Evelyne Decorps : « Nous sommes là pour accompagner le processus de paix, non pour le diriger »

Dans l’entretien qu’elle a bien voulu accorder au Journal du Mali, l’Ambassadrice de France, Mme Evelyne Decorps, évoque les difficultés liées à la mise en œuvre de l’Accord et du rôle de la communauté internationale et de la France dans la paix au Mali.

Concrètement, que fait la France pour accompagner le Mali dans le processus de paix ?

Nos armées travaillent ensemble dans la lutte contre le terrorisme. Nous avons également, à travers le Conseil de paix et de sécurité, joué un rôle important dans les deux dernières résolutions : celle sur la force conjointe et celle sur le mandat de la MINUSMA. Nous sommes présents quotidiennement sur l’application de l’Accord de paix. Nous parlons avec le gouvernement, avec les différents représentants des mouvements, à l’intérieur et en dehors du CSA. Nous sommes engagés dans le financement d’actions de développement. Nous avons dépensé depuis 2013 plus de 100 millions d’euros uniquement dans le Nord et dans le Centre en actions d’urgence.

Deux ans après la signature de l’Accord de paix, on est toujours dans l’impasse. Selon vous, à quoi est-elle due et que peut faire la communauté internationale ?

Moi je ne parlerai pas d’impasse, c’est un mot que je refuse. L’Accord est un processus et nous savons très bien que les processus prennent du temps. Il y a eu des avancées fortes et puis, ensuite, on est revenu en arrière. Je crois que le vrai fondement pour l’avancée de l’Accord, c’est la confiance entre les interlocuteurs, c’est-à-dire la confiance des mouvements vis-à-vis du gouvernement et la confiance entre les mouvements eux-mêmes. Quels que soit les reproches que les parties peuvent se faire, chacune d’elles a ses propres responsabilités. Les conditions de la paix sont liées au DDR, qu’il va falloir mettre en place. Elles sont liées à la décentralisation accrue et poussée. Que les gens fassent ce qu’ils se sont engagés à faire, qu’ils se désarment, parce qu’à l’heure actuelle nous avons des mouvements armés signataires qui se promènent avec des armes. Il faut vraiment la bonne volonté de tout le monde.

Au sujet des armes justement, nous sommes dans une explosion d’insécurité depuis la signature de cet Accord…

Là aussi je voudrais que les gens se souviennent de ce que c’était avant, quand Tombouctou, Gao étaient sous la coupe des djihadistes. Il faut faire attention aux phrases toutes faites. Il y a eu les autorités intérimaires, la Charte pour la paix. Il y a des négociations quotidiennes entre les mouvements et le gouvernement. La médiation internationale est là, mais il y a des forces contraires qui sont là aussi. Il y a encore une vague terroriste résiduelle importante moralement. Les mouvements entre eux n’ont pas encore réglé leurs problèmes. Je réfute le mot explosion mais c’est vrai qu’il y a encore de l’insécurité.

Il y a également un problème de sanctions. Comment faire en sorte que les mesures de l’Accord soient réellement appliquées par des groupes qui ne s’y conforment pas vraiment lorsque personne ne leur tape sur les doigts ?

Les sanctions sont importantes. Simplement, personne ne sait qui sera touché. Nous sommes là pour apporter des éléments de sécurité, mais nous ne sommes pas là pour remplacer l’action ni du gouvernement ni des représentants des mouvements. Nous ne sommes pas des pompiers.

C’est pourtant comme ça que vous êtes considérés.

Nous essayons tout le temps d’éteindre des feux, mais nous n’avons pas la main sur ceux qui les allument. On nous demande tout le temps de jouer le pompier alors même qu’on ne maîtrise pas tous les éléments. Nous sommes là pour accompagner un processus, non pour le diriger. Les directives et les mesures à prendre dépendent du gouvernement du Mali et des groupes. Il faut que les mouvements et leurs leaders soient de bonne foi.

Il y a des affrontements entre les groupes signataires, alors que nous sommes à quelques jours du 20 juillet, date prévue pour le retour de l’administration et de l’installation des autorités intérimaires à Kidal qui suivra. Selon vous, ce chronogramme est-il tenable ?

Nous ne pouvons pas faire la paix à la place de tous les Maliens. Si les gens qui ont signé ce chronogramme, que je trouve un peu optimiste, ne se mettent pas d’accord pour l’appliquer, comment voulez-vous que nous le fassions ? Ce sont des problèmes intra Maliens que nous ne pouvons pas régler. La contrainte par la force ne peut pas être le moyen de la mise en œuvre de l’Accord. Nous ne pouvons que faire pression politiquement. Pour que les choses s’arrangent, il faut une volonté réelle de trouver les voies et moyens de régler les problèmes.

La plateforme estime que la France favorise la CMA à Kidal. Quelles relations entretenez-vous avec ce mouvement armé ?

Moi, j’entretiens des relations avec tous. Ils ont tous accès à mon bureau. Simplement il a été décidé en CTS que les groupes armés pouvaient circuler avec des armes de petits calibres, les armes lourdes ne sont pas autorisées. On confisque ces armes, surtout si elles montent à Kidal. On le fait autant pour la Plateforme que pour la CMA, mais cette dernière ne dit rien. Quand on contribue au processus de paix, ce sont toujours les mêmes groupes qui protestent.

Y a-t-il une sorte de lassitude de la communauté internationale ?

S’il y a une certaine lassitude, elle vient du fait qu’on a été peut être un peu optimiste sur la mise en œuvre de l’Accord. Mais je dirais qu’on n’a pas le droit à la lassitude. Il y a les populations du Nord, il y a le terrorisme à combattre. Si on abandonne, c’est le terrorisme qui va gagner. Je n’oublie jamais une chose, c’est que quand on se concentre sur des choses qui à mon avis pourraient être réglées beaucoup plus vite, les autres font ce qu’ils veulent et ça c’est le plus grave. Ce n’est pas de savoir si le chronogramme va être appliqué le 20 juillet à Kidal qui est important mais de savoir comment on applique l’Accord dans tout le pays et comment on lutte contre le terrorisme et là-dessus les mouvements ont une vrai responsabilité.

 

CMA vs GATIA : Dominer le terrain pour mieux contrôler la paix

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et le Groupe d’Autodéfense des Touaregs Imgad et alliés (GATIA) se sont à nouveau confrontés dans des combats violents, mardi 11 juillet,  à une dizaine de jour du retour programmé de l’administration malienne dans la région. Nul ne sait si le chronogramme, validé par les deux mouvements belligérants, sera effectif, mais beaucoup pensent que le conflit actuel vise à dominer le terrain pour contrôler au mieux de ses intérêts, l’application du processus de paix dans la région.

Dans la région de Kidal, mardi 11 juillet, deux groupes signataires de l’accord de paix, la CMA et Plateforme, se sont de nouveau affrontés dans une localité appelée Lalaba et à Tigachimen, des combats intenses sur deux fronts distincts. « Une trentaine de véhicule du GATIA se sont positionnés à Lalaba et une autre unité de la Plateforme composée de 14 pickups a quitté Takalote et s’est positionnée à Tigachimen, ils ont ainsi créé deux fronts, une sorte de ligne de défense », décrit cet officier de la CMA, qui de Kidal a participé à la supervision de l’offensive des troupes de la coordination, forte de plus d’une quarantaine de véhicules et qui rassemblaient des éléments du HCUA (le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad ), du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad ) et du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). Dans la capitale du Nord, cette offensive n’a pas surpris, les intenses préparatifs qui l’ont précédé cette dernière semaine avec l’arrivée de renfort étaient annonciateurs d’une attaque d’envergure.

Selon ce même officier de la CMA, les combats ce sont déroulés durant un peu plus d’une heure. Sur le front de Lalaba, la CMA a eu le dessus tandis qu’elle a dû battre retraite sur le front de Tigachimen. « La trentaine de pickup menée par le chef des opérations du GATIA a dû se replier sur Anefis, nous les avons poursuivit et ils n’ont pas eu les temps de prendre position une fois arrivé là-bas. Un de nos éléments a pu récupérer une de leur radio ce qui nous a permis de suivre leur mouvement. Ils ont continué jusqu’à leur fief de Tabankort et nous avons interrompu la poursuite à 5km de la ville pour revenir sur Anéfis, que nous tenons depuis mardi soir », indique-t-il. Sur le front de Tigachimen, les forces de la Plateforme seraient parvenues à faire reculer les forces de la CMA sur une trentaine de kilomètres puis ce seraient repliées sur Takalot.

A l’issu des combats il était très difficile d’établir un bilan. La CMA qui dit avoir perdu 2 hommes dans les combats et avoir 4 blessés, affirme qu’il y aurait 9 morts du côté de la Plateforme, 4 combattants faits prisonniers et 4 pickups équipés de mitrailleuses lourdes auraient été saisies par ses forces. La Plateforme, pour sa part, affirme qu’aucun mort ne serait à déplorer de leur côté, quelques combattants auraient été fait prisonnier et seulement deux véhicules aurait été récupéré par la CMA qui aurait perdu, selon ce cadre du GATIA, 5 hommes et 4 véhicules. « En tout cas, il n’y a plus aucune unité du GATIA à moins de 150 Km de Kidal » se félicite ce même officier, qui ajoute cependant, « on ne peut pas dire que nous sommes victorieux, on va voir dans les jours qui viennent ce qui va se passer, personne n’est gagnant pour le moment ».

Un avis que partage ce sympathisant de la Plateforme à Kidal, qui malgré ce succès militaire, sait que toutes les forces du GATIA n’étaient pas présentes lors des combats. « Une unité du GATIA qui était à Takalot n’a même pas combattu, il y a avait aussi une unité du GATIA à Ménaka qui n’a pas bougé parce qu’ils ont été dépêché pour poursuivre les auteurs de l’embuscade tendu aux FAMA, donc le compte n’y est pas », souligne-t-il.

Pour ce combattant du MNLA, une riposte du GATIA pleine et efficace dans la situation actuelle semble difficile. « Une reprise du terrain par le GATIA semble compliqué, sauf si les Arabes du MAA pro-Bamako envoient des renforts, mais même s’ils le font, ça ne sera pas la fin du monde. Le GATIA ne peut rien attendre du MSA qui n’ira jamais combattre des gens de la CMA, et les exactions, les vols, les pillages et spoliations de biens les ont coupé de leur soutien populaire. Au moins nous quand on capture leurs combattants on en fait des prisonniers, eux, les exécutent », affirme-t-il.

Anéfis, la prise de guerre Symbole de cette victoire militaire de la CMA, la prise d’Anéfis. Mais si ce bastion de la Plateforme est revenu dans le giron de la CMA, combien de temps le restera-t-il ? « Pour moi il ne faut pas tenir Anéfis , il faut laisser la ville à la population et ne pas essayer de se positionner. Il faut que cette prise soit symbolique pour les rassurer et leur montrer qu’on est pas venu pour faire des razzias. Il faut que nous restions en unité mobile qui font des opérations de pointe et qui utilise le terrain, mais ne pas se concentrer sur l’occupation du terrain, ce n’est pas le moment », explique cet officier en charge des opérations au MNLA, qui ajoute, « La Plateforme pourrait reprendre Anéfis, sans tirer une balle, parce qu’on ne pourra pas la tenir, il faut du temps et des moyens pour cela ».

Selon cette même source, quelques 72 véhicules seraient présents à Anéfis pour maintenir la position de la coordination. Pour les deux camps, cette ville revêt une importance stratégique, que ce soit pour se replier ou se réapprovisionner. « La majorité de la population est en grande partie acquise à la Plateforme et ne porte pas la coordination dans son coeur mais le clan des patriarches de la ville d’Anéfis verse du côté de la CMA », explique cette humanitaire touareg, fin connaisseur de la région.

Cette prise de guerre de la CMA a beaucoup fait réagir les partisans des deux camps, qui annonçaient soit la reprise de la ville par la Plateforme ou réfutaient ses assertions. Le réseau ayant été coupé à Anéfis, la veille des combats, toute vérification s’avère difficile. Certains au GATIA ont même indiqué que pendant 1h, « le drapeau noir des islamistes flottait au-dessus d’Anéfis », un détail d’importance qui ne semble pas surprendre cet habitant de Kidal. « Nous les citoyens on sait que les djihadistes soutiennent la CMA et qu’ils étaient à leur côté lors de combats, si on le sait on imagine que Barkhane et la Minusma le savent aussi. Les djihadistes les soutiennent en homme et en équipement. Iyad ne va pas laisser ses parents se faire laminer par les combattants de la Plateforme sans lever le petit doigt », confie-t-il.

La Minusma et Barkhane pointé du doigt La Minusma, par l’entremise de son chef, Mahamat Saleh Annadif, a appelé les parties « à la retenue et au respect du cessez-le-feu » et a prévenu les protagonistes que « la Minusma est prête à prendre ses responsabilités si les affrontements ne cessent pas sur le terrain ». On ne sait pas quelle « responsabilités » pourrait prendre la Minusma alors qu’Ahmed Boutache affirmait chez RFI, ce même mardi, n’avoir aucun moyen concret de faire respecter un éventuel cessez-le-feu et que les hypothétiques sanctions évoquées de toute part n’étaient pas prête d’être mises en œuvre. Sur place la population ne s’étonne plus « des déclarations de ceux qui restent terré dans leur camp ».  Pour ce sympathisant du GATIA à Kidal, les choses sont clairs : « La position de la communauté internationale, c’est juste d’observer, il n’y a pas une force d’interposition, rien. Le favoritisme de la France, de Barkhane et de la Minusma est limpide. La CMA peut rentrer à Kidal se reposer sous bonne protection. Toutes les fois où nous avons chassé les troupes de la CMA, nous avons été stoppé par la Minusma ou Barkhane, c’est très flagrant », s’exclame-t-il.

Reste maintenant la paix, la grande absente, occultée par la fureur des combats et la détermination de chaque camps à vouloir dominer le terrain, alors que la mise en œuvre de son processus devait débuter dans la région, le 20 juillet prochain. « Le chronogramme pour le retour de l’administration n’est pas forcément perdu, c’est celui qui sera en position de force qui pourra imposer son point de vue. Si l’un des deux camps arrivent a prendre le dessus sur l’autre, alors il sera le maître de la région et dans ce cas il pourra accepter le retour de l’administration malienne sous son contrôle et ses conditions. Tout va dépendre de qui l’emportera dans les jours à venir », explique cette source proche des mouvements

En attendant, à Kidal, la population abasourdie, observe, silencieuse spectatrice d’une situation qui n’a depuis longtemps plus rien de normal. « Que ce soit la CMA ou la Plateforme, la population n’a plus confiance. Tant que l’administration nationale malienne ne sera pas de retour rien ne sera possible. Tout ça dépend maintenant de ce qu’ils vont décider. Alors que de toute façon, les populations ne savent plus quoi faire », lâche mi-fataliste, mi-résigné cet habitant de Kidal.

 

Kidal : Des luttes fratricides perturbent la mise en œuvre de l’Accord

Selon le chronogramme élaboré lors de la 18e session du CSA, les autorités intérimaires, le gouverneur et le MOC devraient être mis en place d’ici le 20 juin prochain. Mais cette planification ambitieuse semble se heurter à la réalité du terrain et aux événements d’une rare violence qui, actuellement, secouent le septentrion malien.

« Les choses se passent globalement bien. Nous avons une participation assidue de l’ensemble des membres du CSA. […] Nous sommes confiants quant à l’avenir », se réjouissait Ahmed Boutache, président du Comité de suivi de l’accord (CSA), le 5 juin dernier, lors de la clôture de la 18e session du comité. Un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le 20 juin ont été décidées lors de cette session : l’installation des autorités intérimaires, du gouverneur et du MOC à Kidal. Un chronogramme ambitieux dénoncé, dès le 12 juin par la CMA, dans un communiqué indiquant que ce chronogramme est « loin de refléter le résultat des pourparlers convenus entre la CMA et les différents acteurs impliqués » en vue d’un retour de l’administration à Kidal et que la CMA, « nullement engagée par ce document, appelle tous les acteurs crédibles à une concertation rapide pour élaborer un chronogramme réalisable » et à « mener des actions consensuelles sans absurdités pour réussir une paix effective ».

Poudrière Si à Bamako on parle chronogramme, charte de la paix ou révision constitutionnelle, à Kidal, où les travaux du camp 1 ont commencé depuis plus d’une semaine et ou le gouvernorat, aux bâtiments vétustes, n’est pas en mesure d’accueillir le gouverneur, il en est tout autrement. Depuis le 4 juin, des événements très préoccupants retiennent toutes les attentions et focalisent craintes et inquiétudes. « Les gens ne sont pas du tout sur les annonces de Bamako. Ce qui se passe ici est très grave ! Les Imghads chassent la communauté Idnane. Depuis une semaine il y a eu presque une trentaine de morts, des dizaines d’otages, des dizaines de véhicules enlevés, des motos brûlées, des centaines de personnes déplacées qui ont tout laisser derrière elles. À la mosquée, dans les rues, les grins, les gens ne parlent que de ça, parce que c’est vraiment préoccupant », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Tout a commencé au début du mois de juin, quand des Idnanes du MNLA ont mené une attaque contre des éléments du GATIA, puis ont pillé un village près d’Aguelhok, brûlant des boutiques et s’en prenant à la population. Vengeance et représailles ont mis le feu aux poudres. Les deux camps, qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine des exactions, se livrent à des tortures et des assassinats, sans que les forces internationales ne lèvent le petit doigt. En l’espace d’une semaine, exécutions sommaires, saccages, pillages et vols ont quotidiennement été signalés dans la région. « Où les Idnanes sont, il y a eu des motos qui sont parties. Ce sont des jeunes Imghad fougueux. On les appelle ici les « mafias ». Ils s’en sont pris aux populations idnanes. Cela s’est passé un peu partout autour de Kidal, ça s’est propagé jusqu’à Tessalit. Ça pourrait se propager aux autres ethnies et fractions et devenir incontrôlable. On est en plein mois de carême ! C’est du jamais vu ! », s’exclame cet employé humanitaire de la région.

Depuis que cette chasse aux Idnanes a commencé, beaucoup se sont réfugiés dans le camp de la Minusma à Kidal et ont été ensuite transportés par avion à Gao. « Il y a toutes une zone abandonnée par des familles entières, qui ont fui par peur d’être exécutées. Toute la zone à l’ouest de Kidal, la zone d’Anéfis, la zone d’Aguelhok, ont été abandonnées par les populations Idnanes, beaucoup ont traversé la frontière algérienne », poursuit ce même humanitaire.

 Le MNLA, dominé majoritairement par les Idnanes, est particulièrement impliqué dans cette situation, le jeune fils de Moussa Ag Najim, officier au MOC de Gao et frère de leur chef militaire, Mohamed Ag Najim, ayant été exécuté par des éléments du GATIA la semaine dernière. « Les forces armées du GATIA et leurs officiers sont responsables ! Ils escortent les convois de drogue et utilise la méthode des exactions sur les populations au sud de Kidal pour couvrir le passage de leurs convois et dégager la zone », lâche cet officier du MNLA. Selon lui, L’argent du trafic de drogue jouerait un rôle capital dans l’insécurité et l’alimentation des conflits résiduels et les choses ne seraient pas prêtes de s’arrêter, car les trafiquants pour conserver à tout prix la route des trafics font tout pour saboter le processus de paix. « Il ne veulent pas des forces légales ! faire perdurer l’instabilité leur garantit de pouvoir continuer leurs trafics. Donc, quand ils voient arriver la paix avec un autre camp, ils alimentent les tensions. La paix les dérangent. ! » affirme-t-il, amère.

Une avis que partage cette source sécuritaire très au fait des rapports de force et d’influence dans la région. « Le trafic de drogue infectent les différents mouvements armés, les officiers militaires touaregs et arabes dans l’armée malienne ainsi que les services de renseignement des pays du G5 comme le Mali. Certains services vendent même des informations sensibles à ces trafiquants qui peuvent compromettre des opérations du G5 et de leurs alliés. Il est clair que les trafiquants ne veulent pas d’une stabilité dans la région, elle empêcherait le transit de leur cargaison qui passent par l’extrême nord de la région de Tombouctou, traverse le Telemsi à l’extrême sud de la région de Kidal, une zone occupée par le GATIA depuis juillet 2016 et où l’on constate des conflits entre mouvements armés et des violences sur les civils », souligne-t-il.

Une situation qui ferait le jeu des djihadistes, qui approcheraient cette communauté pour leur proposer de les aider à se défendre, puisque personne ne le fait pour eux, « Un changement de rapport de force terrible », confie cette source bien introduite dans le milieu des mouvements armés, « Les opérations djihadistes contre le GATIA ont pour but de montrer à la population agressée que les moudjahidines, contrairement aux forces internationales, maliennes et la CMA, peuvent les protéger. Ce qui les renforce socialement et facilite le recrutement. Ça légitime, aussi, pour les populations, la thèse selon laquelle les forces internationales sont une force d’occupation qui sont venus comme bouclier de défense de la famille bambara qui dirige à Bamako et non pour leur mission de sécurisation, sans distinction, des populations et de leurs biens ». Un prosélytisme qui semble faire son chemin comme l’explique cet habitant de la région sous anonymat. « Quand les djihadistes étaient là et qu’ils occupaient le territoire, tu étais soit avec eux ou contre eux mais il n’y avait pas toutes ces choses, aucun autre qu’eux ne s’en prenait à la population. Ces exactions, avec ces milices qui ont cartes blanches, ça ne se serait pas produit avec les djihadistes ».

Défiance Dans le contexte actuel, l’installation future du MOC et des patrouilles mixtes n’est, paradoxalement, pas jugée comme un facteur rassurant. « Le MOC, ici, on n’y croit pas trop. À Gao, il a créé plus d’insécurité qu’autre chose, à Kidal ça risque d’être la même chose. On sait que la CMA ne désire pas le MOC. Ils voient ça d’un mauvais œil, parce que des éléments de la Plateforme, notamment ceux du GATIA vont être là », explique ce Kidalois proche des mouvements. « En réalité ils se sont engagés, mais ils n’en veulent pas, ils ont peur que les gens du GATIA saisissent cette opportunité pour prendre Kidal. Surtout quand on sait que le chef du MOC, le colonel Alkassim Ag Oukana, est un membre de ce mouvement. Il est de la tribu Irrédjénaten de Tessalit, il fait partie de l’aile qui se reconnaît plus dans les Imghad, il a fait défection du HCUA l’année dernière pour rejoindre Gamou », poursuit cette même source, qui confie, « Ici, il y a des gens qui s’organisent pour que les femmes marchent contre toutes ces installations, je ne peux pas dire de façon exacte ce qui se passera dans la mise en œuvre de l’accord, mais la situation actuelle ne donne pas de belle perspective pour l’avenir ».

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Dépasser mon appartenance tribale pour préserver et défendre les intérêts de l’État »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, inspecteur des douanes, était secrétaire général du ministère du Commerce avant d’être nommé gouverneur de Kidal lors du Conseil des ministres le 17 février. Sa nomination, considérée comme une provocation par les leaders de la CMA, a entraîné la suspension de l’installation des autorités intérimaires à Kidal. Le nouveau gouverneur de la région septentrionale a reçu le Journal du Mali chez lui à Bamako, au moment où les négociations avec la CMA ont repris pour tenter de trouver une porte de sortie.

Qu’est-ce qui a concouru à votre nomination à la fonction de gouverneur ?

La région de Kidal n’étant pas dans une situation normale, il a fallu faire des compromis et les compromis c’est respecter les équilibres. Les pourparlers politiques ont abouti à la nécessité de jouer l’équilibre entre les différentes tendances. Je veux parler des 3 parties : la CMA, le gouvernement et la Plateforme. Nous avons cherché les hommes capables d’être consensuels, qui peuvent faire cet équilibre, dans une situation difficile, entre les exigences d’une administration normale et la situation anormale que vit la région de Kidal. Du côté de la CMA, on a choisi des hommes qui peuvent s’entendre avec les deux autres tendances. On a fait la même chose du côté de la Plateforme. Je crois que je suis rentré dans cet équilibre que le gouvernement recherchait et aussi parce que les décideurs ont estimé que je pouvais jouer ce jeu d’équilibre au niveau régional pour ramener la paix et aider à remettre ensemble les différents acteurs.

Malgré cette volonté d’équilibre, la CMA n’accepte pas votre nomination. Votre nomination n’est donc pas si consensuelle ?

Je pense qu’il y a eu une mauvaise circulation de l’information. Il y a eu aussi une peur, quelque part, parce qu’il y a des gens qui estiment que je suis plus proche d’un côté que de l’autre. Mais je suis heureux que chaque côté estime que je suis plus proche de l’autre. Cela me réconforte un peu. Je m’estime proche des deux camps.

On vous dit néanmoins très proche du GATIA.

Je ne cache pas ma proximité avec le GATIA, parce que dans la situation de tiraillement dans laquelle se trouve la région de Kidal aujourd’hui, chacun est obligé de choisir son camp. Mais je ne suis pas, si vous voulez, collé à un côté. Je pense que je comprends les positions des deux camps et de mon point de vue, je pense que je peux faire le lien.

Donc, en tant que gouverneur de Kidal, vous travaillerez à ce que le GATIA et la CMA ne s’affrontent plus ?

Je ne peux pas garantir que les affrontements ne reviendront pas mais j’y travaillerai, je travaillerai à rapprocher les points de vue. Dans les deux camps, il y a des gens qui me font confiance et d’autres qui se méfient.

Certains se méfient de vous du côté de la Plateforme ?

Oui bien sûr. Je ne suis pas un acteur très connu. C’est une réalité. Je pense que des deux côtés il y a des méfiances et j’en suis conscient mais il faut travailler à rapprocher les points de vue, il faut travailler à être centrale, à développer autour des intérêts de la Nation, des intérêts du pays, parce que la situation que nous vivons aujourd’hui est une situation malheureuse, transitoire, qui plombe le développement économique.

Vous ne représentez donc ni la CMA, ni la Plateforme, mais plutôt l’État ?

Le gouverneur représente l’État et de mon point de vue, c’est cette logique que l’autorité a voulu remettre en selle par ma nomination. Je suis fonctionnaire de la République et j’ai la capacité de dépasser mon appartenance tribale et mon appartenance régionale pour préserver et défendre les intérêts de l’État parce que les intérêts de l’État, ce sont les intérêts de tout le monde. Une administration impartiale, une administration qui s’intéresse à tout le monde, une administration qui prône la justice mais aussi une administration capable d’apaiser et de regrouper, de parler aux uns et aux autres, donc une administration ouverte vers les populations. C’est comme ça que je conçois le rôle de gouverneur dans la situation de la région de Kidal.

La CMA dit qu’il y a déjà un maire du GATIA et un député du GATIA à Kidal, ce qui provoquerait justement un déséquilibre ?

Donc la région de Kidal se borne à la ville de Kidal ? C’est le genre de positionnement qui est dangereux. La région de Kidal, c’est 11 communes, 4 cercles et même 5 avec un cercle qui vient d’être créé, un conseil régional et environ 200 à 300 fractions nomades. On ne peut pas faire une fixation sur la seule ville de Kidal. On dit que le maire est GATIA. Je ne sais pas s’il est GATIA ou pas, de même pour le député. Je pense que c’est le genre de chose qu’un cadre se doit de pouvoir dépasser. Je ne vois pas le maire de Kidal comme appartenant au GATIA, je le vois comme le maire de la commune urbaine ou rurale de Kidal, donc maire de toutes les communautés de Kidal. Le député est avant tout le député de la circonscription électorale de Kidal. Ce genre de classement n’est pas constructif. Les populations ont le droit d’élire qui elles veulent. Mettre les représentants de l’administration dans le même sac que les élus, c’est ne rien comprendre au monde moderne, parce que les administrateurs représentent l’État, et les élus, les populations.

Vous aurez dans vos nouvelles fonctions de gouverneur à travailler avec Hassan Ag Fagaga , le président du conseil régional de Kidal, le connaissez-vous et comment voyez-vous cette future collaboration ?

C’est une personne que je connais très bien, c’est un ami intime, avec qui j’ai partagé des moments très difficiles pendant les premières rébellions, nous avons une confiance réciproque, c’est quelqu’un, sans aucun doute, avec qui je peux très bien travailler.

Hassane Ag Fagaga est un militaire, qui n’a pas forcément les qualités requises pour diriger un conseil régional, pensez-vous que sa nomination comme président du conseil régional de Kidal est un bon choix ?

C’est un officier supérieur de l’armée malienne, il a quitté l’armée malienne avec le grade de colonel. Il a l’expérience parce qu’il a été commandant de troupe pendant plus de 10 ans. Qu’il soit compétent ou non n’est pas tellement une préoccupation pour moi, il a été désigné par la CMA pour être le président du conseil régional de Kidal et je suis tout à fait en conformité avec ce choix. Je n’ai pas à apprécier ni sa compétence ni son incompétence mais je dirai que sur le plan humain, c’est quelqu’un avec qui je peux travailler.

Quelles seront vos premières actions quand vous prendrez vos fonctions de gouverneur ?

La première action que je ferais c’est de prendre attache avec toutes les grandes notabilités pour expliquer ma mission et la manière dont je compte l’accomplir. Ensuite, je prendrai contact avec les élus, les députés, les chefs de fractions, pour avec eux, tracer et convenir du canevas dans lequel nous allons travailler, parce que c’est une mission qui ne peut pas être réussi individuellement. Elle nécessite l’implication de tout le monde et la participation des notabilités et des cadres de la région de Kidal, leur participation est indispensable pour réussir la mission.

Quelle sera votre politique à la tête du gouvernorat de Kidal durant votre mandat ?

Premièrement mettre ensemble les communautés, les différentes fractions, je suis conscient de la difficulté mais c’est par là qu’il faut commencer. Il faut que les populations puissent fréquenter dans la paix, les mêmes marchés, les mêmes puits, les mêmes pâturages, les mêmes routes, sans s’affronter. Si on n’arrive pas à faire cela, on ne peut pas lancer des actions de développement, sans développement le problème restera toujours tel qu’il est aujourd’hui. La deuxième chose, c’est faire redémarrer l’administration dans la région. On ne peut pas imaginer des zones entières de la région qui échappent au contrôle total de l’État, il faut donc travailler au retour de l’administration et avec l’administration, les services sociaux de base. Dans la région de Kidal, ça fait bientôt 6 ans que les enfants ne vont pas à l’école, cela fait 6 ans que les femmes accouchent dans des situations très difficiles, ça fait 6 ans que les malades ne sont pas soignés, 6 ans que les points d’eau ne sont pas entretenus, il faut relancer cela dans l’intérêt des populations.

La CMA fait la pluie et le beau temps sur Kidal, ses leaders sont contre votre nomination. Comment appliquer votre politique dans ces conditions ?

Ces chefs de guerre que vous avez cité, je les classe tous parmi les notables de Kidal de quel bord qu’ils soient. Ce sont des gens que je connais très bien car je suis de Kidal. Je sais qu’il y aura une glace à casser, il faudra la casser pour faire passer le message, pour parler. C’est aussi le travail du Comité de suivi de l’Accord. Au niveau régional il y a aussi un travail à faire pour calmer les différentes ardeurs. Ça ne va pas être facile mais c’est mon devoir de pouvoir les mettre ensemble, parce que s’ils ne sont pas ensemble, on ne peut pas avancer.

Serez-vous un peu le garant de la mise en œuvre de l’Accord dans la région de Kidal ?

Non, je ne serai pas le garant, la mise en œuvre de l’Accord incombe au Comité de suivi de l’Accord ici à Bamako, mais au niveau local il y a des apaisements à faire. Le terme de facilitateur serait mieux choisi.

Contrairement à votre prédécesseur qui était basé à Gao, siégerez-vous à Kidal quand vous serez gouverneur ?

Je le souhaite, si la sécurité des administrateurs n’est pas assurée à Kidal on ne pourra pas ramener l’administration. La sécurité de l’administration à Kidal ne peut pas être assurée si les différents groupes, je veux parler de la CMA et de la Plateforme, qui contrôlent la ville de Kidal où qui sont autour de la ville de Kidal, ne s’entendent pas pour la sécuriser. D’où l’importance de mettre ensemble les groupes armés qui sont sur le terrain, les rassembler autour de l’essentiel pour apporter l’accalmie dans la région, accepter le retour de l’administration, sécuriser l’administration, faire démarrer les autorités intérimaires, car elles représentent les populations, c’est comme cela que je vois une porte de sortie à cette situation.

Partez-vous bientôt pour Kidal ?

Moi je veux bien, mais pour aller à Kidal, il faut qu’il y ait l’entente entre les parties pour être sûr que l’administration pourra aller à Kidal. Si je vais à Kidal, c’est en tant que représentant de l’État. J’attends que tous les acteurs envoient des signaux pour le retour de l’administration à Kidal. Ce retour de l’administration doit être sécurisé, soit par les mécanismes du MOC soit par l’entente des différents groupes sur le terrain.

Processus de paix : Un pas en avant, un pas en arrière 

Le nouveau chronogramme établi pour l’installation des responsables des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni a été salué avec satisfaction par l’ensemble des acteurs de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Mais l’espoir suscité fut de courte durée. Les contestations des groupes armés et des populations de certaines des localités concernées ont poussé au renvoi sine die des actions prévues. Faut-il y voir un nouveau coup d’arrêt pour le processus ? Non, si l’on se fonde sur le dialogue en cours entre le gouvernement et les mouvements contestataires pour aplanir les difficultés, ainsi que la tenue prochaine de la conférence d’entente, prévue au mois de mars 2017.

« Le 18 février, le drapeau du Mali allait flotter sur Kidal. Nous étions prêts, avec nos caisses de fanions vert-jaune-rouge », nous confie un responsable d’un groupe armé, croisé dans la salle d’attente du président de la Commission nationale DDR, l’ancien ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed. Selon notre interlocuteur, c’est le communiqué du vendredi 17 janvier 2017, nommant Sidi Mohamed Ag Ichrach, secrétaire général du ministère du Commerce et considéré comme un proche du GATIA, au poste de gouverneur de la région de Kidal, qui a fait changer la donne. Ce dernier doit remplacer Koïna Ag Ahmadou, alors en pleine préparation de la cérémonie d’installation d’Hassan Fagaga dans ses fonctions de président de l’Assemblée régionale de Kidal, prévue pour le lendemain 18 février. Le désormais ex-gouverneur apprend par la même occasion qu’il est muté à Tombouctou.

Contestations Cette décision suffira à provoquer la colère des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). En réaction, ils annulent la cérémonie d’installation et décrètent qu’« il n’y aura pas d’autorités intérimaires tant que la situation ne sera pas éclaircie avec le gouvernement », déclare Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Dans la foulée de l’annulation à Kidal, la mise en place des membres des autorités intérimaires pour toutes les autres régions a été annulée le dimanche 19 février. Y avait-il eu consultation avec les maîtres de Kidal ? Apparemment non, assure une source proche du dossier. «L’État a voulu jouer à l’équilibriste, mais c’est le tact qui a manqué un peu », précise la même source. Exclus du processus, certains mouvements armés, issus de la CMA et de la Plateforme, menacent de bloquer le processus jusqu’à ce qu’ils soient pris en compte au même titre que les autres. C’est le cas de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, de la CMFPR2 du Pr Younoussa Touré, du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (MPSA), du Front populaire de l’Azawad (FPA) et du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA). Les colonels Abass Ag Mohamed, chef d’état-major du CJA, et Housseine Ould Ghoulam du Mouvement arebe de l’Azawad (MAA), ont mis en garde la communauté nationale et internationale sur le fait que certains choix ne sont pas consensuels et ne seront jamais acceptés, ni par eux, ni par la population de Tombouctou et de Taoudéni. « La porte du dialogue n’est jamais fermée à condition que tout le monde soit inclus », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA. « Oui, hier nous avons marché pour soutenir la mise en place des autorités intérimaires et aujourd’hui, nous la contestons car elle n’est pas inclusive. Oui aux autorités intérimaires avec une consultation de la société civile », affirme pour sa part Aliou Daouna, membre de la société civile de Tombouctou. À Gao, on s’insurge également contre ces autorités intérimaires, dont la jeunesse et la société civile s’estiment exclus (voir page 6). « Tous ceux qui crient n’ont aucune représentativité. Les gens veulent une part du gâteau et sont prêts à mettre le processus en danger pour y arriver », déplore un haut fonctionnaire.

La situation actuelle, résultant des décisions prises à l’issue de la réunion du Comité de suivi de l’Accord (CSA) de haut niveau du 10 février, était pourtant prévisible. La médiation n’a en effet jamais pu trouver de solutions au principe d’inclusivité prônée par l’accord, selon le Pr Mohamed El Oumrany, secrétaire aux relations extérieures du MPSA. « La seule voie de sauvetage aujourd’hui, c’est nous, les mouvements dissidents. Nous avons la confiance des populations parce que nous représentons toutes les couches sociales », ajoute-t-il. Au-delà de leur caractère non inclusif, l’une des raisons pour lesquelles ces autorités intérimaires sont contestées est, selon le Pr Younoussa Touré de la CMFPR2, le fait qu’il n’y a aucune base légale qui les régisse. Le seul cadre légal dans lequel ces autorités intérimaires se trouvent, c’est bien l’Entente signée en juin 2016 entre le gouvernement et les mouvements armés, CMA et Plateforme, devenue caduque avec la tenue des élections communales du 20 novembre. « Je ne suis pas contre les personnalités nommées à la tête de ces autorités intérimaires. Ce sont des Maliens tout comme nous. Mais la loi modifiant celle portant code des collectivités territoriales, adoptée par l’Assemblée nationale, censée prendre en charge les autorités intérimaires, n’est plus d’actualité », ajoute-t-il.

Une issue L’espoir d’une paix définitive dans les régions nord est-il de nouveau compromis ? Rien n’est encore perdu car, malgré tout, les différentes parties affirment leur volonté de faire bouger les lignes. Il urge cependant, selon les observateurs, de corriger une tare congénitale de ce processus qui n’aura finalement pas fait l’objet d’un large consensus. La solution à ce problème pourrait venir de la conférence d’entente nationale qui doit se tenir dans le courant du mois de mars. Elle serait en effet une bonne occasion de réorienter les impératifs de la mise en œuvre de cet accord et de l’adapter pour améliorer son appropriation par toutes les couches de la population. À travers la large participation de ces dernières, peut-être arrivera-t-on enfin à clore le chapitre du « sentiment d’exclusion » de certains acteurs. « Il appartient à l’État, garant de la mise en œuvre de l’Accord, de prendre ses responsabilités pour siffler la fin de la récréation qui n’a que trop duré », explique une source diplomatique. Cette rencontre attendue depuis longtemps et réclamée entre autres par l’opposition (avec un contenu différent), est « un jalon important dans la réhabilitation de la cohésion sociale et du vivre ensemble au Mali […]. Ainsi que cela est spécifié dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, cette conférence doit permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit », avait indiqué le Président IBK lors de son discours du nouvel an. « Nous ne devons pas céder, mais il nous faut agir vite. Plus nous perdons du temps, plus les groupes terroristes et narcotrafiquants s’installeront dans la région. Il importe donc de maintenir le dialogue et de renforcer la confiance entre le gouvernement et les mouvements signataires de l’accord », assure Zahabi Ould Sidi Mohamed, président de la Commission nationale désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR). Alors que les tractations vont bon train et que les réunions se succèdent, une bonne nouvelle vient éclaircir le ciel malien : la mise en œuvre du MOC, frappée par l’attentat meurtrier du 18 janvier dernier, devait reprendre, au moment ou nous mettions sous presse, ce mercredi 22 février.

 

 

 

 

 

Autorités intérimaires : Tractations et compromis, pour la présidence d’une région

Hassane Ag Fagaga, chef militaire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), dirigera le conseil régional transitoire de Kidal. Sa nomination serait la décision de la partie gouvernementale après plusieurs concertations et tractations avec la CMA et la Plateforme. En coulisses, cette nomination attendue, a imposé ce cadre militaire aguerri de la CMA au détriment du choix initial qui devait se porter sur Abda Ag Kazina, un intellectuel, maire adjoint de Kidal.

Officiellement c’est Hassan Ag Fagaga, ex-colonel de l’armée malienne, indépendantiste et ex-rebelle, qui a été désigné par le gouvernement pour présider la région de Kidal durant la période intérimaire. Officieusement, on rapporte que la partie gouvernementale a voulu ménager le CMA en demandant à la Plateforme de céder la présidence de Kidal, point de friction entre ces deux mouvements. Il y a eu beaucoup de tractation qui ont mené à des concessions et le dernier compromis a porté Hassane Ag Fagaga à la présidence de la région. « La partie gouvernementale a été maline, ils ont accepté de nommer Fagaga, d’une part pour ménager la CMA et faciliter leur retour à Kidal, d’autre part parce que Fagaga plaira aux gens réfractaires à l’État, ce qui permet aussi de canaliser beaucoup d’éléments radicaux de la CMA, et s’il y a un problème, ils ne pourront s’en prendre qu’à leur dirigeant », analyse cette source proche des mouvements

À Kidal, il semblerait que le choix de cette nomination ne soit pas du goût de tout le monde, car de nombreuses personnes désiraient que les choses avancent. La nomination de ce chef militaire, noyau dur de la CMA, ex-déserteur de l’armée malienne, qui fut l’instigateur de plusieurs rébellions n’est pas forcément, pour beaucoup, une bonne chose. « C’est quelqu’un qui n’est pas lettré, il n’a pas été à l’école. Sa nomination plaît surtout à une petite partie radicale, il y aussi des gens qui estiment qu’il a beaucoup fait pour la rébellion. Sinon la majeure partie de la population n’est pas très enthousiasmée par sa nomination », explique un employé humanitaire de Kidal, joint au téléphone.

Initialement, bien avant ce choix, était en lice pour présider l’assemblée régionale de Kidal, un conseiller d’Aguelhoc et Abda Ag Kazina, jeune adjoint au maire de Kidal. « C’est Abda qui était pressenti pour être en réalité le président, mais sa proximité avec la Plateforme a joué contre lui, surtout après l’opposition GATIA – CMA. Donc il y a eu cette nomination de Fagaga. La CMA l’a proposé parce qu’il est non seulement militairement un des hommes fort de de la CMA mais aussi pour son ethnie, c’est un Ifoghas. Dans toutes ces nominations, que cela soit la CMA ou la Plateforme, ils essaient toujours d’aménager les places en fonction des différentes ethnies », révèle cette source proche des mouvements.

De nombreux point séparent Kazina et Fagaga, le premier est jeune, brillant, un intellectuel qui est parvenu à la mairie de Kidal alors qu’il était dans la vingtaine, une grande surprise à l’époque, courtisé un temps par la CMA pour venir rejoindre leur rang, il a refusé, ce qui n’a pas été vraiment  apprécié, il représente aujourd’hui un certain renouveau. Le deuxième est un militaire aguerri, figure indépendantiste, cousin du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga, cacique de la rébellion, plus âgé et peu lettré. « le problème du choix de Abda Kazina c’est que la CMA voit en lui un pion du GATIA, notamment parce qu’il est un proche de l’ancien gouverneur de Kidal qui est actuellement ambassadeur du Mali au Niger et qui est lui même un proche du Général Gamou. il est aussi très jeune, dans notre milieu ici ce n’est pas facile pour les jeunes d’émerger comme ça, c’est un des très rare cas, sinon le premier. Globalement les intellectuels, les gens qui ne sont pas trop proche de la CMA ou qui sont objectifs, pensent que Kazina était un bon choix, car il à la tête dure et bien fixée sur les épaules », poursuit cette même source.

Hassane Fagaga devrait être investi par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, ce samedi 18 février. Abda Kazina devrait aussi être présent pour cette investiture. Ce dernier, joint au téléphone, dit souhaiter que Hassane Fagaga soit « la personne qui pourra mener à bien cette période intérimaire, malgré les multiples insuffisances », mais le jeune maire adjoint de Kidal aura peut-être tout de même l’occasion de faire ses preuves puisqu’il est proposé, dans ces autorités intérimaires, comme premier vice-président de la région. « Si le consensus est mis en œuvre, et que je suis nommé, je pense qu’on fera de notre mieux pour qu’il y ait un décollage sur le plan du développement et de la réconciliation », nous a-t-il confié.

Les autorités intérimaires mettent Gao en colère

La mise en place des autorités intérimaires doit avoir lieu cette semaine à Tombouctou et à Gao. la Plateforme devrait assurer la présidence de la région de Gao, mais dans la cité des Askia, cette décision passe mal. Les populations, pour la plupart, déplorent de ne pas avoir été consultées et ne sont pas prêtes à se laisser imposer la Plateforme. Elles souhaitent que le futur président soit déterminé par des élections ou choisi par eux-mêmes.

Depuis dimanche dernier, soit deux jours après les conclusions de la réunion de haut niveau du Comité de suivi de l’Accord (CSA), les mouvements de résistance civile et les associations de Gao sont en effervescence, mobilisés contre la décision qui impose la Plateforme à la présidence de la région. « Pendant la crise nous nous sommes défendus sans demander l’aide de personne, ni de la Plateforme, ni de la CMA, cette dernière était d’ailleurs l’occupant. Aujourd’hui, on vient nous imposer la Plateforme, mais qu’est-ce qu’elle a fait pour nous libérer, rien ! c’est nous-même qui nous sommes libérés. On ne voit pas pourquoi les autorités maliennes s’entêtent à ce que les autorités intérimaires soient pilotées ici à Gao par la Plateforme qui n’est pas représentative de la communauté », assène Moussa Boureima Yoro, coordinateur des mouvements de résistance civile de Gao, qui compte quelques milliers de membres à travers la région de Gao.

La Plateforme, un conglomérat de groupes d’autodéfense politico-militaires pro-gouvernementaux héberge dans ses composantes le CMFPR (coordination des mouvements et Front patriotique de résistance), qui a un passif à Gao. Issu des différents mouvements de résistance de la région, qui se sont réunis pour le mettre en place durant la crise, Ce mouvement leur aurait tourné le dos. « Le CMFPR et ses dirigeants ont fini par écarter tous les dirigeants de la communauté et s’allier aux Arabes et aux Touaregs qui nous ont occupés. Ils décident entre eux et prennent toutes les décisions de la mise en œuvre de l’Accord », poursuit Moussa Boureima Yoro.

Bien qu’il y ait eu des élections communales à Gao, le gouvernement justifie la mise en place des autorités intérimaires par l’absence d’une autorité chargée de diriger la région et non la commune. Les jeunes de Gao répondent qu’ils peuvent organiser des élections au niveau régional, et précisent qu’auparavant, «  il n’y a jamais eu d’élections régionales, ça n’existait pas ».

Pour le moment, les jeunes de Gao ne sont pas descendus dans la rue pour protester, mais les rencontres entre les différents mouvements de résistance civile et associations se multiplient, face à l’urgence de la situation. « Les gens n’ont pas encore agi mais ils sont remontés par cette décision. C’est quelque chose qui s’est préparé à Bamako et qu’on va parachuter sur nous. S’ils veulent mettre des autorités intérimaires, qu’ils le fassent à Kidal, à Taoudenni, à Ménaka mais pas à Gao. On nous impose cette décision avec des gens que l’on n’aime pas, des personnes qui ne sont pas représentatives de la région, pourquoi veut-on nous mettre ces gens-là ? Est-ce qu’on nous a vendu ? est-ce que la région de Gao ne serait plus une partie du Mali ? est-ce qu’on veut nous imposer l’Azawad pour que ce soit coûte que coûte notre référence ? s’interroge le coordinateur des mouvements de résistance civil, qui ajoute, « pour l’instant nous sommes en consultation, nous attendons de voir ce qu’ils vont poser comme action, nous poserons les nôtres et nous verrons. Notre réplique sera à la hauteur de leurs actions, c’est tout ce que je sais ».

Signe d’une rupture consommée avec le gouvernement, la campagne de préparation de la Conférence d’entente nationale qui a débuté hier à Gao, les mouvements de résistance n’y étaient pas conviés, ils ont pu finalement y participer après une intervention musclée d’un de leurs camarades. Un avant-goût du bras de fer en train de se mettre en place avec les autorités maliennes, à un moment où les autorités intérimaires et le MOC sont enfin sur les rails.

Accord de paix: le processus de nouveau sur les rails

La réunion de haut niveau du CSA ministériel s’est achevée avec une note d’espoir en faveur de la mise en œuvre de l’accord. Les trois parties, le gouvernement la CMA et la plateforme devant les ministres des affaires Étrangères de l’Algérie, Mauritanie et du Niger et la médiation internationale, ont en effet, renouvelé leur engagement pour une mise œuvre diligente et efficace de l’Accord. Un nouveau chronogramme a été établi.

En dépit de quelques constats liés au problème d’inclusivité dont les débats sont toujours en cours pour trouver une solution consensuelle, cette réunion de haut niveau qui constitue un nouveau tournant dans la politique d’instauration du dialogue direct entre les différentes parties, a offert au Comité de Suivi de l’Accord (CSA), un espace de partenariat avec les acteurs. Cette réunion, deuxième du genre, après celle du 18 janvier 2016 à Alger, avait pour objectif fondamental de faire revenir à la table des négociations les mouvements armés CMA et Plateforme, qui voulaient qu’un certain nombre de conditions soient réunies pour pleinement mettre en œuvre les accords

Le groupe de travail mis en place par le CSA aux parties maliennes (gouvernement, CMA et Plateforme), s’étaient concertés au préalable afin d’identifier les points de blocage à la mise en œuvre de l’accord de paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. Réunies du 7 au 10, les parties ont identifié 10 points essentiels autours desquels les échanges ont porté sur certaines recommandations. Il s’agit entre autres des questions des décrets relatifs à certaines commissions, notamment à l’application concertée et l’efficacité des décrets pris par le Président de la République en ce qui concerne la commission nationale de désarmement et le comité national de la réforme du secteur de sécurité (CNRSS), l’accélération de la procédure de nomination des membres des cellules du CNRSS conformément au décret y afférent.

En ce qui concerne la mise en place des autorités intérimaires, mesure phare de l’Accord, elles se mettront en place du 13 au 20 février et un consensus sur la gestion des cinq régions a été obtenu. Deux régions Gao et Tombouctou seront gérées respectivement par la plateforme et la CMA. Pour ce qui concerne Kidal, Taoudenit et Ménaka, le soin est laissé à l’État de désigner les présidents des conseils régionaux.

Les patrouilles mixtes, quant à elles, débuteront à Gao à partir du 20 février. Un cadre permanent de concertation sera établi entre les trois parties signataires pour statuer sur les questions d’intérêt national dont la conférence nationale d’entente et la réforme constitutionnelle. Par rapport à la gestion de Kidal, il a été convenu que le retour de l’État se fera concomitamment à la mise en place des autorités intérimaires. « A partir de maintenant tout le monde sera assis autour de la même table et poursuivra l’effort commun de mise en œuvre de l’Accord », assure Ahmed Boutache président du CSA.

18 mois après la signature solennelle de l’Accord de paix et de Réconciliation, émaillée d’incidents et accrochages meurtriers, place est de nouveau réservé au dialogue. C’est ce qui ressort des commentaires de l’ensemble des participants à cette rencontre de haut niveau. «Ce qui est très important, ec’est que cette rencontre a fait bouger les trois parties : gouvernement, CMA et Plateforme dans le sens du dialogue. On aurait pu depuis 18 mois commencer à dialoguer pour faire avancer l’Accord, ça n’a pas été fait, mais nous espérons maintenant avec la prise des décisions fermes et des engagements pris de part et d’autre que nous irons dans le sens du dialogue inter-partie pour avancer », explique Me Harouna Toureh, de la Plateforme. «Au regard des résultats obtenues de cette rencontre, nous sommes très optimistes pour une mise en œuvre de l’Accord. Mais pour ce faire, il faut que toutes les parties prennent leur responsabilité dans le sens du respect des engagements pris », conclu Bilal Ag Chérif de la CMA.

CSA, le dialogue et la confiance pour sortir de l’impasse

La rencontre de Haut niveau qui réunit les leaders politico-militaires des mouvements signataires de l’accord de paix, la médiation internationale pilotée par l’Algérie et la partie gouvernementale, a débuté ce matin à l’hôtel Amitié. Cette rencontre, réclamée par la CMA et préalable à son retour à la table des négociations, a pour but de parvenir à un consensus entre les parties pour avancer sur la mise en œuvre et l’application de l’accord d’Alger. Si certains points d’achoppements entre les mouvements armés semblent pouvoir se résoudre, le dialogue avec la partie gouvernementale et une certaine confiance, base qui a fait défaut durant ces 18 derniers mois, est plus que jamais à établir.

Au menu de ce Comité de Suivi de l’Accord (CSA) ministériel, la restauration d’un dialogue nécessaire entre les différentes parties maliennes pour sortir de l’impasse et rompre avec la lenteur et la confusion qui règnent dans la mise en œuvre de l’Accord depuis 18 mois.

Le CSA qui est le cadre de concertation de l’application des accords devra parvenir à recentrer les débats, les concertations, parvenir à des décisions concrètes, notamment sur la question de l’inclusivité, et sur la feuille de route à mener avec la partie gouvernementale. « On espère que ça va bien se passer car avec la partie gouvernementale il y a toujours une sorte de frilosité », explique ce cadre de la CMA. « Nous avons expliqué qu’il faut que les décisions soient collégiales pour ne pas perdre de temps et revenir sur ce qui a été fait ou dit. Cette rencontre de haut niveau est aussi un cadre où l’on va pouvoir discuter des malentendus et peut-être établir une confiance qui n’a jamais vraiment été là. Cette situation n’arrange personne en tout cas pas la CMA », poursuit-t-il.

Si la confiance et le dialogue, enjeu fort de ce CSA ministériel, sont au rendez-vous, de nombreux points devraient être en passe de se solutionner, notamment la mise en place des autorités intérimaires, qui devaient initialement être effective immédiatement après la signature de l’Accord. « il faut poser tous les jalons, la période intérimaire qui n’a pas débuté au lendemain de la signature des accords est à présent à redéfinir, elle ne devait pas dépasser les 18 mois et elle les dépasse aujourd’hui allègrement. On parle de mettre en place la Conférence d’entente nationale qui devait normalement couronner le tout. La simple logique des accords veut qu’on commence les étapes par le début pour qu’elles s’enchaînent », ajoute ce même cadre de la CMA

Le chronogramme annoncé à l’issue de la signature de l’accord d’Alger et qui a connu de nombreuses difficultés dans son application, a génèré une détérioration de la situation sécuritaire et des tensions entre les différentes parties, notamment concernant la possibilité du retour de l’État malien à Kidal, qui reste toujours aujourd’hui difficile. La CMA soutient que le gouvernement pourrait revenir à Kidal concomitamment à la mise en place des autorités intérimaires et du MOC avec les patrouilles mixtes, qui pourront sécuriser ce retour. Néanmoins des divergences de vues subsistent, sur le statut des ces patrouilles mixtes qui n’est toujours pas défini et leur indemnisation qui tarde à venir et qui freine une réelle opérationnalisation de cette disposition de l’Accord, selon la CMA.

Cette réunion de haut niveau, où les différentes parties devront dialoguer et se concerter pour avancer est condamnée aux résultats, à une issue positive, qui permettra une application tangible et rapidement visible de l’Accord d’Alger sur le terrain, car obtenir la paix demande des sacrifices, de sortir des clivages, elle ne peut pas être obtenue simplement par des affirmations, il faut ensemble prendre des engagements et les respecter.

CSA ministériel : un accord en vue entre la CMA et la Plateforme

Un pas vient d’être franchi dans la mise en œuvre l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger. Les ennemis d’hier, CMA et la Plateforme, semblent enterrer la hache de guerre pour donner une chance au dialogue intergroupe.

Ce vendredi 10 février se tient à l’hôtel Amitié le Comité de Suivi de l’Accord (CSA) ministériel, en présence d’une délégation de la CMA conduite par les secrétaires généraux du MNLA, du HCUA et du MAA (Bilal Ag Achérif, Alghabass Ag Intalla et Ibrahim Ould Sidati), des représentants de la Plateforme et d’autres mouvements dissidents.

Il s’agit au cours de cette rencontre de haut niveau, de donner un coup d’accélérateur au processus de paix et de réconciliation au Mali en panne depuis quelques temps.

En tout cas l’espoir est permis. Le leader de la plateforme Me Harouna Toureh était à Kidal le 07 février dernier où il a échangé avec les leaders de la CMA. Cette visite visait à ramener les ex-rebelles dans le processus de paix, après que ces derniers aient suspendus leur participation aux travaux du comité de suivi de l’Accord. « Je suis venu voir mes frères de la CMA qui ont suspendu leur participation aux instances du CSA pour des raisons qui leur sont propres, mais que nous partageons. La CMA est un élément clé du processus, son absence pèse beaucoup sur la mise en œuvre de l’accord», explique Me Harouna Toureh.

Même si le déplacement de Me Toureh est considéré au sein de la Plateforme comme une initiative personnelle, il a été tout de même très apprécié au niveau de la CMA. «Cette visite a été vraiment positive parce que ces derniers temps, la Plateforme et la CMA se sont beaucoup concertées pour avoir une nouvelle vision politique et mettre en place un cadre de travail qui va faciliter la mise en œuvre de l’Accord », souligne un cadre de la CMA. « Au cours de cette rencontre, Me Harouna Toureh nous a réaffirmé que les propos de Fahad ne l’engage pas du tout et que s’il y a un différend entre GATIA et CMA, ça se réglera entre eux hors de la Plateforme », a-t-il ajouté. Malgré cette différence d’appréciation entre les responsables de la Plateforme, le secrétaire général du GATIA Fahad Ag Mahmoud a souligné une possible entente entre la CMA et la Plateforme au cours de cette réunion de haut niveau.

Accord de paix : une réunion de haut niveau prévue pour sortir de l’impasse

Le comité de suivi de l’Accord d’Alger (CSA), a tenu les 30 et 31 janvier dernier à l’ex-CRES, sa 15ème session ordinaire. L’absence des mouvements armés signataires de l’Accord, la CMA depuis la 14ème session et le retrait de la Plateforme de cette 15ème session, ont largement dominé les débats. La préparation d’un CSA au niveau ministériel prévu pour la 1ère quinzaine de ce mois à Bamako est en cours.

Les travaux de la 15e session du Comité de suivi s’est déroulée dans une atmosphère peu cordiale. Cette 15e session intervient après l’attentat kamikaze de Gao. Première session de l’année 2017, elle a été marquée par le boycott des principaux mouvements de la CMA et le retrait des responsables de la Plateforme, dès la première journée des travaux. « Ce qui devait être un rendez-vous de cohésion, s’est terminé en queue de poisson », jugent plusieurs participants. Les responsables de la CMA dénoncent la lenteur et la confusion qui règnent autour de la mise en œuvre de l’Accord. Contrairement aux responsables de la CMA, les responsables de la Plateforme se plaignaient de certains agissements de la Force française Barkhane sur le terrain.

La médiation internationale a déclaré que le Comité de suivi n’était pas le cadre approprié pour poser ce problème. « Ce qui s’est passé n’est as une attitude responsable, ni courageuse parce que nous savons que les civilités pour régler les problèmes c’est le dialogue, et le cadre le plus approprié pour avoir ce dialogue c’est le CSA », souligne Ahmed Boutache. Toutefois, la médiation internationale a procédé à des rencontres séparées avec les trois parties signataires, à savoir, le gouvernement, la CMA et la plateforme, qui semble-t-il, ont réitéré leur engagement à la mise en œuvre de l’Accord.

A l’issu des différentes concertations, la médiation internationale, conformément à l’article 52 de l’Accord pour la paix, a décidé de la mise en place d’un groupe de travail avec la participation de représentants du gouvernement, de la CMA et de la plateforme sous l’égide du président du CSA. Ce groupe de travail se réunira à Bamako, les 6 et 9 février prochain pour la préparation du CSA ministériel qui se tiendra également à Bamako. Il s’agira d’aplanir toutes les difficultés, de mettre d’accord les parties signataires sur la mise en place d’un cadre de concertation inter-malien qui a toujours fait défaut. «Je présiderai personnellement ce groupe de travail, croyez-moi, si j’ai décidé de m’engager dans cette opération, ce n’est pas pour qu’elle soit couronnée par un échec », explique, le Président du CSA, Ahmed Boutache.

Selon lui, ce groupe de travail s’attellera dès la semaine prochaine à l’organisation de cette rencontre de haut niveau. «La réunion aura lieu, l’accord de principe est là et des consultations sont en cours pour en arrêter la date. Ce sont les ministres concernés au niveau des pays partenaires qui seront invités à cette réunion. S’agissant des mouvements, ils seront invités et il sera particulièrement insisté sur le fait que la participation doit être impérativement au plus haut niveau de responsabilité, c’est-à-dire les dirigeants politico-militaires », a-t-il conclu.

Gao : les tensions sur les patrouilles mixtes se dissipent

Le blocage qui était ’installé autour du démarrage des patrouilles mixtes dans la région de Gao se dissipe petit à petit. Apparemment, la médiation engagée par la communauté internationale et les autorités maliennes semble porter ses fruits. Même si les combattants de la CMA sont toujours à l’entrée de la ville, le principal groupe, la CPA à l’origine du blocage a déposé la liste de ses combattants.

Si l’opérationalisation des patrouilles mixtes à Gao tarde à se concrétiser, la tension à tout de même baissé d’un cran en dépit de l’expiration du délai de 72 heures donné par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) à la communauté internationale et au gouvernement malien pour mettre en place toutes les conditions permettant la tenue des patrouilles dans la ville. Il s’agit notamment du désarmement de tous les groupes armés qui ne sont pas membres de la Coordination et de la Plateforme. « Les dispositions sécuritaires disent qu’en cas de patrouilles mixtes, seuls les éléments des FAMAS, la Plateforme et la CMA doivent être armés à l’intérieur de la ville. Donc toutes les autres parties armées doivent se cantonner et laisser la ville entre les mains de la patrouille mixte qui est la disposition indiquée dans l’accord pour sécuriser la ville », déclarait Brahim Ould Sadati de la CMA.

Cependant, les groupes armés (CPA, CMFPR2, le MPCA et l’EFPA) opposés à l’entrée des combattants de la CMA dans la ville de Gao dans le cadre de la mise en route des patrouilles mixtes, reconnaissent avoir reçu du gouvernement et de la médiation une offre pour commencer le processus. «Ce n’est plus le blocage, la situation s’est détendue, une offre a été faite par le gouvernement et la médiation pour permettre l’inclusion nos mouvements signataires et nous avons fait des propositions qui ont été déposées. Une fois que nos combattants auront été appelés au regroupement, je crois qu’il n’y aura plus de problème », précise, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun, secrétaire général de la CPA. « C’est un blocage dans la légalité. Il s’agit des mouvements armés signataires de l’accord qu’on a voulu exclure des patrouilles mixtes. Ça c’est impossible. Ils ont le droit de participer à ce processus, c’est une revendication de leur droit. Ce ne sont pas de nouveaux acteurs ou des intrus », a-t-il ajouté.

Officiellement la rupture semble consommée entre les groupes dissidents de la CMA. Dans un communiqué rendu public le 2 janvier dernier. Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA)  et le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), ont décidé d’unir leur force pour participer aux patrouilles mixtes. «Le sens de notre combat consiste à une insertion  effective de nos mouvements dans tous les organes de mise en œuvre de  l’Accord, notamment dans le CSA, ses 4 sous-comités, le CTS, DDR, CNRSS, les autorités intérimaires », souligne le communiqué conjoint des ces mouvements.

Dans une récente déclaration, le président du MSA, Moussa Ag Acharatoumane, avait souligné que son mouvement a envoyé depuis le 26 décembre dernier plus de 30 pick-up en hommes et en armes à Gao. «Cette force n’est pas là pour faire de la provocation, mais prendre part aux patrouilles mixtes pour une mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger », explique-t-il.

 


Processus de paix : démarrage du MOC sans la CMA

Une bonne nouvelle pour le processus de paix en cette fin d’année, vient d’être donnée. Le démarrage du Mécanisme opérationnel de coordination a débuté à Gao, sous la coordination de la MINUSMA. Seule inquiétude, c’est l’absence des éléments de la CMA, qui sont attendus dans un proche avenir.

Le regroupement des combattants a débuté le 10 décembre dernier. La section Désarmement Démobilisation et Réintégration (DDR) de la MINUSMA avec l’appui d’autres sections a coordonné l’opération de vérification et d’enregistrement de 160 ex-combattants de la plateforme, de leur profilage ainsi que la collecte des informations de base sur leurs armes. Le 13 décembre à 18 heures, il a été dénombré au MOC, 190 éléments des forces armées maliennes et 160 combattants de la plateforme.

Le regroupement des combattants de la CMA est en cours dans la région de Kidal pour ensuite se déplacer vers Gao, pour rejoindre les autres dans les prochains jours. La MINUSMA a également procédé à la distribution de 20000 litres de carburant à la CMA à Kidal pour permettre aux combattants de rejoindre Gao. Le processus s’est déroulé sans aucun incident. La MINUSMA et le gouverneur de Gao ont même effectué une visite du camp du MOC dirigé par Rhissa Ag Sidi Mohamed, le 13 décembre dernier.

« Une première patrouille conjointe du MOC devrait avoir lieu très prochainement dans la région de GAO, on s’attend, à ce qu’elle se passe la semaine prochaine, mais on confirmera quand c’est du solide», explique Radhia Achouri, porte parole de la MINUSMA. « Il y a des petits soucis en termes d’intégration de la part de certains mouvements signataires du processus de paix notamment au sein de la CMA. La MINUSMA est en train de s’activer au niveau de son leadership et ailleurs pour essayer de convaincre les parties prenantes de trouver des solutions le plus rapidement possible, ce qui permettra de respecter les termes de l’Accord de paix entre les différents mouvements faisant parti de la CMA, pour assurer qu’il Y ait une inclusivité la plus large possible permettant au processus de démarrer dans des bonnes conditions », a-t-elle conclu.

Processus de cantonnement et d’intégration : les mouvements ont proposé leurs membres.

La CMA et plateforme deux mouvements signataires de l’Accord d’Alger viennent de déposer la liste de leurs membres pour la constitution de la commission nationale de DDR et la commission d’intégration. La bonne nouvelle a été donnée par la porte-parole de la mission onusienne Mme Radhia Achouri lors du point de presse hebdomadaire le 6 octobre dernier.

La pression de la communauté internationale sur les mouvements armés, la détermination du gouvernement malien à appliquer les contenus de l’Accord pour la paix et la réconciliation, relance l’espoir de paix et de développement. Mais tout cela n’est guère possible sans le retour de la sécurité dans la zone, raison pour laquelle des efforts sont faits pour accélérer le processus de démobilisation, désarmement et de réinsertion.

Dans ce sens, une étape très importante vient d’être franchie. Depuis le 6 octobre, les deux principaux groupes armés (CMA et Plateforme), signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et le gouvernement, ont tous proposé les membres pour la Commission Nationale de DDR, la Commission d’intégration et le Conseil National de Réforme du Secteur de Sécurité. Ils ont aussi fourni les listes des hommes devant constituer la première unité pour les patrouilles mixtes, qui sera basée à Gao avec la possibilité de déployer des hommes à Kidal dans une première phase. Les membres de ces commissions vont travailler sur les critères du DDR et de l’éligibilité pour les forces de sécurité. Toute chose qui va permettre de régler la gestion des combattants des groupes armés et accélérer le processus de mise en œuvre de l’Accord.

Le mode opératoire de cantonnement définit exactement les critères selon lesquelles quelqu’un est considéré comme combattant, et doit être cantonné. Ce document conjoint a déjà été élaboré et signé par les trois parties, sous l’égide de la commission technique de sécurité (CTS), depuis octobre 2015.

Processus de paix : Accord et désaccords

Depuis 3 mois, le processus de paix est suspendu à la guerre hégémonique et sans-merci que se livre la CMA et la Plateforme, deux mouvements armés signataires de l’accord de paix, autour de la gestion de Kidal et des questions de leadership entre Ifoghas et Imghad. La mise en œuvre de l’accord, qui devait progressivement entrer en vigueur cet été, est actuellement au point mort, sans que l’on ne sache vraiment si ce document connaitra un jour un début d’application.

« Le territoire de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) se résume aujourd’hui à l’intérieur de Kidal, et ça renforce ma conviction que plus la CMA s’affaiblit, plus on va vers la paix », déclare Fahad Al-Mahmoud, secrétaire général du Groupe d’autodéfense Touareg, Imghad et alliés (GATIA). Pour lui, le conflit qui oppose GATIA et CMA ne remet pas forcément en question l’accord de paix. « Je pense que c’est l’une des causes, mais pas totalement. On a fait la paix à partir d’Anéfis et l’accord n’a pas beaucoup bougé, donc je ne pense pas que ce soit le seul frein », affirme-t-il. Bien que la situation autour de Kidal soit relativement calme ces derniers jours, le GATIA encercle toujours la ville, contrôlant et interdisant l’accès à tout véhicule et chargement venant de Gao, et cantonnant la CMA dans cette unique espace urbain, sous protection de la MINUSMA et de la force Barkhane, enjeu des conflits qui ont agité la région ces 3 derniers mois. À l’intérieur de la ville, la CMA se réorganise massivement pour préparer sa riposte, tandis que la Plateforme, tenue à distance par des forces internationales intransigeantes, attendrait le moment opportun pour prendre Kidal. « Si Gamou, aidé par le Mali, veut négocier, pas de problème. Mais s’il monte par la force, ce sera le début de la 5ème rébellion touareg ! L’accord sera à l’eau et nous, on ne se reconnaitra plus dans cet accord. Ce sera l’éclatement général », affirme ce cadre militaire de la CMA.

Un accord en danger ? Pourtant, selon nos informations, la CMA soutiendrait toujours l’accord et ne compterait pas en quitter le cadre. Même si, à Kidal, le message qu’elle fait passer aux habitants ainsi qu’aux combattants les plus radicaux, pour les gagner à sa cause, prône l’indépendance et un refus de l’accord. Dimanche dernier, ses dignitaires se sont réunis en secret pour choisir les personnes qu’ils présenteront aux futures autorités intérimaires. « Ils veulent rester dans le cadre de l’Accord d’Alger, essayer de revenir à la paix et éviter la guerre. Ils disent que cette guerre ne les arrange pas parce qu’en réalité ce sont des Touaregs qui se battent entre eux. Ils peuvent combattre mais ils ne veulent pas le faire parce que cette guerre est manipulée par d’autres qui veulent vraiment que l’accord ne soit pas appliqué », explique Souleymane Ag Anara, photo-journaliste basé à Kidal. Pour certains observateurs, les trafiquants de drogue et, par certains aspects, la communauté internationale, ne verraient pas dans leur intérêt que l’accord soit appliqué. « Car pour ces gens, ça entretien le business », affirme une source locale. Pour ce diplomate proche du dossier, « les évènements qui se jouent actuellement dans ce conflit entre signataires, ne peuvent remettre en question l’accord, parce que c’est un compromis dont les garants sont la communauté internationale et les pays du champ ».

Néanmoins, les défections nombreuses au sein de la CMA, dont beaucoup de membres ont rejoint la Plateforme, sont un signal pour certains observateurs que l’Accord pour la paix et la réconciliation signé le 20 juin 2015 n’est plus viable. Car la CMA qui y a pris part et qui était en position de force, est aujourd’hui fragilisée, et que le GATIA, actuellement décrié par la communauté internationale, a débauché nombres d’acteurs du camp adverse, signataires de l’accord, changeant par là même toute la donne. « C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de défections du côté de la CMA, des notables, des chefs de factions, des officiers, des combattants, mais les figures emblématiques, les Ag Najim, Ag Haoussa, Ag Intalla, elles, n’ont pas bougées. Je pense que ce qui se passe, à défaut de déranger l’accord, ne vas pas l’arranger. Le danger, c’est que ça peut amener une autre guerre qui va durer et que les gens ne maitriseront pas », analyse ce proche des mouvements.

Ce conflit larvé entre les deux belligérants pour obtenir la chefferie de Kidal, ne serait pas la raison profonde qui pourrait entraver la mise en œuvre de l’accord de paix. « Ce qui se joue au fond, autour de ces évènements, c’est la difficulté de l’émergence d’une citoyenneté nationale pour ces groupes. Certaines sociétés touarègues arrivent difficilement à concevoir que leur antériorité nobiliaire soit dissoute dans la citoyenneté malienne, alors qu’aujourd’hui ils ont pris conscience de leur puissance économique et de leur intégration dans l’État », explique le Dr Naffet Keïta, anthropologue et chercheur.

Vers une porte de sortie ? Actuellement, les négociations pour un retour à la paix semblent au point mort. Les leaders du GATIA à Bamako ne mènent aucune négociation avec ceux de la CMA. « Ils ne s’appellent pas, ils ne se concertent pas. Il n’y a aucune médiation en cours, tout les préparatifs qui se font, se font dans l’optique de la guerre », révèle cette source proche du GATIA. Selon nos informations, les autorités nigériennes seraient en train de travailler à l’organisation d’une réunion, au Niger, pour relancer les négociations et faire cesser le conflit, mais on ne sait pas à l’heure actuelle si cette rencontre se tiendra, car l’Algérie n’y est pas favorable.

La difficulté pour un retour à la paix semble se trouver dans la capacité à concilier les agendas des différentes parties. Celui du GATIA qui veut occuper des responsabilités, celui du gouvernement, qui souhaite que tout les Maliens demeurent libres et égaux en droit et en devoir, et celui de la CMA, qui veut continuer à conserver sa position de leadership à Kidal. « Notre problème avec les Ifoghas est à côté de l’accord. Le processus d’Alger n’a pas pris ça en compte, malgré que nous ayons plaidé pour cela. Je pense que les acteurs doivent tout mettre en œuvre pour trouver une solution à ce problème », explique le secrétaire général du GATIA. « Il n’y aura pas de négociations qui auront des résultats tant que les autorités seront favorables aux miliciens et que nous serons dans cette position. Il faut absolument mener des actions politiques pour arranger les choses. Si ce problème avec le GATIA ne peut pas être résolu politiquement, alors nous l’élimineront militairement », rétorque ce cadre militaire de la CMA.

La balle, aujourd’hui, semble dans le camp du gouvernement malien, conscient de ces enjeux locaux, mais inaudible depuis 3 mois. Il devra conduire une médiation entre ces parties pour un nécessaire retour à la paix, car si l’on n’y prend garde, l’opposition entre CMA et GATIA pourrait basculer dans une guerre civile.

La CMA au bord du gouffre : Le MAA de BER rejoint la Plateforme

Le porte-parole du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Sidi Mohamed Ould Mohamed a animé un point de presse, mardi 27 septembre, à la Maison de la presse. L’objectif était d’informer l’opinion publique de la situation qui prévaut au nord du pays et de son ralliement à la Plateforme.

La descente aux enfers de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), amorcée depuis queslques mois se poursuit. Après le départ fracassant de Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, parti créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), qui s’est rallié à la Plateforme, l’étau se resserre de nouveau sur la coordination avec le départ des chefs de fraction, responsables, leaders et notabilités ressortissants de Ber région de Tombouctou, membres aussi du MAA de la CMA. « Après une analyse minutieuse de la situation au nord du Mali et de tout ce qui s’y passe, nous informons : le Représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies, chef de la MINUSMA, toutes les autorités du Mali ainsi que l’opinion nationale et internationale que désormais nous n’entendons plus nous laisser embarquer dans des aventures guerrières injustifiées ou pour des raisons inavouées. Demandons au peuple malien de bien vouloir pardonner et de prier pour le retour de nos frère égarés à la République », souligne Sidi Mohamed Ould Mohamed porte-parole du MAA. Pour les partants, l’accord issu du processus d’Alger signé par la CMA et la Plateforme évoque de façon claire la préservation de l’unité nationale, la laïcité et l’intégrité territoriale du Mali. « Dès lors, il nous est incompréhensible que nos populations continuent d’être instrumentalisées pour des marches contre la République et conduites dans des conflits fratricides », a-t-il ajouté. Un coup dur pour la CMA qui présentait déjà des signes d’essoufflement sur le terrain avec la prise de nombreuses localités par la Plateforme.

Suprématie de la Plateforme dans la guerre ethnique au Nord-Mali

Depuis vendredi dernier 16 septembre, les combats ont repris entre la CMA et la Plateforme, notamment à Intachdayte, la plus importante base du MNLA. Après ces affrontements qui ont fait une dizaine de mort, des dégâts matériels et permis aux hommes de Gamou d’acquérir un impressionnant arsenal du MNLA, la Plateforme a lancé d’autres actions militaires, qui lui ont permis de contrôler presque toute la région à part Kidal, où la CMA, affaiblit, reste acculée.

 La ville d’Intachdayte, à majorité Idnane, entièrement sous les ordres de Mohamed Ag Najim, le chef militaire du MNLA, a été attaquée et conquise vendredi 16 septembre, par une colonne composée d’une quarantaine de véhicules de la Plateforme. Une grande partie de l’armement stocké par le MNLA et rapporté de Libye s’y trouvait et a été saisi par la Plateforme puis transporté à Anéfis. Intachdayte est tombée parce que les forces de la CMA n’y était pas en nombre. L’encerclement de la ville de Kidal par la Plateforme a mobilisé beaucoup de leurs troupes et laissé cette base isolée, permettant aux hommes de Gamou d’attaquer. « La Plateforme avance que deux des leurs ont été capturés par un groupe armé qu’ils soupçonnaient fortement d’être des Idnanes d’Intachdayte, c’est pour cela qu’ils auraient pris la ville, mais la réalité c’est qu’ils l’ont attaqué pour s’accaparer les armes, affaiblir la CMA, renforcer l’encerclement de Kidal et son isolement », explique cet employé d’une ONG local.

Depuis la courte trève initiée par les différentes parties quelques jours avant la fête de Tabaski, il n’y a pas eu de cesser le feu, dans le climat de tension qui prévaut dans la région depuis l’interdiction faites à la Plateforme, par les forces internationales, d’entrer dans la ville de Kidal alors que les forces de la CMA peuvent en sortir.

Samedi 17 septembre, la Plateforme a annexé Inkhalil, puis Ikadawatène ou la CMA a fui sans combattre. Actuellement le mouvement du général Gamou contrôle presque toute la région, à part la ville de Kidal tenue par la CMA, Aghel’Hok où la force tchadienne de la Minusma ne laissent pas entrer les groupes armés, Abeibara et Tin-Essako, un fief de la tribu des Ifoghas. Les forces de la Plateforme sont actuellement stationnées  à côté de Tessalit, sans pour l’instant tenter de prendre la ville. « À Tessalit, il y a eu des micmacs, Mossa Ag Habida, un commandant de la CMA qui était le chef local du HCUA, un Iradjanatane, une tribu plus proche des Imghad que des Ifoghas, a rallié la Plateforme avec hommes et véhicules. Il faut savoir que la fibre ethnique est très importante dans ce conflit et il se trouve que le grand-frère de Mossa Ag Habida était un lieutenant de Gamou dans la rébellion des années 90, il est décédé lors de la première guerre tribale qui a opposé les éléments de Iyad Ag Ghali aux hommes de Gamou. Mossa qui a retrouvé d’ancien frères d’armes dans les rangs de la Plateforme a donc fait défection pour la rejoindre. Ce n’est pas la première fois que des combattants de la CMA ou du HCUA passent dans l’autre camp », affirme cette source proche des mouvements.

Selon nos informations, un important chef du HCUA à Kidal, Chafighi Ag Bouhada, qui est le cousin de Mossa Ag Habida, a rejoint Tessalit lundi soir à la tête d’une trentaine de véhicules en contournant le dispositif de la Plateforme via des routes dans les zones contrôlées par les djihadistes (Tin-Essako, Talahandak, Tintisska ), pour que la ville ne tombe pas aux mains de leur adversaire. Des affrontements du côté de Tessalit semblent imminents.

Depuis que l’étau de la Plateforme se resserre sur Kidal, la CMA, affaiblit par les combats, les défections et les dissensions, tentent de trouver des alliances. Mardi 20 septembre, la Coalition du Peuple pour l’Azawad (CPA) d’Ibrahim Ag Mohamed Assaleh a dissout sont mouvement pour rejoindre le MNLA. Selon certains observateurs ce mouvement compterait environ 500 combattants qui viendraient renforcer les troupes de la CMA.

Le Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA) de Moussa Ag Acharatoumane, qui a quitté la CMA le 2 septembre dernier, a signé samedi 17 septembre, un accord sécuritaire avec la Plateforme et le MAA-Plateforme, pour mener des patrouilles dans la région de Gao afin de traquer les voleurs et autres coupeurs de routes qui pullulent dans la région. « Certains éléments de la CMA ont la dent dure contre le MSA, ils disent que des combattants de ce mouvement ont été vu avec des éléments de la Plateforme lors des attaques d’Inkhalil et d’Inkadawatène. Le MSA n’a pas rejoint la Plateforme, pas encore, ils ont signé cet accord de sécurité et d’autres accords plus secrets, dont un, qui leur donne la garantie que la Plateforme les aidera s’ils sont attaqués par la CMA », révèle cette source.

Le gouvernement malien qui soutenait la CMA, il y a encore quelques mois, semble avoir changé son fusil d’épaule. Sur les ondes de RFI, la semaine dernière, Bilal Ag Achérif, secrétaire-général du MNLA, a constaté  que « le gouvernement et la Plateforme veulent tourner  le dos à cet accord ( de paix et de réconciliation) […] si on continue à ce rythme là, il risque de ne plus avoir d’accord du tout auquel se référer », a-t-il déclaré. Début septembre, le HCUA avait menacé de prendre les armes, « si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités en rappelant à l’ordre ses militaires déguisés en miliciens […] notre réplique sera à la hauteur de l’affront et même peut-être disproportionné », ajoutait le mouvement. « Le processus de paix est en danger c’est vrai, avec les affrontements qui continue ça risque d’échouer, rien ne va être appliqué et en même temps c’est une menace, car pour la CMA la Plateforme est une milice malienne, donc pour eux c’est le Mali qui tire les ficelles. Bilal Ag Achérif est manipulé par le HCUA. Ils font appel à lui, ils lui font faire des déclarations parce qu’ils savent que le MNLA a la sympathie de la France et d’autres partenaires, ils ne veulent pas être isolés et donc ils le mettent en avant dans la communication», explique ce proche des mouvements.

Pour Azaz Loudag Dag, chef de la communauté Imghad, ce conflit n’est pas un problème entre mouvements mais un problème de communauté, complexe, tant les différentes communautés sont imbriquées dans les mouvements. « On ne peut pas trouver une solution au niveau des mouvements, il faut trouver la solution au niveau des communautés concernées, c’est à dire la communauté Ifoghas et la communauté Imghad. Ce sont ces deux communautés qui ont des problèmes, notamment le fief de Kidal, qui appartient aux Imghad et qui a été occupé par la CMA quand elle a chassé le gouvernement du Mali et tout le reste, avec l’appui des djihadistes et des terroristes. Ils l’ont occupé avec l’aide de la communauté internationale (notamment Serval) qui pensait que Kidal appartenait aux Touaregs et que par conséquent il fallait la donner aux rebelles, alors que parmi les touaregs tous ne sont pas des rebelles. Ce que la France n’a pas compris dans le scénario actuel c’est que ce sont les djihadistes qui ont mis en place les Ifoghas pour les faire occuper le Nord-Mali. Nous, on veut une solution négociée, on ne veut pas du tout aller à la guerre. Comprenez bien que si on nous empêche de rentrer à Kidal, on reste autour de la ville et à chaque fois qu’on rencontrera leurs éléments, il y aura certainement des heurts », conclut-il.

Pour cet habitant de Kidal, fataliste, au-delà des communautés, le véritable but de cette guerre c’est la domination de ce territoire que les rebelles appellent Azawad et qui malgré les accords, ne semblent toujours pas vouloir faire un avec le Mali.

Kidal : calme relatif et négociations au point mort

Un calme précaire règne sur Kidal alors que les négociations ont repris entre les chefs de la Plateforme et de la CMA pour tenter d’établir un cessez-le-feu et une paix durable entre les deux groupes armés, touaregs, lancés dans une guerre fratricide.

Les négociations pour une sortie de crise entre la Plateforme et la CMA avaient été stoppés net lors du second affrontement entre les deux groupes armés à Tassik, samedi dernier. Pour l’heure, elles ont repris pour tenter de réinstaurer un dialogue entre les deux camps. Le général Gamou est toujours à Bamako mais aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé. La CMA a estimé hier que la situation sur le terrain, qui s’est soldée, au cours des deux affrontements, par des dizaines de morts, dont deux proches de Bilal Ag Achérif, le chef du MNLA, a « dépassé les petits arrangements locaux » et que la résolution de cette crise doit désormais être traitée par les mécanismes prévus à cet effet dans l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger. De son côté, la Plateforme reste sur sa position et ne voit comme issue à la guerre qui l’oppose à la CMA, qu’une gestion partagée de la ville de Kidal, dont la population et les principaux représentants politiques sont issus de la tribu Imghad.

À Kidal, si le calme est revenu depuis le second affrontement entre groupes armés, la raison en incombe aux forces de la CMA positionnées en majeure partie à quelques kilomètres de la ville, pour prévenir toute tentative d’approche des colonnes de la Plateforme, à la force Barkhane qui a augmenté ces patrouilles dans la zone et qui survole fréquemment avec ses hélicoptères et ses avions l’espace aérien de la ville. La Minusma aurait de plus mis en place un « dispositif sécuritaire » aux principales entrées de Kidal et effectue des patrouilles pour prévenir toute reprise des hostilités. « On entend que la Minusma sécurise les alentours de la ville, mais je ne sais pas, nous ne sortons pas beaucoup, on va au marché puis on rentre se terrer chez nous, il y a des véhicules de la Minusma qui vont vers le côté où il y a le Gatia, mais on dirait que c’est plus une ligne rouge à ne pas franchir qui a été indiqué par la Minusma au GATIA, explique cet habitant joint au téléphone.

La vie a repris malgré tout dans un climat mêlant fatalisme et incertitude quant aux jours à venir. « En ville, quand ils sortent, le gens ne s’attardent pas, l’ambiance est un peu spéciale car beaucoup de gens pro-Gatia ou Imghad ont quitté la ville. Depuis quelques jours, les chefs de la CMA ont fait passer à la radio des messages pour appeler la population à ne pas déserter Kidal », indique ce commerçant sous anonymat. Cependant, des arrestations de civils soupçonnés de complicités avec le GATIA ont rendu le climat délétère pour les partisans de la Plateforme ou pour ceux, ni-Gatia, ni-CMA, qui craignent l’instabilité dans la zone et veulent rejoindre la ville de Gao, jugée plus sûre.

Les drapeaux du MNLA et du HCUA flottent, en ville, les couleurs et les noms de ces mouvements ainsi que le terme « Azawad » s’affichent sur les graffitis un peu partout sur les murs. L’appartenance à ces groupes armés, mise en avant, semble dominer par rapport au conflit ancien entre touarègues de la tribu Ifoghas et Imghad qui bien qu’important, doit être relativisée. « Il y a beaucoup d’Imghad au sein du HCUA et de la CMA. C’est ce qui fait la force des Ifoghas, ils sont une minorité comparée au Imghad mais ils arrivent à dominer, à faire en sorte que les autres s’allient à eux », explique cette source. Le général Gamou qui revendique un partage équitable de la ville, comme entériné par les accords d’Anéfis et la déclaration de Niamey, n’est pas originaire de la région de Kidal, mais du cercle de Ménaka dans la région de Gao, où les Imghad dominent. « La CMA utilise cet argument pour dire que c’est Gamou, qui vient de loin, qui monte les uns contre les autres, il veut diriger alors que les Imghads et les Ifoghas sont de Kidal ou de sa région, et qu’ils ont grandi ensemble. Ils ont avec eux l’argent et le pouvoir, ça aide beaucoup à convaincre », ajoute cette même source. Ils y auraient des centaines d’Imghads au MNLA et au HCUA. « Il y a même des officiers supérieurs et des colonels. Lorque la situation devient intense dans les rapports entre ces deux clans et que le doute peut faire hésiter les combattants Imghads, ils sont toujours arrivés à les canaliser, à leur dire que ce n’est pas une guerre tribale mais plus une guerre entre mouvements. Le rapport entre nobles (Ifoghas) à vassaux (Imghad) intervient faiblement dans cet état de fait », conclut-il.

Sur place, en ce début de week-end, on craint que le bruit des armes trouble à nouveau la tranquillité du désert, dans des combats dont personne ne peut dire formellement quelle sera la finalité.

Kidal : l’enjeu des affrontements entre frères ennemis

De violents affrontements à une trentaine de kilomètres à l’est de Kidal, ont éclaté samedi matin, entre la Plateforme et la CMA. Sur place la situation est confuse. Personne ne sait comment réconcilier ces deux mouvements qui sont enferrés dans un conflit aux multiples enjeux, qui ne semblent pas pouvoir se résoudre dans l’immédiat.

Le langage des armes a encore parlé, samedi matin, à une trentaine de kilomètres de Kidal, entre ce qu’il convient mieux d’appeler, à présent, un combat Plateforme contre CMA, tant les différents groupes armés satellites de ces deux mouvements, ont rejoint le conflit. « Nous ne combattons pas seulement le GATIA, il y a avec eux, les arabes, les peules, le MAA, les Ganda Koy et les Ganda Izo, ces groupes d’autodéfense ont tous attaqué nos positions », affirme Iknane Ag Achérif, chef de la brigade anti-terroriste de la CMA à Kidal ». Pour lui, la Plateforme est responsable du déclenchement des combats : « Nos hommes étaient partis présenter leurs condoléances aux familles dont les parents ont été exécutés par la Plateforme, vers Tassik.  Ils nous ont attaqué hier matin vers 6h et les combats ont continué jusqu’à 11H. Il y avait seulement 20 voitures de la CMA composées de tous les groupes du mouvement, en face il y avait 50 à 60 véhicules. Nous n’avons pas eu le dessus car nos renforts sont partis trop tard et sont arrivés quand nos troupes avaient déjà décroché », indique-t-il.

Une source proche de la Plateforme à Kidal, donne une toute autre version des faits. Selon elle, deux colonnes de la CMA ont quitté Kidal 3 jours avant les affrontements du samedi 30 juillet, en direction de la ville de Tin-Essako, « Ils ont voulu attaquer par surprise les positions de la Plateforme qui sont à Tassik, pour bénéficier de l’effet de surprise, mais la Plateforme était déjà bien positionnée, donc ça a déclenché les combats », explique-t-il.

S’il est difficile de comprendre comment les choses se sont réellement passées, il en est de même pour établir un bilan des victimes. Selon cette même source, la Plateforme aurait 1 mort et 4 à 5 blessés à déplorer, et se seraient emparés de 4 véhicules et fait 7 prisonniers, dont un chef du groupe terroriste AQMI, qui combattait, selon cette source, au côté de l’adversaire. La CMA accuserait la perte de 7 combattants et aurait de nombreux blessés.

 Ambiguïté des forces internationales

Le rôle des forces internationales sur le terrain, durant ces affrontements, reste assez confus. Un habitant joint au téléphone, témoigne que des hélicoptères de la force Barkhane ont survolé la zone des combats sans intervenir. « Les troupes de la CMA qui se sont repliées sur Tin-Essako, c’est ça qui a arrêté les combats », ajoute ce même habitant. La Minusma aurait mis en place un dispositif d’interposition à une dizaine de km au sud de Kidal pour protéger les populations et empêcher le conflit de gagner la ville. L’impartialité de la force onusienne dans ce conflit a d’ailleurs été décriée, sur les réseaux sociaux, suite à une vidéo postée samedi 30 juillet sur la chaîne Youtube de l’organisation. Dans cette vidéo, l’adjoint du commandant du secteur nord de Kidal, indique avoir des moyens d’observation permettant, « de déceler, au plus tôt, l’arrivée possible d’éléments du GATIA venant du sud et voulant entrer en confrontation avec la CMA qui est toujours présente à Kidal ». Cependant, ce même habitant qui était sur place, assure qu’ « il n’y a pas eu de force d’interposition à l’intérieur ni à l’extérieur de la ville, il n’y a pas eu non plus de patrouilles, la Minusma n’est pas intervenu », souligne-t-il.

La domination comme enjeu principal

Ces événements sont intervenus alors qu’une médiation avait lieu à Bamako avec le général Gamou. Les déclarations d’entente et autres accords papiers, signés depuis 2015, dont le dernier récemment à Niamey, semblent en tous cas, ne pas parvenir à endiguer une situation dont les racines conflictuelles sont nombreuses et répondent à 3 enjeux principaux : la gestion de la ville de Kidal, l’ancien conflit tribal entre Imghad et Ifoghas et la mainmise pour l’un des deux camps, sur le marché du narcotrafic. « La Plateforme et la CMA ont dans leurs rangs des gens qui travaillent dans le narcotrafic, c’est cela même qui alimente le conflit. Avant la bataille de Kidal (les 21 et 22 juillet dernier), des voitures transportant de la drogue, escortées par des éléments du GATIA, ont été interceptées par des combattants du HCUA, qui ont volé cette grande quantité de drogue pour la revendre. Il y a eu des tractations pendant 1 semaine avec le GATIA pour calmer la situation mais ça n’a pas abouti… », révèle cette source. Depuis longtemps, Kidal et sa région sont, pour le narcotrafic, un point stratégique que les deux quand entendent conserver. « Le HCUA, ce sont eux qui détiennent le marché de la drogue, ainsi que la chefferie à Kidal, leur influence est grande et ils arrivent à convaincre le MNLA de les suivre, même si ces deux mouvements n’ont pas la même idéologie », déclare cette source ayant requis l’anonymat.

Sur place, ces conflits ont fini d’exaspérer les gens et les familles qui continuent à quitter la ville. La vie semble suspendue au conflit qui agite ces deux mouvements majeurs, qui semblent déconnectés des réels intérêts de la population. Un peu partout en ville et surtout à l’extérieur de Kidal, des véhicules armés patrouillent, l’ambiance sécuritaire est à son maximum. « Les combats vont reprendre, on ne sait pas quand, aujourd’hui, demain, après-demain, mais les combats vont reprendre. Il n’y a aucune médiation pour stopper ça », conclut désabusé, cet habitant.

Les deux mouvements, suite à l’affrontement, ont réaffirmé, à travers deux communiqués diffusés ce week-end, leur attachement à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, dont l’avenir paraît, pour nombre d’observateurs, incertain.

DDR : coup de fouet au processus

L’Entente signée à la veille du premier anniversaire de la signature de l’accord de paix entre le gouvernement et les groupes armés, doit permettre la mise en place des autorités intérimaires pour accélérer la mise en œuvre de l’accord. Dans ce sens, le processus de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) connait une accélération afin de régler la question des combattants des groupes armés de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme. Les sites de cantonnement de Likrakar, Fafa, Inaggar, Tinfadimata, Ilouk, Tabankort, Tessalit, Ber, etc, sont d’ores et déjà prêts à accueillir ceux qui veulent s’engager pour la paix.

Il va sans dire que la bande sahélo-saharienne connait de fortes turbulences. Du Mali au Tchad, en passant par le Niger, des armes continuent de crépiter. Au Mali, après la signature de l’accord de paix, les combattants des groupes armés se sont de nouveau affrontés, fragilisant le processus enclenché. La signature d’un accord entre eux, à Anefis, le 15 octobre 2015, puis d’une « Entente » entre le gouvernement et les groupes armés CMA et Plateforme, relance l’espoir de paix et de développement dans les régions du nord. Mais tout cela n’est guère possible sans le retour de la sécurité dans la zone, raison pour laquelle des efforts sont faits pour accélérer le processus de Démobilisation, désarmement et réinsertion.

DDR accéléré Conformément au mécanisme opérationnel de coordination (MOC), des dispositions sont prises actuellement pour que des patrouilles mixtes puissent opérer dans les meilleurs délais entre les forces de défense et de sécurité malienne et les deux principaux groupes. La commission technique de sécurité (CTS), avait, au cours de sa dernière réunion le 20 juin, examiné le cadre permettant un DDR accéléré pour les éléments des groupes armés signataires, qui feront partie des premiers bataillons des patrouilles mixtes du MOC. Ce DDR accéléré sera coordonné par un groupe composé des représentants du gouvernement, des groupes armés signataires et de la MINUSMA. Selon une source proche du dossier, il ne viserait que 200 ex-combattants de la Plateforme et de la CMA chacun, qui participeront aux patrouilles mixtes. Ces derniers seront enregistrés et subiront un test médical. Les armes et les munitions individuelles seront vérifiées et stockées par le MOC, a-t-on précisé. À la date d’aujourd’hui, le gouvernement et les parties signataires se sont déjà entendus sur les deux commissions qui doivent statuer, la commission nationale de DDR et la commission d’intégration. Le projet de décret a été adopté et signé. Il ne reste qu’à en nommer les membres, qui devront travailler sur les critères du DDR et de l’éligibilité pour les forces de sécurité.

Quasi opérationnels Depuis le 29 décembre 2015, la MINUSMA a commencé à construire et aménager les sites de cantonnement qui ont été validés par la CTS. Au total, 24 sites ont été proposés par les groupes armés, 12 par la plateforme et 12 par la CMA. « Actuellement, nous avons 8 sites prêts à accueillir 6 000 combattants au total. La plateforme et la CMA avaient demandé un total de 24 sites, mais à la date d’aujourd’hui, les deux mouvements n’ont pas donné la liste certifiée de leurs combattants et de leurs équipes à la commission technique de sécurité, tel que prévu par l’accord de paix, pour justifier la construction des sites additionnels », explique M. Samba Tall, le directeur de la réforme du secteur de la sécurité et du DDR de la MINUSMA. Le mode opératoire de cantonnement définit exactement les critères selon lesquels quelqu’un est considéré comme combattant, et qui doit être cantonné. Ce document conjoint a été élaboré et signé par les trois parties, sous l’égide de la commission technique de sécurité depuis octobre 2015. Il appartient maintenant aux mouvements d’amener des combattants remplissant ces critères, pour qu’ils soient cantonnés. Mais tous les combattants ne pourront certainement pas être versés dans l’armée. « Ils ne resteront pas les bras croisés », rassure-t-on, puisque un volet réinsertion socio-économique sur le long terme sera mené par le gouvernement, avec le soutien des bailleurs de fonds.

Réalités du terrain « Par rapport au retard, il faut retenir qu’on est dans un processus de paix avec des facteurs internes et externes. Mais il y a eu une grande accélération ces derniers mois et surtout ces dernières semaines, notamment la signature de l’ « Entente » entre les différentes parties », a ajouté M. Samba Tall. Ce qui n’est pas l’avis de Mahamadou Djéri Maïga, de la CMA. Il estime que depuis la signature de ce document, les choses n’ont pas bougé. « Nous n’avons pas d’interlocuteur depuis la signature de l’Entente. Auparavant, c’était avec le ministre de l’Action humanitaire qu’on traitait les dossiers, mais depuis la nomination du Haut-représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’accord, on ne voit plus personne. Le MOC devait être opérationnel depuis le 1er juillet », a-t-il déclaré. Sur le terrain, ce mécanisme qui est un état-major opérationnel composé d’officiers des trois parties signataires, et de la MINUSMA et de Barkhane, est déjà opérationnel à Gao. Il y a également, les éléments mixtes d’observation et de vérification qui comprennent aussi les signataires et la MINUSMA. À cela s’ajoute le sous-comité défense et sécurité du comité de suivi de l’accord, qui regroupe au niveau stratégique les représentants en matière de défense et de sécurité des parties, de la MINUSMA et de la médiation internationale. « Il y a encore un travail politique qui est en train d’être fait, sous la direction du gouvernement qui est le maitre d’œuvre de tout le processus de mise en œuvre de l’accord, les partenaires internationaux, qui sont en appui et jouent aussi leur part. Concomitamment à l’installation de ces deux commissions, la MINUSMA a aussi l’obligation et la tâche de construire les sites de cantonnement », explique Samba Tall.

Scepticisme Oter les germes des crises armées, c’est là le but ultime du processus DDR, qui doit permettre aux anciens combattants de redonner un sens à leur vie post-conflit. Les Maliens suivent le début de ce processus avec scepticisme, se souvenant que ce sont souvent les « reversés dans l’armée » qui ont de nouveau pris les armes contre le pays. La plupart veulent cependant espérer que cette fois-ci, le DDR sera la solution pour que les armes se taisent définitivement au nord, comme partout ailleurs au Mali.

Vers une suspension de l’aide humanitaire à Kidal ?

Lundi 6 juin, à Kidal, au nord du Mali, un entrepôt de vivre stockant des denrées humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) a été pillé par des habitants. Ces denrées devaient répondre aux besoins alimentaires d’environ 11 000 personnes peuplant les 11 communes de Kidal. Les tensions entre groupes armés, sur place, mettent aujourd’hui en péril l’aide humanitaire vitale pour les populations.

À Kidal, tout le social est géré par des commissions (commission santé, commission énergie, etc.) dirigées par la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) monopolise certaines de ces commissions, comme celle des œuvres sociales qui gère la distribution des dons humanitaires, qui proviennent d’ONG ou de l’État. Cette gestion constitue un point de tension entre le groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) appartenant à la Plateforme et la CMA. Quand le GATIA a fait son retour à Kidal, il y a quelques mois, le mouvement a exigé une gestion à part égale des commissions administrées par la CMA, cette répartition était convenu entre les deux mouvements depuis les accords d’Anéfis. Dans un premier temps, des membres de la Plateforme ont été placés dans chaque commission. Il devait y avoir une représentativité à part égale entre les deux mouvements, mais la CMA a continué à monopoliser certaines commissions, comme celle en charge de l’humanitaire.

Avec l’échec du Forum de Kidal et la méfiance que se portent ces deux mouvements la situation est rapidement devenu explosive, et les tensions larvées entre les deux mouvements ce sont déplacées sur le terrain humanitaire. « La CMA détourne une majeure partie des dons alimentaires qu’elle revend sur les marchés locaux ou par camion jusqu’à Gao », révèle cette source, « Ça constitue une grande manne pour eux, ils ont pu se faire pas mal de liquidités, on dit qu’ils l’utilise pour payer leurs combattants » ajoute-t-il. Le GATIA de son côté lutte pour que les dons soient partagés en part égale pour les démunis. Deux secteurs qui sont peuplés par des Imghad (la tribu dont sont majoriatirement issus les membres du mouvement GATIA) ne reçoivent pas les dons alimentaires comme les autres secteurs de Kidal, « ils ne sont pas parvenus à s’entendre, ils se sont opposés plusieurs semaines là-dessus jusqu’au pillage de l’entrepôt lundi dernier », explique cet habitant.

Lundi 6 juin au matin, des pick-ups de la Plateforme sont partis se positionner devant l’entrepôt, rapidement rejoint par des combattants de la CMA. Les échanges ont été très tendus. Ne parvenant pas à s’entendre avec la CMA, des combattants du GATIA ont ouvert les portes de l’entrepôt et ont laissé les gens piller les vivres. Hommes, femmes, enfants et même certains combattants de la CMA se sont précipités et se sont servis. « C’est le besoin qui a amené les gens à faire ça, surtout en ce début de ramadan. Ces aides sont destinées aux gens mais finalement, avec la CMA, il n’en bénéficie pas et quand c’est partagé les gens ne reçoivent que quelques kilos. J’espère que ça ne va pas continuer comme ça, les gens ont apprécié, mais ça ne doit pas continuer », déclare un commerçant.

Une réunion devait se tenir vendredi dernier, entre les différents mouvements pour établir les mesures à prendre, dans la concertation. Cette réunion n’a pu avoir lieu et a été repoussée à une date ultérieure, les tensions demeurant très vive entre les deux mouvements. « la violence est contenue, mais si une coup de feu échappe entre eux, c’est la garantie d’un conflit », explique cette source. La Plateforme a créé, fin de semaine dernière, sa propre coordination qui s’occupera de l’aide humanitaire en parallèle à celle de la CMA. Les organisations humanitaires, sur le terrain, ne s’y retrouvent plus, ils sont à présent obligés de passer par deux commissions rivales, plus une autre association créée par le député de Tin-Essako, pour la gestion et l’acheminement des vivres. Sur place, la situation est très confuse, et certains organismes humanitaires menacent de suspendre leurs aides s’ils n’ont pas des garanties de pouvoir travailler de façon efficace et en toute sécurité.

Les tensions entre CMA et Plateforme se crispent à un moment où les pourparlers entre mouvement armés et gouvernement sont en dents de scie, concernamant l’application de l’Accord de paix et réconciliation, notamment sur les autorités intérimaires et la Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). De plus, la situation dans le région de Kidal reste fragile, depuis la mort de plus d’une dizaine de soldat appartenant à la mission onusienne et à l’opération barkhane. Ces derniers ont d’ailleurs entrepris, depuis plusieurs semaines, la construction d’un camp dans le fief même des djihadistes à Abeibara, « La pression mise par l’opération barkhane a permis d’arrêter de nombreux djihadistes, mais la situation est très tendu là-bas , des gens ont fui la zone, et à cause de l’action des forces françaises les djihadistes seraient en train de de se déplacer vers Tombouctou », conclut cette source.

Décrispation au CSA : une « entente » affichée par les acteurs

Les travaux de la 9ème session du comité de suivi de l’accord, CSA, s’est achevé le 14 juin dernier au CICB sous la présidence de l’Algérie, chef de file de la médiation. À la fin des travaux, on apercevait des sourires sur les visages souriants des uns et des autres, comme pour dire qu’un espoir est permis avec l’entente entre le gouvernement et les groupes armés pour la mise en œuvre de l’accord.

Deux points étaient à l’ordre du jour de la 9ème session : la mise en place des autorités intérimaires et les arrangements sécuritaires notamment l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination(MOC). « À la clôture, c’était la satisfaction totale », explique M. Inhaye Ag Mohamed, Secrétaire Permanent du Comité National de coordination de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Ainsi, le comité a salué l’adoption, par les parties de l’« ENTENTE » sur les modalités pratiques de mise en place des autorités intérimaires, des chefs de circonscriptions administratives, le redéploiement des services déconcentrés de l’État et le mécanisme opérationnel de coordination ». Cette entente constitue à n’en pas douter, une avancée significative dans le processus de paix. C’est dans cette optique que le comité a exhorté les parties au respect des engagements et d’en assurer une mise en œuvre diligente dès sa signature. Dans le cadre de l’opérationnalisation du MOC, il y aura une unité de six cents hommes qui seront déployés dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal. Elle sera composée de : deux cents soldats des FAMA, deux cent combattants de la CMA et deux cents combattants de la Plateforme. Les effectifs des régions nouvellement créés, (Ménaka et Taoudénit) ne sont pas encore connus et il faudra attendre les prochaines réunions pour être fixé. L’objectif de ces patrouilles est d’assurer la sécurité des autorités intérimaires qui vont être mises en place dans les jours à venir.

Concernant la mise en place des autorités intérimaires, il a été convenu de les mettre en place partout où les organes élus des collectivités territoriales ne sont pas fonctionnels. Ce qui est le cas spécifique des régions de Ménaka et de Taoudénit. Il y aura des collèges transitoires qui préfigureront les futures autorités intérimaires avant la création des collectivités territoriales dans les nouvelles régions. Pour ce qui est des compétences des autorités intérimaires, le président de chaque autorité intérimaire sera le chef de l’exécutif local. À ce titre, les services techniques déconcentrés de l’État, dans les domaines de l’enseignement préscolaire, primaire, secondaire, technique et professionnel, les centres de santé communautaires, les centres de santé de référence et les hôpitaux, l’hydraulique rurale et urbaine etc. relèveront de son autorité.

En vue de faciliter le retour de l’administration, il est prévu que la Plateforme et la CMA désignent des conseillers spéciaux à raison de : deux auprès du représentant de l’État dans chaque région et un auprès du représentant de l’État au niveau cercle et arrondissement. Pour le financement des autorités intérimaires, des dotations spéciales, sous forme de subventions, dons, et legs, seront mobilisés pour en assurer le fonctionnement, afin de leur permettre de remplir leurs missions. À cette fin, le gouvernement, la Plateforme et la CMA organiseront, très prochainement, après la signature de l’ENTENTE, une réunion conjointe avec les partenaires techniques et financiers (PTF). En ce qui concerne, les dispositions spéciales, les parties ont convenu que lorsque l’ordre public est menacé, le représentant de l’État et le président de l’autorité intérimaire prendront de manière consensuelle les mesures de police nécessaires au rétablissement de l’ordre.

Processus de paix : vers la levée du blocage

La 9ème session du Comité de suivi de l’accord d’Alger qui avait été reportée à une date ultérieure, aura finalement les 13 et 14 juin prochains. Elle sera consacrée essentiellement aux questions relatives à la mise place de l’administration intérimaire et l’opérationnalisation des mécanismes sécuritaires, à savoir les patrouilles mixtes.

L’information a été donnée par la mission onusienne au cours de sa traditionnelle conférence de presse au QG de l’organisation. En effet, au cours de la période du 2 au 8 juin, la CMA et la Plateforme ont suspendu leur participation aux travaux des sous-comités thématiques, à l’exception de celui de Défense et de Sécurité pour des raisons liées au retard de la mise en place des autorités intérimaires. Par conséquent, la médiation internationale a jugé nécessaire de reporter la réunion du Comité de suivi pour la mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger (CSA) qui devait se tenir les 3 et 4 juin dernier. Selon M. Salgado, au cours de cette période, «la MINUSMA et l’ensemble de la médiation internationale à Bamako ont organisé des séries de concertations avec les parties signataires de l’accord en vue d’accélérer sa mise en œuvre ». Compte tenu des discussions en cours, entre le gouvernement et les mouvements armés concernant les points susmentionnés, la médiation internationale a convenu de remettre la prochaine réunion du CSA aux 13 et 14 juin prochains.

Déjà, une mission mixte, jugée satisfaisante, a été effectuée sous la présidence du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) à Gao avec des combattants des trois parties signataires de l’Accord de paix, les FAMA, la CMA et la Plateforme. Pour les différents acteurs, la mission a été conçue comme une mesure d’établissement de confiance et avait pour but de fournir du matériel et des véhicules pour l’établissement du nouveau MOC à Tombouctou. Le principal point de blocage entre le gouvernement et les groupes armés dans le cadre des patrouilles mixtes est donc levé.

Pour les mouvements armés, leurs combattants doivent automatiquement être considérés comme des militaires maliens, sans passer par le DDR. Ce qui suppose qu’ils deviennent des salariés directs de l’armée. Un point de vue qui n’est pas partagé par Bamako, qui veut, avant les DDR verser des primes générales alimentaires (PGA) et des primes spéciales. Aux dires de M. Salgado, « grâce à la médiation, le gouvernement et les groupes armés se sont mis d’accord pour aller vers les DDR accélérés, en faisant des patrouilles mixtes dans le cadre des MOC ». Ce faisant, le 2 juin dernier, le Président IBK a rencontré à Bamako, les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies, qui sont la Russie, la Grande Bretagne, la France, la Chine et les Etats-Unis. L’objectif était de discuter de la coopération dans la prévention des attaques terroristes contre les FAMA et les Casques bleus. Aux dires de M. Salgado, le président IBK et les cinq ambassadeurs ont convenu de la nécessité de faire la promotion du nouveau mandat de la MINUSMA afin notamment de clarifier les attentes.

Accord pour la paix et la réconciliation : la chaise vide

Alors qu’il y a quelques semaines encore, à l’occasion de son premier anniversaire, on dressait un bilan plutôt satisfaisant de la mise en œuvre de l’accord de paix et que les perspectives allaient dans le bon sens, depuis fin mai, plus rien ne va. Sur le terrain, au nord comme au centre du pays, la violence a redoublé d’ampleur et il ne se passe plus de journée sans attaque contre l’armée malienne ou la MINUSMA. Les mouvements armés et le gouvernement semblent installés dans un dialogue de sourds, chaque partie se rejetant la responsabilité du blocage, et même les discussions menées en Algérie sous l’égide du médiateur n’ont pas fait bouger les lignes. Si pour certains il s’agit juste de difficultés de compréhension entre les parties, la situation semble bel et bien bloquée…

La 9ème réunion du Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui devait s’ouvrir lundi 6 juin à Bamako, a été reportée une nouvelle fois. Aucune date n’est pour le moment fixée, sachant que la Plateforme et la CMA ont décidé de suspendre leur participation au comité de suivi et aux travaux des sous-comités qui étaient prévus les 1er et 2 juin derniers. La raison : le gouvernement et les groupes signataires ne sont pas parvenus à un compromis autour du processus de mise en place des autorités intérimaires. Pour mettre à plat les problèmes et tenter de résoudre ces « difficultés », une réunion s’est tenue à Alger du 27 au 30 mai avec pour objectif de « lever les blocages» dans le processus. Motus sur le contenu des échanges, les parties évoquent cependant leur optimisme. Mais après une semaine de conciliabules, les lignes n’ont guère bougé. Dans un communiqué conjoint, les deux groupes armés, la CMA et la Plateforme, jadis ennemis, ont annoncé leur décision de ne plus prendre part aux rencontres multipartites et reprochent au gouvernement « son manque de volonté à trouver des solutions consensuelles à la mise en place des autorités intérimaires et pour la suite de la mise en œuvre de l’accord ». À Bamako, on affiche une sérénité qui ne tient pas la discussion : pour le gouvernement, « la mise en place des autorités intérimaires concerne en premier lieu les communes où existent des dysfonctionnements dans les conseils communaux ». Pas question, donc, de généraliser la chose et un travail est en cours pour déterminer où doivent être installées ces collèges transitoires. De l’autre côté, on entend un autre son de cloche : « Il est urgent de mettre en place les autorités intérimaires, condition au début du cantonnement », explique une source proche des mouvement armés, car leurs responsables craignent les réactions des jeunes combattants qui sont de plus en plus impatients. « Il y a des centaines de jeunes qui sont arrivés depuis plusieurs mois, certains sont d’ailleurs repartis. J’en ai vu à Tessalit, à Aguelhock, mais aussi à Gao. Il s’agit de jeunes dont certains sont diplomés, qui sont au chômage depuis quelques années. Pour tous ces jeunes, l’intégration est la meilleure option pour réussir ». D’autres points sont évoqués par les groupes armés, désormais partisans de la politique de la chaise vide, à savoir leur representativité au sein des institutions et administration de l’État, le statut des combattants qui doivent participer aux patrouilles mixtes, la prise en charge des combattants et l’annulation de certaines décisions prises par le gouvernement en rapport avec le processus.

En sous-main « Il faut partir du fait que la crise malienne est d’abord une crise politique. Si tout le monde a placé d’immenses espoirs dans l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, c’est qu’aussi bien les Maliens que les amis du Mali espèraient que sa mise en œuvre allait changer quelque chose. Or, le constat aujourd’hui est que l’Accord pour la paix et la réconciliation n’avance pas ou avance un peu », déclarait Mahamat Saleh Annadif, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies (RSSG) le 2 juin dernier, au lendemain d’une nouvelle attaque contre les casques bleus. En effet, depuis que les groupes armés ont annoncé leur retrait du processus le 20 mai 2016, l’insécurité est montée d’un cran. En l’espace de dix jours, la MINUSMA a perdu douze casques bleus (six Tchadiens, cinq Togolais, un Chinois) et trois prestataires civils. Idem pour les forces armées maliennes (FAMAs), qui ont subi aussi d’énormes pertes en vies humaines. Pour Monsieur Annadif, le lien entre la recrudescence des attaques et la situation de blocage est indiscutable et « la meilleure façon de combattre les terroristes, de les isoler, c’est la mise en œuvre effective de l’Accord de paix. Toute minute, tout temps perdu pour la mise en œuvre de cet accord est autant de temps gagné par les ennemis de la paix ».

Les ennemis de l’accord ne sont pas seulement ceux qu’on croit, soutient sous couvert de l’anonymat un membre du comité de suivi. La violence qui s’est généralisée et s’étend dans le centre du pays ne serait, selon lui, pas forcément le fait de djihadistes. « Il n’est pas exclu que les groupes armés, réunis au sein de la CMA ou de la Plateforme, renforcent ainsi la pression sur le terrain. Meeting et marches de protestations, pose de mines, tirs de roquettes, tout est mis en œuvre pour prouver leur détermination à ne point céder sur leurs revendications », assure-t-il. De l’analyse de spécialistes, le blocage dans la mise en œuvre de l’accord, trouverait plutôt son origne dans les rivalités personnelles au sein des mouvements armés, qu’à un quelconque désaccord avec le gouvernement. La multiplicité des acteurs et des intérêts rend fragile la cohésion de ces groupes où la hiérarchie sociale n’existe plus. Si autrefois, certaines catégories sociales avaient un certain pouvoir et maintenaient l’unité des groupes, aujourd’hui « a du pouvoir qui a de l’argent ». « Cette nouvelle race de riches affranchis de tout contrôle social par les chefs de tribus est hostile à un accord préjudiciable à leurs profits », explique un observateur. Près d’une dizaine de groupes ou mouvements armés sont signalés sur le terrain actuellement et « tous exigent leur présence dans les différences instances pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Absent de marque, Iyad Ag Ghaly. Il est en réalité le grand chef d’orchestre de tout ce qui se passe dans le septentrion malien. Il n’occupe aucun poste dans l’organigramme des mouvements et groupes cités, mais son ombre plane toujours», conclut notre interlocuteur.

« Pas question de céder au pessimisme », selon l’ambassadeur d’Algérie au Mali, dont le pays préside la médiation. La rencontre d’Alger devrait bientôt être suivie de la rencontre de la médiation internationale qui doit se pencher sur l’évolution du processus. Le grand voisin du nord a, à travers son ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, reçu en audience par le président IBK le 3 juin, réaffirmé sa volonté « de concrétiser les grandes lignes de cet accord ». À Bamako, même si rien n’est officiellement dit, on constate que les réunions se multiplient. De la Primature au ministère de l’Action humanitaire et de la Solidarité, on suit « de très près l’évolution de la situation » et on assure que « tout est mis en œuvre pour sortir de cette impasse qui ne fait que compliquer la quête de paix définitive des Maliens ».

Un forum de la CMA à la place du forum de Kidal

Le forum de Kidal qui devait se tenir du 27 au 30 mars aura lieu mais sous une forme tronquée puisque la Plateforme et l’à‰tat malien n’y seront pas présents. « Le forum va se tenir mais il ne va réunir que la CMA, ça va être en quelque sorte un forum inter-CMA », confie un habitant sur place. Des invités venus d’autres localité o๠la CMA est présente devraient y participer. Les organisateurs de la CMA ont fait courir le bruit, sur la radio locale ainsi que sur les réseaux sociaux, « qu’il y aura une grande surprise ! ». Ce forum « restreint » devrait débuter demain dimanche à  8h du matin. On ne sait pas à  l’heure actuel ce qui y sera débattu, mais il semble peu probable que les thèmes initiaux : la restitution du processus d’Anefis et sa consolidation et la mise en place d’une autorité intérimaire qui assurera le retour de l’à‰tat à  Kidal, seront discutés, Les différents partis n’étant pas parvenu à  s’entendre. à€ l’intérieur de Kidal, un dispositif sécuritaire impressionnant a été mis en place. « La sécurité a été très fortement renforcé autour du stade ou doit se tenir l’évènement, à  l’intérieur de la ville et même à  l’extérieur. De nombreux véhicules armés de mitrailleuses ont été positionnes par la CMA. Le Gatia a aussi renforcé ses positions à  Kidal ainsi qu’à  30 km aux alentours. Toutes les forces du Gatia cantonnées à  Menaka et dans d’autres localités ont convergé vers kidal », révèle une source sur place. Ce déploiement sécuritaire n’est a prioiri pas là  pour parer à  une attaque terroriste éventuel de Iyad Ag Ghali, car selon cette source, « Des organisateurs de la CMA sont partis rencontrés, il y a environ 1 semaine, des représentants de Iyad Ag Ghali, qui leur ont affirmé qu’ils n’ont pas l’intention de nuire au forum ». En ville la tension entre CMA et membres de la Plateforme est montée d’un cran. La population sur place craint des affrontements. Ce forum « nouvelle version » devrait être le point d’orgue d’une semaine agitée, notamment pas la tenue du forum des femmes, en milieu de semaine,en présente de Nina Wallet Intallou, qui visait à  impliquer les femmes dans le processus de paix de l’accord et qui s’est transformé en joutes verbales voire physique. Certaines femmes appréciant peu que Mme Intallo de la tribu Idnane, soit à  la tête de ce forum. Plus d’informations sur la situation sur place à  suivre.

Kidal, la grande inconnue

Le Forum de Kidal, qui devait se tenir dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, en présence de la Plateforme, de la CMA et de l’État malien, a été reporté à une date ultérieure. Sur place, c’est la confusion. Cette ville bastion chargée d’histoire, qui a vu naître la majorité des conflits armés du Nord-Mali, semble encore hésiter entre défiance vis-à-vis de Bamako, et réconciliation

Nouvelle péripétie dans le long processus vers la paix. Le Forum de Kidal, prévu depuis plusieurs semaines pour se tenir du 27 au 30 mars, devait marquer le retour de l’administration, symbolisé par une participation effective des autorités maliennes, représentées au plus haut niveau par le Premier ministre Modibo Keïta, et sceller la paix des braves entre les différents groupes armés, a été reporté sine die. Selon une source sur place, malgré cette décision, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (groupes armés pro-gouvernementaux) tiennent des discours diamétralement opposés. « Ici, la CMA assure que le Forum est toujours maintenu à la date prévue, tandis que la Plateforme dit qu’il va être reporté, voire annulé », affirme un habitant joint sur place.

Confusion et incompréhension  Résultat, à Kidal les populations ne savent plus à quel sein se vouer. « Quand la CMA part à Bamako, elle se dit favorable à l’État, et quand elle est ici, elle dit à une partie de l’opinion qu’elle est toujours dans la logique de l’Azawad », souligne cet habitant du quartier Aliou. Depuis une semaine, le courant électrique est coupé, « le moteur du groupe électrogène doit être réparé pour la tenue du forum », assure pourtant un cadre de la CMA. Quant à l’eau, elle commence à se faire rare, ce qui, associé à la très grande chaleur, contribue à une tension de plus en plus palpable dans la ville, surtout depuis l’annonce de la tenue du Forum, et de son report. « La CMA a fait courir le bruit dans Kidal que le gouvernement ne serait qu’invité lors du Forum, et ne prendrait pas part aux négociations entre les groupes. L’État a fait savoir qu’en tant que financier du forum, qui se déroulera sur son territoire, il ne compte pas être un simple invité », précise un élu local. Conséquence de ces cafouillages, l’État et la Plateforme se sont, pour le moment, retirés de l’organisation du Forum. Plusieurs chefs des groupes armés font depuis plusieurs jours la navette entre Bamako et Kidal pour lever les incompréhensions. Lundi 21 mars au soir et dans la journée de mardi, une délégation menée par Nina Wallet Intallou, viceprésidente de la Commission vérité justice réconciliation (CVJR) et ancienne égérie de la rébellion, est arrivée à Kidal, en provenance de Bamako. Certaines femmes, menées par Zeina, la femme de Cheik Haoussa, l’un des leaders du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et proche du terroriste Iyad Ag Ghaly, ainsi qu’Aminatou, la sœur du dé- puté de Kidal, élu du Rassemblement pour le Mali (RPM) et proche du HCUA, ont tenté de les agresser. Hostiles au Forum et à toute forme de reconnaissance de l’État malien, ces groupuscules ont sé- questré quelques membres de la délégation, avant de les libérer et de les sommer de retourner à Bamako. « Le problème à Kidal, ce n’est même pas les gens qui souhaitent la partition ».

Les origines de la division  Selon Mohamed, natif de Kidal âgé de 35 ans, « le fond du problème, c’est un conflit tribal entre Imghad, la tribu vassale du général Gamou, et les Ifoghas, la tribu noble qui dirige le HCUA et sa structure chapeau la CMA, incarnée par la famille Intallah. Ils ont ramené leur conflit interne au niveau national et ils se battent pour diriger la ville de Kidal et toute la région ». Un simple conflit communautaire serait donc à l’origine de l’embrasement répété du Nord du Mali, et des blocages qui empêchent un retour de la paix et de l’État sur l’ensemble du territoire, notamment dans cette région du septentrion. À l’en croire, la confusion qui règne actuellement serait exacerbée par le budget de 400 millions de francs CFA alloués par l’État pour l’organisation du Forum, et qui ont été divisé entre la Plateforme et la CMA. Même si l’on ne sait pas à l’heure actuelle quand se tiendra l’événement, pour le professeur Naffet Keïta, fin connaisseur de la région, l’enjeu est clair : « un partage des postes entre les communautés est désormais nécessaire pour qu’elles arrêtent de s’affronter. C’est ce qui devrait être validé en prélude à la mise en place de l’administration transitoire ». En attendant, sur Kidal, comme un symbole des divergences actuelles, flottent les drapeaux du Groupe d’autodéfense Touareg, Imghad et alliés (GATIA), du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), du Mouvement des arabes de l’Azawad (MAA), et du HCUA. Reste à savoir si les couleurs de ces différents mouvements pourront, dans un futur hypothétique, se fondre dans le vert-jaune-rouge du drapeau national.

Exclusif / Maire de Kidal: « Pour leur sécurité, les populations se débrouillent »

À Kidal, le communiqué conjoint de la CMA et de la Plateforme, suivant l’entrée du GATIA dans la ville, a été suivi d’une attaque terroriste le 12 février, visant le camp de la Minusma, relançant la question du défi sécuritaire dans la région. Le maire RPM « sans pouvoir » de Kidal, Arbakane Ag Abzayack, s’exprime sur cette situation.

Journal du Mali : Quelle est la situation à  Kidal actuellement ?

Arbakane Ag Abzayack : La situation à  Kidal est calme. Les populations sont dans l’attente d’une paix totale, dans l’esprit de l’accord signé. Si la cohabitation est effective entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme, la cohésion sera possible, les choses iront mieux et cela pourra encourager les réfugiés à  rentrer au pays, ainsi que le redémarrage effectif de l’administration.

Depuis l’attaque du camp de la mission onusienne à  Kidal, la ville est-elle plus sécurisée par la Minusma ?

La Minusma se sécurise elle-même d’abord, ce qu’elle a déjà  du mal à  faire. Il n’y a aucun check-point à  Kidal à  part ceux de la Minusma qui donnent sur son camp. Elle ne sécurise rien pour le moment. Normalement, la protection des populations sur le territoire relève de sa mission. On ne devrait donc pas avoir besoin de la démarcher pour ça. […] Pour leur sécurité, les populations se débrouillent donc elles-mêmes. Moi, je suis maire et je fais de même, je n’ai pas d’armes, je n’ai pas d’éléments armés avec moi, j’essaye de ne pas avoir de problèmes.

Kidal reste donc un point de haute tension malgré l’accord ?

Oui c’est une poudrière, surtout si on parle des armes, des masses d’armes, dans la ville ou aux alentours. Cela est dû à  un conglomérat de mouvements armés : les mafias, les narcotrafiquants, les salafistes, c’est une vraie « salade composée » de différentes catégories de personnes. Tout le monde est là . Je pense que ces gens veulent que la situation reste ainsi puisque ça leur permet de continuer leur trafic. La Minusma ou Barkhane ont la volonté de sécuriser cette zone mais peut-être que cela les dépasse. La situation nécessite d’y mettre plus d’efforts, en tout cas.

Quelles sont les attentes de la population sur place par rapport aux derniers événements ?

Le souhait le plus cher de la population maintenant c’est la mise en application rapide de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui passe nécessairement par le DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration) et le cantonnement. Tant que ça ne sera pas fait, on n’en sortira pas. C’est ce qu’on attend le plus. On ne peut pas avoir d’autres souhaits tant que ce n’est pas effectif. On ne peut pas penser au développement, même pas à  l’école.

Après l’entrée du GATIA dans la ville, le gouvernement est resté muet. Que pensez-vous de cette attitude de Bamako ?

Je pense que quelque part ça les arrange. Qui ne dit mot consent, comme disent les Français. Mais je pense que cela ne s’est pas fait sans l’assentiment des Français, justement. Parce que je sais qu’un général qui commande l’opération Barkhane au Tchad était à  Gao environ trois semaines avant que les troupes du GATIA entrent dans Kidal, et je sais qu’il a rencontré certains éléments de la Plateforme à  Gao. Je me demande si les Français ne sont pas derrière tout ça.

Tournée européenne: la plateforme des OSC restitue

Du 25 janvier au 05 février dernier une délégation de la plateforme des organisation de la société civile s’est rendue en France, en Suisse et Belgique. Selon l’archevêque de Bamako, porte-parole de la délégation, Monseigneur Jean Zerbo, le message aux amis du Mali se veut une note d’information, un plaidoyer auprès de ceux-ci pour une meilleure compréhension de l’imbroglio malien aux fins d’aider à  la restauration de la paix, de la sécurité, de la reconstruction de la cohésion sociale sur tout le territoire national. Pour le président du Haut conseil islamique, Mahmoud Dicko, la mission en Europe a été un succès. Selon lui, elle a été l’occasion de dissiper la tension au sein du Haut conseil islamique. « Il n’y a plus de tension entre Haidara et moi. Il faut le dire C’’est grâce à  chérif Madani Haidara que nous avons enterré tous les problèmes. Je le remercie pour cette sagesse de sa part » a-t-il indiqué. Concernant le financement de la mission, le guide spirituel d’Ançardine et chef de mission, Chérif Ousmane Madani Haà¯dara a expliqué que chacun a cotisé et que seule son association a contribué à  hauteur de 50 millions de Francs CFA. « Nous avons pris l’initiative d’aller rencontrer les amis du Mali pour leur expliquer la vraie situation du Mali. C’’est par amour pour le pays que nous avons financé cette mission de notre poche » a-t-il déclaré. Et d’ajouter que l’accompagnement de l’Etat n’a pas défaut. « Avant de partir, nous avons tenu a rencontrer le président Ibrahim Boubacar Keita pour l’informer en tant le président de la République du Mali. C’’est ainsi que lui-même a décidé de nous accompagner pour cette initiative pour la recherche de la paix au Mali ». Outre les trois personnalités sus-mentionnées, la mission était composée du pasteur Youssouf Dembélé, représentant de l’église protestante du Mali, Mohamed Ag Hamani, ancien Premier ministre, les représentants de la CAFO, de l’UNTM, du Conseil national de la jeunesse représenté par Mohamed Salia Touré, de l’Assemblée nationale, de la plateforme Kel Tamasheq. Les structures visitées sont entre autres le Quai d’Orsay, le ministère de l’intérieur, la Fédération française des associations islamiques d’Afrique, la Conférence des évêques de France, le bureau de la francophonie. En Belgique, la mission a visité le parlement européen, le parlement belge, le service européen pour l’action extérieure de l’UE. En Suisse, la délégation a été reçue à  Amnesty International, à  la FIDH, au département fédéral des affaires étrangères, à  l’ambassade de l’OCI, etc.

Réconciliation: lancement d’une plateforme pour la paix

l’objectif global de cette plateforme est de soutenir le processus de réconciliation nationale, et la cohésion sociale dans notre pays. Pour gagner ce pari, plusieurs activités sont prévues sur toute l’étendue du territoire national. Il s’agit entre autres, des conférences au sein de nos universités sur le thème l’unicité des peuples du Mali, des concours de dessin et de poésie sur le thème de la paix dans les lycées; la confection d’un livret intitulé : « La Paix vue par les enfants ». Les journalistes membres de la plateforme ont réalisé un micro-trottoir vidéo sur la portée de « Ensemble nous sommes un peuple ». Sans oublier le sport, vecteur de paix et de cohésion sociale à  travers l’organisation des matchs de football, des sketches de sensibilisation et enfin la réalisation d’un album musical sur le dialogue et la cohésion sociale. Selon Coumba Bah, conseillère de ladite plateforme, elle a comme mission de contribuer au dialogue, à  la bonne gouvernance, etc. Au cours de la présentation de la plateforme, Awa Diop et Ngomo Yvette, toutes deux, porte-paroles, ont souligné que depuis 2012, le Mali traverse la plus grande crise sociopolitique et sécuritaire de son histoire. Malgré le retour à  l’ordre constitutionnel, avancent-elles, les conflits persistent et le processus de réconciliation nationale connaà®t beaucoup de difficultés. ‘’Pour soutenir ce processus une trentaine d’organisations de jeunes, issues de la société civile malienne et de la diaspora, se sont réunies autour d’une Plateforme de la Paix, dont l’œuvre majeure est la campagne nationale de sensibilisation intitulée: « Ensemble Nous Sommes un peuple » », ont-elles précisé. Rappelons que cette plateforme a été initiée par le Programme d’Appui à  la Transition au Mali (PAT-Mali) à  travers l’USAID. « Ensemble Nous Sommes un peuple », entend intervenir sur toute l’étendue du territoire national. La première phase de ses activités durera 5 mois (du 03 juin au 30 octobre 2014).

Zoom sur l’Agriculture écologique biologique

l’agriculture conventionnelle basée sur l’utilisation intensive de produits chimiques de synthèse a montré ses limites au regard de ses effets pervers sur l’environnement, la diversité biologique, la santé humaine et animale. Le rapport EISTAD (Evaluation internationale des sciences et des technologies agricoles au service du développement) expose les effets néfastes de l’agriculture conventionnelle et montre son incapacité à  nourrir la planète. Une grande partie des gaz à  effets de serre, responsables du réchauffement planétaire et des changements climatiques, est attribuable à  l’agriculture conventionnelle. Face à  cette situation, le Réseau des organisations paysannes(ROPPA), a donné de la voix en 2000 pour la reconnaissance des valeurs de l’agriculture africaine. Mieux l’Union africaine(UA) s’est fortement engagée, en 2007, à  soutenir l’Agriculture écologique biologique et son institutionnalisation dans les programmes et politiques nationales. C’’est dans ce cadre que la Commission de l’UA et son agence de planification et de coordination(APCN) du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique( NEPAD) ont été ainsi chargées d’une part d’initier et fournir des orientations pour la coalition de partenaires sur la mise la mise en place d’une plateforme de l’Agriculture biologique en Afrique basée sur les bonnes pratiques agricoles. D’autre part, fournir des orientations en faveur du développement du système durable de l’Agriculture et la qualité des semences améliorées. l’atelier de Dakar, tenu en août 2012, aura été un véritable catalyseur pour la dynamique de l’agriculture écologique biologique. En effet Les représentants de l’UA, les partenaires au développement et les acteurs de l’AEB ont validé le document projet pilote (2014-2018) pour huit(8) pays africains. En Afrique de l’Est, il y a le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et l’Ethiopie. En Afrique le l’Ouest, les pays concernés sont le Nigéria, le Mali, le Sénégal et Bénin). Il est à  noter que l’Agriculture écologique biologique(AEB) repose sur trois piliers. Le premier plier concerne la recherche, la formation et la vulgarisation. Le deuxième pilier est axé l’information et la communication. Enfin le troisième pilier s’articule autour de la chaà®ne de valeur et le développement du marché.