École publique : Le cadet de nos soucis ?

Depuis le 19 décembre 2018, une série des grèves des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 paralysent l’école publique malienne dans  l’enseignement préscolaire, fondamental et secondaire. Les négociations entamées n’ont pas encore abouti à un accord définitif et, avec les évacuations des écoles privées par l’AEEM, le risque d’une année blanche se précise. La décision des syndicats, après leur rencontre avec le Premier ministre le samedi 16 mars, sera déterminante, à un moment où la mobilisation de la société civile croît  pour dénoncer ce bras de fer sur le dos des enfants.

« Ça me touche vraiment d’être à chaque fois à la maison. Ça fait des semaines qu’on n’étudie pas à cause de la grève. On ne pourra pas terminer nos programmes, ce qui va jouer sur notre niveau », confie Amadou Diarra, élève en 10ème au lycée technique de Bamako. En 2018, il a été admis au Diplôme d’études fondamentales (DEF), avec la moyenne de 18,17, devenant ainsi le premier national. Quelques mois plus tard, il participe au camp d’excellence qui réunit chaque année à Bamako les meilleurs élèves de toutes les régions du Mali et a la chance d’être félicité par le Président la République Ibrahim Boubacar Keita au palais de Koulouba. Aujourd’hui, comme des milliers d’enfants, ce petit génie est au bord de la désillusion, contraint de rester à la maison. La grève séquentielle déclenchée le 19 décembre 2018 par les syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016, prolongée jusqu’au 5 avril, n’a pas connu son épilogue. Si au début la situation n’émouvait pas la majorité des acteurs, de plus en plus des voix s’élèvent pour sonner l’alarme. En attendant, les obstacles demeurent.

L’impasse ?

Sur les dix points de revendications des syndicats, sept ont fait l’objet d’un accord. Après des rencontres sans succès avec la ministre du Travail et de la fonction publique, chargée des relations avec les institutions, les syndicats ont rencontré le samedi 16 mars le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga. Celui-ci a fait des propositions. « Il y a trois points de blocage : la prime de logement, la relecture du décret 529/P-RM du 21 juin 2013 portant allocation d’indemnité au personnel chargé des examens et concours professionnels en ses articles 1,2 et 3 et l’accès des enseignants fonctionnaires des collectivités aux services centraux de l’État », rappelle Ousmane Almoudou Touré, secrétaire général du bureau exécutif du Syndicat national des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales (SYNEFCT), membre de la synergie. « Sur la prime de logement, le Premier ministre a accepté le principe, mais pense qu’il ne peut pas nous faire une offre chiffrée avant la fin du deuxième trimestre. Sur le point concernant l’accès des fonctionnaires des collectivités aux services centraux, il est plus ou moins d’accord avec le principe, mais demande qu’on installe cadre de travail pour voir alternativement quels sont les articles à revoir. Le troisième point, en guise de concession et de bonne foi, les syndicats sont disposés à le mettre de côté », rapporte le secrétaire général, qui indique que les bureaux nationaux réfléchiront les deux jours suivants la rencontre pour donner suite à ces différentes propositions.

Au ministère de l’Éducation Nationale, la question est sensible. « Aujourd’hui, c’est l’impasse. Le fait que l’école ne marche pas est plus un casse-tête pour nous que pour les autres. Dans toute lutte syndicale, tu prends ce que tu as obtenu et tu continues le travail. Mais dire tout où rien, surtout pour qui connait les réalités du Mali, c’est vraiment une manière de bloquer le système », proteste Mamadou Kanté, directeur national adjoint de l’enseignement fondamental. Il précise que leur « responsabilité est de mettre en œuvre la politique éducative. Cela embrasse tout le domaine, depuis les infrastructures et les matériels pédagogiques. La gestion du personnel est assurée par d’autres départements ».

Selon lui, si les deux camps parviennent à s’entendre, « il peut y avoir des possibilités des cours de remédiation ou de décalage des dates de fermeture, mais si chacun campe sur ses positions, l’espoir n’est plus permis », s’inquiète le directeur adjoint. Une urgence que reconnait le secrétaire général du SYNEFCT. « Même si la grève devait prendre fin aujourd’hui, il faudra prolonger l’année scolaire jusqu’à mi-juillet ou fin juillet pour rattraper le temps perdu. Mais si on continue encore deux semaines, ce sera très compliqué. C’est à l’État de décider ».

Le temps de l’action

« Les enfants à l’école et non dans la rue », « Un peuple sans éducation est un peuple sans avenir », ou encore « Trop c’est trop ». Tels sont certains messages des affiches brandies par les femmes de la plateforme Am be Kunko (Notre affaire à tous) samedi dernier devant la Bibliothèque nationale à Bamako. Un premier meeting pour interpeller les acteurs de l’école malienne sur la longue attente des élèves. « Nous avons organisé ce meeting à cause de la situation des enfants, parce qu’ils ne vont pas à l’école. Nous n’avons pas besoin d’une année blanche », se justifie Madame Coulibaly Moiné Dicko, présidente de la plateforme. Pour cette mère ayant quatre enfants à l’école, « les lignes doivent bouger. Il s’agit pour nous de dire au gouvernement que nous sommes inquiètes pour l’avenir de nos enfants. Ce sont les mamans qui paient les inscriptions et notre combat d’aujourd’hui est juste», plaide-t-elle.

Au même moment, d’autres femmes leur emboitent le pas pour que les élèves retrouvent le chemin de l’école. « Nous avons constitué le collectif des mamans pour sonner l’alarme et nous comptons organiser une marche blanche ce samedi. C’est pour dire au gouvernement et aux maitres d’arrêter de prendre nos enfants en otage », annonce Fatoumata Coulibaly, présidente du collectif. Alors que l’année scolaire tend dangereusement vers sa fin, ces femmes sortent désormais du silence pour secouer les décideurs.

« J’ai mon fils qui est à la maison et qui doit passer le DEF cette année. Il a commencé l’année motivé, tellement fier de pouvoir passer cet examen à 12 ans! Mais c’est décourageant de voir qu’il ne le pourra peut-être pas ». Elle renchérit : « c’est lui d’ailleurs qui m’a appelé pour me dire Ma, on nous a encore fait sortir. Qu’est-ce que vous pouvez faire pour qu’on reste en classe ? ». C’est une question qui m’a fait mal, parce que nous sommes censés être les protecteurs et qu’il est encore plus désolant que les parents soient restés sans réagir jusqu’à présent », se désole la présidente du collectif.

L’école, le cadet des soucis ?

« L’école, c’est notre sacerdoce, c’est vraiment une  priorité pour nous. Malgré la crise que nous connaissons, environ 37% du budget alloué à l’éducation est resté intact. Mais il faut reconnaitre également qu’à cause de la crise, d’autres priorités sont venues nous tordre la main et nous forcer à mettre l’accent sur d’autres aspects que l’école seulement », souligne Mamadou Kanté. Un langage que les parents d’élèves et les syndicats peinent à croire.

« Pendant les négociations avec la ministre du Travail, elle n’a pas cité parmi les priorités du gouvernement l’éducation. Nous le lui avons rappelé. En tant que syndicats d’enseignants, nous mesurons toute notre responsabilité. Nous savons que les semaines perdues auront un impact sur les enfants, mais si chacun y met du sien, nous pouvons encore rattraper le temps perdu », insiste le secrétaire général du SYNEFCT. C’est dans ce contexte d’immobilisme et d’une école délaissée que le mouvement SOS école, composé d’activistes, d’influenceurs, d’associations et de leaders d’opinions est né. « Nous avons senti que les gens ne s’intéressaient pas beaucoup à la grève qui frappe l’école, qui est l’avenir des enfants (…). En mettant  l’avenir de toute une nation en danger, on se demande si l’école est une priorité », se demande Ibrahima Khalil Touré, membre actif de ce mouvement qui se veut  « apolitique », avec pour seule « ambition la réouverture des classes ». Pour Fatoumata Coulibaly, la négligence dont souffre ce domaine primordial pour le pays est de trop. « Nous ne devions pas en arriver là et attendre que les femmes s’agitent pour que le Premier ministre reçoive les maitres. Je suis désolée », dit-elle, irritée.

Pour la plupart de ces acteurs, il ne s’agit plus aujourd’hui de sauver seulement une année, mais de sauver l’école malienne en opérant une réforme approfondie du système éducatif né en 1962. Mais au regard des tables rondes et séminaires tenus sur le sujet, le  problème n’est-il pas finalement les hommes, et non les textes ?

Mines : Grève chez les contractuels du secteur

Ils étaient dans la rue tôt ce lundi matin pour manifester leur mécontentement au département des Mines. Eux, ce sont les contractuels du secteur minier, précisément de l’autorité pour la prospection de la recherche pétrolière au Mali(AUREP), du programme de développement des ressources minérales(PDRM), de la cellule de la planification et statistique(CPM, de la direction nationale de la géologie et des mine(DNGM). Les griefs formulés par le secrétaire général du comité syndical de la section des mines et de l’industrie (SECNAMI), Check Tidiani Fofana sont entre autres le retard de paiement de cinq mois d’arriérés de salaires et de primes, la revue du statut de l’Aurep : «Depuis le mois d’avril dernier, les travailleurs contractuels n’ont pas reçu, un franc de salaire » explique Fofana. L’AUREP, selon lui n’a pas d’autonomie financière et dépend des appuis financiers des exploitants miniers. A cause de la crise, ces sommes qui font fonctionner ces structures minières ne tombent plus régulièrement. Il revient donc au ministère de voler au secours des travailleurs contractuels. Sollicité à  plusieurs reprise, le ministre des mines Boubou Cissé n’a pas su répondre aux doléances des travailleurs laissant son chef de cabinet recevoir les représentants des syndicats dont Cheich Tidiani Fofana au mois d’avril dernier. Colère des contractuels Au terme de cette rencontre, il avait alors été convenu de faire un suivi trimestriel pour décanter la situation. Mais depuis ce jour poursuit Fofana, C’’est le statu quo depuis le mois d’août. Enfin de compte, le ministre en personne a reçu les représentants des syndicats. Boubou Cissé a été clair en disant qu’il n’y avait pas de solution immédiate sauf une requête par écrit au ministre des finances pour solliciter un appui financier. La réponse de Mme Bouaré Fily Sissoko, a ensuite jeté l’huile sur le feu. Selon le secrétaire général du comité syndical de l’AUREP, elle aurait proposé de réduire leurs salaires de 50% avant d’ajouter que si le problème persistait, il faudrait procéder à  un licenciement des contractuels en remplacement, car ils émargent dans le budget de l’Etat. Cette proposition de la ministre a provoqué la colère des contractuels : « Nous sommes des contractuels, on ne peut pas réduire nos salaires, ni nous licencier ainsi. Jeudi prochain à  15h, il est prévu une nouvelle rencontre entre le syndicat et le ministre Boubou Cissé.

La grève des agents paralyse les structures sanitaires

Suite à  l’échec des négociations entre le Syndicat national de la santé, de l’action sociale et de la promotion de la famille et le ministère de la santé, l’ensemble des structures sanitaires du Mali ont déclenché ce lundi 8 juillet une grève de 48 heures. Il s’agit pour eux de protester contre la remise en cause par le gouvernement de certains de leurs acquis. Les grévistes menacent de prolonger le mouvement jusqu’à  satisfaction totale de leurs doléances. Conséquence, les malades sont laissés à  eux-mêmes. A l’hôpital Gabriel Touré, les malades sont révoltés contre les agents de la santé mais aussi le gouvernement pour être à  la base de la situation. Nous avons rencontré Aminata Diarra avec son enfant dans un état critique. « On m’a dit que les médecins sont en grève pour deux jours. Mon enfant est malade, il a des convulsions, je ne peux entendre deux jours! Ces agents ne doivent pas faire ça , ils doivent songer à  nous d’abord avant de prendre une telle décision, mais Dieu est grand » se lamente–t-elle. Le service minimum est pourtant assuré. Mais le dispositif est trop faible pour prendre en charge les cas, même les plus graves. Les médecins ne délivrent pratiquement aucune prestation, provoquant la colère des patients. A signaler qu’ « un petit incident » est survenu au sein de l’hôpital Gabriel Touré hier lundi. Lanceni Konaté, le directeur général du CHU a mis à  la porte les grévistes qui voulaient manifester dans la cour de l’hôpital. Cet incident a marqué les esprits des usagers qui ont vu ces agents de la santé sortis manu militari comme des malpropres. Le directeur a déclaré avoir agit en conformité aux textes relatifs à  l’exercice du droit de grève dans les services publics. « Je n’ai fait qu’appliquer la loi. Selon l’article sur le droit de grève, les personnels qui se mettent en grève doivent évacuer les locaux et ne pas porter atteinte à  la liberté du travail » martèle t-il. Les doléances du du SNS-AS-PF Les revendications portent essentiellement sur l’adoption et l’application d’un chronogramme de discussions autour des résolutions du 12e congrès du syndicat, le respect de l’esprit d’attribution de ristournes et autres primes de motivation et leur extension à  l’ensemble des structures socio-sanitaires génératrices de revenus. s’y ajoutent la mise en œuvre immédiate des différents engagements pris par les autorités dans les procès verbaux de la conciliation des structures relevant du SNS-AS-PF, de même que le respect strict des critères de sélection et des propositions de la commission pour le choix des agents pour le pèlerinage. Ce n’est pas tout, les blouses blanches et les agents de l’action sociale exigent la satisfaction sans délai de la mise en œuvre intégrale de la convention hospitalo-universitaire et son respect selon les spécificités des missions assignées au CHU conformément à  la pratique internationale y compris dans la sous région africaine.