Panafricanisme au Mali : Où en est-on aujourd’hui ?

L’Afrique est un continent d’histoire et de luttes acharnées pour la liberté, l’égalité et l’indépendance. De la nécessité de faire converger les efforts pour le salut commun, un concept est né : le panafricanisme. Que reste-il au Mali aujourd’hui de ce qui a été mûri avant même les pères des indépendances ?

« Nous devons maintenant nous unir où périr », disait Kwame Nkrumah en 1963 à Addis-Abeba, à l’occasion de la fondation de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Cette citation, comme une prophétie, est plus que jamais une urgente interpellation. Promouvoir l’unité et la solidarité africaine, avec une vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation des peuples, est le socle du panafricanisme. « Le mouvement est né d’une certaine atmosphère et il a été porté par un enthousiasme populaire et la forte volonté politique de certains leaders. Mais 55 ans après la création de l’OUA, il n’y a pas eu  de projets forts alimentés par l’élan donné en 63 », explique avec mélancolie Gaoussou Drabo, ancien ministre de la Communication et des nouvelles technologies et membre de la Haute autorité de la communication (HAC).

Pourtant, les icônes des indépendances comme Kwame Nkrumah du Ghana,  Modibo Keita du Mali, Sékou Touré de la Guinée pensaient avoir balisé le terrain pour la jeunesse africaine. Le Mali dans sa Constitution a toujours affirmé « son attachement à la réalisation de  l’Unité africaine », mais ce sont plutôt le spleen et l’idéalisme qui ont pris le pas sur l’action. De la flamme d’hier, Gaoussou Drabo « ne vois pas ce qui reste » aujourd’hui. « Il y a de l’héritage dans les idées, mais pas dans la réalité. Or quand les idées ne s’appuient pas sur des réalisations visibles et symboliques, cela pose problème », analyse-t-il, suggérant de commencer par un partage des objectifs économiques, comme ce fut le cas pour l’Union Européenne avec la Communauté européenne du charbon et de  l’acier (CECA). « Si on obtient le libre échange sur le continent africain et  que les économistes le développent selon les principes de la complémentarité, cela sera formidable », affirme Gaoussou Drabo, saluant l’exemple de la CEDEAO.

L’arrivée à la tête de l’Union africaine du Président rwandais est vue par certains comme le début d’une nouvelle gouvernance et des réformes nécessaires au bien-être du continent. « Ce que le Président Paul Kagamé est en train d’élaborer devrait permettre à l’UA de se prendre financièrement en charge au plan administratif », espère l’ancien ministre.

La relève ?

Malgré les désillusions, des voix très intransigeantes, comme celles de Kémi Sèba, Président de l’ONG Urgences panafricanistes et de nombreux jeunes maliens, chérissent « la seule voie qui sortira l’Afrique de l’ornière », selon Mahalmoudou Wadidié, membre du Mouvement fédéraliste panafricain (MFP). Celui-ci organise du 24 au 26 mai à Bamako la 2ème  conférence du Comité d’initiative régionale (CIR)  – Afrique de l’Ouest, sur le thème : « États africains unis dans moins d’une génération : Quelles actions de la jeunesse malienne ? », qui participe à la célébration de la Journée de l’Afrique, le 25 mai. « Nous pensons que cela sera l’occasion de faire parler la jeunesse pour qu’elle prenne conscience de son devoir de relève et formule des propositions pour le plan d’action », explique Mahalmoudou Wadidié. Sa vision est basée sur « une Afrique nouvelle, unifiée, pacifique, libre, démocratique et prospère, occupant sa juste place au sein de la communauté des peuples et du concert des Nations », les États Africains Unis (EAU), avec une gestion de la base vers le sommet. Il s’agira pour le mouvement d’organiser dans chaque pays africain un referendum invitant les citoyens à voter pour ou contre l’adhésion à la Fédération de leur État. « En décembre 2018 est prévue au Ghana une rencontre pour l’harmonisation des textes et une vision commune de la démarche, et, en octobre 2019, un grand congrès doit définir l’organisation du referendum », informe le natif de Tombouctou. Car il estime que l’Union africaine, financée encore par des fonds occidentaux est « sous contrôle et limitée. On peut s’inspirer de ce qu’ils ont fait. Il faut prendre l’avis des peuples pour le salut de l’Afrique, qui n’existera que dans l’union », philosophe Mahamadou Wadidié.

Le pari d’une Afrique unie, indépendante et respectée est à gagner. Le Mali, sous assistance internationale, devrait être plus que jamais conscient de la nécessité du panafricanisme, seule voie pour que les peuples africains aient réellement la maitrise de leur destin.

Alpha Blondy : « Seule une armée de l’Union africaine peut régler le problème du Mali »

De passage à Bamako dans le cadre de la Rentrée Littéraire, l’artiste de renommée mondiale, Alpha Blondy a accordé une interview exclusive au Journal du Mali. Toujours très engagé, portant un discours panafricaniste, le reggae man ivoirien reste fidèle à lui-même et s’exprime sans détour.

Vous reprochez très souvent à nos chefs d’État d’adopter une posture attentiste, que recommandez-vous pour que cela ne soit plus le cas ?

Comment voulez-vous vous faire respecter lorsque vous avez toujours la posture du mendiant ? Surtout que si nous étions de vrais pauvres, j’aurai compris, mais c’est nous qui rendons les autres riches, alors pourquoi en plus devons-nous avoir une attitude de mendiant. Cette posture de mendiant étatique doit s’arrêter. Il faut que nos dirigeants aient de l’épaisseur. Au-delà de cela nous avons un syndrome de Stockholm en Afrique qui fait que les Africains sont les premiers à s’attaquer à toute œuvre africaine. Parce que l’Africain a été déconstruit. Ils ont par exemple mis dans la tête de nos femmes qu’elles seraient belles avec des perruques, des poils de cadavres, ceci fait partie d’une stratégie de déconstruction de l’homme africain. Maintenant il existe un temps pour tout, et ce temps est révolu. Nos frères africains doivent savoir qu’ils sont beaux et intelligents et non bêtes. Dieu a fait de l’Afrique une terre riche, il faut donc à un moment donné que nos chefs aient de l’épaisseur pour les exploiter. Ils ne sont pas parfaits certes, mais aucun président ne l’est. Tous les pays du monde connaissent des problèmes.

Cela devrait être compliqué, vous-même estimez que 90% de nos présidents sont des marionnettes

Mais oui. La main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit. Nos présidents que nous élisons, ce n’est pas à l’Occident de les dicter ce qu’ils doivent faire. C’est à nous qu’ils doivent être redevables et non à eux.

Il faudrait une certaine indépendance pour cela?

Ça viendra. J’aime bien cette nouvelle Afrique. Elle est consciente. Quand tu as écouté les présidents Alpha Condé, Alpha Oumar Konare, Nana Akufo-Addo ou encore Paul Kagamé, tu sens que les choses sont en train de changer. Ils se sont réveillés, et c’est ce que nous voulons, pas des béni oui-oui. Si l’Union africaine n’a pas réagi suite à l’assassinat de l’un de ses membres (Kadhafi), ils peuvent venir assassiner un autre président en toute impunité. L’Union africaine doit se faire respecter.

Le président ghanéen pourrait être un exemple à suivre ?

Je suis en admiration totale devant le président ghanéen. Ce qu’il dit est vrai. Avez-vous déjà vu une télévision africaine aller interviewer un président français. Jamais. Mais la réciprocité n’est pas respectée. Tous les jours pratiquement, ce sont les médias occidentaux qui viennent s’entretenir avec nos présidents, très souvent en les posant des questions très embarrassantes. Tout cela doit s’arrêter. Lorsque des journalistes des médias africains feront des interviews avec les présidents occidentaux, là, le respect va s’installer.

Vous plaidez également pour une force africaine pour régler les conflits du continent

Comment un contient aussi grand est incapable d’avoir une coalition militaire ? La souveraineté se protège et de nos jours, elle se fait militairement. Si tu prends des éléments de l’armée malienne, nigériane, marocaine, ainsi de suite, et que des abeilles attaquent le Nord du Mali,  leur riposte fera que ceux qui vont un jour vouloir attaquer le pays à nouveau réfléchirons par deux fois avant de le faire. Il faut que l’Afrique montre ses muscles. La souveraineté se mérite, elle se protège.

Jugez-vous l’intervention française au Mali salutaire ?

Elle ne l’est pas. Cela ne fait qu’augmenter la redevabilité. Tu me dois, c’est grâce à moi que ton pays existe aujourd’hui. C’est grâce à moi que tu es au pouvoir. Cela ne peut et ne doit plus continuer

Vous êtes sensible à la question des immigrés africains, quel message aimeriez-vous lancer à cette jeunesse malienne ou africaine, à ces candidats au départ ?

On m’a souvent demandé de dire aux jeunes d’arrêter de partir. Tous les jours depuis que nous sommes petits, on nous rabâche que la France est belle. Il a étudié en France, donc il est bien. On préfère Canal à nos chaines africaines. On nous a fait croire depuis tout jeune, que, tout ce qui vient de là-bas est bon. C’est donc tout à fait normal que les jeunes veuillent y aller. Pour nos jeunes, le lavage de cerveaux commence par le cinéma. En Occident, le cinéma africain est appelé cinéma calebasse. De fait, les jeunes préfèrent les films américains ou encore français.

Même l’information, pour en attester sa véracité en Afrique, il faut dire que cela vient de RFI. Et donc si c’est RFI qui le dit, c’est que c’est vrai. C’est la mentalité actuelle. Donc si quelque part les jeunes veulent partir, voyez-vous-même. Et ils ne pourront pas arrêter le flot, 1000 pourraient mourir, que 2000 entrerons. L’Afrique c’est l’enfer et l’Occident c’est le paradis, c’est toujours le discours que l’on nous sert. Dans ce cas, ils peuvent tout essayer, mais ils ne pourront pas les arrêter. C’est le retour de boomerang. Ils ne montrent aucune bonne image de l’Afrique. Si des médias occidentaux viennent à Bamako pour faire un reportage, ce n’est pas les hôtels qu’ils vont montrer, ce n’est pas la beauté du pays, ce qui peut rendre le Malien fier, vous ne verrez rien de tout cela. Ils iront dans un quartier précaire, prendre une personne très frustrée, or des pauvres il y en a dans tous les pays du monde, et c’est à cette personne qu’ils donneront la parole. Pourquoi toujours véhiculer cette image rétrograde de l’Afrique. Pour des reportages en Amérique, ce ne sont pas les tueurs que vous verrez, mais les gratte-ciels, Miami, pourquoi ce n’est pas le cas chez nous?

Il faut un repositionnement de l’Afrique, une reconstruction de l’homme africain afin qu’il commence à s’aimer et non à se renier, lui et sa culture. Donc ni Alpha Blondy, ni Ibrahim Boubacar Keita, ni Alassane Ouattara, ni même Emmanuel Macron ne pourront arrêter cette immigration.

L’Afrique a pourtant beaucoup de potentiels ?

En Occident tout est fait. Ici tout reste à faire. Nous avons besoin de nos cerveaux. Ils disent tous que l’avenir c’est l’Afrique. Vous trouvez normal que nous ayons des Cheick Modibo Diarra, des grands techniciens qui travaillent dans les  structures à l’étranger, et que 60 ans après l’indépendance, nous soyons incapables de fabriquer un vélo. Les plus intelligents sont revenus au pays. Ils se sont rendu compte qu’ils étaient esclaves là-bas, mais un esclave qui est instruit, conscient de son niveau, retourne là où il est utile.

Vous avez été ambassadeur de l’ONU pour la paix en Côte d’Ivoire, qu’est-ce qui selon vous permettrait au Mali d’aller vers une paix véritable ?

Tous les feux ne s’éteignent pas avec de l’eau. Souvent des pare-feu sont nécessaires. Allumer des feux pour bloquer le grand feu. Il faut que l’Union africaine ait sa force, nous n’aurons plus besoin que la France vienne garantir la souveraineté de nos États. Seule une armée de l’UA peut régler le problème du Mali une fois pour toute.  L’État malien seul ne pourra pas, car des mains invisibles s’amuseront à avancer des pions.  L’UA doit absolument, impérativement créer une force d’intervention. Ce n’est pas envoyé 500 soldats qui fera évoluer la situation, mais plutôt 200.000 soldats, et là vous pourrez discuter d’homme à homme. C’est ça la solution.

 

Maroc – Mali : chantres du panafricanisme

« Je suis heureux d’être de retour chez moi ». Ces mots du Roi du Maroc, Mohammed VI, ont été prononcés le 31 janvier 2017, au lendemain du vote de sa réadmission au sein de l’Union africaine. « Réadmission », tel est bien le terme adéquat pour entériner le retour du royaume chérifien qui est depuis les années 60, et même auparavant, un chantre du panafricanisme. De fait, le Maroc est l’un des pays à avoir oeuvrer à l’avènement d’une instance continentale pour lutter pour l’indépendance des pays africains et leur développement. Ce combat a été mené par des dirigeants dont on peut citer le Roi Mohammed V, grand-père du Roi Mohammed VI, et le Président Modibo Keïta, premier président du Mali.

Les deux leaders panafricains, convaincus de l’importance d’une solidarité plus active entre les peuples africains, avaient pris l’initiative d’organiser en 1961 la Conférence historique du Groupe de Casablanca qui a joué un rôle primordial dans la création, en 1963, de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), aujourd’hui Union africaine.

« Feu Modibo Keïta et feu le Roi Mohammed V avec d’autres, ont bâti les fondements de ce qui est aujourd’hui l’Union africaine. La seule évocation de ces grands leaders nous renvoie à quelques grands moments du panafricanisme, à quelques paroles fondatrices de l’organisation continentale qui raisonnent encore, chaque fois que des questions importantes et vitales pour l’Afrique sont soulevées », déclarait d’ailleurs l’ambassadeur du Maroc au Mali, Hassan Naciri, en novembre 2016, à l’occasion de la journée de réflexion sur les enjeux du retour du Maroc dans l’UA.

JCI Bamako Etoile: les jeunes fêtent l’Afrique

A l’occasion de son assemblée générale tenue ce mercredi 8 mai, l’invité de marque de cette rencontre, l’Ambassadeur du Maroc au Mali, a échangé avec les membres et sympathisants de la Jeune Chambre Bamako Etoile sur le thème du panafricanisme. Ce thème avait tout son sens aux yeux de ces jeunes leaders qui sont conscients que dans un monde globalisé, il faut se mettre ensemble pour aller plus loin. Le panafricanisme est un idéal politique voulu par ses pères fondateurs afin de pouvoir fédérer les pays africains sur plusieurs plans. Toutefois, il demeure utopique dans la mesure o๠les Etats africains continuent à  aller en rang dispersé malgré l’existence de certaines structures symboliques à  l’instar de la CEDEAO. En ce qui concerne le Maroc, l’ambassadeur Hassan Naciri a souligné l’implication de son pays dans la création de l’Organisation de l’Unité Africaine(OUA).« Le Maroc a été présent dans le processus de la création de l’OUA à  coté du Mali, du Ghana et de la Guinée. Notre pays a joué un rôle très important dans la création de cette institution. Les premiers groupes qui ont jeté la base de l’unité africaine ». Malgré ses efforts incommensurables,le Maroc ne fait plus partie de l’OUA devenue actuellement Union Africaine(UA). Le diplomate n’a pas manqué de signaler que le Maroc est le deuxième investisseur du continent africain après l’Afrique du Sud. « Le Maroc offre 12000 étudiants venus de différents pays d’Afrique » a t-il indiqué. La coopération entre le Mali et le Maroc s’élargit dans d’autres domaines à  savoir: politique, économique et militaire. Cette assemblée était aussi consacrée à  la démonstration du club Toastmaster Bamako Elite sur le thème jeunesse et panafricanisme. Ces orateurs hors pair ont émerveillé l’auditoire par leur technique de communication. ToastMasters International (TMI) est une association à  but non lucratif internationale dont l’objectif est d’aider ses membres à  améliorer leurs compétences en matière de communication et de leadership par la prise de parole en public. La mission de TMI est de nourrir la confiance en soi de ses membres et d’encourager leur progression. Les participants se réunissent toutes les semaines pendant une à  deux heures pour apprendre à  pratiquer la prise de parole en public. La particularité est qu’il n’y a pas de formateur : les membres s’évaluent et s’aident mutuellement à  s’améliorer suivant une collaboration communautaire. la rencontre a pris fin par un cocktail. Les jeunes de la JCI Bamako Etoile ont offert à  leurs invités une dégustation de plats africains, pour coller avec le thème de cette Assemblée générale.

Spécial 22 septembre : Modibo Keita, un destin hors du commun !

Modibo Keita, un destin hors du commun l’homme qui exprimait ainsi à  l’aube de l’indépendance dans les années 60, devant le peuple malien, s’appelait Modibo Keita. Hélas ! Sept ans après le 19 novembre 1968, Modibo Keita, a été renversé par un coup d’Etat militaire dirigé par le général Moussa Traoré. Du 16 mai 1977 au 16 mai 2008, cela fait excatement 31 ans que Modibo Keita, premier président du Mali indépendant, mourait assassiné dans les geôles d’une prison sinistre. Qui était Modibo Keita ? Fils de Daba Keita et de Hatouma Camara, Modibo Keita est né le 4 juin 1915 à  Bamako-coura, un quartier de Bamako. De 1925 à  1931, il fréquente l’école primaire urbaine de Bamako. En 1931, il entre au lycée « Terrasson de Fougère » (aujourd’hui « lycée Askia Mohamed »). Trois ans plus tard, il part pour l’école normale supérieure William Ponty de Dakar o๠il passera deux ans. Modibo Keita sortira Major de cette école prestigieuse et deviendra instituteur en septembre 1938. Ses professeurs le décrirent comme un :  » instituteur d’élite, très intelligent, mais anti-français, agitateur de haute classe à  surveiller de près ». Mais Modibo Keita n’était pas anti-français mais, il était viscéralement anticolonialiste. Un physique de conquérant De grande taille (1m 98) à  tel point que le Général De Gaulle,président Français, qui le dépassait pourtant en taille, disait qu’il était le seul chef d’Etat avec qui il pouvait converser debout sans être obligé de baisser la tête. Modibo keita avait un physique d’athlète. Il émanait du personnage un magnétisme et une sincérité qui ne laissaient pas indifférents ses interlocuteurs, même les plus hostiles. L’homme avait du caractère. Sa combativité et sa ténacité trouvaient leurs justifications dans un idéal profond. Ainsi, c’est, parfois, avec acharnement qu’il défendait les causes auxquelles il croyait profondément. Pugnacité, persévérance, courage et sacrifice, sont des mots qui caractérisaient son combat politique et syndical. Par ailleurs, le militant qu’il était, savait faire preuve, de réalisme, de pragmatisme et d’imagination créatrice pour faire triompher ses idéaux d’indépendance, de justice, de liberté et de paix. Certains lui ont reproché un style autoritaire. En réalité, Modibo Keita qui ne concevait son action que dans un cadre collectif avait, en effet, une autorité naturelle qui découlait très logiquement de sa conduite irrépréhensible et de sa force de conviction. Leader charismatique, écouté sur la scène internationale, il a acquis, grâce à  son action et à  ses idées, estime, prestige et respect. Leader panafricain Ainsi, il avait le verbe haut, le nationalisme à  fleur de peau, la dignité et de la distinction dans le comportement, le non-alignement comme principe et le panafricanisme dans la tête. Le militantisme naissant Profondément ulcéré par la situation de l’Afrique sous domination coloniale, Modibo Keita a mené depuis 1937 des activités dans plusieurs mouvements et associations : Animateur du groupe « Art et Théâtre », il se moque, dans des piécettes, de la bourgeoisie et des représentants de l’autorité coloniale, pour la joie du petit peuple. Contournant l’interdiction faite aux Africains de faire de la politique, il fondera avec Mamadou Konaté, qui deviendra par la suite le « Foyer du Soudan ». Une association officiellement apolitique mais qui abordait des sujets qui l’étaient moins. Les élans de la politique Pendant la période du Front populaire en France, sur le mot d’ordre « Egalité avec les Blancs », il crée, avec le Voltaà¯que Ouezzin Coulibaly, le syndicat des enseignants d’A.O.F.. Dans une publication qu’il créera en 1943, , il critique ouvertement la société féodale et le pouvoir colonial. Toujours avec son compagnon et ancien maà®tre, Mamadou Konaté, Modibo Keita créera la Fédération des syndicats des enseignants. Son nationalisme intransigeant, son activisme politique et syndical vont le conduire en prison : Considéré comme un dangereux opposant par les Français, il sera incarcéré, en 1946, à  la prison de la Santé. C’est en 1947 que Modibo Keita deviendra le secrétaire général du premier bureau de l’US-RDA, section soudanaise du R.D.A. (Rassemblement Démocratique Africain) dont il fut l’un des fondateurs. Une année plus tard il obtient un siège à  l’Assemblée territoriale. Le 10 octobre 1953, il est élu membre de l’Assemblée de l’Union française. Mandats politiques Le 26 novembre 1956 Modibo Keita est élu maire de Bamako. C’est aussi l’année o๠il entre à  l’Assemblée nationale française dont il sera le premier vice-président africain. Il participe à  l’élaboration de la loi-cadre Defferre et sera, deux fois, ministre à  Paris (Secrétaire d’Etat dans les gouvernements Bourgès-Maunoury et Gaillard en juin et novembre 1957). En 1958, il devient président de l’Assemblée constituante de la Fédération, puis président du Conseil après les élections de mars 1959. Le tournant de l’histoire : 22 septembre 1960 Le 20 juillet 1960 Modibo Keita devient d’abord le chef de gouvernement de la Fédération du Mali rassemblant le Soudan (actuel Mali) et le Sénégal. Puis, le 22 septembre 1960, après l’éclatement de la Fédération, Modibo Keita deviendra le premier président de la jeune république du Mali. Une date, un homme, un destin Au lendemain de l’éclatement de la Fédération du Mali, la déception était grande. L’U.S.R.D.A. organisa un congrès extraordinaire le 22 septembre 1960 pour proclamer l’indépendance du Soudan qui va prendre le nom du grand empire flamboyant du Moyen-à‚ge : Mali. Cette proclamation eut lieu dans un climat d’euphorie nationale. L’événement fit l’objet de fêtes populaires dans un enthousiasme extraordinaire. La même émotion et le même enthousiasme régnaient quelques heures plus tôt dans la salle o๠se réunissait le congrès. Les congressistes, debout, firent une ovation délirante lorsque Modibo Keita prononça son discours : le règne du panafricanisme En 1963, Modibo Keita est l’un des rédacteurs de la charte de l’O.U.A. (Organisation de l’Unité africaine) dont il fût l’un des principaux artisans. C’est aussi l’année o๠il reçoit le prix Lénine international. Le 13 mai 1964, le peuple assiste à  la réélection de Modibo Keita à  la présidence de la république. Une légende est née !

Doumbi Fakoly : défendre le monde noir à tout prix

l’Afrique, le monde noir, la jeunesse, Dieu, le racisme… La plume de Doumbi-Fakoly ne tarira jamais. En tout cas, tant qu’il existera sur cette terre des injustices infligées à  l’Afrique et au monde noir. « Morts pour la France » est le premier récit historique écrit par l’auteur en 1983. Il se penche sur l’apport des tirailleurs sénégalais et dénonce « l’hypocrisie » d’une France envers des hommes qui ont payé de leur sang une guerre qui se passait loin du continent africain. Un écrivain prolixe, mais controversé Après ce premier essai, le panafricaniste alterne romans et essais. Il a aujourd’hui à  son actif plus d’une trentaine d’ouvrages. Parmi lesquels, « La retraite anticipée du guide suprême, l’Harmattan 1984 », «Bilal le Prophète, Panafrica Plus, Ottawa 1992 », « Le Mali sous Alpha Oumar Konaré, Silexouvelles du Sud, Paris/Yaoundé 2002 », « La colonisation, l’autre crime contre l’Humanité, Menaibuc 2006 » etc. l’adepte du Kémitisme (la religion traditionnelle africaine qui tire ses origine dans l’Egypte Antique), s’est beaucoup investi dans des essais sur la religion. En 2004 il publie « l’Origine négro-africaine des religions dites révélées », puis en 2005, « l’origine biblique du racisme anti-noir ». Dans ces deux essais, Doumbi s’attaque à  la Bible et au Coran. Selon lui, ces livres Saints comporteraient des passages racistes. Il n’en reste pas là . Il sort plus tard, un autre essai qu’il appelle « La Bible en Procès ». Il propose d’introduire la Bible en procès pour les mêmes passages qu’il juge racistes. Dans son dernier livre intitulé « l’Islam est-il une religion pour les Noirs ? », Doumbi-Fakoly défend avec fermeté la religion négro-africaine. « Toujours imitée, mais jamais égalée, la vision Négro-africaine du monde est la plus aboutie », soutient-il en quatrième de page. Selon lui, l’Islam comme le Judaà¯sme et le Christianisme, sont des mauvais ersatz. C’’est pourquoi il invite les futures générations en ces termes : «Jeunesse du Monde Noir, la résurrection de ton peuple dépend de ta volonté à  opérer les remises en question essentielles et à  les assumer. Le retour à  la maison s’impose à  toi avec force ». A la recherche de l’identité noire… Dans sa conviction, l’auteur estime que le combat pour l’identité de l’Afrique et du Noir doit être celui des noirs du continent et de la diaspora. Il n’hésite pas à  dénoncer les injustices causées par les dirigeants africains à  leur peuple. C’’est ainsi qu’il a dénoncé la gestion du Pouvoir des deux présidents maliens après la chute du régime militaire. « J’étais venu en vacances au Mali. Tous les jours, je voyais les élèves retourner avant midi. J’ai demandé et on m’a dit qu’il y avait grève. Pendant tout le reste de mon séjour, les élèves n’ont pas étudié et J’ai constaté que l’école malienne était vraiment malade », s’indigne l’auteur quand il parle de l’éducation de son pays d’origine. C’’est ce constat qui lui a d’ailleurs inspiré « Le Mali sous Alpha Oumar Konaré ». Dans cet ouvrage, il fait une analyse critique de la gestion d’Alpha Oumar du pouvoir politique. Un observateur politique Il en fait de même après le premier mandat d’Amadou Toumani Touré. l’auteur dit avoir écrit ce livre à  mi-parcours, pour permettre à  l’actuel locataire de Koulouba de corriger sa politique au cours de son second mandat. A chaque fois que des questions se sont posées sur le plan politique, il a toujours apporté sa contribution à  travers les médias ou des conférences. Il est aussi bien sollicité dans les Caraà¯bes, qu’en Europe ou par la jeunesse africaine. Notamment à  Kati, ville de naissance en 1944 de ce panafricaniste convaincu et qui anime au moins deux fois par an des conférences-débats. Vivant en France, il est employé à  Paris. Et malgré son oeuvre prolifique, l’écriture reste un loisir pour lui.