OGM au Mali: La résistance s’organise

Mettre en place un réseau pour faire barrage à  l’achat et à  la culture des Organismes Génétiquement Modifiés(OGM) au Mali. C’’est l’ambition du Groupement interprofessionnel Panafricain-Biologique (GIP-Bio) qui a organisé ce jeudi 16 mai 2013, un atelier de réseautage sur les OGM à  son siège à  Niamakoro. La rencontre a réuni autour des responsables du GIP-Bio, les producteurs, les élus locaux, les transformateurs, les animateurs villageois et les communicateurs. Dans son propos liminaire Abdramane Tamboura de GIP-Bio a indiqué que le réseau va couronner les efforts déjà  déployés dans la lutte contre les OGM depuis l’adoption de la loi par l’Assemblée nationale du Mali. Pour sa part, Mamadou Dembélé, membre de GIP-Bio a rappelé les dangers multiformes des OGM sur les pays qui les utilisent comme le Burkina-Faso oà¹, selon lui, l’on les regrette amèrement. OGM, la politique de la faim Dans un témoignage poignant, Badjè Konaté, paysan à  Kanaboubou ayant expérimenté les OGM, a dénoncé leur nocivité sur le sol, l’environnement et la santé humaine ainsi que son coût élevé. Le paysan a été conforté dans son idée par Mamadou Coulibaly, le maire de la commune rurale de Bacounmana qui a avoué été personnellement victime des désagréments causés par les Organismes génétiquement modifiés. Souleymane Koné, animateur villageois à  Samanko et Ibrahima Doucouré, commerçant de semences agricoles ont également livré des exemples édifiants avant d’appeler les uns et le autres à  la vigilance et à  la mobilisation. « Les OGM, C’’est une politique de la faim et non une politique contre la faim », C’’est en ces termes que le transformateur franco-malien, Minkoro Touré a invité les acteurs agricoles maliens à  tourner les dos aux OGM. A l’issue de l’atelier, un réseau a été mis en place. Il est composé d’élus locaux, des producteurs, des transformateurs, des communicateurs et animateurs villageois et des leaders religieux. Une stratégie de communication a été adoptée en vue d’atteindre les objectifs. A noter que l’atelier a été l’occasion de présenter le Centre Intégré de Formation agronomique/Université Rurale Agro écologie- Eau (CIFA/URAE). Initiée par GIP-Bio et ses partenaires, cette école, qui compte ouvrir ses portes l’année prochaine, a pour vocation de former les élèves étudiants ainsi que paysans sur les thématiques et enjeux liés à  l’agriculture…

OGM : la mauvaise expérience des paysans maliens

Seydou Camara est un paysan de Bacoumana, un village situé à  une cinquantaine de km de la capitale malienne. Il raconte sa mauvaise expérience des OGM : « On m’a sensibilisé pour que je me mette à  cultiver des semences à  base d’OGM avec comme argument que le rendement serait triplé, par rapport aux semences naturelles que nous cultivons habituellement. Hélas, je n’ai récolté que 10 sacs pour un hectare de maà¯s cultivé contrairement aux 30 sacs que je moissonnais traditionnellement ». Les OGM pourtant sont recommandés par les partenaires techniques et financiers du secteur agricole au Mali. Il s’agit d’organismes vivant dont le patrimoine génétique a été modifié par intervention humaine. Avec des semences à  base d’OGM, vous pouvez récolter des tomates plus grosses ou des courges plus étendues. Pour le maire adjoint de la commune rurale de Siby, lui-même cultivateur, les OGM créent pourtant une dépendance des paysans face aux grands semenciers. Adama Keita est lui conseiller communal. Il s’insurge contre l’utilisation des OGM : « Malgré la rentabilité, nous avons des problèmes à  conserver les semences. Ce qui nous oblige à  solliciter les semenciers à  chaque année. Alors que nous gérions mieux nos propres semences auparavant ». Broulaye Kante vient lui de la région de Koulikoro et estime que le coût de la semence génétiquement modifiée dépasse les capacités du paysan malien déjà  très peu aidé et sans subventions de l‘état. Problèmes de conservation « En réalité, la culture des semences à  base d’OGM sur des légumes tels que les tomates, oignons et autres, donne de bons rendements. Le hic, C’’est la conservation de ces légumes », ajoute Broulaye Kanté, qui a tout de même abandonné ce type de cultures. Pour des experts comme Assétou Founè Samaké, biologiste, il faut sans doute un peu de patience : « Nous avons bénéficié d’une formation sur les OGM pour accompagner les paysans dans leur cultures habituelles et dans les champs. Ce qu’il faut savoir, C’’est que les semences à  base d’OGM, demandent beaucoup d’intrants et une très bonne pluviométrie ».

OGM : le Mali a cédé. Et demain?

Pendant que l’attention de l’opinion était fixée sur le départ du ministre de la santé Oumar Ibrahim Touré ou encore le bras de fer Gbagbo-Ouattara en Côte d’Ivoire, le Conseil des ministres, lors de sa session du 02 décembre a pris une décision très lourde de conséquences pour notre pays. Il s’agit de l’adoption d’un projet de décret déterminant les modalités d’expérimentation des Organismes Génétiquement Modifiés(OGM). Le Mali est t-il sacrifié aux multinationales ? Cette décision, selon le communiqué du Secrétariat général du Gouvernement, vise à  permettre aux instituts de recherche et aux laboratoires de notre pays de disposer du cadre réglementaire nécessaire pour le démarrage des expérimentations. Ces essais, précise le communiqué officiel, peuvent être menés en milieu confiné et en milieu réel. Les procédures et modalités de ces expérimentations sont définies en vue d’assurer la sécurité des opérations. On peut se dire comme notre confrère du bihebdomadaire le Challenger qu’« au lieu d’encourager les chercheurs à  mieux revaloriser les variétés locales, le gouvernement cède à  la pression des lobbies semenciers comme Mosanto , Syngenta et autres ». En effet, l’adoption de ce décret est le fait d’une certaine élite, plus encline à  recourir à  l’expertise aux solutions importées, à  écouter et à  suivre les multinationales qu’à  défendre les intérêts fondamentaux de son peuple. Cette attitude des dirigeants de notre pays est révélatrice de la difficulté pour eux d’agir conformément aux aspirations profondes des populations. Elle est ni plus ni moins qu’une fuite en avant à  travers de solutions qui peuvent s’avérées désastreuses pour l’avenir de leur concitoyens. En adoptant ce texte, les députés ont pris le risque de lier notre droit de semer à  des sociétés Privées occidentales. La Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétiquement Africain a tiré la sonnette d’alarme en novembre 2008 avant l’adoption d’un projet de loi sur la biosécurité par l’Assemblée Nationale. Les paysans ne seront plus propriétaires des semences l’un des dangers liés à  l’introduction des OGM est que les paysans, déjà  fort pauvres, ne soient obligés d’acheter les semences auprès des multinationales. Ce qui veut dire qu’ils ne seront plus propriétaires de leurs semences. Il suffirait donc que les grandes multinationales refusent de livrer leur semence pour qu’ils ne cultivent pas. Dans ce monde en crise, le fait de contrôler et posséder nos semences constitue une force de résistance face aux pays industrialisés. Les OGM, C’’est assurément un piège mais aussi une technologie qui accroit la dépendance de notre pays. La privatisation des graines est inconcevable pour tout vrai patriote soucieux du devenir de ce pays. La contamination de nos variétés végétales, la destruction de l’environnement et de la biodiversité nationale sont les menaces des OGM. Il y a également des risques non connues sur la santé humaine et animale car la plupart des OGM, ce sont des plantes qui produisent des insecticides ou digèrent des herbicides. Les paysans de Fana et Yorosso et Kita ne s’attendent pas à  ce que leurs gouvernants les conduisent sur l’échaffaud des grandes multinationales.