Dépression : les étudiants en médecine brisent le silence

Trouble mental caractérisé par une perte d’intérêt pour tout type d’activité, la dépression peut toucher toutes les couches de la société. Sa prévalence est très élevée parmi les étudiants en médecine dans le monde, disent les spécialistes. Au Mali, les étudiants de la faculté de médecine et d’odonto stomatologie et de pharmacie ne sont pas épargnés et pour les aider à mieux appréhender le phénomène afin d’y faire face, ils ont organisé ce 4 novembre 2022, un échange sur le sujet.

Les facteurs de ce mal qui « survient chez une personne lorsqu’elle est confrontée à une réalité » qu’elle estime pénible sans pouvoir avoir les moyens d’y répondre, sont multiples, selon le Dr Souleymane Papa Coulibaly, enseignant chercheur, maître de conférences à la faculté de médecine et responsable du service de psychiatrie du centre hospitalier universitaire du Point G.

D’abord les étudiants qui viennent de partout, y compris de Bamako, se retrouvent « coupés de leurs ressources de soutien habituel », compte tenu de la situation géographique du CHU du point G. Aussi, les contraintes liées aux études de médecine, les efforts importants fournis par les étudiants, lorsque l’organisation chargée de les accueillir n’est pas efficace, ils se trouvent souvent « débordés ». Ces facteurs relatifs à la structure sont souvent ajoutés à ceux personnels, parce que « chacun a ses difficultés et ses moyens de défense », précise le Dr Coulibaly.

En ce qui concerne la prise en charge, elle peut être envisagée à 2 niveaux. D’abord la personne dépressive se trouve dans une communauté qui peut avoir ses réponses et toutes les solutions ne sont pas médicales.

Le soutien médical est seulement un élément parmi d’autres auquel la personne concernée peut faire appel. Mais « le soutien de l’entourage, l’approche sociale, la reconnaissance de la détresse », sa validation et la capacité à identifier les ressources auxquelles la personne peut recourir, sont déterminants. Et tout soignant devra en principe être capable d’orienter une telle personne dans le besoin vers une structure adéquate.

Lever le tabou

Parmi les mesures de lutte contre le phénomène figure sans doute la reconnaissance de la souffrance et surtout sa prise en charge comme une pathologie normale, car malheureusement, c’est encore le tabou qui entoure « les problèmes liés au trouble mentaux », confie une étudiante, ayant vécu la dépression.

C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, les premiers concernés, à savoir les étudiants en médecine, à travers l’association, Winners, entend ouvrir le débat autour de la question afin de « trouver une solution ».  Surtout que les étudiants touchés sont souvent ceux de la première année « faisant face à l’isolement la solitude, les problèmes financiers », note madame Fatoumata Dembélé,  la présidente de l’association.

Facultés de médecine et de Pharmacie : les étudiants réclament leurs bourses

Quatre mois après le démarrage des cours dans les facultés de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie, aucune allocation financière attribuée aux étudiants au titre de cette l’année universitaire n’est encore payée. Dépités, les étudiants ont marché ce mardi 06 septembre 2022 pour exprimer leur ras-le-bol. Un retard de paiement qui met beaucoup d’entre eux dans l’embarras, notamment pour se loger, nourrir ou se déplacer. Sur les pancartes et banderoles étaient inscrits notamment : « sans bourses, Point G c’est l’enfer », ces étudiants affirment avoir emprunté toutes les voies possibles, sans aucune suite favorable. Selon Alfousseyni Dissa, secrétaire général du comité AEEM des facultés de Médecine et Pharmacie, quatre mois durant, ils ont entrepris de nombreuses démarches auprès des décideurs, mais n’ayant pas de réponse favorable, ils ont donc décidé ce mardi de manifester. Cette marche, organisée sur la route qui mène vers l’hôpital du Point G, a bloqué pendant deux heures environs les usagers, parmi eux des patients, mais aussi des agents des services d’urgences de l’hôpital. Face à cette situation, des professeurs des facultés et un commissaire de police dont les hommes ont encadré la marche se sont évertués à faire ouvrir un passage pour permettre à ceux qui vont à l’hôpital ou simplement sur leur lieu de travail de pouvoir passer. Le Chef des services allocations financières des étudiants Daniel Kone estime que le paiement des bourses est lié de façon générale aux résultats académiques qui sont pour la plupart en retard. Mais il avoue tout de même que les états financiers sont déjà au niveau du trésor, hormis ceux des nouveaux de la pharmacie restés encore au cabinet du ministère de l’enseignement supérieur en attente de signature.

Changement à la tête des hôpitaux : un pas pour la qualité des soins ?

Le ministre de la Santé et de l’hygiène publique le Professeur Samba Sow envisage « une refondation du système de santé ». Pointant du doigt la gouvernance dans certaines structures, le ministre vient d’entreprendre des changements à la tête de plusieurs hôpitaux publics. Plusieurs acteurs espèrent en tout cas que ces nouvelles nominations aboutiront à une amélioration de la qualité des soins.

L’hôpital Gabriel Touré, celui du point G, de Kati, l’hôpital du Mali sont parmi les structures concernées par ces changements de direction. Des changements censés apporter un renouveau et une meilleure gestion dans des structures qui jouent un rôle central dans la santé du public.

Mauvais accueil des malades, insalubrité, manque de professionnalisme de certains agents, la liste des maux qui minent les structures sanitaires au Mali est longue. Pour y remédier, le nouveau responsable du département mise sur une réforme du système. Mais cette réforme qui n’est pas qu’institutionnelle, concerne aussi la gestion des structures. En effet, à plusieurs reprises, le ministre a déploré, le mauvais entretien des lieux et la qualité de l’accueil réservé aux patients, toutes choses qui ne contribuent nullement à la santé de ces derniers. Au centre du système sanitaire, les usagers sont souvent laissés pour compte, regrette M. Badou Samounou, président du Regroupement des Consommateurs Maliens (REDECOMA). « L’accueil laisse à désirer, la gestion des médicaments et les prescriptions dont les malades n’ont souvent pas besoin, sont des problèmes. », note M. Samounou. Le malade qui doit être au centre de tout, parce que sa prise en charge est la raison d’être de l’hôpital « est souvent maltraité. » Déplorant l’appât du gain, il estime que « l’hôpital n’est pas un lieu où l’on doit faire la spéculation. Il faut que les agents respectent le serment d’Hippocrate. » Mais la qualité qui doit être l’objectif recherché, ne peut être obtenue qu’avec la bonne gouvernance et un renouveau, selon M. Samounou. 

Changer la gouvernance

Si elle peut être nécessaire, « chaque réforme doit permettre aux décideurs de savoir ce qu’il y a lieu de faire », note M. Adama Traoré, chargé de communication à l’hôpital Gabriel Touré. Il estime cependant, qu’il faut faire une évaluation du système en vigueur, en mesurer les effets et se projeter dans le futur. La réforme doit, selon lui, viser la qualité des soins mais aussi le changement de comportement. La réforme qui ne doit pas seulement être un changement des hommes, doit enregistrer l’adhésion des praticiens afin qu’elle ait des effets positifs escomptés, suggère M. Traoré qui ajoute que les usagers sont partie prenante du système et doivent aussi être impliqués afin qu’ils comprennent les enjeux et qu’ils donnent leur avis par rapport à la qualité des soins en question.

Saluant ces décisions de changement M. Djimé Kanté, porte-parole de la section syndicale de l’hôpital Gabriel Touré précise que cet hôpital connaît plusieurs difficultés dont la principale est la gouvernance. « J’ai toujours décrié la mauvaise gouvernance hospitalière qui a atteint des proportions inquiétantes. » Ce qui a conduit à un laisser-aller généralisé entraînant la détérioration des conditions d’accueil des malades, des équipements en panne, des conditions d’hygiène déplorables malgré les investissements, ce qui démontre un manque de suivi, selon cet acteur.

Cependant, la réforme envisagée, « va créer plus de problèmes que de solutions », note M. Kanté. Il en veut pour preuve, la transformation de l’hôpital Gabriel Touré en hôpital d’urgence et de stabilisation, mais avec l’absence de certains services et sans laboratoire, avec seulement un centre de prélèvement. Des problèmes techniques dont il faut tenir compte, car la question de santé est une question nationale, où il faut impliquer davantage d’acteurs, comme les praticiens, les usagers, conclut M. Kanté.