Tombouctou: Tensions et manifestations populaires contre autorités intérimaires

Hier dimanche 5 mars, à la veille de l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou, plusieurs centaines de personnes sont sortis dans les rues de Tombouctou en début d’après midi pour maintenir la pression sur les autorités maliennes et la communauté internationale et empêcher la tenue de l’intronisation des dirigeants des autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudeni.

Depuis ce week-end, les tensions sont vives à Tombouctou, les forces du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) encerclent la ville. « Le colonel Abass,le chef d’état-major du CJA, aurait donné l’ordre de penétrer dans le centre de la ville pour être aux côtés des marcheurs », déclarait hier, Ehameye Ansari, porte parole du CJA.

Les forces Barkhane sont intervenues pour empêcher l’avancée des troupes armées qui tentent de pénétrer dans la ville pour rejoindre la population qui proteste. Selon un officier du CJA, Mohamed Ag Almounzer, joint sur place « les tensions sont vives et les discussions sont en cours entre les officiers du CJA et Barkhane, les avions survolent nos positions, nous sommes tous dans les véhicules prêt à pénétrer à l’intérieur de la ville. On attend les ordres du chef de l’opération ‘‘Tamoudre’’ nous déclare -il. À Tombouctou la situation reste confuse, des coups de feu ont été signalés, notamment dans le quartier d’Abarajou sans que l’on sache qui en sont les auteurs. 4 check-point à l’extérieur de Tombouctou ont été pris par les forces de Mouvement Arabe de l’Azawad tendance CMA, sans que les militaires maliens, qui ont fui à l’arrivée des combattant, n’opposent une quelconque résistance.

De sources bien informées, l’élargissement des Autorités Intérimaires à 26 membres a été perçu et proposé comme une solution pertinente pour débloquer la situation à Tombouctou et donner un coup de fouet au processus de mise en oeuvre de l’Accord. Mais son Excellence, Mohamed Ag Erlaf, ministre de l’intérieur et de la réforme de l’état du Mali y est jusqu’à présent opposé.

Malgré les tensions marquées par la résistance des groupes armés, les préparatifs pour la cérémonie d’intronisation se poursuivent. On ne sait pas à l’heure actuelle si les cérémonies d’intronisation pourront bien avoir lieu comme prévu ce lundi 6 mars.

Autorités intérimaires : le ministre Mohamed Ag Erlaf sur la sellette

L’écrasante majorité de la CMA se sent exclue du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, à travers la mise en place des autorités intérimaires censées garantir le retour à une paix durable dans les régions du nord. Un doigt accusateur est pointé sur le ministre l’Administration territoriale, de la décentralisation et la réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf pour avoir validé une liste non consensuelle de la CMA.

De sérieuses menaces planent sur le la mise en place des autorités intérimaires. En plus des réserves formulées par certains partis politiques sur la fiabilité de l’opération, il y a lieu de remarquer que la CMA, signataire de l’Accord, est aujourd’hui divisée sur la question. Une frange importante de cette coordination accuse le ministre Mohamed Ag Erlaf de partialité et de manque de neutralité dans cette affaire interne de la coordination.

À travers un compte rendu télévisé du conseil des Ministres extraordinaire du vendredi 14 octobre dernier, le peuple malien apprenait l’adoption par le gouvernement, sur proposition du ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, de la validation de la liste des membres devant être nommés pour les autorités intérimaires. Une liste taillée sur mesure par certains mouvements qui composent la CMA, en l’occurrence, le MNLA et le HCUA. C’est du moins l’avis des responsables des trois autres mouvements de la coordination à savoir la CPA, la CMFPRII et le MSA. Selon les conférenciers, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA, Pr Younoussa Touré, premier vice-président de la CMFPRII et Mohamed Zeïni du MSA, la liste validée par les soins du ministre Ag Erlaf prouve, en effet, son esprit partisan face à un rendez-vous aussi sérieux et capitale pour le retour de la paix. « Nous avons été surpris de cette attitude d’un ministre du gouvernement qui connaît toute la réalité de la situation et qui a toutes les informations lui permettant de prendre des décisions idoines pour gérer la situation », explique Mohamed Ousmane. Selon lui, quelque soit l’urgence du moment, la stabilité du pays et la cohésion nationale doit toujours primer. Pour les autres responsables présents, les listes ainsi validées par le ministre Ag Erlaf n’engagent personne ni à Tombouctou, Ménaka, Taoudenit et Gao. « Nous ne pouvons pas continuer à sacrifier le bonheur de ce pays et des populations pour un homme. Le ministre Ag Erlaf doit savoir aujourd’hui que le Mali n’est pas une région et qu’une région ne peut pas gérer d’autres régions, et encore moins un mouvement gérer la CMA.

Les listes proposées sont venues de Kidal d’où il est originaire et ont été établies par le MNLA et le HCUA », expliquent-ils. Pour eux, l’actuel ministre est trop impliqué et concerné par les affaires de la CMA. « Il doit de se ressaisir et garder sa neutralité et son impartialité vis-à-vis des mouvements qui composent la CMA, étant donné qu’il est ministre de la République », souligne Youssouna Touré de la CMFPRII. « Nous ne voulons pas que la volonté d’autres personnes dont nous ne maîtrisons pas l’agenda s’impose à nous. Si les listes ne seront pas revues, la CMA ne fera ni le DDR, ni le cantonnement encore mois les patrouilles mixtes. Les 200 combattants fournis par la CMA dans le cadre des patrouilles mixtes ne seront pas présents à Gao, parce qu’ils appartiennent en partie à nos mouvements. L’accord dont il est question, ne peut être mis en œuvre par des autorités intérimaires imposées », assènent ces 3 leaders des mouvements.

Les conférenciers ont aussi précisé avoir alerté la quasi-totalité des parties impliquées dans le processus de paix, dont le chef de file de la médiation, l’Algérie, ainsi que le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, sur le danger du non-respect du principe de l’inclusivité prônée par l’Accord.

Mohamed Ag Erlaf, « Les autorités intérimaires peuvent ne pas être mises en place »

 

Bamako accueillait le 16 août une rencontre d’échanges autour des dispositions du Code des collectivités territoriales concernant les autorités intérimaires. Le ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’État, Mohamed Ag Erlaf, explique l’importance de ces rencontres pour le processus de paix en cours.

Pourquoi tenir cet atelier à Bamako?

L’objectif de cet atelier, comme de ceux qui se sont déroulés dans les autres régions du Mali, sauf Kidal, est d’informer et de sensibiliser les populations sur le contenu et les champs d’application de la loi portant création des autorités intérimaires, et son décret  d’application.

Y a-t-il un nouveau calendrier pour la mise en place de ces autorités intérimaires ?

La mise en place sereine des autorités intérimaires se fera quand les conditions de sécurité optimale seront réunies. Ces conditions ne le sont pas pour le moment dans la région de Kidal et le gouvernement s’attèle à la tâche pour qu’on puisse le faire dans les meilleurs délais sur l’ensemble du territoire.

Pensez-vous que les campagnes de sensibilisation et d’information vont changer la donne ?

Une autorité intérimaire est un organe chargé provisoirement de la gestion d’une collectivité territoriale, en attendant la mise en place d’un conseil élu. Elle est donc une administration d’exception. Elle s’inspire de la délégation spéciale dont le principe est inscrit dans tous les codes des collectivités du Mali, depuis 1966. Les gens ont compris les motivations qui ont amené le gouvernement à proposer ce nouveau concept dans son appellation juridique.

La mise en place des autoritaires intérimaires est-elle nécessaire puisque les élections seront organisées dans trois mois ?

On aura les élections communales dans trois mois, donc les autorités intérimaires des communes peuvent ne pas être mises en place. Mais tant que les élections des conseillers régionaux ne seront pas fixées, on sera obligé de mettre les autorités. Il faut comprendre qu’une autorité intérimaire est mise en place dans une commune, un cercle, une région ou un district, seulement si l’une de ces situations advenait, à savoir : la dissolution du conseil de la collectivité territoriale, la démission de tous les membres d’un conseil de collectivité territoriale, l’annulation devenue définitive de l’élection de tous les membres d’un conseil de collectivité territoriale, l’impossibilité de constituer le conseil de la collectivité territoriale et la non-fonctionnalité d’un conseil de la collectivité, pour quelque cause que ce soit.