Pédro Kouyaté, le chant du chasseur

« J’aime le côté gnawa, le bordel, les verres cassés… ». Avec son sourire ravageur d’enfant terrible, le Malien Pedro Kouyaté, quarantaine alerte, s’impose en homme libre. Libre est sa musique ; libre sa stature ; libre son discours… Sur la scène Mandingue du festival Musiques Métisses, du 17 au 19 mai dernier, à  Angoulême, ce « sans étiquette », virtuose du kamele ngoni (le « luth des griots »), esprit à  la voix éraillée, a laissé libre cours à  ses harmonies intérieures, à  ses dissonances, sa joie, sa foi et son chamanisme, sublimés par l’écrin de son groupe, le Mandinka Transe Acoustique : Nelson Hamilcaro à  la basse, Florent Dupuit au saxophone, Renaud Ollivier à  la batterie. Inouà¯e, sa musique prend source à  celle, mystique, des chasseurs mandingues, dans le village de sa mère, à  300 km de Bamako. « Au gré d’initiations, de rites multiples, à  force de patience, J’ai intégré leur confrérie secrète » confie-t-il. Et Pédro aux yeux de braise, Pédro l’intarissable, de narrer la magie envoûtante et détaillée de cette société, que les gens de la ville considèrent parfois comme un rassemblement de « bouseux » : « Lors des veillées de chasse, ils transposent le chant des oiseaux, les attitudes animales. Moi-même, sur scène, J’effectue des pas de danse de bêtes : la girafe, le faisan… A la manière des fables de la Fontaine, nous décrivons les animaux, pour traduire les comportements humains ». Quant à  la musique des chasseurs, elle possède l’âme : « Cette musique, C’’est celle de la terre : chamanique, bouddhiste… Tout est dedans. à€ travers, elle, l’Afrique entière te prend aux tripes. » Une musique sans ornières à€ partir de cette souche, Pédro construit son arbre, plein de feuilles qui bruissent au vent. Aux côtés de grandes stars de la musique mondiale, il a fait ses armes : au sein du Symmétric Orchestra de Toumani Diabaté ; aux côtés de Boubacar Traoré, aux percussions ; ou encore en compagnie d’Archie Shepp… Soit, au total, quasi deux décennies à  effectuer ce qu’il appelle son « étude de faisabilité », avant de lancer son propre projet en 2007. Dans son Mandinka Transe Acoustique, tout l’irrigue : les envolées free jazz, les ballades hypnotiques o๠vient scander sa voix et accoster sa poésie, les digressions électriques du kamale ngoni… Comme un chasseur en goguette, libre de tous mouvements, il traque les sons du monde, collectés dans sa besace. Dans son bouillon éclectique et profondément original, il synthétise les racines, modernise le son de la terre, celui du feu, de l’eau, de l’air : « les choses essentielles de la vie, celles qui reviennent et ne se perdent jamais », résume-t-il. Désireux de rester à  l’écart du showbiz et des carcans de l’industrie musicale, Pédro Kouyaté, trois albums à  son actif (One, Twoyou et Live) fait tout lui-même : promo, communication, contact des journalistes… Surtout, entre un concert dans la célèbre salle parisienne du New Morning et une tournée au Japon, il continue inlassablement, à  se produire sur cette scène qui l’inspire tant, qui répond à  l’appel de sa liberté : les couloirs du métro… Parce que « la parole mange l’homme », Pédro ne saurait trop s’engager politiquement, même si, comme ses compatriotes, il en appelle à  l’unité de son pays. l’essentiel est ailleurs : dans son attitude sans faux-semblants, dans sa puissance d’interprétation, dans son énergie contagieuse, dans sa nature sauvage et sans ornière, propice à  l’émergence de toutes les rêveries, de toutes les créations…

Le vieux Pedro, seul Blanc resté à Ségou

« Il faut bien mourir quelque part », commente-t-il avec sérénité. Pedro a ses habitudes. Un matin sur deux, il s’installe dans la cour intérieure d’un hôtel de la ville située à  270 km au nord-est de Bamako, doté du wifi, pour consulter internet sur un très vieil ordinateur portable qui semble dater des premières heures de l’informatique. Un serveur apporte aussitôt un café noir, « voici monsieur Pedro! ». Il allume une cigarette blonde, qu’il fume à  la chaà®ne, lance un programme de musique classique d’une radio catalane et puis consulte, lentement, El Paà¯s, Le Monde, le Times. « Ils sont tous partis, tous les autres Blancs. Je n’ai pas peur, c’est comme ça », raconte simplement ce Catalan, ancien économiste à  Barcelone, qui parle un bon français d’une voix basse, depuis longtemps à  la retraite. « Ceux qui travaillaient dans des projets de développement, pour les ONG, les patrons d’hôtels ont quitté, je me suis retrouvé seul blanc, avec les Africains ». La fuite précipitée des Blancs est intervenue à  la suite des menaces des islamistes qui se sont déclarés prêts à  frapper partout au Mali, après le début de l’offensive militaire française contre leurs positions, dès le 11 janvier. L’ambassade espagnole à  Bamako a bien essayé de lui faire quitter Ségou, à  peine à  100 km au sud de Diabali, prise quelques jours par les jihadistes. « Ils m’envoyaient des SMS, il faut prendre des précautions monsieur Pedro, et puis après, il faut quitter!. N’insistez pas, je leur ai dit, je reste ». Arrivé à  Segou il y a six ans, Pedro Ros est voyageur depuis longtemps. « C’est ici ma vie » « Depuis tout petit, j’avais envie de découvrir l’Afrique. J’ai traversé le Maroc, le Sahara, la Mauritanie, le Sénégal. . . jusqu’au Cameroun. Et puis le Mali, Gao, Tombouctou, l’habituel trajet, et je me suis dit, tiens, ça c’est un bon pays, c’est ici ma vie ». Il travaille alors pour la Croix-Rouge malienne, sur un projet de sensibilisation consacré aux mutilations génitales des femmes (« Je ne connaissais rien de ce problème »), puis se lance dans la construction d’une école avec une aide de l’Espagne. « Nous l’avons fait, ca fait deux ans que ça marche, à  Mouni, dans la zone de Bobofing, au sud-est de Segou ». Il est sur un autre projet d’installation d’un moulin à  grains, dans un pays o๠la population, à  85% rurale, reste très pauvre. Pedro, à  la voix murmurante, semble un peu fatigué. Il n’écrase pas ses mégots dans le cendrier, il se contente de les déposer. . . Il ne retourne plus en Espagne, il n’a plus de famille, si ce n’est un cousin en Galice, et une cousine aux Etats-Unis. Sa famille est africaine, à  Ségou. « J’ai épousé une Malienne, qui s’appelle Genevière car elle est chrétienne, nous avons un enfant qui aura bientôt deux ans, Kim Pedro ». Le serveur lui apporte un petit déjeuner, sans qu’il ait à  le commander. On pose une serviette sur la tasse de café, pour éviter les mouches. Pedro prend le temps de se raconter, il n’est pas pressé de manger. A 77 ans, il semble avoir tout son temps. Pour les soins, il va « de temps en temps à  l’hôpital, pour un palu ». Quant à  ses dents plutôt abà®mées, il est vrai que « les dentistes de Ségou ne sont pas les meilleurs ». . . . « Je me tiens informé de l’actualité, mais, finalement, je ne comprends rien à  la marche du monde », reconnaà®t-il. Il ne va plus à  Bamako: « c’est de la folie là -bas, trop de monde ». En location, il a même le projet d’acheter un terrain et faire construire une maison. Sa retraite espagnole tombe régulièrement, mais il a oublié comment convertir les francs CFA en Euros. Après trois heures de lecture en musique, il part retrouver sa famille et « déjeuner à  l’africaine ». Après son départ, un jeune serveur s’exclame: « Ah! Monsieur Pedro, il va mourir au Mali! »

Côte d’Ivoire : Une nouvelle usine de cacao à San Pedro

l’infrastructure a été inaugurée ce week-end par le ministre ivoirien du plan et du développement, Paul-Antoine Bohoun Bouabré. Elle a eu lieu pendant l’ouverture officielle de la campagne cacaoyère 2010/2011 dans la capitale économique Abidjan. Le prix d’achat indicatif du cacao aux planteurs de Côte d’Ivoire, premier producteur mondial, a été fixé hier vendredi 1er octobre à  1 100 CFA le kg. Une première dans ce pays o๠le kilo n’avait jamais dépassé 1000 francs. Le président du comité de gestion de la filière café-cacao, Gilbert Anoh explique que cette montée du prix profitera forcément aux planteurs qui en bénéficieront à  plus de 60%. Il précise cependant qu’il s’agit de planteurs sérieux et travailleurs qui font de l’excellent cacao bon pour la vente. Une usine flambant neuve A San Pedro, on est heureux de disposer d’une usine digne de ce nom. les populations l’attendaient depuis plus d’une décennie. La réalisation de l’usine Saf «cacao-choco-ivoire» était logique puisque la côte d’ivoire est le premier producteur mondial de cacao. l’usine permettra une transformation quotidienne de plus de 50 000 tonnes de fèves de cacao, en produits semi-fini destinés aux chocolatiers. Le ministre Bouabré précise : «Â dans la décennie à  venir, nous avons l’ambition de transformer toute la production ivoirienne. Aujourd’hui, on va atteindre 40 % avec les unités qui se mettront en route, et d’ici une dizaine d’années, il faudra tout transformer. Je pense que C’’est tout à  fait possible. Il suffit que les opérateurs économiques nationaux se mettent en partenariat avec ceux qui ont l’expérience du broyage, de la transformation pour que les opérations qui ne sont plus indispensables dans les pays consommateurs se fassent ici. C’’est la seule façon pour nous de progresser véritablement ». Notons que l’usine a commencé à  fonctionner dès son inauguration. Elle emploie plus d’une centaine de personnes. Elle relance ainsi l’espoir d’une production longtemps effritée par la crise politique qui a fait chuter l’économie du pays pendant près d’une décennie.