3 questions à Pierre Boilley, Historien

L’Azawad, est-ce un espace théorique ou réel ?

C’est une région qui est un peu au nord d’Araouane dans la région de Tombouctou. L’Azawad représentait la région de Kidal dans l’esprit de beaucoup de rebelles mais ça pouvait être extensif jusqu’à toute la partie saharienne. Le MNA et ensuite le MNLA ont repris cette appellation d’Azawad et en ont fait la base d’un territoire dont ils ont fini par réclamer l’indépendance.

 Est-ce que le concept de l’Azawad est compatible avec un Mali unitaire ?

C’est compatible à partir du moment où il n’y a pas de revendication d’indépendance. Ça l’est moins évidemment s’il y a une partition du pays. On pourrait imaginer un État malien qui accepterait une forme de multinationalisme et donnerait à chacun une sorte d’autonomie. Dans sa version centralisée, on voit que ça ne marche pas très bien. Je pense que s’il y avait plus de possibilités de décisions locales, les choses pourraient être plus faciles pour l’État.

 N’est-ce pas avant tout une revendication chère aux mouvements armés plus qu’aux populations du Nord ?

Actuellement, oui, on peut le dire. En 2012 quand il y a eu la déclaration d’indépendance de l’Azawad, on voyait bien que cela concernait surtout les mouvements rebelles et c’était avant tout des Touaregs de Kidal. Mais il y a aussi, dû au passé, une certaine frayeur de l’État malien et de l’armée malienne. Cette revendication d’indépendance n’est pas sortie ex nihilo. Il y a quand même quelque chose envers cet État centralisateur, unitaire qui n’accepte pas trop clairement le multiculturalisme. Il y a un fossé culturel et mental.