Pour l’intérêt général

Dans un article intitulé« Eh ! bien, priez chez vous« , publié par Le Journal du Mali, le 08 /08/2020, nous avons démontré, en puisant dans la tradition prophétique et l’avis d’éminents savants de l’Islam, la primauté de la préservation de la vie humaine sur la pratique des rites fussent-ils à caractère obligatoire ou surérogatoire.

Aujourd’hui, alors que le nombre des personnes déclarées atteintes de la maladie à Covid 19 a grimpé pour avoisiner le chiffre alarmant de 1000 cas, les autorités politiques et religieuses restent les bras croisés à la veille d’une fête qui risque de devenir celle de tous les dangers.

 

Nous vivons une phase critique de notre histoire qui ne sera que ce que nous en ferons.

Un tour dans la capitale et les régions du pays montre, à suffisance, que cette nation est en danger de mort :

Ceux qui respectent les mesures de protection contre la maladie ne font que 2/1000, environ. 

La quasi-totalité de la population sont adeptes de la théorie du complot. Pire encore, beaucoup pensent que les africains sont naturellement immunisés contre la maladie à Covid 19 ou que la maladie n’est qu’un instrument utilisé par le gouvernement pour attirer des aides étrangères.

Dans ce contexte, le maintien des prières collectives et des grands rassemblements est une fuite des réalités du monde dans lequel nous vivons.

Partout dans le monde musulman, les instances religieuses dont le Comité des Grands Savants d’Arabie Saoudite,ont émis des fatwas exhortant les fidèles à accomplir la prière de la fête à la maison. 

Dar Al-Iftaa d’Egyptea a déclaré que la prière de l’Aïd est une Sunna confirmée, et qu’il est souhaitable d’être en congrégation avec l’imam, que ce soit dans la mosquée ou en plein air, donc s’il y a une objection à rencontrer des gens, comme c’est le cas maintenant de la propagation de l’épidémie mortelle avec laquelle il est impossible d’établir des groupes; Il est permis, sinon obligatoire à un musulman de prier l’Aïd à la maison seul ou avec les gens de sa famille.

La maison des avis religieux égyptienne a ajouté que violer les instructions officielles de l’État interdisant les prières de l’Aïd dans les mosquées et les places publiques est considéré comme un acte criminel  qui met en danger la vie des gens. 

Dans un communiqué de presse publié par la Grande mosquée de Dakar, le 13 Mai 2020, on peut lire :

« Le Grand Imam de Dakar informe tous les musulmans, qu’il a pris bonne note des mesures d’allégement prises par le Chef de l’État dans le cadre de la riposte contre le COVID-19.

Cependant, en raison de l’évolution de la pandémie et du nombre de cas qui augmente de jour en jour, le Grand Imam de Dakar, El Hadji Alioune Moussa SAMBA rappelle tous les musulmans que la mesure de suspension temporaire des prières à la Grande Mosquée de Dakar reste maintenue. Les raisons évoquées pour la fermeture des mosquées restent aujourd’hui plus valables que jamais ».

« Il est de notre responsabilité de veiller à la sécurité sanitaire des fidèles. Il advient que nous n’avons pas les moyens de faire respecter les gestes barrières pour éviter une éventuelle contamination dans la Grande Mosquée de Dakar ».

Le Haut Conseil Islamique et les autorités du Mali peuvent rectifier le tir avant qu’il ne soit trop tard.

Bien que je sois vice-président du Haut Conseil Islamique du Mali, je parle ici, dans cette tribune, en mon nom personnel.

Ne cherchant ni approbation ni éloges de qui que ce soit, ni à entrer en  querelle avec qui que ce soit.Nous restons fermes et convaincu sur notre position qui est la fermeture temporaire des lieux de culte et la suspension des rassemblements religieux  pour freiner la propagation de la maladie parmi les fidèles.

Les divergences d’opinions ne doivent, en aucun cas, remettre en cause les bonnes relations.

Mais je suis saisi d’une crainte quant à ce que cette décision de maintenir les prières collectives pourra avoir comme conséquences néfastes.

D’après Abû RouqayyaTamîm ibn Aws ad-Darî, le Prophète – a dit : « – La religion est le bon conseil. – Pour qui doit-on le donner ? Demanda-t-on au Prophète. – Pour Allah, répondit-il, pour Son Livre, pour Son Prophète, pour  les détenteurs de l’autorité et pour l’ensemble des musulmans. »

                         -Les 40 hadiths An-Nawawi, hadith N° 7.

C’est donc mon désir, sinon mon devoir, de prodiguer quelques conseils à nos autorités:

  • La pulvérisation des mosquées et des places publiques ou se tiendra la prière de la fête.
  • Intensifier les campagnes de sensibilisation contre la pandémie, surtout en cette période de fêtes ou les gens multiplient les rassemblements et les visites.
  • Demander aux chefs de familles de garder leurs enfants à la maison.
  • Maintenir la fermeture des boîtes de nuit et d’autres lieux de divertissement.
  • La non-participation du chef de l’Etat, des membres et du gouvernement et des officiels à la prière et aux manifestations de la fête. Ainsi, ils donneront le bon exemple à suivre à une  grande frange de la population qui risquerait d’en déduire que la pandémie est déjà derrière nous.

Je refuse de croire que le camp opposé est animé de mauvaise foi. Cependant, les considérations personnelles, claniques, politiques et confessionnelles ne doivent pas être prises en compte quand l’intérêt public est en jeu.

Notre nation est maintenant devant un tournant décisif de son existence. Si nous continuons à gérer cette crise sanitaire avec frivolité, nous risquerons de nous réveiller trop tard et le châtiment ne tardera pas à nous rattraper.

Un sage a dit: « Lorsque la guerre éclate, vous devrez tirer l’épée et jeter le fourreau ». Nous sommes en train de nettoyer le fourreau alors qu’une bataille pour la survie bat son plein.

Par Thierno Hady Cheick Omar THIAM