Libération de l’otage Sud-africain enlevé au Mali par Al-Qaïda en 2011

Près de six ans après son enlèvement, le Sud-Africain Stephen McGown, kidnappé par Al-Qaïda avec trois autres touristes dans un hôtel de Tombouctou dans le nord du Mali, a été libéré fin juillet et a retrouvé sa famille en Afrique du Sud, a-t-on appris jeudi.

L’ancien otage âgé de 42 ans suit actuellement des examens médicaux de routine et a déjà pu revoir son père et sa femme.

« C’était une énorme surprise quand il a passé la porte. Quand je l’ai étreint, il était en bonne santé et aussi fort qu’avant. Il a été bien traité », a déclaré son père Malcolm McGown, visiblement ému, lors d’une conférence de presse à Pretoria.

« Il m’a regardé et m’a dit que mes cheveux avaient poussé. Je lui ai répondu que les siens étaient encore plus longs! », a plaisanté son épouse, Catherine, cheveux blonds aux épaules.

Interrogé sur les conditions de la libération de Stephen McGown, le ministre sud-africain de la Sécurité intérieure David Mahlobo a assuré que le gouvernement n’avait payé « aucune rançon ».

« Notre politique étrangère est très claire: nous ne payons pas de rançon. Nous avons pu le libérer sans conditions », a-t-il expliqué.

« Le gouvernement nous a aidés depuis le début. Ca a pris du temps mais mon fils est libre, il va bien », s’est réjoui le père de l’ancien otage kidnappé dans la ville historique de Tombouctou le 25 novembre 2011.

Ce jour-là, un groupe d’hommes armés avait fait irruption sur la terrasse d’un hôtel fréquenté par des Occidentaux. Un Allemand avait tenté de résister et été tué.

Le commando avait ensuite emmené M. McGown, ainsi que deux autres touristes, Sjaak Rijke – un Néerlandais libéré en 2015 par les forces françaises – et un Suédois Johan Gustafsson relâché fin juin 2017.

L’enlèvement avait été revendiqué par le groupe jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Simple touriste

« La famille (de M. McGown), le gouvernement, le peuple sud-africain et la communauté internationale ont fait campagne pour sa libération. Nous sommes heureux d’annoncer que ces efforts ont abouti. Nous lui souhaitons un excellent retour chez lui », a salué la ministre des Affaires étrangères, Maite Nkoana-Mashabane.

Elle s’est également dite « ulcérée par les activités des groupes comme Al-Qaïda, l’Etat islamique (…) qui kidnappent des citoyens innocents. Souvenez-vous qu’il était un simple touriste à Tombouctou ».

Dans un communiqué, Pretoria a également remercié « le gouvernement malien et les organisations non-gouvernementales (…) pour leurs efforts qui ont permis la libération de M. McGown ».

Pendant sa longue captivité, la mère du jeune homme est décédée. « Stephen rentre chez lui et découvre que sa mère n’est plus là. C’est très très dur pour eux », a déclaré sur la chaîne Enca Imtiaz Sooliman, le directeur de Gift of the Givers, une ONG sud-africaine qui avait envoyé en 2015 un négociateur pour obtenir la libération du touriste.

Fin juin 2017, quelques jours après la libération de Johan Gustafsson, le père de Stephen McGown avait assuré à l’AFP que son fils allait « bien » et qu’il ne subissait pas de mauvais traitements.

Le mois dernier, Al-Qaïda avait publié une vidéo de six otages étrangers, dont M. McGown, où le groupe jihadiste assurait qu’aucune négociation n’avait commencé pour leur libération.

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Ils ont depuis été en grande partie chassés de cette région par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, et qui se poursuit actuellement.

Otages au Sahel : Négociation mode d’emploi

Le 1er juillet 2017, Nusrat Al Islam publiait une vidéo montrant six otages, dont l’humanitaire française de Gao, Sophie Pétronin, appelant les gouvernements des pays de ces ressortissants étrangers à œuvrer à leur libération. Si, officiellement, ces États affirment toujours ne jamais transiger avec les terroristes, des négociations secrètes, avec de nombreux intermédiaires sont souvent initiées, pour, avec du temps et beaucoup d’argent, tenter de faire libérer les captifs.

  « Ce sont des terroristes, des voyous et des assassins […]. Nous mettrons toute notre énergie à les éradiquer », assenait Emmanuel Macron le week-end dernier à Bamako, qualifiant ainsi les ravisseurs de Sophie Pétronin, l’otage française détenue avec 5 autres par AQMI et ses « associés », quelque part dans l’immensité du désert sahélien. Dans une vidéo publiée par le groupe djihadiste le 1er juillet dernier, la Française, coiffée d’un foulard vert, les traits tirés, enjoignait d’une voix monocorde le président français à faire son possible pour la faire libérer.

« Ils exhibent leurs otages pour attirer l’attention des gouvernements et de leurs populations. Les Français par exemple mettront ainsi la pression sur Macron. Pour eux, les otages, ce sont comme des produits mis aux enchères, une vitrine, un atout pour faire chanter un État et qui peut rapporter gros, environ 5 millions d’euros par tête », décrypte un officier touareg très au fait de l’activité terroriste régionale, qui considère que cette vidéo est aussi un camouflet pour les gouvernements et leurs services de renseignements, incapables après des mois voire des années de débusquer ces groupes et de retrouver leurs ressortissants.

Si cette vidéo apporte une preuve de vie des otages, elle n’éclaire en rien sur les revendications proprement dites des ravisseurs. Un homme au visage couvert fait néanmoins, dans la vidéo, référence à de précédentes libérations d’otages et prévient que d’autres dépendront de la volonté politique de leurs gouvernements respectifs. Un appel du pied à peine voilé à ces gouvernements pour prendre contact et négocier le sort des détenus, si toutefois négociations il y aura.

 Source de revenus Bâtir un réseau fiable de négociations avec les ravisseurs dépend d’un seul critère, la confiance. « Les ravisseurs vous acceptent lorsque vous êtes introduits auprès d’eux par une ou plusieurs personnes auxquelles ils font confiance. Votre origine importe peu, il faut surtout être de bonne foi, ne jamais mentir, ne jamais promettre ce que vous ne pourrez pas réaliser. De toute façon, vous gagnerez leur confiance définitivement une fois que les négociations auront abouti », explique cette source qui a déjà « facilité » la libération d’otages au Sahel. « Durant toutes les tractations, ils assurent le minimum pour que les otages restent en vie. En dehors de cela ils n’ont pas une grande considération pour leurs détenus », poursuit-elle. Les transactions peuvent concerner la libération de prisonniers ou de très importantes sommes d’argent, et les négociations peuvent durer longtemps, car les exigences des ravisseurs sont souvent difficiles, voire impossibles à satisfaire. « Les sommes versées aux ravisseurs, telles que rapportées par les médias, paraissent importantes mais ne constituent pas la partie vitale de l’entretien d’une katiba, qui est composée de plusieurs cercles. Ces groupes sont nombreux à se partager ces sommes et il ne faut pas oublier non plus que la vie dans le désert coûte très cher », ajoute la même source.

L’argent des rançons sert généralement à acheter des armes, de l’essence et de la nourriture, ainsi qu’à assurer la sécurité de ces groupes qui vivent dans la clandestinité. Une sorte de forfait d’existence prolongée pour une période indéterminée. « Les rançons, qui financent ces groupes radicaux et dangereux, c’est un moyen efficace de faire perdurer les djihadistes chez nous », lâche ce combattant du MNLA, qui voit aussi dans la lutte contre le terrorisme en Afrique une guerre par procuration de l’Europe.

Alors, négocier ou éradiquer ? La sortie du Président Macron, dimanche 2 juillet, pourrait être un élément de réponse, conforme à la règle française qui est de ne pas négocier avec les terroristes. Mais après la détermination et les coups de menton médiatiques, reste la realpolitik, où il en est souvent autrement. « Ce qui se passera, je l’ignore, mais je suppose que, soucieux de la situation pénible dans laquelle se retrouve l’une de ses citoyennes, l’État français tentera d’y trouver une solution… », conclut, sibyllin, cet ancien intermédiaire, sous anonymat.

Sébastien Pétronin : « Je reste le fils de Sophie et je me bats pour qu’elle sorte de ça »

Sophie Pétronin, enlevée le 24 décembre 2016, est réapparue, dans la nuit du 1er juillet, dans une vidéo diffusée par la coalition djihadiste Nusrat al-islam avec 5 autres otages, quelque part au Sahel. C’est la seule « trace de vie », depuis son rapt, qu’on ait de cette femme de 71 ans qui vivait au Mali, à Gao, où elle consacrait son temps aux enfants orphelins. Sébastien Pétronin, son fils, a livré au Journal du Mali, son sentiment après la publication de cette vidéo et expliqué le combat qu’il mène avec sa famille et, il l’espère, avec les autorités françaises, pour tenter de libérer Sophie Pétronin.

Quel était l’état de santé de Sophie Pétronin, votre mère, avant son enlèvement, car elle évoque dans la vidéo publiée par la coalition terroriste Nusrat Al Islam, une tumeur au sein gauche ?

Cela me préoccupe d’apprendre ça. Je ne l’ai pas vu depuis plus d’une année donc je ne sais pas. Ma mère était extrêmement discrète, elle n’était pas du genre à se raconter, sauf s’il y avait un caractère d’urgence. Donc, il est très possible qu’elle ait eu ce souci à sa connaissance et qu’elle ne nous ait pas informés.

Depuis son enlèvement en décembre 2016 et avant la publication de cette vidéo, aviez-vous eu des preuves de vie de Sophie Pétronin ?

Le dernier contact que j’ai eu avec elle, c’était une demi-heure avant son enlèvement par un échange de mail. Après ça, plus de nouvelles. Puis par la suite on a eu beaucoup de signaux, d’avertissements, comme quoi elle était vivante mais avec un degré de fiabilité relatif. M. Macron a d’ailleurs utilisé les mots parfaits en parlant de « trace de vie » mais ce n’est pas une preuve de vie. Depuis la diffusion de cette vidéo, on est dans un degré de fiabilité beaucoup plus important puisque c’est public et officiel, mais pour nous ce n’est pas encore un soulagement, c’est une bonne direction. J’essaie de rester lucide, ce n’est pas une preuve de vie, je ne lui ai pas touché la main. Elle est en captivité avec une santé qui n’est pas optimale. Cela fait six mois et demi qu’elle est détenue et l’année prochaine elle aura 72 ans. Tous ces éléments me mettent plutôt dans un état d’inquiétude et je ne suis pas serein après avoir vu le visage de ma mère dans cette vidéo.

Vous avez déploré, avec votre famille, l’inaction des autorités françaises dans ce dossier. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Oui, mais a une nuance près, c’est qu’il y a eu un changement de gouvernement. On n’a pas caché le fait qu’on a été très agacé par la position attentiste du gouvernement précédent. Maintenant on est plus du tout dans la même dynamique. On a un échange qui est beaucoup plus marqué, beaucoup plus constructif et évolutif. Je ne peux pas encore vous dire où ça va nous mener mais on a l’impression d’être plus fortement considérés.

Le président Macron a déclaré vouloir « éradiquer » les ravisseurs de Sophie Pétronin, alors que ceux-ci semblent vouloir établir un contact pour une négociation. Ne craignez-vous pas que cette réponse du président Macron soit considérée par eux, comme un refus de la France de vouloir négocier sa libération ?

Je ne veux pas me dérober à cette question parce que j’ai envie d’y répondre. C’était plus difficile avant parce qu’on nous tenait un peu au silence et à la discrétion. Comme on est dans l’émotion, on ne sait pas très bien si ce que l’on fait est bien, s’il faut parler ou s’il vaut mieux rester discret. Mais 6 mois après son enlèvement, on se sent plus à même de parler dans les médias. Donc mon sentiment personnel, c’est que M. Macron affiche sa détermination et ne rentre pas du tout dans cette histoire avec une position inférieure ou soumise dû à la détention de ma mère, et là-dessus je suis en accord avec lui. Je crois qu’il faut afficher sa force et sa détermination. Maintenant je suis aussi son fils, donc on est très anxieux depuis le début et on ne l’est pas plus ou pas moins parce que M. Macron a affiché de la force et de la détermination. Je suis plutôt concentré à essayer de percevoir des perspectives et des solutions, c’est ça qui m’anime. Je pense que M. Macron sait ce qu’il fait, les ministères concernés savent ce qu’ils font. Ils savent aussi peut-être à la virgule près ce qu’il faut dire. C’est quelque chose qui m’échappe, je reste le fils de Sophie et je me bats juste pour qu’elle sorte de ça.

Vous vous êtes récemment déplacé plusieurs fois au Mali et dans des pays de la sous-région. Essayez-vous de votre côté d’établir un lien avec les ravisseurs pour tenter de faire libérer Sophie Pétronin ?

Dans cette histoire, depuis le début, on essaye d’être dans la bienveillance et de ne faire que des choses qui vont l’aider elle et qui vont lui profiter à elle. On a décidé d’un commun accord avec la famille que rester immobile à attendre ce n’était pas possible, pas acceptable. Le gouvernement précédent ne voulant rien faire, nous avons essayé d’avancer, de rencontrer des gens. On s’est mis dans cette dynamique-là. Aujourd’hui le gouvernement a changé, on a plus les mêmes interlocuteurs, donc, nous la famille, on va déjà observer ce que ce nouveau gouvernement est prêt à faire et à mettre en place. Si le travail est fait, évidemment on se retirera. On n’a pas la compétence ni les moyens de la sortir de là tous seuls. Mais c’est clair qu’on a voulu montrer qu’on ne la laissera pas tomber quoiqu’il arrive et tant qu’on peut, on essaiera de faire quelque chose pour la sortir de là.

Avez-vous contacté le gouvernement malien ? Est-il aussi partie prenante dans ce dossier ?

J’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères à Bamako. J’ai rencontré plusieurs fois le gouverneur de Gao et différents officiels. J’ai été très étonné de la façon dont nous a reçu le ministre des Affaires étrangères parce qu’il était très ému. Je pense que les Maliens ne considéraient pas ma mère comme une ressortissante étrangère qui venait donner un coup de main. Elle était un peu plus que ça pour eux et pour la population de Gao notamment. Ça s’est ressenti en tout cas dans l’accueil que j’ai pu recevoir à Bamako et à Gao, que ce soit avec des officiels, des non-officiels, avec des gens qui la connaissait ou pas, avec des enfants ou des adultes. Il y a eu beaucoup de chaleur. Oui, je crois que les Maliens font quelque chose pour ma mère.

Sophie Pétronin craignait-elle d’être enlevée ou qu’on attente à sa vie, vu la situation sécuritaire qui s’est dégradée au Mali ces dernières années ?

Elle était parfaitement consciente du danger. On en a parlé de vive voix la dernière fois qu’on s’est vu à mon domicile. Je dirai qu’il n’y avait pas de peur, c’était plutôt un risque accepté, mesuré et puis pour elle qui travaillait avec les enfants orphelins à Gao. La vie d’un enfant ça valait tous les risques. 15 jours avant son enlèvement elle a sauvé deux bébés qu’elle a trouvé dans une poubelle. C’était risqué, elle le savait, je le savais, on l’acceptait et si c’était à refaire, on le referait.

Al-Qaeda au Mali rend publique la vidéo de six otages dont une Française

La branche d’Al-Qaeda au Mali a publié une vidéo de six otages étrangers, dont l’Australien Arthur Kenneth Elliott, âgé de 82 ans, et la Française Sophie Pétronin, a annoncé SITE, un centre américain spécialisé dans la surveillance en ligne de la mouvance jihadiste. La vidéo de 16 minutes et 50 secondes, non datée, a été publiée samedi via la messagerie sur internet Telegram par le «Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans», une organisation jihadiste.

Les quatre autres otages sont le Sud-Africain Stephen McGown, enlevé par Al-Qaeda dans le nord du Mali en novembre 2011, le Roumain Iulian Ghergut, enlevé en avril 2015 au Burkina Faso, la missionnaire suisse Béatrice Stockly, kidnappée en janvier 2016 par le groupe jihadiste Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) et la religieuse colombienne Gloria Cecilia Narvaez Argoti, enlevée en février 2017 au Mali. Le chirurgien Arthur Kenneth Elliott et son épouse Jocelyn Elliott ont été enlevés au Burkina Faso en janvier 2015. Jocelyn Elliott a été libérée en février 2016. La Française Sophie Pétronin, à la tête d’une association d’aide à l’enfance, a été enlevée en décembre 2016 par des hommes armés à Gao, dans le nord du Mali. Aucun groupe n’avait jusqu’à présent revendiqué ce rapt.

Les otages sont présentés séparément dans la vidéo par un homme qui indique qu’il n’y a pas eu jusqu’à présent de négociations pour leur libération. A la fin de la vidéo, et sans formuler aucune demande, cet homme assure aux familles des otages qu’«aucune véritable négociation n’a commencé» pour leur libération, tout en affirmant que des discussions sont «toujours actives».

Le Sud-Africain Stephen McGown, premier à apparaître dans la vidéo, y déclare: «Maintenant nous faisons une nouvelle vidéo, mais je ne sais pas quoi dire. Tout a été dit par le passé. Tout a été dit dans les vidéos précédentes que j’ai faites», selon le transcript de SITE.

Concernant Sophie Pétronin, il est précisé qu’elle espère que le président français Emmanuel Macron, qui est arrivé au Mali dans la nuit de samedi à dimanche pour soutenir la lutte contre les groupes jihadistes, aidera à son retour auprès de sa famille, selon SITE.

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaeda. Les jihadistes ont été en grande partie chassés de cette région par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, et qui se poursuit actuellement. Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques meurtrières malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix, censé isoler définitivement les jihadistes.

Campement Kangaba : « On a croisé deux individus à moto qui tiraient et criaient « Allah Akbar »

Deux employés du campement présents au moment de l’attaque nous livrent leur récit de cet après midi de dimanche ordinaire qui s’est transformé en cauchemar. Croyant naïvement au bruit provoqué par un court circuit, les deux employés se rendent vite compte qu’il s’agit de quelque chose de bien plus grave.

« Il était environ 15 h 10 lorsque nous avons entendu un bruit provenant de la piscine. Nous avons dans un premier temps cru à un court circuit comme cela arrive souvent. Mais très vite, nous nous sommes rendu compte qu’il ne s’agissait pas de cela. » Moussa SAMAKE, tailleur au campement se trouvait dans son atelier ce dimanche après midi, lorsque les premiers coups de feu ont été entendus au campement «  Kangaba ». Ses doutes seront vite dissipés, lorsqu’une des serveuses au campement, qui avait vu les assaillants tirer sur les clients, leur confirme par talkie walkie ce dont elle est témoin. « Des hommes en arme tirent sur les clients dont un est touché et par terre », explique la serveuse. Dans un réflexe de survie, Moussa SAMAKE tente de se diriger vers la sortie. Mais très vite, il doit rebrousser chemin, car il croise deux individus à moto, qui tirent et crient « Allah Akbar », selon son récit.

Après s’être caché un moment, connaissant les lieux, il sort à l’arrivée des premiers policiers. Ces derniers sont vite rejoints par d’autres forces, vu l’ampleur de la situation. Moussa SAMAKE ajoute, qu’ils sont ensuite restés (les membres du personnel) pour prendre les nouvelles des uns et des autres. Il dit avoir eu peur un moment mais sans vraiment paniquer, parce que, dit-il avec tout ce qui se passe actuellement il redoutait une action de ce genre. Il conclut, qu’il est rentré chez lui vers 19h mais que l’opération se poursuivait.

Aussi présent sur les lieux au moment de cette attaque dont il ne mesurait pas encore la gravité, son collègue Mohamed KOUMARE, sérigraphe se trouvait avec un autre de ses collègues qu’il aidait à faire des activités avec des enfants comme c’est le cas le week end. Alerté au même moment par les coups de feu et le mouvement de certains clients qui quittaient la piscine pour échapper aux assaillants qui tiraient dans tous les sens. Il avoue qu’à ce moment là c’était un peu la panique et sauve qui peut. Il réussit à s’échapper et rentre chez lui tout près du campement. Il met à l’abri sa famille et retourne au campement pour avoir des nouvelles. « Nous sommes restés dehors. Quand je suis retourné au campement, les échanges de tir continuaient ». J’ai quitté les lieux vers 23 heures pour aller chez mon frère en ville. Nous avons eu peur bien sûr, poursuit Monsieur KOUMARE, mais nous avons été rassurés par la réaction des forces de sécurité.

 

Barkhane touché par des tirs d’obus à Tombouctou

Plusieurs militaires français ont été blessés hier dans une attaque au mortier à Tombouctou. L’un d’eux est dans un état grave.

Les djihadistes ne faiblissent pas, et continuent d’attaquer de manière sporadique les forces étrangères en position au Mali. Comme en atteste, hier jeudi, l’attaque qui a touché le camp de la Minusma à Tombouctou. « A 8h 40, des mortiers ont atteint le camp, quatre au total ont été tirés, un seul a pu atteindre le super camp et est tombé à proximité de soldats de Barkhane » raconte le porte-parole de la force française. Le camp en question est occupé par les forces de la Minusma, des Famas et par Barkhane. Le nombre de blessé n’a pas été communiqué par Barkhane, mais un des soldats est dans un état grave. « Il est actuellement pris en charge dans un hôpital militaire de Paris, les autres qui sont des blessés légers, seront pris en charge à Tombouctou ou en Algérie » continue-t-il.

Le groupe Nusrat Al-Islam Wal Muslimin a revendiqué l’attaque. « En prenant pour cible les forces d’invasion françaises, les moudjahidines ont bombardé l’aéroport de Tombouctou. Ce qui par la grâce d’Allah a provoqué un nombre de blessés dans les troupes françaises, dont certains grièvement » a déclaré la mouvance dans un communiqué hier dans la soirée.

Juste après l’attaque, des hélicoptères de la Minusma, ont décollés avec à leurs bords des militaires de force Barkhane pour ‘’reconnaître’’ la zone de tir. Une traque est en cours pour dénicher les auteurs de l’attaque. « Barkhane ne fait pas rien, la force a mis en place des mesures actives et passives pour juguler ces attaques djihadistes » assure-t-on du côté de la force française.

Malgré ces mesures, les attaquent ne font que se multiplier. Un mois plus tôt, une attaque du même type avait fait un mort chez les casques bleus. En avril, un soldat français avait perdu la vie lors d’un accrochage avec des djhadistes. C’était le 17ème soldat, tombé au Mali depuis le début de l’opération Serval en 2013, remplacé par la suite par Barkhane en 2014.

 

Charia : Une réalité malienne

Le 16 mai dernier à Taghlit, entre les localités d’Aguelhoc et Tessalit, une femme et un homme auraient été lapidés par des islamistes qui leur reprochaient d’avoir violé la charia, la loi coranique, parce qu’ils vivaient en concubinage. La véracité de ce triste évènement, relayé par les médias nationaux et internationaux, reste à démontrer, certains affirmant même avoir vu quelques jours plus tard la jeune femme vivante à Aguelhoc. Pour autant, la rumeur de cette lapidation, inédite depuis les jours sombres de la crise de 2012, pose la question de la présence de ces forces djihadistes dans certaines zones du pays qui échappent toujours aux forces maliennes et étrangères, et de leur capacité à faire peser leur vision étriquée de la loi divine sur le caractère laïc du pays, s’ils parvenaient à propager leur foi rigoriste.

« Oui la charia est appliquée dans certaines zones de la région de Kidal ! », déclare sans ambages Abinaje Ag Abdallah, maire d’Aguelhoc. « Ils interdisent l’alcool, les cigarettes. Il faut s’acquitter de la zakat (l’aumône). Ils font appliquer toute la charia qui est de leur portée et on constate de plus en plus qu’ils ont le contrôle de certaines localités », ajoute-t-il. À Taghlit, Abeïbara, au nord et nord-est de la région de Kidal, dans la région de Tombouctou, Taoudéni, Ségou, Mopti, nombreux sont ceux qui attestent de la présence des islamistes dont les forces se sont redéployées et contrôleraient des zones entières qui échappent aux autorités. Dans ces zones désertées par la République, où même parfois les groupes armés ne vont pas, les djihadistes à moto font respecter leurs lois, maintenant les populations dans la crainte. « Aujourd’hui, dans la région de Kidal, de Gao ou de Tombouctou, les campagnes sont occupées par des groupes terroristes. Dans la zone de Ménaka, il y a le groupe d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui qui se renforce jour après jour. Au nord de la région de Kidal, trois katibas appliquent la charia partout dans les brousses, même à Tinzawatène. Dans la zone de Gao à Almoustarat, il y a l’armée mais il y a aussi des djihadistes en ville qui prêchent le djihad ouvertement le soir dans la mosquée, pendant que l’armée est dans la caserne », confie ce cadre militaire du MNLA qui a eu maintes fois maille à partir avec les djihadistes.

Dans certains villages, ces groupes ont imposé leur charia aux villageois qui ne sont plus autorisés à pratiquer certaines coutumes devenues « haram ». « Il faut les écouter et faire ce qu’ils disent, ça s’est sûr ! », lâche cet employé du CICR de la région de Kidal. « Quand nous partons en mission dans ces zones, on retrousse nos pantalons au-dessus des chevilles, on ne fume pas, on se tient éloignés des femmes et on évite d’y aller avec des véhicules arborant le logo du CICR, parce que les gens considèrent la croix comme un signe chrétien. On doit se conformer, c’est automatique », poursuit-il.

 Vivre sous la charia Dans ces zones, la peur tient les populations qui redoutent de se voir infliger ces actes barbares que les islamistes considèrent comme les punitions issues de la charia : couper la main du voleur, lapider des coupables d’adultère, sanctionner par le fouet les libertins. Ces pratiques qui ont eu cours au nord du Mali durant la crise, ont normalement cessé depuis 2013 et la fin de l’occupation. « Les mains coupées pour un voleur, les coups de fouets, c’est très rare depuis 2012, parce que les gens se sont conformés à leur loi. Mais si tu commets un acte contraire à la charia, ils vont prendre les choses en main et t’envoyer un message par un intermédiaire pour te convoquer. Dans un premier temps, ce sera une mise en garde. Donc, après cet avertissement, soit tu quittes la ville, soit tu t’y conformes. Si tu continues, ils vont appliquer sur toi le châtiment de la charia. Ça se passe comme ça. Ils ont des informateurs dans tous les villages, donc les gens sont tenus dans la crainte et font ce qu’on leur dit », affirme cet habitant de Kidal.

Pour la majorité des musulmans, il est difficile de s’opposer à la charia, les thèses prônées par les islamistes ne séduisent pas les populations maliennes très attachées à la tolérance et éloignées de l’application qu’en font les salafistes. « La population ici est à 100 % musulmane. Elle ne peut pas réprouver la charia en tant que telle, mais les gens disent que ce n’est pas la méthode. La plupart des chefs djihadistes, ce sont des Algériens, des Mauritaniens, des gens qui viennent d’ailleurs. On a nos propres imams et marabouts qui nous expliquent la religion, alors pourquoi nous conformer à des gens qui amènent une doctrine venue d’ailleurs ? Avec les attaques, les attentats suicides, les gens ne sont pas avec eux mais ils sont contraints d’observer ou d’adhérer par la force », explique ce journaliste de Douentza. « Si leur but est de créer une république islamique, notre histoire et nos croyances sont trop anciennes pour que ça marche. Ils ne peuvent pas venir comme ça imposer ça chez nous ! », s’exclame-t-il.

 Frapper les fourmilières djihadistes Par leurs diktats religieux, les djihadistes, sous l’impulsion du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, tentent de tisser une toile pour le moment encore disparate. Leur mobilité et leur capacité à se fondre au sein des populations les rendent insaisissables, leur permettant de perdurer et d’imposer par la force leurs préceptes religieux. « Si l’autorité de l’État s’étendait à l’ensemble du territoire, l’État pourrait être interpellé en cas d’application de la charia. Mais c’est l’Occident qui a dit « je m’installe dans le nord ». Barkhane est là-bas, la MINUSMA est là-bas. Cette zone dans laquelle s’est produite la lapidation n’est pas sous contrôle de l’armée malienne », objecte un officiel malien. Cependant, la force française, devenue elle aussi la cible privilégiée des djihadistes, semble inefficace à pouvoir stopper cet état de fait.

« Depuis 2015, les opérations terroristes ne visent pas à faire la guerre. Ils font des opérations de récupération de matériel, ils se réorganisent et se renforcent. Ils ont récupéré, depuis fin 2016, plus de 30 pick-up, des armes et des munitions. À Taoudéni, ils ont des bases fixes, ils créent des souterrains, y mettent des groupes électrogènes, des citernes d’eau pour 2 mois ou 3 mois, tout pour vivre et tu ne vois rien. Ils attendent que l’armée malienne se remette en place, que le désarmement soit effectif après ils vont occuper les campagnes, et nous, nous restons là, à compter ce qu’ils ont récupéré », s’emporte cet officier du MNLA. « Les djihadistes ont très bien compris comment les forces françaises fonctionnent. C’est une armée conventionnelle, avec des véhicules vieillissants, peu rapide. Au moindre mouvement ils bougent à moto. À chaque fois que tu pars vers l’est, ils partent vers l’ouest et vice-versa », poursuit-il. « Il faut créer des unités d’élite contre les terroristes, former des gens en local et intervenir avec l’appui aérien français. Pour cela, il faut plus de confiance entre les différents acteurs, arrêter les hostilités, suivre l’Accord de paix, reconstituer l’armée et envoyer des militaires appuyés par des forces locales. Il n’y a pas d’autres solutions, sinon on retournera à la situation de 2012 ». Un avis partagé par cette source sécuritaire malienne, qui estime que « la lutte antiterroriste demande la complicité et l’aide des populations locales, du renseignement, puis une connaissance du terrain. Malheureusement, ni les forces étrangères ni l’armée malienne n’ont cela ».

Dans la région de Kidal, certains ont commencé à se résigner à un retour des djihadistes. « C’est Iyad le commandant de bord à Kidal. Il détient toujours la réalité du terrain. C’est pour cela que les gens ne dénoncent pas. Si tu dénonces, demain tu seras le seul perdant. Barkhane, malgré l’arrivée du nouveau président français, ne fera rien pour nous, la MINUSMA non plus. Donc on se tient à carreau », résume, philosophe, ce commerçant de la région. Seul répit provisoire mais attendu, le ramadan, période de trève où les djihadistes suspendent leur activité, pour s’adonner pleinement à la religion. Mais d’autres en redoutent déjà la fin. « Beaucoup de gens ont peur qu’après le ramadan il y ait une grande offensive. C’est très possible avec tout le matériel que les djihadistes ont obtenu dans leurs attaques à Almoustarat et ailleurs au Mali et au Niger. Ils ont à peu près les mêmes moyens qu’avant l’intervention de Serval ».

 

Tombouctou : Attaque contre le camp de la MINUSMA

Une attaque aux mortiers ou roquettes a été lancée contre le camp de la MINUSMA à Tombouctou (Super Camp). Selon les rapports préliminaires, six (6) obus y ont atterri. Le bilan provisoire est de neuf (9) blessés parmi les casques bleus, y compris quatre (4) grièvement qui ont été évacués à Bamako », selon un communiqué officiel de la mission onusienne. L’attaque a fait un mort, dont l’identification est en cours. Des dégâts matériels ont également été causés. Aucun personnel civil n’a été affecté selon le même document.
« Les tirs ont commencé au moment où il faisait très chaud dans la journée, c’est aussi  l’heure de la pause où le personnel civil de la MINUSMA était parti prendre le déjeuner », explique Mohamed Ag Ahmed un jeune habitant de la périphérie de Tombouctou près de l’aéroport, qui ajoute  que les tirs d’obus leur ont fait peur et les ont impressionné, à tel point que tout le monde a couru se cacher dans les maisons.
La Force a renforcé la protection du camp et a déployé des moyens aériens de reconnaissance pour identifier la zone où les tirs ont été lancés rassure la MINUSMA qui  souhaite un prompt rétablissement aux blessés. Condamnant dans les termes les plus vigoureux « cette attaque lâche et ignoble contre son camp et son personnel ». Elle appelle au déploiement de tous les efforts pour identifier les responsables de cette attaque terroriste et les traduire en justice. La MINUSMA réitère sa détermination inébranlable à continuer son appui au Mali et à son peuple, aux fins d’instaurer une paix et une sécurité durables au bénéfice de toute la population.
L’attaque a  été revendiqué quelques heures plus tard par  la nouvelle organisation djihadistes de Jamaât Nusrat Al Islam Wal-Mouslimin dirigée par Iyad Ag Ghaly, dont   la région de Tombouctou est l’une des grandes zones d’action.
Suite à cette attaque meurtrière contre le camp de la MINUSMA à Tombouctou, la force onusienne a décidé de reporter son point de presse hebdomadaire qui aura lieu demain jeudi 04 Mai.

Gourma Rharous : les FAMA et Barkhane neutralisent une dizaine de terroristes

Le groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans « Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin » du chef djihadiste Iyad Ag Ghaly, a revendiqué l’attaque meurtrière, mardi 18 avril, qui a ciblé un camp de FAMA à Gourma Rharous, à environ 150 km à l’est de Tombouctou.

Cette attaque a fait au moins cinq victimes parmi les militaires et plusieurs blessés. Les djihadistes ont emporté des munistions et plusieurs véhicules et en ont brûlés d’autres appartenant à l’armée.

La riposte ne s’est pas fait attendre. Les forces armées maliennes (FAMa) appuyées par la force Barkhane sont rapidement intervenue s et ont neutralisé deux picks up dérobés et lourdement armés à une trentaine de kilomètres de Gourma Rharous. Une dizaine de terroristes ont été neutralisés durant l’intervention aéroportée du groupement tactique désert aéromobile transportant à son bord des commandos montagne de la force française. L’armée malienne a aussitôt conduit des opérations dynamiques de contrôle de zone au sud de Gourma Rharous afin d’intercepter d’autres assaillants en fuite.

Les groupes terroristes sont responsables de nombreuses attaques contre les forces internationales et locales, ainsi que d’exactions répétées à l’encontre des populations maliennes. C’est la troisième fois que cette localité subit une attaque meurtrière. La première fois était en 2015. Au mois de novembre 2016, la localité avait de nouveau subit une attaque qui avait été revendiquée par Ançar Dine.

Les tribus du nord du Mali réunies en Algérie pour contrer le nouveau groupe d’al-Qaïda

Mardi et mercredi, les tribus du nord du Mali se sont concertées à Adrar, dans le sud algérien, pour trouver des moyens d’empêcher les recrutements par le nouveau groupe armé affilié à al-Qaïda et dirigé par le Touareg Iyad ag-Ghali.

Une source diplomatique algérienne a révélé à au site d’information Middle East Eye que des notables de onze tribus du nord du Mali – arabes, touaregs, peuls – se sont réunis en urgence ce mardi et mercredi à Adrar, à 1 400 kilomètres au sud-est d’Alger.

L’objectif de cette rencontre est d’étudier les moyens de contrer le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans au Maghreb islamique.

Ce mouvement islamiste armé, créé en février, réunit plusieurs groupes de la région, en particulier al-Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar, l’émirat du Sahara de Djamel Okacha, les katibas du Macina d’Amadou Koufa, et Ansar Dine d’Iyad ag-Ghali, le nouveau chef du consortium. Selon des sources sécuritaires, le mouvement représenterait une force de quelque 2 000 hommes.

https://twitter.com/sidikounta7/status/837272439897919491

« Les tribus craignent que le scénario de 2012 se reproduise », précise le diplomate. À l’époque, profitant d’une rébellion des Touaregs contre l’autorité centrale de Bamako, plusieurs groupes islamistes armés avaient pris le contrôle de plusieurs villes du nord du pays.

« La situation est très tendue », poursuit une source sécuritaire algérienne. « D’une part parce que les tribus du nord ont toujours l’impression de vivre « sous occupation » malienne et perçoivent les Français comme des alliés de Bamako. D’autre part parce que la situation économique au nord du Mali est toujours aussi désastreuse. La marginalisation et le chômage poussent les jeunes à rejoindre les rangs des groupes armés. »

Appel aux nouveaux combattants

D’autant que le nouveau groupe aurait commencé depuis quelques semaines à distribuer des fascicules et des CD aux jeunes pour les recruter.

« Les rapports sécuritaires français et maliens se sont alarmés de la dangerosité de cette propagande et craignent le potentiel de nuisance du mouvement d’ag-Ghali, qui a lancé un appel aux nouveaux combattants », poursuit notre interlocuteur.

« Il ne faut pas oublier qu’Iyad ag-Ghali, qui est issu d’une grande famille de notables des Ifoghas [région montagneuse du nord-est du Mali], est une personne très influente dans la région. »

Dans un entretien au journal d’al-Qaïda au Yémen, Al Massar, publié lundi, le chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans a appelé « tous les peuples musulmans du Sahara » à « se lever pour combattre » la France et ses alliés au Mali.

Samedi 1er avril, le groupe a revendiqué une attaque menée le 29 mars contre l’armée malienne. Des hommes armés avaient attaqué un poste de sécurité à la frontière avec le Burkina, tuant deux gendarmes et un civil maliens, selon des sources de sécurité maliennes.

Le 5 mars, onze militaires maliens avaient été déjà été tués au même endroit dans une attaque également revendiquée par le groupe.

Le chef de Nusrat al-Islam dresse une liste de 11 pays « ennemis »

Le chef du groupe djihadist Nusrat al-Islam Wal Muslimin, Iyad Ag Aly, a dressé une liste de onze (11) pays « ennemis » qui se trouvent sur les continent africain, américain et européen (Etats unis, Allemagne, France, pays bas, Suède, Tchad, Guinée, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal, Niger).

Le chef djihadiste accordait sa première interview au journal Al-Mousri d’Al-Qaïda au Yémen, ce après sa désignation à la tête de Nusrat al-Islam Wal Muslimin, le nouveau mouvement djihadiste né de la fusion des principaux groupes islamistes armés actifs dans le nord du Mali. Il a qualifié particulièrement la France « d’ennemie historique des musulmans de cette partie du monde islamique ».

Iyad Ag Aly a également dévoilé la stratégie militaire de Nusrat al-Islam Wal Muslimin qui est « d’élargir sa présence dans un plus grand espace géographique, d’affaiblir l’ennemi et de le cibler partout où il se trouverait ».

Selon le chef djihadiste, Nusrat al-Islam Wal Muslimin va aussi « dresser les gens contre l’ennemi, chercher le soutien populaire et préserver et renforcer ses relations avec les populations ».

Nusrat al-Islam Wal Muslimin va mener des « actions armées » basées sur un modèle de « guérira tout en utilisant, parfois, la méthode de guerre classique ».

Wassim Nasr :  « Le temps joue en faveur des djihadistes »

Début mars, Iyad Ag Ghaly annonçait la formation d’un nouveau mouvement djihadiste, Jamaat Nusrat al-Islam wa-l-Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), fusion d’Ansar Dine, d’AQMI au Sahel, d’Al-Mourabitoune et de la Katiba Macina. Wassim Nasr, journaliste et auteur de « État islamique, le fait accompli » (Plon), revient sur les motivations de cette inquiétante union djihadiste au Sahel.

Pourquoi ces 4 mouvements djihadistes ont-ils décidé de fusionner en un seul mouvement ? 

Ils ont fusionné parce que la situation géopolitique s’y prête. En même temps, cette formation s’est faite en opposition au processus de paix et à la mise en place des autorités intérimaires au Nord Mali. Cette nouvelle union qui regroupe différentes sensibilités, si je puis dire, ethniques, tribales et claniques de la région du Sahel, est dans la dynamique même de la politique d’Al-Qaïda : un ancrage solide qui s’accroche à un conflit local et des préoccupations locales. C’est comme ça qu’ils réussissent à chaque fois à faire perdurer leur mouvement dans le temps. Tant que le problème local n’est pas résolu, ils vont perdurer avec lui.

Cette union de mouvements djihadistes va-t-elle faire barrage à l’État islamique comme le disent certains observateurs ? 

Ce n’est pas juste en opposition à l’État islamique, c’est avant tout en application de la politique d’Al-Qaïda qui est d’unifier les groupes et de les ancrer sur des problématiques locales. Beaucoup d’experts sont sur l’État islamique parce que c’est l’actualité du moment, mais c’est beaucoup plus compliqué que ça. Ces djihadistes disent que le temps joue en leur faveur, c’est un souffle long. Cela en est l’application exacte. Ils ont attendu que le processus de paix et la mise en place des autorités se « cassent la gueule » pour lancer leur nouvelle formation qui va forcément attirer du monde. La patience et l’attente, c’est propre à Al-Qaïda.

Pourquoi le choix d’Iyad Ag Ghaly comme chef de cette union ?

Iyad Ag Ghaly n’est pas un choix anodin. Il a un ancrage local, des réseaux locaux et une influence locale qui pourra lui permettre d’attirer plus de monde dans son giron. C’est le meilleur candidat. C’est pour cela par exemple que l’on n’a pas choisi Mokhtar Belmokhtar, qui n’a aucun ancrage local ou tribal au Nord du Mali. Avoir un ancrage local solide est un aspect indispensable à toutes mouvances djihadistes, dont Al-Qaïda. C’est comme ça qu’ils fonctionnent depuis toujours. On a vu ça avec les Shebab en Somalie, au Yémen avec AQPA et avec le front Al-Nosra (Syrie) dans une moindre mesure aujourd’hui. Ce choix est un calcul.

Ont-ils de nouvelles revendications et qui visent-ils ?

Ils vont continuer sur la même veine, ils vont faire monter les enchères. Le but c’est toujours de frapper les forces étrangères au Nord du Mali et l’étendue de leurs opérations va bien au-delà. Cette nouvelle formation va avoir besoin d’un coup d’éclat quelque part. Est-ce que ça va être en France ? Est-ce que ça va être dans un pays africain au-delà du Sahel ? Parce que le Mali est maintenant habitué aux attentats et aux attaques de kamikazes, s’ils veulent faire un coup d’éclat, ils doivent aller au-delà. Il y a aussi une montée en puissance de la communication, par exemple contre la France. Alors frapperont-ils des intérêts français dans un pays africain ? Tout est possible.

Comment ont-ils pu se réunir sans que quiconque ne soit au courant ?

Ces gens-là sont rompus à la clandestinité, sinon ils seraient déjà tous morts depuis un bon moment. C’est très facile pour eux de voyager. On ne peut pas imaginer que dans une zone aussi grande que le Sahel, l’on puisse les suivre à la trace. On peut difficilement les appréhender avec des moyens techniques, même très importants. Il faut du renseignement humain et c’est compliqué. Ce que nous avons vu n’est qu’une mise en en scène. Ils se sont certainement réunis plusieurs fois avant pour mettre les choses au clair et ensuite l’annoncer au public.

Nusrat Al Islam revendique l’attaque de Boulikessi

La nouveau conglomérat djihadiste Nusrat Al Islam (la victoire de l’Islam et des musulmans), fusion de plusieurs organisations djihadistes dans le nord du Mali dirigé par Iyad Ag Ghaly, a revendiqué sa première opération.

Un porte-parole de la nouvelle organisation jihadistes a rapporté à l’agence d’information mauritanienne ANI que les «combattants» de Nusrat Al Islam étaient responsables de l’attaque sur la base militaire Boulikessi dans le centre du Mali, près de la frontière avec Burkina Faso, le dimanche 5 Mars et qui a entraîné plusieurs morts et blessés « .

Le porte-parole déclare en outre « L’attentat a tué 17 militaires, et des dizaines de blessés, et d’autres soldats ont été capturés par les combattants salafistes, cinq véhicules militaires ont été pris et six détruits, des armes lourdes, anti-aérienne et 24 fusils de type Kalashnikov, avec une grande quantité de munitions ont été emportés « . Il a ajouté que les pertes dans les rangs des assaillants « ont fait deux jihadistes blessés « 

L’attaque avait causé la mort de 11 militaires maliens, selon un communiqué du ministère de la défense malienne rendu public en début de la semaine.