« Al Mourabitoune », du nouveau chez les terroristes

« Signataires par le sang », groupe terroriste de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, katiba rendue tristement célèbre par les attentats du site gazier In Amenas en Algérie. Mujao, né au nord-Mali, auteurs d’exactions pendant les mois d’occupation de trois régions maliennes. Ces deux mouvements terroristes ont annoncé hier 22 août qu’ils fusionnaient. Leur nouvelle organisation se nomme désormais « Al Mourabitoune », les Almoravides en français. « Les Signataires par le sang et le Mujao ont décidé de s’unir au sein d’une même Jamaa, dénommée « Al Mourabitoune », dans la perspective de réaliser l’unité des musulmans du Nil à  l’Atlantique », a indiqué la nouvelle organisation dans un communiqué diffusé par l’agence de presse mauritanienne AP. Le nouveau groupe terroriste appelle toutes les organisations islamiques à  unir leurs efforts « pour contrecarrer les forces laà¯ques qui s’érigent contre tout projet islamique ». La France est particulièrement dans le collimateur du nouveau groupe terroriste qui lui reproche son engagement aux côtés des autorités maliennes. La nouvelle « brigade » semble avoir porté allégeance à  Al Qaida dont elle s’inspire sur le plan idéologique, saluant ses leaders respectifs, Ayman Al Zawahiri et le Mollah Omar. La direction de la nouvelle organisation a été confiée à  un vétéran d’Afghanistan qui a combattu au Nord-Mali. Pour le moment son identité n’est pas encore connue. Une chose est sûre, ce ne sera pas Mokhtar Belmokhtar, terroriste le plus recherché dans le Sahel. « Le borgne » est recherché par toutes les polices du monde depuis que sa tête a été mise à  prix pour 5 millions de dollars par les Etats-Unis. C’est lui qui a créé en 2012, après avoir rompu les liens avec AQMI, les « Signataires par le sang ». Cette dernière est à  l’origine des attentats du site gazier In Amenas, en janvier 2013, dans le sud de l’Algérie, qui ont fait plusieurs dizaines de morts, dont de nombreux Occidentaux. Il est aussi à  l’origine du double attentat, en mai 2013 au Niger, sur un site d’Areva à  Arlit et une caserne militaire à  Agadez, qu’il a mené conjointement avec le Mujao. Ces attaques qui ont fait 20 morts signent le début de la coopération entre les deux groupes. Leur fusion n’est donc pas une surprise quand on sait les liens qu’entretiennent Mokhtar Belmokhtar et le chef du Mujao Oumar Ould Hamada dit « Barbe rousse », depuis 2009. Elle n’augure en tout cas rien de bon pour la zone du Sahel et particulièrement le Mali o๠le « nettoyage » des groupes islamistes n’est pas encore achevé.

Mokhtar Belmokhtar, le renard du désert

De l’armée rouge à  l’armée française. Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Aboul Abbas, a successivement combattu en Afghanistan, en Algérie puis dans le Sahel. Pour les services de renseignements occidentaux, cet Algérien est un brigand de grand chemin, un voyou islamisé partagé entre la défense de ses intérêts et un fanatisme débridé. Né en 1972, il part à  l’âge de dix-sept ans pour l’Arabie saoudite, le pays de transit des candidats au djihad en Afghanistan, o๠il passe par des camps d’entraà®nement et participe à  des combats. Touché par un éclat d’obus, il perd un œil et gagne un surnom: «le borgne». Dans une rare interview accordée en 2007 à  un forum salafiste, l’Algérien affirme avoir été captivé dès l’adolescence par le récit des exploits des moudjahidines afghans et d’avoir trouvé sa vocation dans la rudesse des maquis. Mokhtar Belmokhtar est de retour chez lui au début des années quatre-vingt dix. L’Algérie vient de basculer dans la guerre civile. à€ Ghardaà¯a, il créé la katibat Echahada, la «brigade du martyre». En 1993, il tue 13 policiers. C’est d’après les comptes rendus de ses procès par contumace, son principal fait d’armes de la guerre civile. Sa katibat est proche des GIA, les Groupes islamiques armés accusés de massacres à  grande échelle à  partir de 1996. Elle rejoint le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) à  sa création deux ans plus tard. L’expérience acquise par Mokhtar Belmokhtar lui permet d’accéder au statut d’émir. Il est le chef de zone 9, le sud algérien. Le territoire est immense. Le djihadiste a pris l’habitude d’effectuer des séjours au Mali pour se procurer des armes et des munitions provenant des stocks de l’armée de Bamako et de se livrer à  la contrebande. «Mister Marlboro» Son rôle dans le trafic de cigarettes, une spécialité locale, lui vaut le surnom de «Mister Marlboro». On le dit présent sur le marché des clandestins subsahariens qui traversent en camion le Sahara dans l’espoir de rejoindre l’Europe. Belmokhtar tisse peu à  peu des liens avec des commerçants arabes de la région de Tombouctou. Il épouse une fille de notable, prend ses aises. En 2003, il est mêlé avec le groupe d’El Para à  la prise d’otage de 17 motards allemands et autrichiens en virée dans le sud du Sahara. Les touristes sont libérés contre le versement de cinq millions d’euros selon la télévision publique allemande. Belmokhtar s’installe alors au Mali pour développer le business des otages. Il est mêlé à  l’enlèvement de deux jeunes français à  Niamey. L’affaire finit mal. Les forces spéciales interviennent contre un de ses commandos mais ne parviennent pas à  sauver Antoine de Léocour et Vincent Delory Sa katibat compte de 200 à  300 combattants. Durant les neuf mois d’occupation par les islamistes du nord du Mali, il s’est rapproché du Mujao et se montre plus souvent à  Gao qu’à  Tombouctou, son ancien fief dont il s’est fait éjecter par Abou Zeid, lui aussi prétendument tué. Rupture avec AQMI Il annonce en décembre sa rupture avec AQMI et la formation de sa nouvelle katibat baptisée «Les signataires par le sang». Il en profite pour mettre en garde la «France mécréante» contre toute intervention dans la région et qualifie les élites algériennes politiques, militaires, économiques et culturelles de «fils de France». Cinq jours après le déclenchement de l’opération française au Mali, c’est le coup de tonnerre. Des terroristes attaquent le site algérien gazier d’In Amenas. Ils lancent en pénétrant sur le site gazier: «nous sommes d’al-Qaida et notre chef est Mokhtar Belmokthar». L’émir apparaà®t tête nue et en veste kaki dans une vidéo pour célébrer son 11-Septembre qui se solde par 38 otages tués. Quelle mouche a piqué Belmokthar? Que viennnent faire ses hommes si loin des combines maliennes et ses caravanes du Sahara? S’il est bien mort comme l’annonce l’armée tchadienne, le renard du désert emporte avec lui ses secrets.

Exclusif: Au Mali, dans la maison du djihadiste Mokhtar Belmokhtar

C’est une villa jaune, quelconque, entourée d’un muret, dans le quartier de Bourgoundjé, à  Gao, dans l’est du Mali. Mokhtar Belmokhtar et ses hommes y ont passé leurs dernières heures avant de quitter précipitamment les lieux, le 19 ou le 20 janvier, lors des premiers bombardements français sur la ville. Depuis le début du conflit, selon les habitants de Gao, la présence d’un des fondateurs du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) n’a jamais été mise en doute, mais elle s’apparente à  celle d’un fantôme. Une des dépendances de la petite villa est remplie de grenades, de boà®tes de munitions, et d’engins explosifs artisanaux. Dans le bâtiment principal, pillé par la population, il reste seulement quelques documents sur le sol. Parmi eux, les pages du Coran, des manuels de propagande djihadiste, un dossier complet sur la conduite à  tenir pour communiquer secrètement par Internet. Sur des cahiers d’écolier, écrites à  la main et en arabe, des listes de noms auxquels sont liées d’importantes sommes d’argent. Ce dernier refuge mis à  part, l’Algérien a passé ces derniers mois à  Gao dans au moins deux autres demeures. Dans la première, o๠il a vécu un mois entre avril et juin 2012, il était accompagné de son épouse malienne. Selon des témoins anonymes, des membres du Mujao ont pris sa suite dans la villa, o๠ils fumaient cigarettes et marijuana – deux plaisirs interdits à  la population locale. Une ex-clinique de la Croix Rouge a été la seconde maison de Mokhtar Belmokhtar, entre juin 2012 et janvier 2013. Il ne sortait que la nuit Pendant ces mois passés à  Gao, Mokhtar Belmokhtar s’est très peu montré. « Il semblait toujours fâché », raconte Ibrahim, jeune habitant voisin de la clinique. « Les rares fois o๠je l’ai aperçu, il était entouré de 30 ou 40 hommes costauds, enturbannés et bien armés. » Des témoins ont vu son enfant, âgé de 10 ans, tenir tête aux représentants du Mouvement Indépendantiste Touareg (MNLA), en avril dernier, Kalachnikov à  la main, lors des affrontements entre factions rivales. Le visage entouré d’un turban beige, Belaghouar (« Le Borgne »), sortait uniquement la nuit. Seuls ses amis proches, au demeurant, pouvaient le surnommer de la sorte, car l’agressivité que l’homme a pu manifester lors de ses rares échanges avec la population semble constituer une de ses caractéristiques.  » Il disait seulement :  »Salam alekoum ». Il était très intimidant « , raconte Mohamed, qui, pour 2000 francs CFA par jour (2,90 euros), lavait son linge. Ibrahim, comme d’autres jeunes du quartier, passait régulièrement à  son domicile, afin d’y récupérer du carburant pour les motos, des puces de téléphones, des cartes mémoires. Il prépare sa revanche La vie de Mokhtar bel Mokhtar à  Gao, selon les témoins, semblait réglée comme une horloge. Chaque soir, il partait à  20 heures dormir dans le désert, et revenait le lendemain au lever du soleil. S’il quittait la ville pour une de ses missions « extérieures », à  bord d’un Land Cruiser blanc, sans plaque d’immatriculation, il revenait toujours à  Gao pour la grande prière du vendredi. Dans les jours qui suivent les bombardements, on perd sa trace. La dernière vidéo de lui, au cours de laquelle il a revendiqué la prise d’otages d’In Amenas, montre un homme qui s’est défait de son éternel turban – le symbole, chez les djihadistes, qu’il est désormais prêt au martyr. Selon des sources sécuritaires, il pourrait se trouver à  80 kilomètres de Gao, dans la brousse, à  proximité du village de Téméra. L' »émir du Sahel » préparerait sa revanche. L’attaque suicide à  Gao, le vendredi 8 février au matin revendiquée par le Mujao, les missiles envoyés en direction de Gao ces derniers jours, et les mines antichars qui ont explosé sur les routes menant à  la ville, constitueraient les premières preuves de cette promesse.