Moussa Konaté : Les milles casquettes d’un étonnant auteur

Originaire de Kita Moussa Konaté est un homme simple et discret. Il est né il y a presque 60 ans, à  Kita, dans la région de Kayes au Mali. De sa ville natale, il a bénéficié de la grande richesse culturelle mais aussi de la communauté catholique. En effet, C’’est dans la bibliothèque de la mission chrétienne qu’il tomba sur le premier livre marquant de sa vie : un album de Tintin ! Aussi jeune fut-il, l’écriture s’imposa à  lui comme une évidence. Il se plongea dès lors dans les livres pour ne plus jamais en sortir. Il fit ses études de lettres classiques à  l’université de Bamako puis compléta sa formation à  l’Ecole Normale Supérieure. C’’est à  cette époque, en 1975, qu’il écrivit son premier roman. Il enseigna d’abord quelques années puis décida rapidement de ne se vouer qu’à  l’écriture ainsi qu’au théâtre. Il fonda d’ailleurs sa compagnie et monta plusieurs pièces au Mali et en France. Quitter la fonction publique pour se consacrer à  son art pouvait sembler être une entreprise insensée, particulièrement sous le régime militaire du Général Moussa Traoré. Et pourtant, le reste de sa carrière lui a donné raison. Il était sur le bon chemin. Auteur prolixe Moussa Konaté est un écrivain particulièrement prolixe s’essayant à  plusieurs genres très différents. Les romans d’abord avec Le Prix de l’âme publié dès 1981, suivi par Une Aube incertaine (1985), Fils du Chaos (1986), Chronique d’une journée de répression (1988), Les Saisons (1990) et Goorgi (1998). Fidèle à  son amour du théâtre, il est également dramaturge et est l’auteur de six pièces. Deux recueils de nouvelles, dont récemment Les Orphelins d’Allah (2009), sont aussi à  son actif. Moussa Konaté est parallèlement essayiste avec deux ouvrages : 1991, ils ont assassiné l’espoir qui traite des événements sociaux et politiques douloureux qu’a connu le Mali en 1991, et l’Afrique noire est-elle maudite ?, dans lequel il démontre le contraire ! Toutes ses œuvres ont en commun la diversité de leurs thèmes. De la polygamie à  la place des anciens ou des paysans dans la société, la lutte contre le régime de Moussa Traoré, sa région natale, les immigrés maliens en France ou bien encore le Niger charriant de l’or, bref tout est matière à  raconter des histoires pour cet intarissable conteur. L’amour du polar Enfin, il est aussi l’auteur d’une série de polars, ce qui ne constitue pas la moindre de ses originalités. Ce genre, actuellement en pleine explosion, demeure très peu répandu en Afrique. Dans l’Assassin du Banconi (2002), l’Honneur des Keà¯ta (2002), l’Empreinte du renard (2006) et tout dernièrement La Malédiction du Lamentin (2009), le commissaire Habib et son jeune inspecteur Sosso résolvent des meurtres mystérieux dans le Mali profond, jonglant entre secrets familiaux, coutumes ancestrales, jalousie, et politique. De quoi tenir en haleine de longues nuits de veille. Les éditions Le Figuier Cette importante production littéraire ne suffit cependant pas à  occuper à  Moussa Konaté. En 1996, il fonda les Editions Le Figuier auquel il consacre le temps qu’il passe au Mali lorsqu’il n’est pas en France (o๠il s’est isolé pour écrire à  partir de 2001). Il y publie essentiellement de la littérature de jeunesse avec des titres dans les principales langues maliennes (peul, bambara, soninké, songha௠et tamashek). Comme il le dit lui-même, il veut offrir la chance qu’il a eu de lire très jeune, aux enfants de son pays. Mais Le Figuier connaà®t les problèmes de diffusion inhérents à  toute maison d’édition au Mali. Il envisage donc de créer sa propre structure de distribution. l’enjeu crucial est également de faire naà®tre une culture du livre dans un pays oà¹, aujourd’hui encore, l’oral prime sur l’écrit. Etonnants Voyageurs C’’est pour répondre à  cette problématique que Moussa Konaté est mis en contact en 2001 avec Michel Le Bris, directeur d’Etonnants Voyageurs, le célèbre festival de littérature de voyage de Saint-Malo. Rendez-vous est donc pris à  Bamako qui accueille désormais chaque deux ans la manifestation sous la houlette de Moussa. Les différents évènements et rencontres littéraires se déroulent simultanément dans divers lieux de la capitale mais aussi dans dix villes jusqu’à  Kidal !! Deux équipes françaises et maliennes se chargent de l’importante logistique de ce festival qui draine non seulement des auteurs du monde entier mais aussi de nombreux lecteurs. Plusieurs concours, notamment scolaires, sont organisés afin de contribuer à  révéler la fibre littéraire de la jeunesse malienne ! Ainsi, Moussa Konaté empile sur sa tête des casquettes bien complémentaires et au regard de cette vie d’auteur, éditeur, directeur de festival si bien remplie, on ne peut que déplorer de ne pas entendre davantage parler de cet homme calme mais si actif. Peut-être est-ce que les feux des projecteurs ne l’intéressent pas et qu’il y préfère la solitude de son bureau d’écrivain ? Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les projets qui lui manquent : il installe actuellement au Figuier à  Badalabougou, une salle de lecture accessible aux enfants ainsi qu’une librairie adulte et jeunesse ; le nouvel épisode des aventures du commissaire Habib qui le mèneront cette fois-ci chez les Touaregs, est à  paraà®tre dans les mois qui viennent ; enfin, la prochaine édition d’Etonnants Voyageurs aura lieu à  Bamako en novembre.