Somalie : les défis du nouveau président

Élu par la parlement réuni à l’intérieur de l’aéroport international de Mogadiscio, Mohamed Abdullahi Farmajo est le nouveau président de la Somalie. À la tête d’un pays exsangue, il promet de tout mettre en œuvre pour le relever.

« Ce ne sera pas simple, mais je travaillerai dur pour accomplir vos rêves », a déclaré Mohamed Abdullahi Farmajo, ancien Premier ministre et nouveau président de la Somalie depuis le 8 février. C’était dans un hangar situé dans l’enceinte de l’aéroport international de Mogadiscio, seul endroit à peu près sécurisé de la capitale. Les islamistes chebab, la corruption qui gangrène le pays et la famine sont les trois grands défis qui attendent le nouveau chef d’État, âgé de 55 ans et élu par 328 députés et sénateurs avec 184 voix contre 97 pour le président sortant, Hassan Cheikh Mohamoud, qui a immédiatement reconnu sa défaite.

Tournant majeur ? Pour Bahamane Nyanduga, expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme en Somalie, ce passage de témoin représente une nouvelle page pour la Somalie, alors même que les chebab contrôlent encore de vastes parties de territoires ruraux d’où ils lancent régulièrement des opérations de guérilla sur la capitale. Le nouveau président devra assurer en priorité la sécurité du pays face au terrorisme, afin de créer les conditions à l’atteinte de ses nombreux autres objectifs : plus de cinq millions de ses compatriotes vivent dans des camps de réfugiés hors du pays et sont menacés de famine, quand ils ne sont pas eux aussi victimes des attaques des chebab. La Somalie détient par ailleurs le record du pays le plus corrompu au monde de l’année 2016, l’inexistence d’un État depuis plus de deux décennies n’ayant pas aidé à enrayer le mal. Restaurer la sécurité et la paix, réconcilier les Somaliens entre eux, assurer le bien-être de la population, entre autres, sont autant de chevaux que Farmajo devra enfourcher à la fois. Il pourra compter sur la communauté internationale, en particulier l’Union africaine qui, depuis 2007, a déployé une mission d’environ 22 000 soldats pour la stabilisation de la Somalie (AMISOM), et dont le retrait graduel est envisagé à partir de 2018.

 

Mohamed Abdullahi ‘Farmajo’, nouveau président de la Somalie

Le Somalien Mohamed Abdullahi Mohamed dit ‘Farmajo’, élu mercredi à la présidence de son pays, est un ancien Premier ministre et diplomate, qui a promis de lutter contre la corruption et l’extrémisme islamiste gangrénant ce pays en lambeaux de la Corne de l’Afrique.

Né en 1962 d’une famille issue de la région de Gedo, dans le sud du pays, cet homme au front large et au crâne légèrement dégarni est réputé populaire dans les rues de Mogadiscio.

Le processus électoral ayant mené à sa victoire a beau avoir été taxé de corruption et manipulation, de nombreux Somaliens ont fêté son élection mercredi soir, dans la capitale somalienne ou dans le camp de réfugiés de Dadaab, le plus grand du monde, au Kenya.

Car de son bref passage au poste de Premier ministre – huit mois en 2010 et 2011 -, la population se souvient surtout d’un homme ayant créé une commission anti-corruption, introduit des salaires mensuels pour les soldats, visité régulièrement des camps de déplacés et interdit tout voyage non essentiel à l’étranger pour les membres du gouvernement.

Sur sa page Facebook, le nouveau président assure que la priorité de son parti est le « rapatriement de la diaspora somalienne afin d’aider au processus de reconstruction post-conflit » de la Somalie, où les islamistes shebab affiliés à Al-Qaïda mènent de nombreuses attaques, souvent jusque dans la capitale.

De nombreux doutes subsistent toutefois sur sa capacité à transformer une Somalie minée par près de trois décennies de chaos et de violence, et dont le gouvernement est porté à bout de bras par la communauté internationale.

Dans un pays à la vie politique et sociale profondément clanique, ce candidat Darod, un des principaux clans du pays, succède à plusieurs présidents Hawiye. L’administration du président sortant Hassan Sheikh Mohamud est considérée comme l’une des plus corrompues de l’histoire de la Somalie, ancienne colonie italienne.

Mohamed Abdullahi Mohamed, dont le surnom « Farmajo » vient de l’Italien « formaggio » (fromage), avait quitté son emploi dans l’administration aux Etats-Unis, où il travaillait pour le département des Transports de la ville de Buffalo, pour prendre ses fonctions de Premier ministre.

Mais il a été évincé après huit mois à peine en raison de querelles politiques portant sur la tenue d’élections finalement reportées en échange de son départ.

Père de quatre enfants, le nouveau président a étudié l’histoire et les sciences politiques à l’université de Buffalo, aux Etats-Unis. Il a travaillé comme diplomate à Washington pour la Somalie ainsi qu’au ministère des Affaires étrangères avant la chute de l’autocrate Siad Barre en 1991.