Rwanda : la radio au service de la réconciliation

La commémoration des vingt ans du génocide rwandais donne l’occasion de mettre en lumière les initiatives pour tenter de tourner cette page noire de l’histoire de l’humanité. Après le passage de la justice, le difficile travail de pardon et de réconciliation a été entamé par le peuple rwandais. Pour aider ce cheminement qui n’est guère facile, un programme radio. Il est intitulé « Musekeweya », l’ « Aube nouvelle » en langue kinyarwanda. Deux fois par semaine, en famille, entre amis, les Rwandais, collés au poste radio, on écoute ce feuilleton radiophonique qui prône la réconciliation. Diffusée entre autres sur la station officielle Radio Rwanda, ce programme prend le contre-pied de la tristement célèbre Radio des Mille Collines et ses appels à  l’élimination de la minorité tutsi durant le génocide, perpétré par des extrémistes hutu. Depuis 2004, Musekeweya se donne elle pour mission d’éduquer les populations et d’éradiquer la violence, pour que plus jamais le pays ne retombe dans l’horreur. Elle raconte le quotidien des habitants de deux villages fictifs — Bumanzi et Muhumuro — qui, après des années de conflit instrumentalisé par les autorités, tentent de panser leurs plaies. A travers cette fiction, sont analysées et décortiquées les origines des comportements destructeurs des deux villages en s’appuyant sur les travaux du psychologue et survivant de la Shoah Ervin Staub. Ce dernier a, dans son livre « Les racines du Mal; Essai sur les génocides et les violences collectives », analysé le processus menant à  la violence de masse, ses racines psychologiques et sociales. « Notre rôle est de responsabiliser les gens », d’en faire des « témoins actifs » qui peuvent « oser dire « non » aux actions qui mènent à  la violence », explique Aimable Twahirwa, à  la tête du projet réalisé par l’ONG néerlandaise La Benevolencij. Dix ans après le début du programme, les personnages ont atteint «l’étape du dialogue, de la réconciliation, malgré quelques problèmes que les personnages peuvent surmonter », détaille Charles Lwanga Rukundo, l’un des scénaristes de l’émission. « Le génocide a laissé des séquelles, comme le traumatisme, mais nous montrons que malgré cela, il est possible de dialoguer, de demander pardon », poursuit-il. Suspense, humour, histoires d’amour, sont les ingrédients de cette série dont le succès au fil des années ne s’est pas démenti. Une façon de prouver que ce qui a servi à  détruire peut servir à  reconstruire. « Musekeweya est venu comme un enseignement, pour que la tragédie de 1994 ne se reproduise pas », résume Jean Pierre, chauffeur de vélo-taxi de 25 ans.