Moussa Boureima Yoro : « Ce jour-là, il y a eu des tentatives d’assassinat, c’est clair et net »

Le mouvement de résistance civile de la jeunesse de Gao est une coordination de mouvements qui compte quelques milliers de membres à travers la région de Gao. Leur coordinateur, Moussa Boureima Yoro, 40 ans, est professeur de philosophie le jour et patrouilleur le soir.

Pourquoi un mouvement de résistance civile, alors que les occupants ont été chassés et que la loi de la République est censée être en vigueur sur tout le territoire ?

Nous résistons parce que nous avons compris que le Mali n’avait pas une vision réelle de ce qu’est Gao. Tous les fonctionnaires que l’État envoyés ici soutirent les richesses de la ville pour les ramener chez eux. Le Mali ne fait qu’exploiter les nordistes. C’est une prise de conscience généralisée. Le pays est à genoux mais il doit se relever et ce sont justement les jeunes qui peuvent l’y aider. Il faut que chacun se sente le « soldat du bien public ». À Gao, nous faisons des « contributions volontaires », qui font la fierté de toutes les autres coordinations de jeunes. Avec ça, nous avons pu mener beaucoup de travaux que l’État n’a pas pu faire.

N’êtes-vous pas au fond un contre-pouvoir, ce qui expliquerait la méfiance des autorités à votre égard ?

Il n’y a pas lieu de se méfier de nous. Ceux qui ont tiré sur nous, ils savent très bien comment nous les aidons ici. Quand ils ont besoin d’informations sur des groupes armés, c’est nous qu’ils envoient d’abord. Nos jeunes partent en éclaireurs pour leur dire combien d’hommes sont armés, combien d’armes, quels types d’armes. Après ça, ils disent que nous sommes contre l’État ! Pourquoi ne disent-ils pas tout ce que nous faisons tous les jours ? Gao a changé et ce combat-là va continuer. Nous ne sommes pas un contre-pouvoir, nous sommes un renfort pour le pouvoir. Ils doivent compter sur cette population et comprendre qu’elle est capable de résister à toute action ou vision qui n’appartient pas aux Maliens. Nous voulons que l’État prenne conscience des problèmes.

Vous aviez demandé la démission du gouverneur et d’autres hauts fonctionnaires. Êtes-vous satisfait ?

Ils ne sont pas encore limogés parce que les enquêtes sont en cours. Nous ne pouvons pas comprendre que dans un pays démocratique, les autorités puissent se hisser jusqu’à ce point de criminalité. Ils ont dit que nous avions des armes. Si nous avions eu des armes, il n’y aurait pas des morts que dans notre camp. Ce jour-là, il y a eu des tentatives d’assassinat, c’est clair et net. L’autopsie l’a montré, ce sont des balles qui les ont tués. Les autorités ont délibérément ouvert le feu sur les gens.

Avez-vous été entendus sur vos 3 points de revendication : les autorités intérimaires, le cantonnement et l’insécurité autour de Gao ?

Toutes ces revendications-là ont été acceptées et doivent être discutées. Ce n’est pas pour cela que nous allons nous plonger tête baissée. Il faut se concerter avec toutes les associations, comprendre là où il y a le plus d’attentes, le plus de préoccupations des communautés.

Pourquoi vous opposez-vous aux autorités intérimaires ?

On dit que nous faisons une mauvaise interprétation des autorités intérimaires, ce n’est pas le cas ! Dans cette « Entente », il y a les 3 parties : le gouvernement, la CMA et la Plateforme. La CMA et la Plateforme, qui vont-elles désigner ? Ceux qu’ils ont combattus pendant l’occupation ? Les membres de la Plateforme, qui sont considérés comme les gentils depuis le début du processus jusqu’à aujourd’hui, n’ont jamais accepté de discuter avec les populations qui les ont soutenus. Le gouvernement nous a toujours ignorés depuis la libération, est-ce qu’il va s’occuper de nous ? Ce n’est pas une question de lecture, ou de compréhension. Tout le monde comprend, mais la mise en œuvre est mauvaise. Dans ce pays, il faut harmoniser les choses. Il ne faut pas attribuer des autorités intérimaires au Nord, tandis que dans le Sud, les autorités classiques vont continuer. Cela montre une différenciation, qu’il n’y a pas d’harmonie. Cela va créer d’autres interprétations qui vont amener à d’autres problèmes.