Référendum au Burundi : Nkurunziza, seul maître à bord ?

C’est ce 17 mai que les Burundais sont appelés aux urnes pour se prononcer sur le référendum constitutionnel. Un scrutin controversé qui pourrait aboutir au renforcement des pouvoirs du Président Pierre Nkurunziza qui pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2034.

Une forte mobilisation des 4,8 millions d’électeurs, c’est ce que souhaite les autorités burundaises pour offrir une légitimité à ce referendum qui ne fait pas l’unanimité. Les principaux enjeux de ce scrutin sont le maintien au pouvoir du président burundais et le renforcement de ses pouvoirs. Alors que l’actuel texte interdit qu’un président reste au pouvoir plus de dix ans, le nouveau si il est voté permettra à Nkurunziza de rester au pouvoir jusqu’en 2034.
Autre enjeu : le respect des termes de l’accord d’Arusha signé en 2000 après la guerre civile. Même si les quotas ethniques prévus dans cet accord restent valables, le dernier mot revient au président face au Parlement. Et le président ne sera plus obligé d’avoir dans son gouvernement les représentants de tous les partis ayant obtenu 5 % des suffrages aux législatives. Aussi, la majorité des 2/3 indispensables pour le vote des lois à l’Assemblée est ramenée à la majorité absolue.
Ce referendum, contesté par les opposants et certains acteurs de la société civile et sans la présence d’observateurs, est aussi dénoncé par les responsables de l’Union Africaine. Dans un rapport publié avant la tenue du scrutin, l’ONG Human Rights Watch, a fait état d’une campagne d’intimidation organisée par le gouvernement pour pousser la population à voter en faveur du « oui ».
Arrivé au pouvoir en 2005, le président Burundais pourrait y demeurer jusqu’en 2034, grâce aux nouvelles reformes envisagées.
Le Burundi connaît le cycle de violences politiques depuis la décision du président Burundais de se représenter en 2015 pour un troisième mandat. Avec les reformes envisagées, il aurait ainsi la possibilité de se présenter pour deux autres mandats de 7 ans chacun.

Burundi : Le divorce d’avec la CPI consommé

En promulguant la loi, Pierre Nkurunziza a mis son pays sur le chemin du retrait de la CPI, à un moment où la juridiction internationale n’est pas en odeur de sainteté auprès des pays africains. Le processus prendra un an.

« La République du Burundi se retire du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) adopté à Rome le 17 juillet 1998 », peut-on lire dans la loi promulguée, hier mardi 18 octobre, par le président burundais, Pierre Nkurunziza. « La présente loi entre en vigueur le jour de sa promulgation », indique le texte. De toute évidence, le Burundi est engagé sur le chemin d’un retrait de la Cour pénale internationale (CPI), après que la juridiction a ouvert une enquête sur les violences générées par la décision de M. Nkurunziza de briguer un troisième mandat, et qui ont tué environ 500 personnes et  poussé de milliers de burundais sur le chemin de l’exil.

C’est la première fois qu’un pays africain décide de se retirer de la CPI. Pour Sidiki Kaba, actuel ministre sénégalais de la Justice et président de l’assemblée chargée des délibérations à la CPI, « Le retrait d’un Etat (…) constituerait un recul dans la lutte contre l’impunité ».  Ce n’est, en effet, que le début du processus  car selon le Statut de Rome, qui a institué la CPI, «Le retrait prend effet un an après la date à laquelle la notification a été reçue, à moins que celle-ci ne prévoie une date postérieure ».

Poursuites internationales

L’année dernière, les chefs d’Etat de l’Union africaine avaient proposé une sortie en bloc de la CPI à laquelle ils reproche de ne poursuivre que des dirigeants africains. La CPI est accusée de rendre une justice deux poids, deux mesures. C’est pourquoi, lorsqu’un mandat d’arrêt a été émis contre Omar el-Béchir, le Président du Soudan, les pays africains ont refusé de l’exécuter. Jean Ping, alors président de la commission de l’Union africaine, avait estimé que « la justice internationale n’applique ses règles qu’en Afrique, comme il ne se passait rien ailleurs. ».

Le fait est que de 2003 à nos jours, les poursuites engagées ont concerné des crimes commis en Afrique. « Cette Cour dont le financement est assuré à plus de 70% par l’Union européenne est devenue un instrument de pressions politiques sur les gouvernements des pays pauvres ou un moyen de les déstabiliser », peut-on lire dans le communiqué du porte-parole du gouvernement burundais, Philippe Nzobonariba, le 6 octobre.

En effet, le 25 avril 2016, la CPI a ouvert un examen préliminaire sur la situation au Burundi en crise depuis avril 2015 : «Mon bureau a examiné un certain nombre de communications et de rapports faisant état de meurtres, d’emprisonnements, d’actes de torture, de viols et autres formes de violences sexuelles, ainsi que des cas de disparitions forcées », avait annoncé Fatou Bensouda, la procureure de la CPI.

Mais, le retrait de la CPI signifie-t-il la fin des poursuites ? Non, pas forcément si l’on en croit l’article 127 du Statut de Rome qui stipule que « Le retrait n’affecte en rien la poursuite de l’examen des affaires que la Cour avait déjà commencé à examiner avant la date à laquelle il a pris effet ».

Burundi, Nkurunziza enferme ses élèves

Au Burundi, le régime autoritaire de Pierre Nkurunziza se durcit chaque jour davantage, au point qu’il ne fait plus de quartier à ses ennemis.

C’est entendu, Pierre NKurunziza fait désormais partie de la kyrielle de dictateurs qui terrorisent leur peuple et qui n’hésite pas à tripatouiller la constitution de son pays pour ancrer son pouvoir dans la durée, poussant ainsi le pays sur le chemin du désordre et de la violence. Depuis le 27 mai, tout le pays est agité par une affaire qui aurait prêté à sourire sous d’autres cieux : des élèves ont été jetés en prison pour avoir abîmé la photo du président NKurunziza. Cinq d’entre eux, mis en examen pour outrage au chef de l’Etat, ils ont été placés en détention dans la prison centrale de Muramvya et attendent d’être jugés. Cela en dit long sur les méthodes du régime à Bujumbura. À l’instar de l’école fondamentale centrale de la capitale, des élèves d’autres établissements ont reproduit les mêmes comportements. Ainsi, le 13 juin, des élèves du collège communal de Gihinga, à l’est de la capitale, ont endommagé des images du président. Les coupables n’étant pas connu, 230 élèves ont été provisoirement suspendus de leur école.
Dans ses dérives autocratiques, Pierre Nkurunziza ne fait aucun cas des contestataires qu’il veut écraser. Cela, au su et au vu de la communauté internationale qui a tout fait pour sauver le Burundi d’une rechute dans la guerre civile. Elle l’avait averti de la catastrophe dans laquelle il risquait de plonger le pays avec son aventureux projet de révision constitutionnelle, allant jusqu’à dépêcher des émissaires pour l’en dissuader. Les menaces de suspension de coopération brandies par l’Union européenne ont été un coup d’épée dans l’eau, aussi bien que la médiation du vieux Yuweri Museveni qui était beaucoup plus occupée à préparer sa réélection qu’à chercher à ramener Nkurunziza à la raison.

Le temps, l’allié de Nkurunziza
Pourquoi cette obstination du président burundais à se maintenir ? L’une des explications, selon Gaoussou Drabo, chroniqueur au quotidien national L’Essor, réside dans le fait que, comme dans la plupart des régimes autoritaires, Nkurunziza estime que le temps est son meilleur allié : « Le temps qui use la détermination des opposants engagés dans un combat inégal. Le temps qui permet à la répression de s’accentuer, forte de l’impunité dont elle bénéficie. Le temps qui promène les médiateurs dans d’interminables aller et venues. Le temps qui accentue les scrupules des partenaires étrangers peu désireux d’engager des sanctions radicales qui en ajouteraient aux souffrances des populations. Le temps qui pourrait donc amener les contestataires à se résigner à la présence d’un homme inébranlable dans sa décision et dont les collaborateurs se délectent à faire tourner en rond la communauté internationale. »
Cela ne signifie pas que le peuple burundais doit baisser la garde et céder face à la stratégie du rouleau compresseur employé par le régime. Il ne fait aucun doute que les contestataires armés contribuent, qu’on le veuille ou non, à donner sur un plateau doré une raison à l’autocrate Nkurunziza de se durcir. La balle est maintenant dans la camp du peuple qui devra choisir entre supporter ce régime autocratique ou en chasser son dictateur.