Renouveau du contrat social : une journée pour revisiter les valeurs fondatrices du Mali  

Chercheurs, acteurs communautaires et organisations citoyennes se sont réunis jeudi à Bamako pour réfléchir aux valeurs qui doivent porter la refondation du Mali. La rencontre s’appuyait sur une note approfondie de l’OCGS, devenue le fil conducteur des échanges.

La réflexion sur le Mali Kura progresse et demeure au centre des préoccupations citoyennes. Jeudi 27 novembre 2025, l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité a réuni chercheurs, figures communautaires, organisations de terrain et responsables d’associations pour une journée consacrée au renouveau du contrat social. L’objectif n’était pas de discuter abstraitement, mais de s’appuyer sur une note de réflexion élaborée par l’OCGS, un document dense analysant les ruptures qui fragilisent le pacte entre l’État et les citoyens, et proposant les valeurs susceptibles de soutenir une refondation crédible.
La note, largement évoquée au fil de la journée, dépasse la simple analyse institutionnelle. Elle explore l’effritement des repères culturels, la faiblesse de la transmission intergénérationnelle, les transformations du comportement citoyen et l’affaiblissement du sens du bien commun. Ses auteurs y expliquent que le pays ne pourra pas se refonder uniquement à travers des réformes administratives. La reconstruction du contrat social exige une revitalisation des valeurs partagées et une compréhension fine des attentes de la population.
Le chercheur Dr Baïla Niang, l’un des contributeurs du document, est revenu sur l’ambition de la note. Il a rappelé qu’elle ne part pas d’un constat pessimiste, mais d’une analyse lucide : les réformes successives n’ont pas suffi à rétablir la confiance parce qu’elles n’ont pas été accompagnées d’une dynamique morale et citoyenne. Selon lui, les valeurs ne peuvent pas être proclamées depuis un bureau ; elles doivent se vivre et se transmettre. Il a insisté sur la nécessité de replacer l’éthique publique, le respect de la parole donnée et la responsabilité individuelle au cœur du vivre-ensemble.
L’intervention d’Anicet Allamadjingaye, également chercheur à l’OCGS, a prolongé cette réflexion en insistant sur la dimension territoriale des valeurs. Il a rappelé que le contrat social malien s’est construit historiquement dans l’équilibre entre institutions et communautés, et que cet équilibre s’est fragilisé sous l’effet des crises successives. Pour lui, la note de l’OCGS doit servir d’outil de dialogue, non seulement avec les autorités, mais aussi avec les acteurs qui incarnent la cohésion au quotidien : familles, leaders locaux, associations et cercles de solidarité. Il a souligné que la refondation nécessite d’écouter les territoires, d’intégrer leurs spécificités et de tenir compte des mémoires collectives, sans quoi les valeurs évoquées resteront théoriques.
La modération de Baba Dakono a permis de tisser un lien entre les différentes interventions. Sa compréhension des enjeux de gouvernance a donné de la cohérence à l’ensemble, en rappelant que la refondation doit clarifier les engagements réciproques entre l’État et les citoyens. Il a insisté sur la nécessité de relier les analyses de la note aux réalités que vivent les Maliens dans les services publics, les marchés, les quartiers et les espaces communautaires. Cette approche a apporté une profondeur supplémentaire aux débats, en renforçant l’idée que la refondation est autant sociale que politique.
La présentation de la charte consacrée au retour aux valeurs et à l’éthique, assurée par M. Diakité, a constitué un moment clé. Cette charte reprend les grandes lignes de la note de l’OCGS et les traduit en repères concrets. Elle évoque la responsabilité individuelle, l’intégrité dans la gestion publique, l’engagement communautaire, le respect de la parole donnée et l’importance de la transmission. Diakité a expliqué que cette charte n’a pas vocation à imposer des normes, mais à proposer une base commune autour de laquelle les citoyens peuvent se reconnaître et agir.
La dimension citoyenne de la rencontre a été renforcée par l’intervention de Djelika Maïga, coordinatrice de Case Citoyenne du Mali. Elle a rappelé que les valeurs qui portent une nation prennent leur force dans les comportements quotidiens, dans les familles, les espaces communautaires et les associations de proximité. Pour elle, la refondation ne peut réussir sans une mobilisation sociale large, capable de transformer les valeurs en pratiques réelles.
Au fil des échanges, l’idée centrale s’est imposée : le Mali Kura ne peut pas se construire uniquement par des textes institutionnels. Il doit s’appuyer sur un socle moral partagé, nourri par la mémoire collective et les attentes des citoyens. La note de l’OCGS apporte une grille de lecture essentielle pour comprendre les fragilités actuelles et identifier des leviers crédibles pour y répondre.
La journée s’est achevée sur une perspective de travail. Les contributions recueillies seront intégrées dans une version enrichie de la note afin d’alimenter un plaidoyer plus large à destination des autorités et des partenaires du pays. Si la refondation demeure un chantier complexe, cette rencontre a eu le mérite de replacer les valeurs au centre du débat national et d’ouvrir un espace de réflexion où le vivre-ensemble redevient une priorité partagée.

Assemblée citoyenne : gouvernance et refondation au cœur des échanges

L’Observatoire de la Gouvernance et de la Sécurité Humaine (OCGS) a organisé mardi une Assemblée citoyenne à Maeva Palace, réunissant près de soixante participants autour du thème de la gouvernance et de la place des valeurs nationales dans la refondation.

En ouvrant les débats, Baba Dakono, secrétaire exécutif de l’OCGS et modérateur de la rencontre, a rappelé que cette initiative prolongeait les « conversations citoyennes » tenues régulièrement par l’Observatoire. Selon lui, l’Assemblée devait offrir un espace collectif pour réfléchir au Mali de demain, avec un regard sur le passé et le présent.
Trois communications ont introduit les discussions. Dr Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la Faculté des Sciences Administratives et Politiques, a défini la gouvernance comme la conduite des affaires publiques fondée sur des normes partagées, insistant sur la nécessité d’une participation plus inclusive. Mamadou Ben Chérif Diabaté, médiateur social et spécialiste de la communication traditionnelle, a souligné l’importance des institutions culturelles et religieuses et regretté le manque de synergie entre elles. Amadou Diadié Sangho, enseignant et consultant, a pour sa part insisté sur le rôle central des langues nationales dans la gouvernance, estimant que l’usage exclusif du français marginalisait une grande partie de la population.
Les débats ont ensuite abordé des thèmes sensibles comme la tension entre légalité et légitimité, à travers le rôle respectif des autorités administratives et des chefs traditionnels ; la nécessité de revisiter les valeurs endogènes, de la Charte de Kurukanfuga au principe du sinangouya, en passant par les codes d’honneur et d’intégrité ; et le défi de la multiculturalité, présenté comme une richesse mais aussi un facteur de complexité pour la refondation.
Des références ont également été faites aux Assises Nationales de la Refondation et à leurs 517 recommandations, citées comme une avancée dans l’expression populaire et la gouvernance participative. Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de rendre ces acquis plus visibles et de renforcer leur appropriation par les citoyens.
Clôturée en début d’après-midi, l’Assemblée citoyenne a été annoncée comme un espace appelé à se renouveler. L’OCGS a indiqué que les analyses issues de ces échanges alimenteront des notes de réflexion destinées aux décideurs nationaux et internationaux.

Protection des civils : Le pari de l’OCGS pour une sécurité enracinée

L’Observatoire Citoyen sur la Gouvernance et la Sécurité (OCGS) a animé, le mardi 10 juin 2025, au Mémorial Modibo Keita un rendez‑vous auquel ont participé experts en sécurité, représentants religieux, juristes, militaires, organisations humanitaires et membres de la société civile, pour mettre en lumière la vulnérabilité des civils au Mali en contexte de crise. La maîtrise de la cérémonie confiée à Anissé, de l’OCGS, a posé un cadre chaleureux invitant à la réflexion collective.

Au cœur des échanges, Baba Dakono, coordonnateur de l’OCGS, a insisté sur l’urgence de fonder toute stratégie de protection sur la dignité humaine et la reconnaissance des savoirs culturels et religieux malien. Il a appelé à unir les enseignements des traditions orales, des textes sacrés et des textes juridiques pour faire émerger des politiques réellement adaptées et légitimes aux yeux des populations.
Le communicateur traditionnel Mamadou Ben Cherif Diabaté a capté l’attention en évoquant une ancienne charte de 1236, témoignage de la richesse des normes sociales maliennes dans la prévention des conflits. En valorisant savoirs locaux et mémoire collective, il a plaidé pour une réinterprétation de ces références historiques en lien avec les juristes et universitaires, regrettant que les propositions issues des Journées de la Refondation ne soient pas pleinement intégrées aujourd’hui dans les politiques publiques, faute de réelle volonté politique.
Foi et traditions au cœur du débat
Des intervenants ont ensuite illustré la façon dont la foi peut nourrir une solidarité active envers les plus vulnérables. Intervenant à nouveau, Ben Cherif Diabaté a souligné la nécessité de former les mosquées, églises et chefferies traditionnelles aux mécanismes de prévention et de protection, car c’est là que la résilience communautaire se construit. En rappelant qu’une mère non sensibilisée peut, même involontairement, faciliter l’infiltration de groupes armés, il a souligné l’importance d’associer toute la communauté, dans sa diversité, à la sécurité collective.
L’après‑midi a été l’occasion d’une présentation du Programme national d’éducation aux valeurs (PNEV) par un représentant du ministère de la Refondation. Ce programme vise à inculquer dès l’école des notions de citoyenneté, de cohésion sociale et de protection mutuelle. Pour Mamadou Ben Cherif Diabaté, le PNEV constitue un levier stratégique pour ancrer la culture de la sécurité dans le quotidien des Maliens, de l’écolier à l’officier. « La guerre ne se gagne pas seulement sur le front, mais aussi dans les familles et les quartiers », a‑t‑il affirmé, en invitant à voir l’éducation aux valeurs comme une condition de résilience nationale.
Former pour mieux protéger
Enrichie par des échanges spontanés impliquant ONG, forces de sécurité, journalistes, universitaires et acteurs communautaires, la conférence a ouvert des pistes concrètes : reconnaître dans le droit national les pratiques traditionnelles, développer des modules de formation communautaire, organiser à l’échelle nationale des journées de réflexion incluant l’ensemble des acteurs de terrain.
Dans un dernier appel, Mamadou Ben Cherif Diabaté a exhorté les autorités maliennes à lancer un dialogue national institutionnalisé, pour faire entrer les communautés traditionnelles au cœur des politiques de sécurité. Alors que l’urgence sécuritaire se fait chaque jour plus pressante, son message était clair : seule une approche enracinée dans les valeurs et réalités locales pourra redessiner un avenir plus sûr pour les civils maliens.