Ramadan, entre excès et privations

Les musulmans maliens comme leurs frères du monde entier se préparent à  entamer le mois de carême. Le ramadan est l’un des 5 piliers de l’islam, donc une prescription divine. Mais plus le temps passe, plus le ramadan devient une institution sociale qui sort de la sphère religieuse au Mali. A la veille de ce rendez-vous important pour le musulman, certains chefs de familles ne savent plus ou donner de la tête puisque les dépenses des familles sont multipliées par deux voire trois. La perception des uns et des autres varie en fonction des centres d’intérêts. Certains disent n’avoir pris aucune disposition particulière par rapport au mois de jeune, pendant que d’autres remuent ciel et terre pour assurer les ruptures de jeune. Témoignages Ousmane Djiguiba dit Djah est tôlier et mari de deux femmes qui vivent dans des concessions différentes. l’une au quartier Mali et l’autre à  Torokorobougou, mais ce dernier bien qu’étant musulman ne semble pas inquiet : « le ramadan est pour le musulman une manière de se rapprocher de Dieu, les dépenses que font les hommes aujourd’hui n’ont rien à  avoir avec cette prescription divine. Je continuerai a donner à  mes femmes la somme quotidienne pour les repas, car pour moi rien a changé », soutient Dja que nous avons trouvé dans son atelier en face du cimetière de Sabalibougou. A en croire ce chef de famille, tous ces remous autour du moins saint de l’islam sont des attitudes qui n’ont rien à  voir avec les prescriptions du Saint Coran. Par contre, pour Ayouba Maiga, le mois de jeun est un mois de partage et de communion. Et, il est important que les musulmans et les non musulmans partagent ce moment, même si cela doit avoir un impact considérable sur les dépenses des familles : «C’est avant tout un instant de partage, il est donc important de préparer plusieurs repas pour recevoir les amis, les parents et les voisins parfois. Bien sûr, tout le monde sait que la vie devient chère, mais C’’est le Coran qui le demande », étaye Ayouba Maiga. Stabilité des prix ? Au début du mois de Juin, le Conseil National des prix a rassuré les maliens sur la stabilité des prix des denrées de grande consommation. Le souvenir des années précédentes hante toujours l’esprit de certains consommateurs, avec des spéculations sur le prix du gaz, de l’huile, du lait et du sucre. Malgré les dispositions prises pour appréhender ce mois de pénitence rien n’aboutit. Pour le gaz butane, les revendeurs continuent à  vendre la bouteille de 6kg au prix de 3500 CFA et celle de 12kg à  près de 9000CFA. On constate par ailleurs, une hausse du prix de la viande. Même si officiellement rien n’a filtré, dans les marchés de la capitale, le prix du kilogramme fait polémique. «Le bœuf est devenu cher, les bouchers n’arrivent plus à  faire de profits. Aujourd’hui certains sont obligés de vendre le kilogramme de viande entre 2100 et 2200, au lieu de 2000 FCFA auparavant. « Moi je continue à  vendre à  2000 FCFA, mais J’avoue que J’ai parfois des pertes allant de 30 000 à  40 000 FCFA », témoigne Issa boucher au marché de Banankabougou, en commune 6. Pour le sucre, le prix oscille autour de 450FCA le kilo. Le comité pour l’observation de la lune n’a pas encore arrêté une date pour le Mali. Mais il est fort probable que le Ramadan commence entre dimanche et lundi.

Aux sources du jeûne musulman

Certaines personnes en sont exemptées telles que les enfants, les personnes âgées, les malades chroniques ou mentaux, les femmes enceintes, en période de menstruation ou d’allaitement, ou encore certains voyageurs. Le jeûne musulman comporte une dimension purificatrice et expiatoire symbolisée par l’acte de renoncer à  manger, à  boire, à  avoir des relations sexuelles de l’aube au coucher du soleil. Il relève aussi de l’ascèse spirituelle. Le Ramadan est en effet une période d’intense recueillement et d’adoration profonde d’Allah. Don à  Dieu Par la prière, le fidèle se plonge dans l’ascèse qui le purge de ses pêchés. Ces instants doivent le rapprocher de Dieu et des préceptes coraniques. Cinq fois par jour, le jeûneur (Soumbaka) rend gloire à  Dieu et à  son prophète Mahomet. Vers quatre heures du matin, la communauté des fidèles s’éveille pour la première coupure du jeûne. Elle sera accompagnée une heure plus tard d’un instant de recueillement, jusqu’à  6 heures du matin. Cette prière ouvre le bal des suivantes, scandant quotidiennement la vie du fidèle pendant un mois lunaire. « A 6 heures, tu te lèves deux fois, à  14 heures, tu te lèves quatre fois, à  16h, tu te lèves quatre fois, à  18h, tu te lèves deux fois, à  20h, quatre fois », explique Aboubacar. A 18h30, lorsque la nuit tombe, le jeûne est rompu jusqu’à  4 heures. Mais le partage spirituel se poursuit. Après 20 heures, durant la « Nafla », ou grande prière du soir, le fidèle s’inclinera dix-sept fois. Certains se retrouvent à  la mosquée pour l’accomplir et réciter des prières correspondant chacune à  un trentième du Livre. La lecture intégrale, individuelle ou collective du Coran se pratique donc tout au long du Mois Saint. Une façon de renouer avec les enseignements de l’Islam. Don et partage Les autres actions menées par les jeûneurs durant le Mois saint se font dans un esprit de don et de partage. Les opérations de charité menées par la communauté musulmane s’intensifient : distribution de repas par les femmes aux abords des mosquées, don de vivres et de denrées alimentaires (riz, sucre principalement). Le Ramadan est aussi l’occasion de faire des cadeaux à  la famille ou aux amis, d’offrir des vêtements ou des chaussures aux plus démunis. Le mois de jeûne permet donc aux musulmans du Mali de renouer avec autrui dans le respect de valeurs très fortes telles que l’entraide et la solidarité. En famille, la pratique consiste à  distribuer du sucre à  ses parents. On va ainsi de maison en maison avec un ou deux kilos de la précieuse denrée pour contenter les siens. On peut aussi donner de l’argent oou des fruits, apporter des repas lors de la coupure. C’est une forme de rapprochement et de partage entre membres d’une famille élargie. La Nuit du Destin Lors des dix derniers jours, les musulmans intensifient leur jeûne par la pratique du Zikr, ou récitation du Coran et cela dans le but de recueillir des bénédiictions divines. On dit que la Nuit du Destin ou « Layla Tul Qadr », durant laquelle le Coran a été révélé, est une nuit bénie entre milles. Les anges descendent au ciel le plus bas pour recueillir les prières des mortels et celui qui prie jusqu’à  l’aubre verra ses péchés pardonnés et ses voeux exaucés. Les fidèles veillent alors en prière et avec ferveur. Cette nuit se trouverait entre les dix dernières du Mois de Ramadan et particulièrement les nuits impaires. Généralement située à  la 27è nuit, l’heure est au recueillement et au pardon.

Ramadan : Au-delà du spirituel, les autres vertus du 4e pilier de l’Islam

Les vertus du jeûne du ramadan sont immenses pour les musulmans. Au plan spirituel il permet à  l’homme d’atteindre la piété. Il est aussi un moyen de purification du corps. Le fidèle qui jeûne avec foi et croyance est expié de ses fautes intérieures. Selon des sources bien introduites, le prophète Mohamed a dit dans l’un des versets du Cora’ an qu’il y’a au paradis huit portes dont seuls les jeûneurs pénétreront la huitième. Le jeûne permet donc au croyant d’augmenter sa piété, de s’éloigner de l’enfer et d’obtenir une récompense incommensurable de la part d’Allah le miséricordieux. Au plan moral, le jeûne cultive chez l’homme des vertus telles que la patience et le pardon, l’endurance, le désintéressement, la transcendance, l’obéissance et la soumission. Le ramadan permet aussi à  l’homme de dominer ses passions afin de faire triompher le spirituel sur le matériel. C’’est aussi pendant la période du ramadan que le saint cora’ an fut révélé au prophète Mohamed. b Vertus sociales ] Mais au-delà  du spirituel, le ramadan a des vertus considérables tant sur le plan social, physique et économique. Au plan social par exemple, le jeûne augmente la compassion du riche vis-à -vis du pauvre, car le mois du ramadan est aussi et surtout un mois de charité, d’entraide et de partage, de fraternité, d’unité, d’amour et d’égalité devant Dieu et devant la loi. C’’est le mois o๠l’on partage avec autrui. Au plan physique et hygiénique, le jeûne du ramadan impose à  l’homme une discipline alimentaire qui permet de respecter scrupuleusement les heures de repas. C’’est la raison pour laquelle des experts soutiennent que le jeûne améliore considérablement la santé de l’homme. Sur le plan économique, le croyant évite ses dépenses superfétatoires et ses revenus augmentent. Cependant, il faudrait savoir comment rompre le jeûne chaque soir à  la tombée de la nuit. Au lieu de commencer par la bouillie ou de l’eau, vaudrait mieux commencer par des sucres rapides comme des dattes avant d’entamer une alimentation solide et achever par une bonne réhydratation. s’il est donc un mois qui soit le plus favorable au musulman, C’’est bel et bien le mois du ramadan.