargée de traiter toutes problématiques qu’elles soient d’ordre politique, institutionnel, humanitaire et sécuritaire. Le second titre du document est relatif à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il s’agit entre autres : de relancer la finalisation avec le gouvernement d’un chronogramme consensuel pour la mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix, d’ici la fin du mois de septembre, avec comme priorités : l’opérationnalisation des MOC de Kidal, de Tombouctou et de Ménaka ; l’installation des combattants des mouvements signataires sur les sites de cantonnement retenus par la CTS et leur prise en charge immédiate par le gouvernement ; l’opérationnalisation immédiate de l’autorité intérimaire de Kidal à travers la passation diligente de services et parachèvement de l’installation de l’administration dans les cinq régions ; de toutes autres priorités dont les trois parties signataires conviennent. Dans le document la CMA et la Plateforme s’engagent à jouer leur partition dans la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation et appellent le Gouvernement à en faire de même. Les deux parties prennent des mesures qu’elles jugent appropriées aux fins de sensibiliser les populations et leurs bases respectives à l’importance du respect des arguments ci-dessus.

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Kidal : Cessez-le-feu dilatoire

Un accord de cessez-le-feu entre le GATIA et la CMA sera-t-il  juste un intervalle entre deux guerres ? La question mérite d’être posée tant ces deux mouvements convergent dans leur volonté réciproque de cesser les hostilités et de faire avancer la paix, tout en excellant en manœuvres dilatoires pour ne pas y parvenir, comme si l’arrêt des hostilités et le retour de Kidal dans le giron de la République n’étaient pas leurs seules priorités.

Dimanche 13 août en soirée, dans un communiqué, la Plateforme, « soucieuse du rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali », déclarait « la cessation unilatérale des hostilités à compter du lundi 14 août à midi ». Une déclaration attendue, un ticket pour prendre « le train en marche », dont la locomotive est tractée depuis juillet par la CMA, sortie vainqueur des combats qui ont embrasé la région de Kidal. Forte de ses victoires écrasantes sur le terrain, la Coordination s’est enhardie, rajoutant une condition « non coercitive » à un possible accord. « Nous souhaitons que chacun retourne dans les positions du cessez-le-feu de 2014. Nous capitalisons sur notre position de force, c’est un peu logique », explique ce cadre du HCUA, renvoyant la balle dans le camp adverse.

Pour Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du GATIA, on ne peut pas poser de nouvelles conditions car les conditions sont déjà posées par l’accord. « L’Accord lui-même est un cessez-le-feu. La communauté internationale a fait pression sur nous pour que nous fassions une déclaration de cessez-le-feu, on a renoncé à toutes les hostilités qui pourraient compromettre la mise en œuvre de l’Accord. Ceux qui veulent encore signer un cessez-le-feu prouvent leur mauvaise volonté ! ». Un avis que partage cet ex-membre de la CMA, observateur désabusé de ces revirements successifs, « Vous savez, personne ne fait la paix dans l’humiliation, donc je ne vois pas le GATIA signer un document qui n’apporte rien de nouveau ». À la CMA, on soutient que ce serait « un engagement formel au lieu d’un simple communiqué » entre les deux belligérants.

Si les deux camps s’accordent, chacun de leur côté, sur la nécessité de mettre en place le MOC à Kidal et de favoriser le retour de l’administration, la question du chronogramme reste posée. « Nous acceptons que le gouverneur aille rapidement à Kidal, dès demain s’il le faut », répond Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Une acceptation difficile à concrétiser, puisque ce grand commis de l’État, membre de la Plateforme, a déjà signifié qu’il ne se rendrait pas à Kidal si sa sécurité est assurée par la CMA. Autre difficulté, installer un MOC avec 3 parties et faire cohabiter ces ennemis de toujours au sein des mêmes patrouilles. « On ne peut pas mettre ensemble des hommes qui se tiraient dessus il y a peu. Aucune mesure de confiance n’est entamée pour cela » affirme le porte-parole de la CMA. Sur le cantonnement des mouvements armés, la Plateforme demande, conformément à l’accord, qu’une fois le MOC et les patrouilles mixtes installés, tous les groupes soient désarmés et rejoignent leur site de cantonnement. Une mesure qui semble déranger la CMA, qui s’inquiète des conditions logistiques et d’hébergement de ses troupes et tourne son regard vers Gao. « On accepte ce pré-cantonnement même si c’est problématique, mais est-ce que les autres vont nous accompagner ? Il ne faut pas qu’il y ait un précédent spécifique à Kidal, il faut donc que soit aussi pré-cantonnées les forces de Gao. On accepte mais à condition qu’il en soit de même pour elles », déclare ce cadre de la CMA

Pourtant, la Coordination a plusieurs fois donné son accord pour qu’une fois le MOC installé à Kidal, tous les groupes armés rejoignent leurs sites de cantonnement. « Ils parlent du MOC, du cantonnement mais ils le veulent dans un autre format. La durée du MOC est prévue pour 45 jours. Celui de Gao a déjà un an et a coûté, selon le gouvernement, au contribuable malien, près de dix milliards, on a perdu beaucoup de temps. Chacun peut faire son chronogramme, mais on sera de toute façon amenés à élaborer un document consensuel », souligne le Secrétaire général du Gatia. « Si l’Accord est appliqué, nous sommes sûrs de recouvrer Kidal, parce que dès qu’il y aura des élections libres, nous allons les gagner. Le maire est de chez nous, le député aussi. Nous n’avons rien à craindre, nous sommes de Kidal, nos familles sont à Kidal, c’est notre fief ! Ce sont eux qui ont peur que nous revenions », affirme Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads. « On va constater sur le terrain si cette déclaration de fin des hostilités est suivie d’effet, on va rester vigilants et attendre de voir s’ils vont poser des actes », avertit Ilad Ag Mohamed.

On peut en effet se demander si cette nouvelle tentative de remettre sur les rails le processus de paix fonctionnera après autant de déraillements. « À Bamako, les dirigeants de la CMA font tout pour avoir un cessez-le feu et essayer de négocier les doléances que Mahmoud Dicko a rapporté. Ce qui les arrange, c’est que les gens du Gatia ne fassent pas parti du MOC, qu’ils ne viennent pas troubler leurs affaires. À Kidal, la plupart des gens pensent que ce n’est pas la fin mais peut-être le début de grandes hostilités. Ici, tout est communautarisé, les armes, les véhicules, sont payés par les communautés, par les chefs de fraction, les notabilités. Tant que les Imghads seront en guerre contre les Ifoghas, tant que la CMA n’aura pas réglé ses différents avec le GATIA, je ne vois pas comment ils pourraient cohabiter, peut-être seulement sur le papier », ironise cet habitant de Kidal.

Fahad Ag Almahmoud : « C’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA »

Des affrontements violents ont éclaté jeudi 6 juillet dans le nord du Mali près de Kidal entre des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Ces combats, qui viennent à nouveau violer le cessez-le-feu entre ces deux mouvements, pourraient aussi perturber le retour, à la fin du mois, de l’armée et de l’administration à Kidal. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, a livré au Journal du Mali sa version des faits et pointe du doigt, comme facteurs générateurs de conflit, certaine mesures de l’Accord de paix non appliquées, ainsi que la responsabilité de la communauté internationale qui, selon lui, entretient un climat de tension entre les deux mouvements belligérants concernant Kidal.

Pourquoi la CMA et le GATIA se sont-ils encore affrontés alors qu’à Bamako les différentes parties travaillent ensemble à la préparation du retour de l’armée et de l’administration à Kidal ?

La CMA devrait répondre à cette question puisque c’est elle qui a attaqué nos positions à 80 km de Kidal alors que nous avons des positions à 15 ou 20 km de la ville. La position qu’ils ont attaqué a été presque entièrement désarmée, quelques jours avant, par Barkhane. Ils ont saisi les armes lourdes et ils nous ont dit que la CMA n’allait pas nous attaquer. Le jeudi, la CMA a quitté Kidal devant Barkhane et ils sont venus nous attaquer.

Vous pensez réellement que la force Barkhane a voulu aider la CMA ?

Comment penser autrement ? C’est Barkhane qui a désarmé l’ennemi d’un autre, ça n’a même pas besoin d’explication. Nos 3 éléments qui sont morts jeudi ont été tués par une roquette de mortier alors que nos roquettes ont été prises par Barkhane et ce sont le même type de roquette qui nous ont attaqué. Nous avons l’interdiction d’en posséder mais pour la CMA c’est permis. Je pense que cette attaque sur nos positions a pour but de perturber l’installation du MOC le 20 juillet prochain.

La CMA dit aussi que vous souhaitez perturber le processus de paix.

Quoiqu’on dise il y a le bon sens. Il faut dans ce cas expliquer pourquoi nous ne pouvons pas rentrer à Kidal. La communauté internationale a conditionné notre retour à Kidal à celui du gouvernement malien. Une fois que le MOC sera installé, Kidal fera son retour dans le giron de la République. Cela veut donc dire que tous les citoyens pourront, s’ils le souhaitent, s’y rendre. Donc je ne vois pas pourquoi, nous qui souhaitons y retourner, nous voudrions perturber le retour du MOC et de l’administration à Kidal.

Pourtant les tensions entre vos deux mouvements sont récurrentes et éloignent d’autant la paix, malgré l’accord que vos deux mouvements ont signé. L’attaque de jeudi en est une nouvelle preuve.

Comme je vous l’ai dit, on a été attaqués jeudi à 80 km de Kidal et j’ajoute que c’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA une fois qu’elle est à Kidal. La CMA est libre de se réorganiser et de venir nous attaquer. Nous, on ne peut pas les attaquer à Kidal. Si on était tous hors de Kidal, ou qu’on s’affrontait, on aurait pu avoir la paix depuis très longtemps. C’est la communauté internationale qui crée cette situation en sécurisant la CMA à l’intérieur de Kidal une fois qu’elle revient. Elle prétexte qu’elle fait ça pour protéger la population. Elle appelle la CMA, population. Cette situation offre à la CMA le luxe d’avoir l’usage de tous ces bras valides. La Minusma et Barkhane sont là pour sécuriser leurs biens, leurs armes lourdes, leurs engins. La base principale de la CMA et même des organisations terroristes aujourd’hui c’est Kidal, tout le monde le sait.

Vous voulez dire que les terroristes ont une base importante dans la ville de Kidal ?

La base principale de l’organisation de Iyad et de ses alliés, c’est Kidal. Tout ce qu’il a comme armement est à Kidal. C’est connu de tout le monde, y compris des officiers français.

Un certain Ahmedou Ag Asriw, serait un acteur principal de ce conflit. La CMA le tient pour responsable de nombreuses exactions sur les populations. Qui est-il ?

Ahmedou est le chef des opérations du GATIA, c’est un personnage connu là-bas, donc on peut lui prêter n’importe quelle réputation, ce sont les paroles des ennemis. Ni la Minusma ni les Nations unies n’ont envoyé de commission d’enquête sur les exactions qui ont eu lieu et n’ont pas confirmé que c’est lui qui les auraient commises. Ce ne sont que les paroles des ennemis.

On entend beaucoup parler au Nord de milices qui seraient aux ordres de Bamako et qui commettraient des exactions. le GATIA est-il une de ces milices ?

Si milice veut dire un groupe armé piloté par le gouvernement pour faire le sale boulot, on n’est pas une milice. Si une milice c’est un groupe armé qui répond d’une communauté, on est une milice. Tous les groupes armés sur le terrain ont une connotation tribale, c’est un fait. Je pense que Bamako lutte pour le retour de l’État et de l’administration à Kidal et ce n’est pas ces derniers événements qui vont en faciliter le retour. Ce que le Mali a fait pour la CMA du 20 juin 2015 à nos jours, il n’en a pas fait un dixième pour la Plateforme. Il y a des responsables de la CMA, malgré qu’ils véhiculent des messages anti-républicains, qui sont en passe d’avoir des passeports diplomatiques de la part du gouvernement.

Vous avez des noms ?

Je ne répondrai pas à cette question.

Ce nouveau conflit entre CMA et GATIA risque-t-il, selon vous, de mettre en péril le chronogramme qui débute le 20 juillet prochain et qui doit ramener l’armée et l’administration à Kidal ?

J’oseespérer, avec les démarches qui sont en train d’être mise en place que ce ne sera pas le cas. Une délégation de Touaregs du Niger sera à Bamako lundi 10 juillet pour une médiation, parallèlement à la mission de bons offices dirigée par Mahmoud Dicko. J’espère que cela pourra ramener le calme et nous aider les uns et les autres. Si on veut avancer, on peut, mais tant qu’il y a des gens qui ont pour mission de perturber la paix à l’intérieur du processus, qui sont connus des acteurs du processus, qui font tout pour les ignorer et que le gouvernement fait tout pour les amadouer, il n’y aura pas de paix.

Vous êtes conscient que tout cela entame considérablement la confiance des Maliens envers les groupes armés et fait fortement douter de la capacité de ces mouvements à être des interlocuteurs valables et fiables. N’est-ce pas un risque pour la CMA comme pour vous ?

Si les Nations unies donnaient un mandat à la Minusma pour désarmer tout le monde, ce serait un plaisir pour moi. Tout ce qui peut contribuer à l’avènement de la paix chez nous on est pour. Cette paix ne sera réalisable que quand les groupes armés seront désarmés. Le gouvernement est en train d’essayer d’appliquer les textes et autres de l’Accord sans parler de l’essentiel : le désarmement et le cantonnement des groupes armés. Les autorités intérimaires, la révision de la constitution, tout ça doit intervenir après le désarmement des groupes armés. Tout ce que j’espère, c’est que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour permettre aux uns et aux autres d’aller vers la mise en œuvre de l’Accord.

Ilad Ag Mohamed : « Les forces présentes dans l’Azawad se protègent elles-mêmes alors que ce n’est pas l’objectif »

À partir du 20 juillet prochain le MOC sera installé à Kidal et 10 jours plus tard les autorités intérimaires et le gouverneur lui emboîteront le pas. À Bamako, les différentes parties se concertent pour parvenir à concrétiser cet ambitieux chronogramme. Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA a répondu aux questions du Journal du Mali sur les négociations et obstacles concernant l’application de ces mesures du processus de paix dans la région.

Où en est-on concernant le retour de l’administration et de l’armée Kidal ?

Dans ces prochains jours, cette semaine, il va y avoir à Bamako une rencontre à laquelle doivent participer les responsables militaires et politiques de la CMA. Cette réunion va permettre de caler le calendrier et déterminer les modalités pratiques de l’opérationnalisation du MOC à Kidal à partir du 20 juillet prochain, car c’est une date butoir. Il y a des travaux techniques à faire avec les ministères, les politiciens, pour pouvoir établir un chronogramme bien détaillé, aussi clair que possible et travailler au retour de l’administration à Kidal à partir du 30 juillet, autre date butoir. J’ajouterai que pour le moment, il n’y a aucun signe pouvant être un facteur bloquant ou de ralentissement sur ces sujets-là, je crois que nous sommes dans une bonne dynamique

Sur le terrain à Kidal est-ce que les travaux du camp 1 et ceux du gouvernorat seront achevés à temps pour accueillir l’administration et le MOC ?

Sur ce plan, les choses sont extrêmement lentes et je sais que ce n’est pas pour demain que l’on va réhabiliter tout ça. Je crois qu’une fois que les parties ont la volonté de faire quelque chose, on pourra trouver les moyens de faire avec ce que l’on a. Si toutes les questions sont réglées et débloquées en dehors des questions logistiques, on aura le moyen d’abriter le MOC en attendant que le camp soit opérationnel. Pour le gouvernorat, ce ne sera pas pour demain parce qu’il est en très mauvais état, mais il n’y aura pas de problèmes a abrité une administration de ce genre. Ce n’est pas ça qui va nous empêcher d’avancer.

Bilal Ag Chérif est actuellement à Bamako, il a rencontré Mohamed Ag Najim, chef d’État-major du MNLA, de la communauté Idnane. Tous deux sont là pour tenter de faire cesser les affrontements récurrents entre le GATIA et la CMA, se dirige-t-on vers une paix entre ces deux mouvements ?

Ce sont des questions qui seront aussi abordées lors de la rencontre dont je vous ai parlé. Le problème c’est qu’il y a des antécédents, je pense qu’on est arrivé à un point ou l’État lui-même ne les contrôle pas suffisamment, la situation est compliquée. Mais je crois qu’une fois que l’État, ses milices et la CMA arriveront à s’asseoir pour élaborer un programme commun, on pourra faire quelque chose. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra trouver un début de solution pour un retour effectif de l’administration et même pour la mise en œuvre de l’Accord. C’est une question qu’il nous faut régler.

Ce retour de l’administration et de l’armée risque de poser des problèmes sécuritaires à Kidal, comme on a pu le voir avec l’attaque du MOC à Gao, comme comptez-vous gérer cela au niveau sécuritaire ?

Oui en effet, si il y a beaucoup de problème autour de l’installation de ce MOC, c’est parce que nous voulons un maximum de garanti pour éviter tout problèmes. Vous savez l’attentat de Gao a été un choc énorme et l’est encore aujourd’hui. On éprouve des difficultés, à cause de cela, à réunir des soldats, parce que ça a été traumatisant. Dans tous les cas, je crois qu’il faut y faire face, on n’a pas le choix, mais il faut avoir une stratégie, mettre en place le MOC à Kidal mais aussi envisager des ceintures de sécurité pour l’appuyer. En attendant de voir où on va et si l’armée peut faire son retour dans sa dimension générale. Ce sujet fera aussi parti des discussions de la réunion qui aura lieu cette semaine.

Donc le MOC, censé sécuriser devra lui-même être protégé par d’autres forces ?

C’est un problème. Les forces qui sont présentes actuellement dans l’Azawad œuvrent à se protéger elles-mêmes alors que ce n’est pas l’objectif, c’est valable pour tout le monde en réalité, la Minusma comme bientôt pour le MOC. Si une force reste enfermé dans son camp, elle n’a plus de raison d’être en réalité, donc, autant ne pas en former.

KIDAL : Installation du MOC et retour de l’administration à partir du 20 juillet

Pour accélérer la mise en œuvre de l’accord dans le cadre de la feuille de route remise au premier ministre, Abdoulaye Idrissa MAÏGA a regroupé les parties maliennes (CMA, Plateforme et institutions chargées de la mise en œuvre de l’accord) lors d’une journée d’évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale.

Le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) sera présent à Kidal ce 20 juillet. Cette force constituée de 600 hommes sera composée par 200 Hommes de chaque partie prenante, à savoir, la CMA, la Plateforme et l’armée malienne. Une décision issue de la journée d’évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali tenue le 23 juin à la Primature. Une étape essentielle dans le processus du retour de l’administration dans le Nord du Mali où Kidal reste la dernière ville à recevoir les autorités intérimaires. D’autant que cette étape doit être suivie de l’installation du gouverneur de Kidal (Sidi Mohamed Ag Ichrach, résidant actuellement à Gao) le 31 juillet et celle des autorités intérimaires. Seront ensuite installés le gouverneur ainsi que les autorités intérimaires de Taoudénit.

De l’espoir et des inquiétudes

Cette rencontre entre Maliens (la CMA, la Plateforme et la partie gouvernementale) suscite en tout cas l’espoir des autorités. Le premier ministre Abdoulaye Idrissa MAÏGA estime qu’ « il est vital que les Maliens se parlent, car nous défendons la même cause ensemble, le Mali ». Avant d’ajouter la nécessité de surmonter les blocages et autres incompréhensions pour aboutir à la paix.

Mais ce nouveau calendrier ne rassure pas tout le monde. Selon Oumar Alassane Touré du réseau des patriotes du Nord « on ne peut pas retourner à Kidal comme ça. Il faut une commission de retour de l’administration indépendante du gouvernement et de la primature, qui est rattachée au président de la République qui sera composée de l’ensemble des mouvements et d’experts qui peuvent mettre en place une stratégie ».

Azarock Ag Innaborchad, président du congrès pour la justice dans l’AZAWAD, souhaite que l’on envisage le retour de la paix au delà du retour symbolique de l’administration à Kidal. « C’est vrai que Kidal symbolise le retour de la souveraineté de l’Etat. Mais il n’y a pas qu’à Kidal que l’Etat n’est pas souverain. Il faut faire ce que l’on peut faire facilement et attendre quand les échéances arrivent pour Kidal, faire Kidal, il faut essayer de reprendre stratégiquement les choses en main, pas seulement à Kidal. », conclut-il.

Retour de l’administration à Kidal : Un problème de calendrier ?

Annoncé pour le 20 juin 2017, le retour effectif de l’administration dans la ville de Kidal n’aura pas eu lieu. Selon le chronogramme annoncé par la médiation internationale à l’issue de la 18è session du Comité de suivi de l’accord, c’est à travers le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), chargé de sécuriser la ville et sa région, que devait avoir lieu le redéploiement de l’État dans la ville occupée par les groupes armés depuis 2014. Sur place, à Kidal, ce report n’est pas une surprise, la situation de tension actuelle générée par le conflit intercommunautaire entre les Imghads du GATIA et les Idnanes n’a pas encouragé la CMA à adhérer à un chronogramme dont elle dit « ne pas être associée ». La coordination a rappelé ses forces à Kidal tandis que celles du GATIA sont à présent positionnées à une dizaine de KM de la ville. L’un des premiers grand défi de l’installation du MOC à Kidal sera de faire collaborer ces deux camps hostiles au sein des patrouilles mixtes.

D’autres raison moins vérifiables ou avouables à ce report sont aussi avancées. « la CMA doit envoyer des signes positifs d’avancement à la communauté internationale mais en même temps elle doit ménager les djihadistes qui ne veulent pas un retour de l’administration et de l’armée à Kidal. Beaucoup ici disent que c’est Iyad Ag Ghaly qui pilote les décisions importantes », affirme cette source proche des mouvements. Pour elle, le MOC, les autorités intérimaires, tout serait possible et faisable dans les délais. « Les véhicules du MOC pour les FAMA et la Plateforme sont déjà prêt, il ne manque plus que la CMA. Avec l’insécurité qui règne en ce moment à Kidal, le MOC et ses patrouilles seraient le bienvenue », ajoute-t-il. Selon Pierre Buyoya, cité le 20 juin par Studio Tamani, ce report est dû à un « problème de calendrier », il assure que le retour effectif de l’administration se fera dans les prochains jours. Comme en réponse, la fête de l’Aid qui se fêtera ce dimanche partout sur le territoire Malien sera célébrée un jour plus tard à Kidal, selon le calendrier imposé par la CMA, qui ne tient pas à fêter la fin du ramadan en même temps que le Mali.

Kidal : Des luttes fratricides perturbent la mise en œuvre de l’Accord

Selon le chronogramme élaboré lors de la 18e session du CSA, les autorités intérimaires, le gouverneur et le MOC devraient être mis en place d’ici le 20 juin prochain. Mais cette planification ambitieuse semble se heurter à la réalité du terrain et aux événements d’une rare violence qui, actuellement, secouent le septentrion malien.

« Les choses se passent globalement bien. Nous avons une participation assidue de l’ensemble des membres du CSA. […] Nous sommes confiants quant à l’avenir », se réjouissait Ahmed Boutache, président du Comité de suivi de l’accord (CSA), le 5 juin dernier, lors de la clôture de la 18e session du comité. Un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le 20 juin ont été décidées lors de cette session : l’installation des autorités intérimaires, du gouverneur et du MOC à Kidal. Un chronogramme ambitieux dénoncé, dès le 12 juin par la CMA, dans un communiqué indiquant que ce chronogramme est « loin de refléter le résultat des pourparlers convenus entre la CMA et les différents acteurs impliqués » en vue d’un retour de l’administration à Kidal et que la CMA, « nullement engagée par ce document, appelle tous les acteurs crédibles à une concertation rapide pour élaborer un chronogramme réalisable » et à « mener des actions consensuelles sans absurdités pour réussir une paix effective ».

Poudrière Si à Bamako on parle chronogramme, charte de la paix ou révision constitutionnelle, à Kidal, où les travaux du camp 1 ont commencé depuis plus d’une semaine et ou le gouvernorat, aux bâtiments vétustes, n’est pas en mesure d’accueillir le gouverneur, il en est tout autrement. Depuis le 4 juin, des événements très préoccupants retiennent toutes les attentions et focalisent craintes et inquiétudes. « Les gens ne sont pas du tout sur les annonces de Bamako. Ce qui se passe ici est très grave ! Les Imghads chassent la communauté Idnane. Depuis une semaine il y a eu presque une trentaine de morts, des dizaines d’otages, des dizaines de véhicules enlevés, des motos brûlées, des centaines de personnes déplacées qui ont tout laisser derrière elles. À la mosquée, dans les rues, les grins, les gens ne parlent que de ça, parce que c’est vraiment préoccupant », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Tout a commencé au début du mois de juin, quand des Idnanes du MNLA ont mené une attaque contre des éléments du GATIA, puis ont pillé un village près d’Aguelhok, brûlant des boutiques et s’en prenant à la population. Vengeance et représailles ont mis le feu aux poudres. Les deux camps, qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine des exactions, se livrent à des tortures et des assassinats, sans que les forces internationales ne lèvent le petit doigt. En l’espace d’une semaine, exécutions sommaires, saccages, pillages et vols ont quotidiennement été signalés dans la région. « Où les Idnanes sont, il y a eu des motos qui sont parties. Ce sont des jeunes Imghad fougueux. On les appelle ici les « mafias ». Ils s’en sont pris aux populations idnanes. Cela s’est passé un peu partout autour de Kidal, ça s’est propagé jusqu’à Tessalit. Ça pourrait se propager aux autres ethnies et fractions et devenir incontrôlable. On est en plein mois de carême ! C’est du jamais vu ! », s’exclame cet employé humanitaire de la région.

Depuis que cette chasse aux Idnanes a commencé, beaucoup se sont réfugiés dans le camp de la Minusma à Kidal et ont été ensuite transportés par avion à Gao. « Il y a toutes une zone abandonnée par des familles entières, qui ont fui par peur d’être exécutées. Toute la zone à l’ouest de Kidal, la zone d’Anéfis, la zone d’Aguelhok, ont été abandonnées par les populations Idnanes, beaucoup ont traversé la frontière algérienne », poursuit ce même humanitaire.

 Le MNLA, dominé majoritairement par les Idnanes, est particulièrement impliqué dans cette situation, le jeune fils de Moussa Ag Najim, officier au MOC de Gao et frère de leur chef militaire, Mohamed Ag Najim, ayant été exécuté par des éléments du GATIA la semaine dernière. « Les forces armées du GATIA et leurs officiers sont responsables ! Ils escortent les convois de drogue et utilise la méthode des exactions sur les populations au sud de Kidal pour couvrir le passage de leurs convois et dégager la zone », lâche cet officier du MNLA. Selon lui, L’argent du trafic de drogue jouerait un rôle capital dans l’insécurité et l’alimentation des conflits résiduels et les choses ne seraient pas prêtes de s’arrêter, car les trafiquants pour conserver à tout prix la route des trafics font tout pour saboter le processus de paix. « Il ne veulent pas des forces légales ! faire perdurer l’instabilité leur garantit de pouvoir continuer leurs trafics. Donc, quand ils voient arriver la paix avec un autre camp, ils alimentent les tensions. La paix les dérangent. ! » affirme-t-il, amère.

Une avis que partage cette source sécuritaire très au fait des rapports de force et d’influence dans la région. « Le trafic de drogue infectent les différents mouvements armés, les officiers militaires touaregs et arabes dans l’armée malienne ainsi que les services de renseignement des pays du G5 comme le Mali. Certains services vendent même des informations sensibles à ces trafiquants qui peuvent compromettre des opérations du G5 et de leurs alliés. Il est clair que les trafiquants ne veulent pas d’une stabilité dans la région, elle empêcherait le transit de leur cargaison qui passent par l’extrême nord de la région de Tombouctou, traverse le Telemsi à l’extrême sud de la région de Kidal, une zone occupée par le GATIA depuis juillet 2016 et où l’on constate des conflits entre mouvements armés et des violences sur les civils », souligne-t-il.

Une situation qui ferait le jeu des djihadistes, qui approcheraient cette communauté pour leur proposer de les aider à se défendre, puisque personne ne le fait pour eux, « Un changement de rapport de force terrible », confie cette source bien introduite dans le milieu des mouvements armés, « Les opérations djihadistes contre le GATIA ont pour but de montrer à la population agressée que les moudjahidines, contrairement aux forces internationales, maliennes et la CMA, peuvent les protéger. Ce qui les renforce socialement et facilite le recrutement. Ça légitime, aussi, pour les populations, la thèse selon laquelle les forces internationales sont une force d’occupation qui sont venus comme bouclier de défense de la famille bambara qui dirige à Bamako et non pour leur mission de sécurisation, sans distinction, des populations et de leurs biens ». Un prosélytisme qui semble faire son chemin comme l’explique cet habitant de la région sous anonymat. « Quand les djihadistes étaient là et qu’ils occupaient le territoire, tu étais soit avec eux ou contre eux mais il n’y avait pas toutes ces choses, aucun autre qu’eux ne s’en prenait à la population. Ces exactions, avec ces milices qui ont cartes blanches, ça ne se serait pas produit avec les djihadistes ».

Défiance Dans le contexte actuel, l’installation future du MOC et des patrouilles mixtes n’est, paradoxalement, pas jugée comme un facteur rassurant. « Le MOC, ici, on n’y croit pas trop. À Gao, il a créé plus d’insécurité qu’autre chose, à Kidal ça risque d’être la même chose. On sait que la CMA ne désire pas le MOC. Ils voient ça d’un mauvais œil, parce que des éléments de la Plateforme, notamment ceux du GATIA vont être là », explique ce Kidalois proche des mouvements. « En réalité ils se sont engagés, mais ils n’en veulent pas, ils ont peur que les gens du GATIA saisissent cette opportunité pour prendre Kidal. Surtout quand on sait que le chef du MOC, le colonel Alkassim Ag Oukana, est un membre de ce mouvement. Il est de la tribu Irrédjénaten de Tessalit, il fait partie de l’aile qui se reconnaît plus dans les Imghad, il a fait défection du HCUA l’année dernière pour rejoindre Gamou », poursuit cette même source, qui confie, « Ici, il y a des gens qui s’organisent pour que les femmes marchent contre toutes ces installations, je ne peux pas dire de façon exacte ce qui se passera dans la mise en œuvre de l’accord, mais la situation actuelle ne donne pas de belle perspective pour l’avenir ».

Processus de paix : La CMA met à disposition le camp 1 l’assemblée régionale de Kidal

Dimanche 4 juin 2017, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a annoncé, via un communiqué, qu’elle mettait le camp I de Kidal à la disposition de la MINUSMA à partir du vendredi 2 juin courant, pour permettre à la mission onusienne d’y effectuer des travaux de réhabilitation en vue d’accueillir les élémentsdu MOC de Kidal. Dans ce même communiqué, elle se dit aussi prête à mettre à la disposition des autorités intérimaires le bureau de l’assemblée régional de Kidal.

24 heures avant le tenue de la 18e session du CSA qui débute ce lundi 5 juin et qui s’achèvera mardi 6 juin, à l’ex-CRES de Bamako, la CMA dans un communiqué rendu public, annonce des mesures visant au rétablissement de le confiance pour accélérer le processus de paix, qui accuse depuis sa signature finalisée en juin 2015, 2 années de retard, quelle va mettre le camp 1 à la disposition de la Minusma pour un réfection nécessaire du bâtiment et qu’elle permettra aux Autorités intérimaires, installées mais toujours pas opérationnelles d’y siéger.

Ce communiqué intervient après la sommation, le 23 mai dernier, du président du CSA Ahmed Boutache, exigeant que la CMA libére le CAMP 1 de Kidal.

Il semblerait qu’un arrangement entre a été trouvé entre ces deux parties qui a permis de débloquer la situation.

Dans ce même communiqué, la CMA appelle le gouvernement, la médiation, la communauté internationale ainsi que les partenaires techniques et financiers à ce joindre à ces efforts pour aider les autorités intérimaires à fonctionner convenablement.

Les autorités intérimaires, leur prolongation et leur financement seront justement au coeur des débats durant cette 18e session du CSA, qui devrait faire des annonces fortes en ce sens.

Almou Ag Mohamed : « Aucune injonction ne va nous amener à nous précipiter pour libérer le camp 1 de Kidal »

La médiation internationale via le président du CSA, Ahmed Boutache, a adressé une lettre à la CMA lui intimant de libérer le camp 1 de Kidal, retenu pour abriter le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC), et menaçant, si la CMA n’obtempérait pas, de subir des mesures contraignantes pouvant aller jusqu’à une suspension des indemnités de leurs représentants au sein du CSA et des sous-comités thématiques. Almou Ag  Mohamed, porte-parole du HCUA, actuellement à Kidal avec la délégation du DDR, a expliqué au Journal du Mali, les raisons qui empêchent la CMA de libérer immédiatement le camp 1 de Kidal.

Pourquoi la libération du camp 1 de Kidal n’est toujours pas effective ?

Pour nous cette lettre d’Ahmed Boutache, président du CSA est tombée un peu comme un cheveu dans la soupe. Nous l’avons jugée complètement inopportune, nous sommes à Kidal avec une délégation conduite par le président de la Commission DDR, Zahabi Ould Sidi Mohamed, depuis 3 jours. Cette lettre est tombée pendant que nous étions dans le camp 1 avec cette délégation, la Minusma, Barkhane et la CMA et on était justement en train de discuter de cette question.  Si cette lettre n’était pas arrivée, on aurait trouvé une solution avant la tombée de la nuit, hier soir. Concernant le camp 1, il est situé dans un point névralgique de la ville de Kidal dont la sécurisation, jusqu’à preuve du contraire, revient à la CMA et pour que la CMA quitte ce camp, il faut qu’il y ait une garantie que ce point névralgique soit sécurisé. Pour l’instant, on nous demande de l’abandonner pour faire des travaux mais tant que nous n’avons pas la garantie qu’il sera sécurisé nous ne pouvons partir.

Pourtant un contingent du MOC de Kidal, composé de FAMA et d’éléments de la Plateforme se trouve dans le camp de la Minusma à Kidal et pourrait en assurer la sécurité.

Les gens qui disent ça ne sont pas au fait des réalités du terrain. Autour de Kidal aujourd’hui, la majeure partie des points de défense sont sécurisés par la CMA et la sécurisation à l’intérieur de la ville de Kidal incombe à la CSMAK. Comme je vous l’ai dit, la sécurisation de la ville incombe à la CMA et s’il se passe quelque chose on dira que la CMA n’a pas su sécuriser ses positions. Quant à la Minusma, elle ne sort quasiment pas de son camp et quand elle sort c’est avec ses blindés pour des patrouilles. Dans tous les points névralgiques le de la ville nous avons 5 à 6 pickups qui sont positionnés pour qu’il n’y ait pas d’infiltration et pour que les citoyens dorment tranquillement. Quand le MOC se mettra en place nous lui céderont tous les postes possibles. Nous somme prêt, en accord avec la Minusma, à ce que nos éléments gardent un petit coin du camp le temps que les travaux se fassent. Il y a aussi la possibilité que nos éléments désignés pour faire parti du MOC restent dans le camp en attendant. Nous exposons cela dans la réponse que nous avons fait parvenir à Mr Boutache.

Donc, vous ne pouvez pas dire à quelle date vous pourrez libérer le camp 1 ?

Pour nous, aucune lettre ou aucune injonction ne va nous amener à nous précipiter pour libérer le camp 1 et mettre en péril la sécurité que ce soit de Kidal ou de toutes les autres villes de la région. Encore une fois, pour l’instant il est difficile de satisfaire cette demande au niveau technique et au niveau sécuritaire. Nous attendons de voir comment le MOC va se mettre en place, on prendra le temps s’il le faut tout en sécurisant la ville au maximum.

Quels dangers craignez-vous concernant la sécurité de Kidal ?

Toutes agressions extérieures ! J’ajouterai qu’à Kidal, il y a plusieurs camps et on ne voit pas pourquoi la libération ou non du camp 1 par la CMA pourrait constituer un point de blocage dans la mise en œuvre de l’Accord. Il y a des blocages plus graves. Dès qu’il ne fera aucun doute que le camp 1 sera sécurisé, la CMA ne verra pas d’objection à l’installation des soldats du MOC.

Le bilan de l’installation du MOC à Gao et un peu mitigé, il y a des vols de véhicules et des braquages, comptez-vous prendre des mesures pour éviter cela au MOC à Kidal ?

En tout cas en ce qui concerne la CMA, nous avons pris des mesures par rapport aux éléments qui étaient impliqués dans ces vols de voiture, nous avons tout simplement radié ces éléments, mais d’autres parties sont aussi impliquées dans ces vols de voitures. Je rappelle que le véhicule du Chef du MOC a été enlevé par un membre du GATIA, les autres voitures c’était un élément de la CMA avec un élément du GATIA, puis un élément des FAMA avec un élément du GATIA  et ensuite un élément de la CMA avec un élément du GATIA. Donc, je pense qu’en prenant rapidement les dispositions qui s’imposent, comme l’a fait la CMA, tout ça ne se déroulera plus.

Gao : Insécurité malgré le MOC

Depuis l’opérationnalisation des patrouilles mixtes, en février dernier, quatre véhicules du MOC ont été enlevés et plusieurs braquages ont eu lieu. La situation sécuritaire à Gao semble s’être dégradée et les soldats du MOC sont pointés du doigt par la population, qui déplore le manque de contrôle de ces hommes en armes, aux profils divers.

Qui nous protégera de ceux qui doivent nous protéger ? C’est en substance le questionnement d’une grande partie de la population de Gao, revenue de la belle image des patrouilles mixtes lancées en février dernier : FAMA, CMA et Plateforme, ensemble, dans leurs beaux uniformes, à bord de pick-ups flambants neufs, patrouillant dans les rues de Gao. Ce maillon essentiel de la mise en œuvre de l’accord a su monter contre lui, en quelques mois, nombre de détracteurs qui n’en comprennent plus vraiment le sens. « Ils devaient être ensemble pour sécuriser, mais ils ne s’entendent pas entre eux, ils braquent les gens, ils volent leurs propres véhicules puis disparaissent», déplore Moussa Boureima Yoro, coordinateur des mouvements de résistance civile de Gao.

À qui la faute ? La mise en place, après le deuxième vol d’un véhicule du MOC, d’une police militaire visant à ramener de l’ordre et d’un numéro vert destiné à la population pour les plaintes, n’auront pas réussi à endiguer les problèmes. « Effectivement, on ne peut pas tout nier », reconnaît le colonel Mahamane Boubou du camp MOC de Gao. « Mais il y a aussi des amalgames. Gao est plein de mouvements armés, des gens de tous les horizons venus pour constituer les bataillons mixtes. On rencontre des problèmes avec ces combattants qui ne sont pas du MOC mais qui sont armés dans la ville. Ils sont en quelque sorte hors périmètre. Ce sont eux qui font des incursions dans la ville », affirme-t-il. Pour beaucoup, la faute incomberait aussi à la mise en œuvre du MOC qui s’est faite à la hâte, sans prendre le temps de définir des critères importants d’incorporation de ces éléments. Pour Oumar Alassane Touré, président de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord, toutes sortes de gens mal-intentionnés se trouvent au sein des mouvements armés et ont été transférés dans la MOC, un peu comme si le ver était dans le fruit. « il y a beaucoup de moudjahidines qui ont intégré les mouvements signataires sous le drapeau de la paix, mais qui ont d’autres idées derrière la tête. Ça menace la paix dans l’avenir si ces éléments sont ensuite intégrés dans l’armée ou la gendarmerie. Il faut revoir les choses, savoir qui sont ces combattants et d’où ils viennent », assure-t-il. À Gao, certains exigent que le camp du MOC soit délocalisé à l’extérieur de la ville, d’autres souhaitent que le mécanisme soit dissout. « On veut la paix c’est vrai, mais il faut quand même qu’il y ait des normes qui puisse garantir que cette paix sera ramenée », conclut Moussa Boureima Yoro.

Processus de paix : Un pas en avant, un pas en arrière 

Le nouveau chronogramme établi pour l’installation des responsables des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni a été salué avec satisfaction par l’ensemble des acteurs de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Mais l’espoir suscité fut de courte durée. Les contestations des groupes armés et des populations de certaines des localités concernées ont poussé au renvoi sine die des actions prévues. Faut-il y voir un nouveau coup d’arrêt pour le processus ? Non, si l’on se fonde sur le dialogue en cours entre le gouvernement et les mouvements contestataires pour aplanir les difficultés, ainsi que la tenue prochaine de la conférence d’entente, prévue au mois de mars 2017.

« Le 18 février, le drapeau du Mali allait flotter sur Kidal. Nous étions prêts, avec nos caisses de fanions vert-jaune-rouge », nous confie un responsable d’un groupe armé, croisé dans la salle d’attente du président de la Commission nationale DDR, l’ancien ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed. Selon notre interlocuteur, c’est le communiqué du vendredi 17 janvier 2017, nommant Sidi Mohamed Ag Ichrach, secrétaire général du ministère du Commerce et considéré comme un proche du GATIA, au poste de gouverneur de la région de Kidal, qui a fait changer la donne. Ce dernier doit remplacer Koïna Ag Ahmadou, alors en pleine préparation de la cérémonie d’installation d’Hassan Fagaga dans ses fonctions de président de l’Assemblée régionale de Kidal, prévue pour le lendemain 18 février. Le désormais ex-gouverneur apprend par la même occasion qu’il est muté à Tombouctou.

Contestations Cette décision suffira à provoquer la colère des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). En réaction, ils annulent la cérémonie d’installation et décrètent qu’« il n’y aura pas d’autorités intérimaires tant que la situation ne sera pas éclaircie avec le gouvernement », déclare Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Dans la foulée de l’annulation à Kidal, la mise en place des membres des autorités intérimaires pour toutes les autres régions a été annulée le dimanche 19 février. Y avait-il eu consultation avec les maîtres de Kidal ? Apparemment non, assure une source proche du dossier. «L’État a voulu jouer à l’équilibriste, mais c’est le tact qui a manqué un peu », précise la même source. Exclus du processus, certains mouvements armés, issus de la CMA et de la Plateforme, menacent de bloquer le processus jusqu’à ce qu’ils soient pris en compte au même titre que les autres. C’est le cas de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, de la CMFPR2 du Pr Younoussa Touré, du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (MPSA), du Front populaire de l’Azawad (FPA) et du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA). Les colonels Abass Ag Mohamed, chef d’état-major du CJA, et Housseine Ould Ghoulam du Mouvement arebe de l’Azawad (MAA), ont mis en garde la communauté nationale et internationale sur le fait que certains choix ne sont pas consensuels et ne seront jamais acceptés, ni par eux, ni par la population de Tombouctou et de Taoudéni. « La porte du dialogue n’est jamais fermée à condition que tout le monde soit inclus », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA. « Oui, hier nous avons marché pour soutenir la mise en place des autorités intérimaires et aujourd’hui, nous la contestons car elle n’est pas inclusive. Oui aux autorités intérimaires avec une consultation de la société civile », affirme pour sa part Aliou Daouna, membre de la société civile de Tombouctou. À Gao, on s’insurge également contre ces autorités intérimaires, dont la jeunesse et la société civile s’estiment exclus (voir page 6). « Tous ceux qui crient n’ont aucune représentativité. Les gens veulent une part du gâteau et sont prêts à mettre le processus en danger pour y arriver », déplore un haut fonctionnaire.

La situation actuelle, résultant des décisions prises à l’issue de la réunion du Comité de suivi de l’Accord (CSA) de haut niveau du 10 février, était pourtant prévisible. La médiation n’a en effet jamais pu trouver de solutions au principe d’inclusivité prônée par l’accord, selon le Pr Mohamed El Oumrany, secrétaire aux relations extérieures du MPSA. « La seule voie de sauvetage aujourd’hui, c’est nous, les mouvements dissidents. Nous avons la confiance des populations parce que nous représentons toutes les couches sociales », ajoute-t-il. Au-delà de leur caractère non inclusif, l’une des raisons pour lesquelles ces autorités intérimaires sont contestées est, selon le Pr Younoussa Touré de la CMFPR2, le fait qu’il n’y a aucune base légale qui les régisse. Le seul cadre légal dans lequel ces autorités intérimaires se trouvent, c’est bien l’Entente signée en juin 2016 entre le gouvernement et les mouvements armés, CMA et Plateforme, devenue caduque avec la tenue des élections communales du 20 novembre. « Je ne suis pas contre les personnalités nommées à la tête de ces autorités intérimaires. Ce sont des Maliens tout comme nous. Mais la loi modifiant celle portant code des collectivités territoriales, adoptée par l’Assemblée nationale, censée prendre en charge les autorités intérimaires, n’est plus d’actualité », ajoute-t-il.

Une issue L’espoir d’une paix définitive dans les régions nord est-il de nouveau compromis ? Rien n’est encore perdu car, malgré tout, les différentes parties affirment leur volonté de faire bouger les lignes. Il urge cependant, selon les observateurs, de corriger une tare congénitale de ce processus qui n’aura finalement pas fait l’objet d’un large consensus. La solution à ce problème pourrait venir de la conférence d’entente nationale qui doit se tenir dans le courant du mois de mars. Elle serait en effet une bonne occasion de réorienter les impératifs de la mise en œuvre de cet accord et de l’adapter pour améliorer son appropriation par toutes les couches de la population. À travers la large participation de ces dernières, peut-être arrivera-t-on enfin à clore le chapitre du « sentiment d’exclusion » de certains acteurs. « Il appartient à l’État, garant de la mise en œuvre de l’Accord, de prendre ses responsabilités pour siffler la fin de la récréation qui n’a que trop duré », explique une source diplomatique. Cette rencontre attendue depuis longtemps et réclamée entre autres par l’opposition (avec un contenu différent), est « un jalon important dans la réhabilitation de la cohésion sociale et du vivre ensemble au Mali […]. Ainsi que cela est spécifié dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, cette conférence doit permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit », avait indiqué le Président IBK lors de son discours du nouvel an. « Nous ne devons pas céder, mais il nous faut agir vite. Plus nous perdons du temps, plus les groupes terroristes et narcotrafiquants s’installeront dans la région. Il importe donc de maintenir le dialogue et de renforcer la confiance entre le gouvernement et les mouvements signataires de l’accord », assure Zahabi Ould Sidi Mohamed, président de la Commission nationale désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR). Alors que les tractations vont bon train et que les réunions se succèdent, une bonne nouvelle vient éclaircir le ciel malien : la mise en œuvre du MOC, frappée par l’attentat meurtrier du 18 janvier dernier, devait reprendre, au moment ou nous mettions sous presse, ce mercredi 22 février.

 

 

 

 

 

Patrouilles mixtes : nouveau report

Plus rien ne devait s’opposer au démarrage des patrouilles mixtes qui était prévu pour aujourd’hui à Gao, après les derniers réglages liés aux problèmes d’inclusivité, réclamée par certains groupes armés. Une équipe de la MINUSMA et des diplomates se sont même rendu à Gao pour donner le coup d’envoi. Mais contre toute attente, la cérémonie a été annulée. Mouvements armés, MINUSMA ou gouvernement, personne n’est en mesure d’expliquer réellement les raisons de ce report.

«Malheureusement pour des raisons hors de notre contrôle, le voyage prévu doit être reporté », tel était la teneur du message de la MINUSMA pour annoncer le report de l’évènement. Dans la foulée, un doigt accusateur est pointé sur les mouvements armés qui auraient formulé de nouvelles exigences avant le démarrage des patrouilles mixtes. «Pour l’instant, il y a de petits réglages entre le gouvernement et certains mouvements par rapport à l’indemnisation des victimes des parents des combattants », explique un cadre de la mission onusienne.

«Je ne pense pas qu’on constitue un blocage aujourd’hui, c’est certainement des questions logistiques que certains ont du mal à interpréter. Pour moi, on parle de blocage quand le problème se pose au niveau politique. Nos éléments sont dans la cour du camp MOC depuis mardi pour leur enregistrement. Après la levée de notre blocus, l’enregistrement se poursuivait avec les éléments restant de la CMA. Dans le cadre de la cohésion sociale, de l’unité nationale, tous les mouvements sont dans la dynamique du démarrage des patrouilles mixtes », répond Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune de la CPA.

«Nous ne sommes pas au courant de ces allégations. On a même pas une liste des parents de victimes qui ont demandé une quelconque indemnisation. À mon avis, tout se passe normalement, les hommes sont ensemble dans le MOC. Il ne reste plus qu’à régler des petits problèmes liés au profilage des combattants et un peu de logistique », ajoute Youssoussa Touré de la CMFPR2. Selon les groupes armés, à ce stade, les partenaires techniques financiers, la médiation internationale et toutes les autres parties doivent être fiers de ce qui a été fait.

Malgré cette assurance donnée de part et d’autre, aucune date n’est encore fixée pour le démarrage des patrouilles. Beaucoup pensent que le démarrage des patrouilles servirait de tremplin à François Hollande au cours du sommet Afrique France qui démarrera demain, pour témoigner de la lente mais sûre mise en œuvre de l’Accord et aussi pour justifier la présence de la France comme soutien dans la stabilisation du Mali.

L’opérationnalisation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) se concrétise!

M. Koen Davidse, Représentant spécial adjoint du Secrétaire-général au Mali, s’est rendu, hier vendredi 6 janvier, dans la Cité des Askia pour se rendre compte de l’évolution du processus de regroupement des mouvements armés signataires de l’Accord de paix. Le Commandant par intérim de la Force de la MINUSMA, le Directeur de la section Réforme du secteur Sécurité et DDR de la Mission onusienne, ainsi que le Représentant de la République du Mali faisaient partie de la délégation.

Gao : une force mixte pour plus de sécurité

L’opérationnalisation des patrouilles mixtes entre les FAMA et les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger sera effective la semaine prochaine. Les éléments de la CMA bloqués en périphérie de Gao, ont fait leur rentrée dans le camp MOC (mécanisme opérationnel de coordination ). Le début de ces patrouilles vont à coup sûr, contribuer à l’amélioration de la sécurité dans les régions du Nord, en proie à la violence djihadistes et aux bandits armés.

C’est donc un pas décisif qui vient d’être franchi dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et réconciliation avec le démarrage des patrouilles mixtes prévues dans la région de Gao. Après plusieurs mois de retard, les patrouilles mixtes composées d’éléments de l’ex-rébellion de la CMA, de combattants des groupes armés loyalistes et de soldats maliens démarreront la semaine prochaine. Toutes les conditions semblent réunies. Les 200 éléments des forces armées maliennes et les combattants des groupes armés (CMA et plateforme), sont ensemble dans le camp MOC de Gao depuis le week-end dernier. Le chef adjoint de la MINUSMA, Koen Davidse s’est félicité de l’entrée des éléments de la CMA à Gao. L’objectif recherché de ces patrouilles mixtes est de réduire le vide sécuritaire avant, pendant et après le processus de cantonnement et de DDR.

Si le démarrage de ces patrouilles est un pas décisif, il n’en demeure pas moins que la sécurisation de vaste région du nord est une autre paire de manches. « Le plus difficile a été fait. On constatait un manque de confiance entre les différents partenaires. Le fait qu’ils acceptent d’être ensemble prouve que tout le monde a envie d’aller vers la mise en œuvre dilligente de l’Accord pour un retour de la sécurité dans le nord, l’objectif premier, c’est l’instauration de mesure de confiance entre les différentes parties. C’est l’avenir d’une réinstallation durable de la sécurité dans le nord et pourquoi pas au centre du pays en proie à l’insécurité. Au bout du processus, on aura les forces armées rénovées avec l’ensemble des parties prenantes de l’Accord qui vont agir au profit de la sécurité de la population », souligne, Adama Diarra, journaliste sécurité et défense.

Les patrouilles mixtes composées des groupes signataires ont pour objectif de sécuriser les populations mais aussi de faciliter la réintégration des ex-combattants dans l’armée. « L’idée de ces patrouilles est bien intégrée et acceptée dans le Nord. Nous avons beaucoup travaillé pour ça. Ces patrouilles vont améliorer les conditions de vie des populations du nord qui vont se sentir sécuriser. C’est aussi, la condition indispensable pour la mise en place des autorités intérimaires », explique Mamadou Djéri Maïga de la CMA.

Pour mettre en marche le MOC, le gouvernement, à travers le ministère de la Défense et des anciens combattants, a mis à sa disposition 42 véhicules pick-up pour un coût de 2 milliards de FCFA, afin d’assurer les patrouilles. Ces fonds proviennent des 5 milliards que le gouvernement a engagé pour le fonctionnement du MOC. Comment 600 éléments pourront-ils sécuriser les espaces désertiques de Gao qui couvre 170 572 Km2 ? De l’avis des spécialistes, les patrouilles mixtes à elles seules ne pourront sécuriser toute la région, même appuyées par le reste de l’armée malienne, la MINUSMA et la force barkhane. «Tout dépendra des besoins qui se feront sentir le terrain. Elles ne peuvent pas être partout avec ce nombre restreint, mais elles iront là où les menaces sont les plus présentes pour couper toute retraite aux bandits et autres groupes terroristes », affirme le colonel Diarran Koné.

Moussa Ag Acharatoumane : pour une cohabitation pacifique entre les populations

L’homme qui fut le numéro 2 du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et un membre influent de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), avant de créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) en septembre 2016, s’est prêté aux questions de Journal du Mali pour une interview exceptionnelle sur les scissions et les évolutions au sein de la CMA.

Quel était l’objectif de votre récent séjour en France et en Suisse ?

J’étais à Paris pour expliquer la nouvelle dynamique de la naissance du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), ses objectifs et ses projets d’avenir, et ce qui m’a poussé à créer ce mouvement. Il s’agissait de reprendre contact avec tout mon réseau en France et en Suisse.

Quel est le regard de ces pays sur votre mouvement ?

Le MSA est très bien vu par une bonne partie de ceux qui suivent de très près l’évolution des mouvements politico-militaires dans la zone de l’Azawad parce qu’il s’inscrit dans une nouvelle dynamique intéressante, qui n’embarrasse pas beaucoup de monde à cause de son caractère non-indépendantiste. Il s’inscrit dans le cadre de l’accord d’Alger, qui suit la logique de ramener la paix, la cohésion sociale et surtout apporter la sécurité et le développement pour les populations. Tout ce que le MSA est en train de faire à Gao et à Ménaka, c’est de poser des actes concrets au-delà de venir à Bamako. Il faut sortir des discours de positionnement qui ne font pas avancer. Le plus grand défi du MSA c’est de permettre à la population de cohabiter ensemble sur tous les plans. Nous essayons aussi de nous hisser au-dessus des contradictions telles qu’elles existent entre la CMA et la Plateforme, souvent liées à de problèmes d’ordre tribale ou de ceux liés au trafic de drogues.

Qu’est-ce que le retrait de la CMA des instances du Comité de suivi de l’Accord (CSA) augure pour le futur selon vous ?

Ce communiqué pouvait se justifier à un moment donné parce qu’effectivement les choses n’avançaient pas du tout. Mais, il est arrivé à trois ou quatre jours d’un autre communiqué de la CMA, qui réaffirmait sa participation aux patrouilles mixtes et à la mise en œuvre de l’Accord. Ce nouveau communiqué était signé par Algabass Ag Intalla, qui venait de prendre la tête de la CMA, alors que l’autre était signé de Bilal Ag Chérif, trois jours avant. On a donc l’impression qu’il y a une contradiction dans ces deux positionnements. De mon point de vue, il y a une part de vérité dans ce communiqué, le fait que l’Accord n’avance pas. C’est une réalité qu’on ne peut pas nier. La responsabilité est aussi partagée, même si la paternité de la mise en œuvre de l’Accord revient au gouvernement. Il faut que le gouvernement revoit sa stratégie dans la mise en œuvre de l’accord. Beaucoup des mesures prises par les autorités n’avancent pas, notamment la mise en place des autorités intérimaires, les patrouilles mixtes et les nouvelles commissions. Aujourd’hui, l’inclusivité contenue dans l’Accord, n’est pas une réalité sur le terrain. À l’intérieur du gouvernement, il y a des têtes politiques qui prennent des décisions par rapport aux affinités sans tenir compte de l’ensemble des acteurs.

Il est question de démarrer les patrouilles mixtes sans la CMA. Cela peut-il fonctionner selon vous ?

Je ne pense pas que les patrouilles mixtes puissent apporter les résultats escomptés en l’absence de toutes les parties. La CMA, qu’on le veuille ou pas, est une partie importante dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. Mais la réalité est que la CMA est très divisée à cause des problèmes à l’interne. Ce sont ces problèmes qui empêchent malheureusement cette organisation de répondre à tous les engagements qu’elle a pris précédemment. Cependant, l’expérience nous a montré que si une partie ne répond pas au rendez-vous, on peut démarrer la machine en attendant. C’est ce qui s’est passé lors de la signature de l’Accord et j’ai l’impression que la même chose va se répéter.

Les divisions actuelles au sein de la CMA sont elles dues au duel de leadership entre Bilal Ag Chérif et Algabass Ag Intalla ?

Il s’agit là de deux personnages très différents. Bilal Ag Chérif est un jeune très instruit qui a une vision assez précise de beaucoup de choses. Ce qui n’est malheureusement pas le cas d’Algabass Ag Intalla qui n’est pas instruit, mais qui a une expérience politique avérée. C’est vrai qu’ils ne sont pas d’accord sur tous les sujets, mais je ne pense pas pour autant qu’il y ait une rivalité entre les deux. Ils ont plutôt intérêt à s’unir, car beaucoup de choses gravitent autour d’eux qui ne marchent pas forcement à leur avantage. Cependant, on constate que dans les démarches politiques que les uns et les autres font, il y a une différence. Quand Bilal était à la tête de la CMA, on constatait une certaine constance et une certaine continuité malgré les résistances. Il est plus diplomate contrairement à Algabass.

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec ces deux leaders ?

Aujourd’hui je suis dans une posture de rassembler les gens, je ne coupe jamais contact avec quelqu’un. Mais, il faut reconnaître qu’un fossé s’est créé entre nous depuis la naissance du MSA que certains n’ont pas compris et que d’autres ont du mal à accepter. Ce qui ne nous empêche pas de s’appeler et d’échanger.

La CMA est-elle affaiblie par votre départ ?

Même si elle n’est pas affaiblie, elle a quand même pris un coup dur parce que ce sont des communautés, tribus et régions entières qui lui ont tourné le dos, en l’occurrence celles de Ménaka, Tombouctou et Gao. Le constat est aujourd’hui que, depuis notre départ, elle n’a gagné aucune bataille. Le MNLA et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) sont réfugiés à l’intérieur de Kidal, ils ne contrôlent rien à l’extérieur.

Va-t-on vers un éclatement de la CMA ?

On est aujourd’hui en pleine recomposition interne au sein de cette organisation. La CMA est une coordination d’un ensemble de mouvements, de communautés et de personnages qui n’ont pas forcément les mêmes visons sur un certain nombre de choses. On peut dire qu’il y a deux branches de la CMA : celle de Kidal avec le MNLA et le HCUA, et celle de Ménaka, Gao et Tombouctou constituée du MSA, du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), de la Coalition des peuples de l’Azawad (CPA) et de la Coordination des mouvements forces patriotiques de résistance (CMFPR2). Aujourd’hui ces deux courants ne parlent pas le même langage, parce que quand nous avons signé l’Accord, malheureusement, la légalité de la signature est restée entre les mains de nos anciens mouvements. Les nouveaux mouvements ont certes une légitimité à la base mais pas la légalité de signature de l’Accord que les autres amis ont signé à notre place.

Comment vous imaginez-vous dans les deux ou trois ans à venir sur plan politique ?

Pas mal de gens ont leur regard braqué sur moi et depuis un certain temps le contact est assez fluide. Les gens sont très contents du travail qu’on est en train de faire qui s’inscrit dans le cadre de la vision et de l’intérêt de l’État. À cause de notre travail beaucoup de gens, même de l’extérieur, disent que Ménaka est devenue la région pilote de la mise en œuvre de l’Accord, parce que c’est la seule région où l’on trouve la fluidité entre tous les mouvements, sans problèmes. Quand à ma personne, aujourd’hui, j’évolue positivement dans le paysage politique dans ma région locale qui est Ménaka. Au plan national, j’ai des relations avec pas mal d’hommes politiques à Bamako. Aujourd’hui, je suis dans une posture qui m’amène à faire forcément de la politique dans les années à venir. Mon souhait le plus ardent est de contribuer à ramener la paix et la quiétude à la population du nord du Mali. Et si je peux apporter quelque chose de positif au plan national je serais ravi de le faire.

 

Processus de paix : démarrage du MOC sans la CMA

Une bonne nouvelle pour le processus de paix en cette fin d’année, vient d’être donnée. Le démarrage du Mécanisme opérationnel de coordination a débuté à Gao, sous la coordination de la MINUSMA. Seule inquiétude, c’est l’absence des éléments de la CMA, qui sont attendus dans un proche avenir.

Le regroupement des combattants a débuté le 10 décembre dernier. La section Désarmement Démobilisation et Réintégration (DDR) de la MINUSMA avec l’appui d’autres sections a coordonné l’opération de vérification et d’enregistrement de 160 ex-combattants de la plateforme, de leur profilage ainsi que la collecte des informations de base sur leurs armes. Le 13 décembre à 18 heures, il a été dénombré au MOC, 190 éléments des forces armées maliennes et 160 combattants de la plateforme.

Le regroupement des combattants de la CMA est en cours dans la région de Kidal pour ensuite se déplacer vers Gao, pour rejoindre les autres dans les prochains jours. La MINUSMA a également procédé à la distribution de 20000 litres de carburant à la CMA à Kidal pour permettre aux combattants de rejoindre Gao. Le processus s’est déroulé sans aucun incident. La MINUSMA et le gouverneur de Gao ont même effectué une visite du camp du MOC dirigé par Rhissa Ag Sidi Mohamed, le 13 décembre dernier.

« Une première patrouille conjointe du MOC devrait avoir lieu très prochainement dans la région de GAO, on s’attend, à ce qu’elle se passe la semaine prochaine, mais on confirmera quand c’est du solide», explique Radhia Achouri, porte parole de la MINUSMA. « Il y a des petits soucis en termes d’intégration de la part de certains mouvements signataires du processus de paix notamment au sein de la CMA. La MINUSMA est en train de s’activer au niveau de son leadership et ailleurs pour essayer de convaincre les parties prenantes de trouver des solutions le plus rapidement possible, ce qui permettra de respecter les termes de l’Accord de paix entre les différents mouvements faisant parti de la CMA, pour assurer qu’il Y ait une inclusivité la plus large possible permettant au processus de démarrer dans des bonnes conditions », a-t-elle conclu.

MOC : c’est toujours le blocage

Malgré les déclarations affichant la bonne volonté de part et d’autre pour le démarrage du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), le processus demeure léthargique. En cause, la situation des sous-groupes au sein de la CMA et la prise charge des éléments devant participer aux patrouilles à Kidal.

Aujourd’hui, à Bamako, c’est le doute.  Le Mécanisme opérationnel de coordination, un pilier essentiel de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, a du plomb dans l’aile. Le démarrage des patrouilles mixtes, aura-t-il bel et bien lieu d’ici la fin d’année 2016 ? Impossible aujourd’hui de l’affirmer. Tout récemment, le commandant de la force onusienne au Mali, le général Michael Lollesgaard, en fin de mission, a fait le point sur les différentes rencontres et a tiré un bilan contrasté des cinq séances de travail qui ont été marquées par une série de blocages, notamment au sein des groupes armés signataires de l’Accord. « Nous sommes les principaux fournisseurs d’hommes pour l’opérationnalisation du MOC. Mais constatons qu’au niveau de la CMA, les choses se traitent de manière incorrecte et chaque fois que nous remettons les problèmes sur la table, on nous demande d’aller régler ces problèmes entre nous. Je représente cinq mouvements et aujourd’hui, on pas la possibilité de mettre nos hommes au niveau des différentes commissions. Et tant que nous ne ferons pas parti du système, ça n’ira pas loin », explique Younoussa Touré, vice-président de la CMFPR2 et membre du CSA. Pour encourager les groupes armés qui s’estiment lésés dans la nomination des membres des différentes commissions, la 13ème session du comité de suivi avait mis en place un groupe de travail, sous la présidence du Haut représentant du président de la République, afin de permettre le lancement effectif de la période intérimaire, notamment l’installation des autorités intérimaires et l’opérationnalisation des unités du MOC à Gao et à Kidal, le 10 décembre 2016 au plus tard. À deux jours de l’expiration de ce délai, rien ne semble bouger. « C’est toujours le statu quo, le délai imparti à ce groupe de travail qui était de cinq jours est dépassé. On va certainement attendre la 14ème session qui se tiendra du 19 au 20 décembre prochain pour voir clair », commente un membre du CSA.

Entre dogme et pragmatisme « Tout ce blocage n’est pas lié aux différends. Il y a aussi la programmation budgétaire. Pour l’instant, seuls les combattants retenus pour les patrouilles à Gao, sont budgétisés », explique un cadre de la MINUSMA. Cependant, certains groupes armés, à l’instar du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), se sont engagés dans une patrouille mixte avec la Plateforme et les forces armés maliennes (FAMA) dans la ville de Ménaka et ce, dans un rayon de six kilomètres autour de la ville. La décision de cette patrouille à laquelle le MSA participe aurait été prise par les acteurs présents dans la région. « Cette patrouille est pour le MSA, une nouvelle occasion de manifester comme toujours sa volonté inébranlable à s’investir pour un renforcement de la sécurité et de la cohésion sociale, gages de la construction d’un véritable chantier de paix et de stabilité nationale », souligne un communiqué du mouvement. « Nou avons devancé le MOC, car on a besoin de sécurité pour nos populations, nos biens et notre région. Le MOC prend trop de temps et il y a trop de contradictions entre les acteurs alors que pendant ce temps nos populations souffrent de l’insécurité. C’est pourquoi nous avons décidé, à Ménaka, de nous mobiliser pour réduire ce fléau. On se met en route, l’Accord va nous trouver sur le chemin », explique Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA. Les raisons du blocage sont donc multiples : d’un côté, il y a les problèmes entre les mouvements armés, de l’autre les problèmes entre les mouvements, le gouvernement et la médiation. « On ne sait plus par où commencer et avec quels moyens.  Nous sommes face à deux courants idéologiques, et pour faire avancer l’accord, soit on est pragmatique, on fait comme les Ménakois et on avance, soit on est dogmatique et les pauvres populations souffrent quotidiennement pendant que les réunions sont interminables à Bamako », conclut-il.

 

Autorités intérimaires : a-t-on mis la charrue avant les bœufs ?

C’est hier, mardi 15 novembre, que devait être mis en place les autorités intérimaires. Pour la énième fois cette disposition de l’Accord a été reportée pour cause de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) non-effectif, constaté par le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), en charge de la bonne mise en œuvre du MOC. Sur le terrain ce report n’étonne pas, gouvernement et mouvements armés se renvoient la balle, ces derniers considèrent que le gouvernement n’a pas suivi la bonne chronologie de mise en œuvre de l’Accord.

Les autorités intérimaires sont repoussées à une date ultérieure, cette mesure de l’Accord de paix, est une fois de plus différée alors qu’elle fait face à des résistances chez plusieurs mouvements locaux qui ont dénoncé son caractère non-inclusif dans la nomination de ceux qui auront à administrer ces régions du Nord. Pour beaucoup, ce report n’a rien de surprenant, « Mettre les autorités intérimaires en place aujourd’hui, c’est mettre la charrue avant les bœufs ! Il n’y a pas de sécurité, pas de confiance. Ce sont les autorités intérimaires qui doivent organiser ces élections, c’est ce qui est prévu dans l’Accord et c’est ce qui me semble la seule porte de sortie or elles se tiendront quand même dimanche prochain », affirme cet élu de Tessalit. Pour ce dernier, il y aurait une mauvaise volonté du gouvernement à suivre l’Accord alors que la communauté internationale souhaite son application stricte. « Il faut que les décideurs maliens aient la courage de dire la vérité et de regarder la réalité en face, comme elle se présente aujourd’hui », ajoute-t-il.

Du côté du gouvernement on assure suivre l’Accord à la lettre : « Les mouvements doivent savoir qu’on ne peut pas prendre le pays en otage, on ne peut pas attendre la mise en place des autorités intérimaires pour mettre en place les élections. Si on veut placer des autorités intérimaires c’est justement parce qu’on n’a pas pu tenir des élections dans ces endroits-là. Dans ce cas, on le constatera et on mettra alors en place ces autorités intérimaires. Mais dire qu’elles doivent être mises en place forcément avant les élections, c’est une mauvaise lecture de l’Accord. L’Accord stipule que les autorités intérimaires dans les régions du Nord sont mises en place là où les conseils élus ne marchent pas, en attendant de pouvoir organiser les élections », explique Inhaye Ag Mohamed, Secrétaire permanent au bureau du Haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord.

À Kidal, on considère que la mise en place des autorités intérimaires ne sera possible qu’avec l’installation d’une force qui devrait être pré-cantonnée, sans cela c’est tout le processus qui serait bloqué. « On a inversé la chronologie des choses et quand on inverse, on tombe dans le chaos. Il fallait d’abord faire le pré-cantonnement, faire revenir l’administration et les forces de l’ordre et après parler des autorités intérimaires », déclare Abda Kazina, adjoint au maire de Kidal et futur représentant des autorités intérimaires sur la liste du gouvernement. « Dire qu’il faut cantonner tout le monde avant de commencer les patrouilles mixtes, ce n’est pas dans l’esprit de l’Accord », répond le secrétaire général du Haut représentant. « Les éléments qui devront constituer les patrouilles mixtes seront rapidement rassemblés à Gao, où ils se prépareront, avant d’être déployé sur Kidal, le reste des éléments qui ne seront pas intégrés aux patrouilles mixtes et qui ne seront pas concernés par le cantonnement accéléré, suivront le processus normal de cantonnement prévu dans l’Accord », poursuit Inhaye Ag Mohamed.

Depuis l’annonce du report, aucune date ultérieure pour la mise en places des autorités intérimaires et de son volet sécurité le MOC, n’a été décidé, alors que les élections communales se tiendront dimanche 20 novembre sur la majeure partie du territoire. « Je pense qu’il ne faut pas accorder une importance aux dates, il faut accorder une importance aux choses certaines, les élections ne pourront avoir lieu que s’il y a la sécurité et une administration sinon qui va voter ? », questionne ce même élu de Tessalit

La question des réfugiés divise aussi. Peut-on tenir des élections alors que des milliers de réfugiés vivent hors des frontières du pays ? Pour Inhaye Ag Mohamed, « On ne peut pas non plus attendre indéfiniment, l’idéal c’est de faire revenir les étrangers pour qu’ils puissent voter, mais si on n’arrive pas à ramener les réfugiés pour une raison ou pour une autre, il faut quand même tenir les élections ».

Les différents acteurs s’accusent mutuellement de mauvaise foi et selon certains, des groupes armés au Nord ne seraient pas encore prêt à aller vers un retour progressif à une administration malienne, « Je ne sais pas ce que tout ça va donner mais ce n’est pas rassurant », conclut l’adjoint au maire de Kidal.