Point-presse MINUSMA: Pacte pour la paix, de l’ordre enfin ?

La Minusma  a tenu le 18 octobre à son siège à Badalabougou, son traditionnel point de presse bimensuel. Son  porte-parole, Olivier Salgado  est revenu sur les dernières activités de la mission avant d’introduire l’invité spécial Danilson Lopes Da Rosa, responsable de la médiation de la MINUSMA. Ce dernier a développé l’objectif  visé par le pacte pour la paix signé le 15 octobre entre le gouvernement et l’ONU avec l’adhésion des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Un nouveau document d’à peine trois pages fait désormais  figure de canevas de référence pour  l’accélération de la  mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Le pacte pour la paix, a été signé lors de la 28e session du Comité de suivi de l’Accord entre les Nations unis et le Gouvernement du Mali, avec l’approbation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme, parties prenantes de l’Accord. « Cet acte fort a  pour but de réaffirmer l’engagement des différentes parties pour la résolution du conflit », explique le porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado. Ce document avait été annoncé par la résolution  24-23 du conseil de sécurité de l’ONU.

Plus d’engagements des partis                    

Même si le pacte poursuit le même objectif qui est la mise en œuvre de l’Accord, elle insiste selon le représentant de la médiation sur des éléments nouveaux, tel l’inclusivité . « Il faut prendre en compte les réalités sur le terrain, car il y a des groupes armés qui ont  une importance au niveau locale », souligne-t-il. « Nous sommes arrivés à un moment ou les mouvements armés doivent penser  à autre chose qu’être dans une logique de mouvements armés », ajoute Danilson Lopes Da Rosa.  L’invité du jour a rappelé que « la responsabilité de la mise en œuvre de l’Accord incombe au gouvernement et aux groupes signataires, appuyés par la communauté internationale.» Le pacte stipule qu’en cas des divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions de la médiation auront un caractère exécutoire. Une nouveauté aussi qui découle d’un constat selon le conférencier. « Nous prenons des décisions aux CSA mais quand on quitte la salle,  chacun fait comme si la décision n’a jamais été prise », dit –il. « Nous essayons de mettre de l’ordre .Mieux vaut tard que jamais », a-t-il poursuivi.

Défier le statu quo

C’est face à l’absence des progrès tangibles trois ans après la signature de l’Accord qu’une telle idée est née.

Avant la signature du document, des négociations ont été menées pour harmoniser les points de vue entre la CMA, la Plateforme, le Gouvernement et la médiation internationale. Le texte a ainsi été retravaillé pour que toutes les parties s’y retrouvent. « Comme les mouvements ne doivent pas signer,  et que c’est un pacte entre  le Gouvernement et les Nations-Unies, il a été décidé que la CMA et la Plateforme fassent une déclaration d’adhésion », informe  le médiateur.

Pour  atteindre les engagements, toutes les décisions en lien avec la mise en œuvre de l’Accord sont désormais prises  au sein du  ministère de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale. « Les parties maliennes se réunissent dorénavant tous les jeudis pour débattre de tous les sujets en conformité avec les quatre piliers de l’Accord », assure Danilson Lopes Da Rosa.

Dr. Anasser Ag Rhissa: « L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix »

Pour accélérer la mise en œuvre intégrale et inclusive de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, les Nations unies et le Gouvernement du Mali ont signé, le lundi 15 octobre 2018 à Bamako, le pacte pour la paix. Anasser Ag Rhissa, expert TIC, Gouvernance et Sécurité, répond à nos questions sur les contours de ce pacte qui doit  booster le processus.

 

La signature du pacte pour la paix marque-t-elle un tournant ?

Cette signature du pacte pour la paix entre les parties prenantes à l’Accord pour la paix et la réconciliation est un tournant décisif et une stratégie pour garantir l’engagement des acteurs concernés pour une mise en œuvre diligente, intégrale et inclusive de cet accord.

En quoi ce pacte pourra-t-il accélérer sa mise en œuvre ?

En fixant une vision et un objectif précis pour les acteurs concernés, assortis d’un chronogramme, de critères de suivi-évaluation pour valider sans complaisance le bon déroulement de la mise en œuvre de l’accord de paix. En appliquant aussi des sanctions, après des enquêtes sérieuses, si une partie prenante empêche le bon déroulement de cet accord.

En cas de divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions de la médiation auront un caractère exécutoire. Pourquoi l’autorité de la médiation et comment pourrait-elle être accueillie par les parties signataires ?

La nécessité d’un leadership global, indépendant des parties signataires, sur le suivi de l’accord de paix explique cette autorité de la médiation. Elle serait bien accueillie par les autres parties signataires en cas d’indépendance de ce leadership et d’une bonne gouvernance, sans complaisance du suivi de cet accord de paix et des engagements pris par les acteurs.

« A terme, l’ensemble des mouvements et groupes armés est appelé à disparaitre pour laisser place à une armée reconstituée,  fondée sur la diversité et les valeurs républicaines ». Cet engagement est-il tenable ?

Cet engagement est tenable, de façon graduelle, au fur et à mesure que les différents MOC (Mécanismes opérationnels de coordination) s’installeront dans les régions du nord du Mali et au centre ainsi et que se déploiera le DDR (Démobilisation, désarmement et réinsertion) qui doit alimenter ces MOC. Tout se fera de façon progressive.

Ce pacte pour la paix implique-t-il d’autres acteurs en dehors de l’Accord ?

L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix. De ce fait, des acteurs maliens en dehors de l’accord de paix tels que certains membres de la CME (Coordination des mouvements de l’Entente), les milices au centre du pays et la société civile devront être intégrés dans ce pacte pour la paix. Déjà, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga a promis l’intégration de cent membres de l’association Dan Amassagou dans ce pacte pour la paix.

 

Pacte entre le gouvernement et ONU : À quelles fins ?

La signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, en 2015, entre le gouvernement, la CMA et la Plateforme, avait suscité des grands espoirs. Mais, trois ans après, les attentes restent énormes. Pour accélérer sa mise en œuvre, les Nations Unies signeront avec le gouvernement  du Mali,  ce jeudi à New York,  un Pacte pour la paix.

En marge des travaux de la 73ème session de l’Assemblée  générale de l’ONU, le gouvernement du Mali  débattra avec l’instance pour la paix mondiale des contours et du contenu du « Pacte pour la paix », qu’ils doivent signer. Même si les différentes parties signataires de l’Accord sont représentées, parleront-elles le même langage lors de ce séjour ? L’objectif de cet engagement, selon la résolution 2423 des Nations Unies, est « d’accélérer l’Accord, contribuer  à la stabilisation du Mali et renforcer  la cohérence des efforts déployés par la communauté internationale au Mali, avec l’appui de la MINUSMA ». Tout d’abord, les Nations Unies souhaitent que ce pacte « repose sur des critères convenus,  liés à la gouvernance, à l’état de droit, et à la mise en œuvre de l’Accord, en particulier de ses principales dispositions… ». Cet instrument permettra de fixer aux parties signataires des objectifs clairs et précis  qu’elles devront avoir mis en œuvre dans les six mois suivant l’investiture du Président IBK.

Pour le moment, le concept et son contenu sont sujets à discussions. Il a été au cœur de la 27ème session du CSA tenue le 18 septembre. C’est pourquoi les conclusions des échanges de New York sont fortement attendues. Pour Sidi Brahim Ould Sidat, chef de la délégation de la CMA au CSA, qui participe d’ailleurs à cette mission, « beaucoup des gens ne comprennent pas le pacte et en ont  une vision différente ». Il estime que les échanges prévus permettront de dégager une compréhension claire du concept et de ses objectifs. « Il doit se baser sur un calendrier bien défini entre les parties maliennes et c’est sur la base de celui-ci que le gouvernement prendra un engagement avec l’ONU pour la mise en œuvre du document », dit-il, précisant que si tel n’est pas le cas le document n’aura pas d’impact.

Avant lui, Me Harouna Touré de la Plateforme avait estimé que le pacte était un acte de plus et que la « sincérité » dans son respect et son application était essentielle pour la suite du processus.