Moctar Ousmane Sy : « Sécuriser les corridors ne signifie pas forcément déployer davantage de troupes »

Acteur de la société civile, Moctar Ousmane Sy propose depuis un certain temps des analyses sur la crise du carburant et ses répercussions sur la vie quotidienne. Dans cet entretien, il avance des solutions à court terme fondées sur la coordination des acteurs et la sécurisation des axes d’approvisionnement. Propos recueillis par Massiré Diop.

Comment renforcer la sécurité des corridors sans alourdir la charge de l’armée, déjà mobilisée ailleurs ?

Sécuriser les corridors ne signifie pas forcément déployer davantage de troupes. Il s’agit aussi de reconnaître les efforts déjà fournis et de sécuriser les axes prioritaires de manière ciblée. Cela passe par une meilleure coordination des forces engagées, par la circulation de l’information au niveau local et par l’identification des zones les plus exposées. Le but n’est pas d’ajouter de la pression à une armée déjà mobilisée sur plusieurs fronts, mais de rendre plus efficaces les dispositifs existants. L’essentiel est de renforcer les dispositifs existants sur les axes prioritaires sans créer de pression supplémentaire sur les unités déjà engagées ailleurs. Il s’agit d’optimiser les ressources, pas de les disperser.

Quelles alternatives le Mali peut-il envisager face à sa dépendance aux ports d’Abidjan et de Dakar ?

Diversifier les itinéraires et les points de stockage est une piste importante. La dépendance à un seul axe ou à un seul port fragilise l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Si des voies alternatives sont identifiées et rendues opérationnelles, même de manière progressive, cela peut réduire les risques de rupture. Ce processus de diversification ne peut se faire que progressivement. Cette diversification est une question de stratégie logistique.

Dispose-t-on réellement des moyens pour créer de vraies réserves stratégiques de carburant ?

Renforcer les réserves stratégiques est une nécessité pour faire face aux périodes de tension. Cela demande une planification et une anticipation. Même si les ressources sont limitées, la construction progressive de capacités de stockage est possible si elle s’inscrit dans une logique d’État, avec des objectifs clairs et un suivi régulier.

Comment impliquer concrètement les transporteurs et les autorités locales dans la gestion de cette crise ?

Il faut associer de manière active les transporteurs, les autorités locales et les acteurs du secteur. Ils sont au cœur du terrain, ils connaissent les routes, les risques et les réalités quotidiennes. Le dialogue avec toutes les parties prenantes, y compris dans les zones affectées, peut faciliter le passage des convois et réduire les risques d’incidents. La coordination est la clé.

Moctar Ousmane Sy : « Il faut remettre en cause les acquis pour avancer »

La révision en cours de la Charte des partis politiques du Mali suscite un large débat. Entre le besoin de structurer la vie politique et le risque de restreindre certaines libertés, ces nouvelles règles soulèvent des interrogations. Moctar Sy, Président du Mouvement Génération Engagée, analyse ces réformes et leur impact sur la démocratie malienne. Propos recueillis par Massiré Diop.

La révision de la Charte impose des critères plus stricts pour créer un parti. Cette mesure renforcera-t-elle la démocratie ?

Il était nécessaire d’encadrer davantage la création des partis pour limiter leur prolifération. Il y en a trop, ce qui nuit à la lisibilité politique. Mais cela ne doit pas entraver la liberté d’association, qui est un principe fondamental. Cette révision doit permettre d’avoir des partis mieux structurés et capables de remplir leur rôle. Dans un processus, il faut remettre en cause les acquis, regarder ce qui marche ou non et pouvoir avancer.

Un statut officiel avec plus de prérogatives est aussi demandé pour le Chef de l’opposition. Cela renforcera-t-il réellement son rôle ?

Donner un statut officiel au Chef de file de l’opposition ne peut que renforcer son poids dans la démocratie. Il doit pouvoir analyser, critiquer et proposer face aux décisions de la majorité. Ce statut lui donnera un cadre d’échange institutionnel avec les autorités, ce qui est essentiel.

Le financement public des partis sera désormais placé sous le contrôle de la Cour des Comptes. Ces garanties suffiront-elles pour assurer une gestion transparente ?

Le financement public est important pour soutenir la démocratie, mais il doit être rigoureusement encadré. Par le passé, des abus ont conduit à sa suspension depuis plus de sept ans. Il faut un mécanisme de contrôle efficace et des sanctions en cas de détournement. Cependant, au vu du contexte actuel, il serait préférable d’y renoncer temporairement pour allouer ces fonds aux priorités nationales.

Les élus qui changent de parti pourraient perdre leur mandat. Cette mesure stabilisera-t-elle la vie politique malienne ?

C’est une mesure nécessaire. La transhumance politique affaiblit la confiance des citoyens. Un élu doit respecter l’engagement pris avec sa base. Cette réforme renforcera la responsabilité et limitera les changements dictés par des intérêts personnels.

Parmi les réformes en discussion, lesquelles vous semblent les plus essentielles ?

L’obligation pour un parti de présenter un projet de société avant d’obtenir son récépissé est essentielle. Cela garantit que chaque formation repose sur une vision claire et non sur des ambitions opportunistes.

Pensez-vous que ces réformes seront réellement appliquées ?

Leur application dépendra du dialogue entre les acteurs politiques et les autorités. Si un consensus est trouvé, ces réformes peuvent améliorer la perception de la politique et restaurer la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants.