Kenya: élections sous haute tension

Les autorités craignent toujours que des violences n’éclatent en marge des élections qui ont débuté ce matin au Kenya. Hier, dimanche, o๠six policiers ont été tués dans la ville portuaire de Mombasa. C’est en masse que les Kényans se rendent dans les bureaux de vote. D’impressionnantes files s’étirent devant les bureaux de vote, qui ont pour la plupart ouvert à  06H00 (03H00 GMT), malgré quelques retards ça et là . Environ 14,3 millions de Kényans doivent élire leur président, députés, sénateurs, gouverneurs (exécutif départemental), membres de l’Assemblée départementale et un quota de femmes à  l’Assemblée nationale. Au total ils doivent déposer six bulletins dans six urnes. La présidentielle s’annonce extrêmement serrée, les deux favoris, Raila Odinga et Uhuru Kenyatta, étant au coude à  coude dans les sondages. La clôture du scrutin est prévue à  17H00 mais tous les retards seront compensés, a assuré le président de la Commission électorale, Isaack Hassan. M. Odinga a voté dans la matinée dans sa circonscription de Kibera, tentaculaire bidonville de Nairobi qui fut l’un des principaux foyers des violences ayant éclaté après la précédente présidentielle, fin 2007. M. Kenyatta, fils du premier président du pays, a lui voté peu avant la mi-journée dans sa circonscription de Gatundu-sud, à  une cinquantaine de km au nord de la capitale. Inquiétudes sécuritaires Après une campagne plutôt tranquille, sans incident majeur, tout est fait pour éviter que ne se reproduisent les terribles violences de 2007-2008. Samedi soir, les derniers meetings ont été tenus par les deux principaux candidats, le Premier ministre sortant, Raila Odinga, et le vice-Premier ministre, Uhuru Kenyatta, à  Nairobi. Tous deux sont au coude à  coude dans les sondages. Mais Raila Odinga affirme que son adversaire ne pourra pas exercer le pouvoir s’il est élu étant donné qu’il est poursuivi, tout comme son colistier William Ruto, par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité. La CPI estime, en effet, que les deux hommes ont attisé les violences de 2007-2008. La police, quant à  elle, a affirmé avoir déployé 99.000 policiers sur l’ensemble du territoire pour assurer la sécurité du scrutin. Dimanche nuit, 400 policiers ont été déployés à  Mombasa, deuxième ville du pays, o๠« six policiers et six assaillants ont été tués », lors de deux affrontements armés quelques heures plus tôt, l’un dans le quartier de Changamwe, l’autre à  Kilifi, localité côtière située à  une cinquantaine de kilomètres plus au nord. « Les policiers sont tombés dans une embuscade » tendue par un groupe d’environ 200 assaillants « armés de fusils, d’arcs et de flèches », a-t-il expliqué, attribuant implicitement les attaques au Conseil républicain de Mombasa (MRC), groupe séparatiste local qui a appelé au boycott du scrutin. Par ailleurs, un bureau de vote de Mandera, localité frontalière de la Somalie, été visé par une bombe artisanale qui n’a pas fait de victime et n’a que temporairement interrompu le vote, a poursuivi M. Kimaiyo.

Côte d’Ivoire : Et Odinga s’en alla.

« Le boulanger d’Abidjan Raila Odinga, médiateur de l’Union africaine pour la Côte d’Ivoire a regretté que la « percée nécessaire » dans sa médiation n’ait pas eu lieu et dénoncé l’attitude du président sortant Laurent Gbagbo qui n’a pas honoré ses promesses. « En dépit de très longues discussions lundi avec monsieur Laurent Gbagbo et le président élu (Alassane) Ouattara (…) j’ai le regret d’annoncer que la percée nécessaire n’a pas eu lieu », a déclaré le Premier ministre kényan juste avant de quitter la Côte d’Ivoire. L’émissaire a aussi regretté le fait que M. Gbagbo, sous pression internationale pour céder la présidence à  son rival, n’avait toujours pas honoré sa promesse de lever le blocus mené par ses forces contre le grand hôtel d’Abidjan dans lequel M. Ouattara est retranché depuis plus d’un mois. « Monsieur Gbagbo m’avait donné l’assurance que ce blocus serait levé hier mais, pour la deuxième fois en quinze jours, il n’a pas tenu sa promesse », a dénoncé l’émissaire, dont la première mission de médiation début janvier avait été déjà  infructueuse. Les observateurs ont surnommé Laurent Gbagbo, le « boulanger d’Abidjan, du fait de sa capacité à  rouler les gens dans la farine, à  ruser et ne pas tenir ses engagements. Odinga vient de l’apprendre à  ses dépens. Convaincre les réticents Selon le porte-parole de M. Odinga, Salim Lone, le médiateur kényan « n’a pas renoncé au processus ». « Il s’en va demain (mercredi) matin et se rendra au Ghana, au Burkina Faso et en Afrique du Sud pour demander aux dirigeants de l’Union africaine de respecter la position de l’UA (ndlr, qui juge que Gbagbo doit quitter le pouvoir) », a-t-il ajouté. Il s’agit certainement pour le Premier Ministre kényan, partisan de la manière forte dès les premières heures de cette crise, de convaincre les pays encore réticent à  l’intervention armée. Depuis mardi, les chefs d’état-major de la Cedeao sont réunis à  Bamako, pour débattre des préparatifs d’une éventuelle intervention militaire visant à  chasser Laurent Gbagbo du pouvoir. Le général Mahamane Touré, responsable des questions de paix et de sécurité au sein de la commission de la Cedeao, a indiqué que toutes les méthodes possibles seraient étudiées avant un recours à  la force. « Nous espérons qu’avec tous les efforts de médiation en cours, une intervention militaire ne se révèlera pas nécessaire parce que nous en connaissons tous les conséquences », a estimé de son côté la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf. La Grande-Bretagne a fait savoir qu’elle apporterait son soutien aux Nations unies en faveur d’en recours à  la force si la Cedeao sollicite le soutien à  une intervention militaire. Toutefois, le secrétaire au Foreign Office, William Hague, a exclu une intervention militaire britannique directe. Cinquante jours après le second tour de la présidentielle, l’impasse reste totale entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara.

Côte d’Ivoire: vers des pourparlers directs entre Gbagbo et Ouattara?

Le Premier ministre kenyan Raila Odinga, médiateur de l’Union Africaine, a évoqué lundi la possibilité d’entretiens directs entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara pour tenter de sortir de la crise politique en Côte d’Ivoire. Un porte-parole d’Alassane Ouattara, reconnu comme le président élu de la Côte d’Ivoire par les Nations unies, a toutefois fortement nuancé ces propos. Il a posé comme condition préalable à  tout entretien direct la reconnaissance par Laurent Gbagbo de sa défaite au second tour de la présidentielle le 28 novembre. Raila Odinga a eu des entretiens lundi au palais présidentiel, o๠réside toujours Laurent Gbagbo. « Nous avons des discussions très fructueuses avec le président Gbagbo. Nous avons proposé des entretiens dont nous sommes convenus qu’ils auraient lieu demain », a rapporté le Premier ministre kenyan. « Il y a bien entendu un certain nombre de conditions à  remplir. Nous allons désormais avoir des entretiens avec le président Ouattara et présenter les propositions sur lesquelles nous sommes parvenus à  un accord avec l’autre partie. Si les termes (de cet accord) sont acceptés, alors les rencontres auront lieu demain », a-t-il ajouté. Patrick Achi, porte-parole d’Alassane Ouattara, a répété la condition constamment posée par le président internationalement reconnu de la Côte d’Ivoire: il ne saurait y avoir de pourparlers avec Laurent Gbagbo sans une reconnaissance préalable par ce dernier de sa défaite électorale. « Si nous sommes prêts à  des discussions face à  face, cela signifie que Gbagbo doit avoir dit qu’il est prêt à  se retirer », a dit Patrick Achi. En compagnie de représentants de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), Raila Odinga a déjà  effectué le 4 janvier une mission de médiation en Côte d’Ivoire, qui n’a débouché sur aucun résultat concret. Les émissaires africains avaient tout de même arraché à  Laurent Gbagbo la promesse d’un allègement du blocus de l’hôtel du Golf à  Abidjan, dans lequel sont retranchés Alassane Ouattara et son gouvernement sous la protection des casques bleus de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). Ce blocus est pourtant toujours en vigueur. D’après l’Onuci, au moins 247 personnes sont mortes dans des violences post-électorales, notamment lors de raids nocturnes menés dans des quartiers jugés favorables à  Alassane Ouattara. La tension est vive en Côte d’Ivoire entre les partisans de Laurent Gbagbo et l’Onuci, dont le président sortant exige le départ du pays. Des casques bleus ont tiré des coups de feu en l’air ce lundi pour disperser une foule en colère de partisans de Laurent Gbagbo. La police a répliqué de la même manière et cet incident a fait trois blessés, selon des témoins. Alassane Ouattara a été désigné vainqueur de la présidentielle par la commission électorale et félicité par l’Onu et la grande majorité de la communauté internationale. Ce succès a toutefois été annulé par le Conseil constitutionnel, à  la main de Laurent Gbagbo, qui a invalidé des milliers de bulletins de vote dans des secteurs favorables à  Alassane Ouattara en raison de fraudes supposées.

Raila Odinga attendu à Abidjan ce lundi

Le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP,coalition pro-Ouattara) a en effet appelé dimanche soir à  une opération « pays mort » à  compter de mardi, « jusqu`à  ce que » M. Gbagbo « reconnaisse sa défaite et quitte le pouvoir ». Le RHDP avait déjà  appelé à  une grève générale dans le pays entre le 27 et le 30 décembre, qui avait eu un succès mitigé. Cette appel est intervenu le jour o๠M. Odinga s`est rendu à  Abuja o๠il s`est entretenu avec le numéro un nigérian Goodluck Jonathan, président en exercice de la Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest (Cédéao), selon une source présidentielle nigériane. Le médiateur de l’UA est accompagné dans sa mission par l’ancien ministre des Affaires étrangère de la République démocratique du Congo (RDC) Bizima Karaha. Aucun détail n`était disponible sur la teneur de leur discussion ni sur le programme précis de M. Odinga, attendu à  Abidjan lundi au plus tôt. Dans la suite d`une visite infructueuse début janvier, sa mission paraà®t en l`état quasi impossible pour trouver une solution pacifique à  la grave crise née de la présidentielle du 28 novembre. S`opposent depuis lors MM. Gbagbo et Ouattara, ce dernier ayant été reconnu chef d`Etat légitime par la communauté internationale, notamment l`UA et la Cédéao. Toujours retranché au Golf hôtel d`Abidjan soumis à  un blocus des forces armées loyales à  son adversaire, M. Ouattara a paru la semaine dernière faire son deuil de la diplomatie en appelant à  la force pour déloger M. Gbagbo. Depuis la présidentielle, les médiations africaines se sont succédé sans résultats à  Abidjan, o๠ont défilé l`ancien président sud-africain Thabo Mbeki, le président de la commission de l`UA Jean Ping, M. Odinga avec les présidents mandatés par la Cédéao Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pieres (Cap-Vert), et l`ex-chef d`Etat nigérian Olusegun Obasanjo. « Nous voulons qu`un dialogue entre le camp Ouattara et le président Gbagbo soit instauré », a répété dimanche à  l`AFP le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello. Selon lui, les deux rivaux « peuvent s`asseoir, discuter et trouver une solution ». « Il faut que (M. Gbagbo) parte, c`est urgent », a réaffirmé de son côté la porte-parole de M. Ouattara, Anne Ouloto, pour qui le président sortant « ruse » et « ne montre aucun signe rassurant de bonne foi ». Selon elle, M. Gbagbo « n`est pas dans une logique de paix ou de dialogue. On l`a vu samedi avec le discours haineux et méchant » de sa femme Simone Gbagbo, qui a qualifié lors d`un rassemblement à  Abidjan M. Ouattara de « chef bandit » et le président français Nicolas Sarkozy de « diable ». Raila Odinga estime que la force doit être une solution de « dernier recours », même si les chefs d`état-major de la Cédéao doivent se réunir cette semaine à  Bamako pour évoquer cette option. A Abidjan, dans les deux quartiers considérés comme des bastions de M.Ouattara, placés sous couvre-feu depuis mercredi après des violences meurtrières, aucun incident n`a été rapporté dimanche. Dans la capitale Yamoussoukro, cinq à  sept personnes ont été blessées lors d`un incident opposant des partisans de M. Ouattara à  une milice pro-Gbagbo.Selon le dernier bilan de l`ONU, les violences de la crise postélectorale ont fait 247 morts depuis la mi-décembre.