Malnutrition : Mondoro la sinistrée

À Mondoro, dans le cercle de Douentza, les populations sont affectées depuis juin 2018 par la malnutrition. Suite à une intervention de la direction régionale de la Santé de Mopti, les malades avaient été soignés. Mais l’insécurité dans la région et dans cette commune, située à 170 kilomètres de Douentza, a fini par faire resurgir  en juin 2019 la maladie, frappant plus d’une centaine de patients et faisant des morts. En dépit de la visite du ministre de la Santé le 26 juillet, la situation reste alarmante.

2 décès. Plusieurs patients au Centre de santé communautaire (CSCOM) de Mondoro, mais aussi des malades dans les villages voisins. Les chiffres du ministère de la Santé et des affaires sociales, en visite le 26 juillet dans cette commune du cercle de Douentza, diffèrent de ceux du 2ème adjoint au maire, Moulaye Ongoiba. Mais tous reconnaissent, au-delà des chiffres, qu’un drame se joue et qu’il urge d’agir. Depuis une année, cette commune de 53 276 habitants, selon le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2009, souffre de malnutrition.

« Sur le plan sanitaire, la situation s’améliore. Il y avait 72 malades au CSCOM pour cause de malnutrition. Ils souffraient d’œdèmes, de courbatures. À notre arrivée,  nous avons trouvé 19 patients et on nous a notifié malheureusement deux décès de personnes de 34 et 36 ans », explique le chargé de communication du ministère de la Santé et des affaires sociales, Markatié Daou. Il ajoute « à cause de cette malnutrition, des maladies viennent se greffer et le manque de micronutriments dans  l’organisme cause des signes de brûlure sur la peau et des douleurs au niveau des articulations ». Selon l’Unicef, « la malnutrition est liée avant tout à la valeur nutritionnelle des aliments qu’on a absorbés ». Le fonds souligne sur son site qu’on « peut manger à sa faim et être malnutri mais aussi qu’on peut être malnutri et ne pas avoir la sensation de faim ».

Actuellement à Bamako, l’adjoint au maire de Mondoro a quitté la commune une semaine avant la visite du ministre de la Santé, Michel  Hamala Sidibé. Il dresse s’étonne que la délégation se soit arrêtée seulement à Mondoro ville. « Dans le village de Douna, on parlait à un moment de 65 malades et de 58 à Yangassadjou. Récemment, 27 malades ont pu être acheminés au CSCOM de Mondoro. 2 parmi eux  sont  décédés et 25 ont pu avoir un traitement. Vers Tiguila, on a fait état de 86 malades », dénombre Moulaye Ongoiba. Si ce déplacement du ministre a soulagé les populations, leurs attentes ne sont point encore comblées. « Nous avons été surpris qu’il reparte sans se rendre dans un village, à 25 kilomètres, dans lequel sont couchés des malades. Personne ne leur a rendu visite et ils ne peuvent pas venir à Mondoro. Mais nous le remercions pour ses efforts, car c’est la première fois depuis le début de la décentralisation qu’on reçoit un ministre dans notre commune », se console l’élu

L’insécurité cause de tous les maux

Dans cette partie du centre du pays, l’insécurité qui règne depuis 2015 a atteint depuis le début de l’année un niveau  inédit, avec des massacres de populations, des vols de bétails et des destructions de greniers. Les attaques des groupes terroristes et des milices locales ont installé la psychose chez les populations. Plusieurs villages vivent sous ’embargo, dans la peur et l’inquiétude.

« Tout ce qui se passe est dû à l’insécurité. Parce que si on parle de la famine, de malnutrition ou de maladies inhabituelles, c’est à cause de  l’insécurité. Certains villages sont assiégés et dans un blocus », témoigne l’adjoint au maire. Alors que la période de soudure est entamée, les populations de ces zones vivent leur deuxième hivernages sans avoir cultivé la moindre parcelle.

« Les habitants ne bougent pas. Ils ne peuvent ni aller cultiver, ni aller aux foires. Toutes les activités qu’ils menaient pour vivre sont arrêtées. Une population qui vivait d’agriculture et d’élevage, qui ne cultive plus, sans animaux, ne menant aucune activité depuis deux ans, rien d’étonnant à ce qu’elle soit frappée par la malnutrition ».

La fragilité de cette commune s’explique aussi par son enclavement. « C’est la seule commune qui nous a été signalée. C’est une zone minée et difficile d’accès. La peur de sauter sur une mine a créé la psychose au sein de la population. Les gens  d’ailleurs ne peuvent pas approvisionner le marché et ceux qui sont sur place ne peuvent pas sortir », avoue Markatié Daou, qui était de la délégation ministérielle.

Pourtant, en juin 2018, l’alerte était venue des villages Yangassadjou, Douna et Tiguila. La direction régionale de la Santé de Mopti avait été saisie et une investigation, en août 2018, avait conclu qu’il s’agissait de malnutrition. « Je faisais partie de cette mission. Des dispositions avaient été prises pour apporter aux patients les traitements. La maladie avait disparu jusqu’au mois de juin 2019, où elle est réapparue à Yangassadjou et à Douna,  faute de suivi », rappelle Moulaye Ongoiba.

Quelles réponses aux besoins ?

En plus de l’insécurité alimentaire, la commune est sans réseaux téléphoniques et sans électricité. Le CSCOM ne dispose que d’un seul médecin et de deux matrones. Selon M. Daou, l’armée a demandé un camion de grande capacité pour transporter certains produits. « Le ministre de la Santé est sur un plan d’urgence de deux semaines. Il était venu exprimer la solidarité du gouvernement, mais aussi envisager des actions, parmi lesquelles l’envoie de médicaments, d’un groupe électrogène, d’agents de santé et le rétablissement des communications », ajoute-t-il. Pour répondre à la crise alimentaire dans la région, le Premier ministre, Dr Boubou Cissé, a lancé lors de sa récente visite à Mopti une opération de distribution de 8 000 tonnes de céréales. 150 tonnes sont destinées à Mondoro, plus 50 autres données par le ministre Michel Sidibé lors de sa visite. 50 des 200 tonnes promises sont en de route, à Koro actuellement, selon le ministère. Pour appuyer les efforts des autorités et des ONG sur place, l’ambassade de France au Mali a octroyé le 26 juillet au Programme alimentaire mondial (PAM) un montant de près de 460 millions de francs CFA pour assurer une aide alimentaire aux populations. « C’est une contribution qui servira à poursuivre l’appui au gouvernement dans son plan de réponse nationale aux crises pendant cette période de soudure très difficile, d’autant plus dans un contexte de violence et de déplacements. Les déplacements internes sont un facteur qui préoccupe et rend la situation encore plus grave, car ces gens ont quitté leurs avoirs et se retrouvent aujourd’hui dépourvus de moyens de subsistance », souligne Silvia Caruso, Représentante résidente du PAM. Selon Joël Meyer, l’ambassadeur de France, l’objectif est double : « fournir une aide alimentaire d’urgence à 7 094 personnes, déplacées, victimes de catastrophes naturelles ou de chocs de production et permettre la prise en charge de 13 496 enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition ». Les organisations humanitaires et les ONG se mobilisent pour endiguer le phénomène. « Actuellement, les partenaires humanitaires (OMS, UNICEF, PAM, ONG) appuient la réponse dans le secteur de la santé et de la nutrition à travers la direction régionale de la Santé. Des intrants nutritionnels  pour la prise en charge des cas de malnutrition aiguë modérée ont été acheminés à Mondoro et d’autres sont en route », informe Mme Katy Thiam, chargée de l’information publique à OCHA Mali.

Malgré cette mobilisation, la fin des malheurs des populations du centre reste liée à la sécurité. « Nous attendons de nos autorités des dispositions pour nous sécuriser, pour que les gens puissent aller dans leurs champs. Un paysan qui n’a pas cultivé, même si tu lui donnes des millions de tonnes de céréales, il ne sera jamais satisfait. C’est le seul moyen de mettre fin à la malnutrition que nous subissons », affirme le 2ème adjoint au maire de Mondoro.

Commune de Mondoro : Quand la malnutrition tue

Dans la commune de Mondoro, au centre du Mali, une tragédie humanitaire a lieu. Depuis le 15 mars, une maladie inconnue a été signalée. Après une mission du ministère de la Santé dans la localité, le 5 août, les conclusions révèlent que les victimes souffrent d’une malnutrition aiguë engendrée par le blocus dû à l’insécurité.

« Les médecins nous ont dit que c’était la malnutrition. Cela nous étonne, car nos grands-pères ont vécu des sècheresses comme celle de 1976 mais qu’on n’a jamais entendu parler d’une maladie comme celle-là ». Cette déclaration du Maire de Mondoro, dans le cercle de Douentza, témoigne du mystère qui a entouré la maladie dans la zone.

Dans le rapport d’investigation du ministère de la Santé, il est dit que le médecin-chef du district sanitaire de Douentza avait adressé au directeur régional de la santé de Mopti, le 15 mars 2018, « un rapport narratif faisant ressortir des cas de maladie inhabituels » dans trois villages, Douna, Niagassadiou et Tiguila. Le rapport souligne des manifestations comme des œdèmes des membres inférieurs, des myalgies, des impotences fonctionnelles et des dyspnées souvent suivies de décès. 224 malades et 35 décès ont été recensés. Face à la persistance de ce drame, la mission du ministère de la Santé et de ses partenaires s’est rendue sur place le 5 août pour comprendre et déterminer les causes du phénomène. « L’équipe a consulté 65 malades et certains présentent des signes de faiblesse, de  fièvre ou de diarrhée », rapporte le Dr Mama Coumaré, Secrétaire général du ministère de la Santé et de l’hygiène publique. À l’issue de la mission, il a été conclu que c’était « une malnutrition de la communauté consécutive à une pénurie alimentaire liée au conflit intercommunautaire dans la commune ». Selon le Dr Coumaré, à cause de l’insécurité la population a été assignée à résidence il y a plus de six mois. « La zone est minée et en plus elle est inaccessible », dit-il.  Des informations soutenues par le maire de Mondoro, dépeignant une catastrophe toujours en cours. « Personne n’a cultivé dans la commune et personne ne peut bouger de son village de peur d’être attaqué», affirme-t-il.

Les victimes de cette famine ont été prises en charge par des organismes humanitaires et sanitaires. Un plan d’actions humanitaires pour leur porter assistance a été élaboré par le Comité régional de prévention et de gestion des épidémies et catastrophe de la région de Mopti. Une lueur d’espoir pour des populations sous embargo dans une région en proie aux attaques djihadistes.