Erik Orsenna : « Aidons les Maliennes avant qu’il ne soit trop tard ! »

ELLE. Que vous ont raconté les femmes qui ont réussi à  fuir le Nord-Mali ? Erik Orsenna : Leur vie a basculé dans l’enfer. Même le sport est désormais interdit aux jeunes filles. Des « mariages » sont organisés, ce ne sont que des viols déguisés o๠le « mari », qui peut changer chaque jour, abuse de son épouse forcée. La femme est traitée en diable : tout à  la fois être inférieur et menace ! Celle qui refuse de se voiler est bastonnée et risque – C’’est la sentence – d’avoir les oreilles coupées. Même au marché, les vendeuses ont ordre de ne pas adresser la parole à  leurs clients masculins… Quand elles passent la « frontière » entre le Nord et le Sud, souvent accompagnées d’enfants, elles doivent rester des heures sous un soleil de plomb avant d’être fouillées par les milices islamistes. Si l’une d’elles bouge, les miliciens leur tirent dessus. Avant l’arrivée des islamistes, la région, zone de trafic et de non droit, n’était pas un paradis, il y avait des violences arbitraires, mais ce que les femmes et les jeunes filles que J’ai rencontrées m’ont décrit est un univers de folie sous le joug islamiste. Elles que je connais si vaillantes, si pudiques, m’ont dit : « Vous n’imaginez pas ce que l’on vit, nous sommes dans la fatigue, nous sommes dans la peine. » ELLE. Comment soutenir ces femmes et ces enfants ? Erik Orsenna : En aidant par nos dons le formidable et admirable maillage d’ONG locales et d’ONG internationales, dont une quinzaine sont soutenues et approvisionnées en aide humanitaire par l’Unicef. J’ai vu au Mali un afflux massif de déplacés : ils sont 174 000 à  l’intérieur du pays ayant fui les zones de conflit (et 200 000 dans les pays voisins). Ces femmes, ces enfants et ces hommes venus du Nord ne peuvent pas être uniquement à  la charge de leurs proches, souvent pauvres, dans le Sud. Notre aide est indispensable. Il faut aussi continuer à  combattre la malnutrition, le paludisme. Organiser, comme le fait l’Unicef, le soutien scolaire et des abris pour les enfants qui ont fui. A Bamako, la capitale, 57 % des déplacés sont des mineurs. Notre soutien peut les aider à  résister au cauchemar. J’ai constaté combien l’entraide est magnifique, nous devons les aider à  tenir. Déjà , une prison pour femmes a été ouverte. Si nous ne nous mobilisons pas pour les femmes maliennes, pour la population tout entière, c est une véritable base logistique de l’horreur qui sera mise en place dans le Nord-Mali. Ce pays a toujours été un chef d’œuvre humain, doté d’une immense culture de tolérance. Aujourd’hui, on ne peut pas rester indifférents au combat des Maliennes contre l’arbitraire !