Le « polar » au Mali : Les héritiers de Moussa Konaté

Le roman policier (polar) malien, dans un style qui lui est propre, montre la société dans ce qu’elle refuse de voir, parle d’amour, de mariage, de solidarité, de coutumes, de l’organisation traditionnelle de nos communautés, avec au centre un sujet préoccupant, qui a le mérite d’être posé, la sécurité. Sur les traces de Moussa Konaté, de nouvelles plumes s’illustrent dans ce genre littéraire.

Quand on parle de roman policier sur le continent africain, les gardiens de l’histoire, témoins de la naissance de ce genre littéraire en Afrique subsaharienne francophone, ne manquent pas de mentionner le Malien Modibo Sounkalo Keita comme le pionnier de cette trame qui repose sur le suspense et les rebondissements d’une enquête policière. D’ailleurs, « L’Archer Bassari », publié en 1984, qui fait un clin d’œil au Sénégal, vaudra au journaliste – écrivain le Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1985, ainsi que le Grand Prix du Syndicat des journalistes et écrivains français.

Cependant, de par la richesse et la diversité de son œuvre, l’histoire retiendra le malien Moussa Konaté comme celui qui aura marqué et impacté pendant une période plus ou moins longue, le roman policier au Mali et sur le continent. En 1981, « Le Prix de l’âme », son premier roman, écrit pendant ses années de lycée, traçait déjà le chemin d’une carrière pleine de promesses. En 1998, avec Le Figuier, sa maison d’édition, il captive avec « Le Commissaire Habib » et signe son entrée dans le « Polar », et ce jusqu’à la fin de sa vie, en 2013.

Il plonge le lecteur au cœur d’une enquête interminable sur les rives du fleuve Niger et le tient en haleine sur une série d’intrigues passionnantes et énigmatiques, avec le Commissaire Habib, personnage clé de chaque dénouement. Moussa Konaté deviendra l’emblème incontesté du roman policier, qui à travers ses écrits, entraîne le lecteur au cœur de l’agora civilisationnelle africaine, où la tradition, dans sa science secrète, et la modernité se livrent des combats insoupçonnés, parfois mortels. Son style le classe dans la catégorie du « polar ethnologique », précise le nouvelliste, poète et romancier Ousmane Diarra.

Après Moussa Konaté, le roman policier malien continue d’écrire l’histoire sur les terres maliennes, dans les contrées lointaines comme dans les grandes villes. Des grands noms comme Mandé Alpha Diarra, Aïda Mady Diallo ou l’incontournable Mohammed Diarra suivent les traces de Moussa Konaté.

Tous, chacun dans son style unique et ondoyant, se rencontrent quand ils interrogent comme leurs pairs le « surnaturel », la science du « marabout » ou «la géomancie », explique Mohamed Diarra, dont la dernière intrigue policière, « Meurtre sous le pont des indigents », parue en 2019 après avoir obtenu le Prix du meilleur manuscrit de la Rentrée littéraire du Mali en 2015, relate une étonnante enquête sur le destin de Chata, dans laquelle les policiers du commissariat du 20ème arrondissement s’emparent de l’affaire pour rassembler les pièces du puzzle.

L’auteur, qui est actuellement sur un nouveau projet littéraire, pour l’instant intitulé « Un corps dans le lit du marigot », promet une publication pour les jours à venir.

Cette relève des héritiers est également assurée avec la romancière et réalisatrice Aïda Mady Diallo, première africaine à avoir écrit un roman noir, « Kouty, mémoire de sang », paru aux éditions Gallimard en 2002, où angoisse, peur, insécurité et détermination se succèdent.

Le « Polar » pour tous les âges, se matérialise en 1999 avec le roman policier pour enfant « Rapt à Bamako » de Mandé Alpha Diarra, écrit avec Marie-Florence Ehret. Un roman pour la jeunesse qui met en scène, au cœur d’une histoire tonique de disparition, des adolescents au flair d’enquêteurs. Des personnages drôles, dans un ouvrage de 100 pages qui font découvrir des paysages du Mali, ses coutumes et ses habitants. Dans ces yeux d’enfants, on se perd, mais si on lit bien dans l’encre de chaque regard, la vérité triomphe toujours quand l’enquête est bien menée.

Les écrivains catégorisés « polar » au Mali, transcendent l’apparence des faits pour aller chercher la vérité du « moi intérieur », défiant les chaînes de la tradition pour que seule la vérité soit fille d’investigation, au gré d’épreuves redoutables et parfois invisibles par le commun des mortels. C’est cette signature par essence du roman policier malien qui traversera le temps, avec des plumes qui assureront la relève pour chaque génération après Moussa Konaté.

Idelette Bissuu

 

 

« Un appel de nuit »: BlonBa rend hommage à Moussa Konaté

Dans une pièce de théâtre qui dure environ une heure, Patrick Le Mauff, metteur en scène rend hommage à l’écrivain Moussa Konaté décédé il y’a trois ans.

La compagnie BlonBa a rendu hommage ce vendredi à Moussa Konaté, auteur Malien décédé il y’a trois ans, à travers une pièce de théâtre intitulée « Un appel de nuit ». Patrick Le Mauff, ex-directeur du festival de Limoges et metteur en scène de la pièce, a respecté une promesse faite au défunt avant sa mort. Réalisée par quatre auteurs maliens connus au niveau national et international, la pièce relate l’histoire d’une famille malienne vivant en France. Michel Sangaré dans le rôle du chef de famille et Djara Sanogo son épouse sont confrontés font face au caractère difficile de leurs deux enfants Doulaye et Alima dont les rôles ont été respectivement joués par Amadoune Kassongé et Maimouna Doumbia.

Licencié pour incapacité à travailler parce que devenu vieux, Michel Sangaré après maintes réflexions décide de retourner au pays. Si sa femme approuve la décision de son époux, les enfants quant à eux souhaitent rester en France. Le rapport entre Alima et son père qui était déjà difficile finit par s’aggraver. Enfant rebelle, Alima devient intraitable et s’oppose à toute idée de retour au pays. Alors commence une longue conversation téléphonique entre Alima et Doulaye devenu l’unique confident de sa sœur.

Pour Amadoune Kassongue, cette pièce est très profonde parce qu’elle permet de voir de l’intérieur les réalités difficiles d’une famille malienne à l’étranger. Et à l’acteur d’ajouter que la pièce véhicule un message qui s’adresse aux Maliens vivant au pays et à ceux vivants à l’étranger. « Il faut que nos enfants nés à l’étranger acceptent de venir voir, connaître et apprendre nos valeurs africaines », estime-t-il.

Après 18 ans, les fondateurs de la compagnie BlonBa notamment Alioune Infra N’Diaye, dramaturge rendent hommage à Moussa Konate qui sans nul doute serait fier de cette pièce de théâtre, pense un spectateur.

Il a fallu un mois et quelques jours aux organisateurs pour réaliser cette pièce théâtrale. Elle est peut être partie pour devenir un chef d’œuvre dans le monde du théâtral Malien.