Enjeux sécuritaires au Sahel : le diagnostic des experts

Il s’agira pour les experts, durant trois jours de débattre des causes et solutions aux crises qui déstabilisent la bande sahélo-saharienne, lors des journées d’études qui se sont ouvertes le 24 juillet à  Bamako sous la houlette du gouvernement malien, du cabinet de conseil Promédiation avec l’appui de la fondation Friedricht Ebert Stiftung. Pastoralisme et insécurité Ils sont donc chercheurs, politologues, sociologues, anthropologues, essayistes, diplomates, écrivains, anciens ministres à  débattre sur la situation de la crise politico-sécuritaires au Mali. « Le développement local et pastoralisme, des opportunités multiples pour le Sahel » était la communication d’Abdoulaye Mohamadou, chercheur et Directeur de cabinet du ministre des affaires étrangères du Niger. Selon cet expert nigérien, ceux qui ont le plus souffert de l’insécurité chronique dans le Sahel sont les éleveurs qui ne peuvent plus faire de transhumance entre pays frontaliers. »Pire ces éleveurs sont dépossédés de leurs bétails et demeurent sans défense face aux bandits armés et ceux qui résistent sont tués ». Dans ses zones frontalières poursuit l’expert, le pastoralisme est pourtant le seul mode de subsistance économique. Un aspect, conclut le chercheur, qui n’est malheureusement pas pris en compte dans le développement de cette région. Porosité des fronières Laurence Aid Amour, expert en défense et sécurité pour les zones du Maghreb et du Sahel, pense que le problème du nord n’est qu’une résultante de la porosité de l’Etat plutôt que celle la porosité des frontières. Selon cette chercheure, la porosité de l’Etat permet aux narcotrafiquants de faire transiter la drogue entre les différents pays de la bande sahélienne, dont les capitales de Tripoli à  Dakar sont toutes tournées vers l’extérieur.  » Imaginez-vous un peu la carte géographique du Sahel, vous verrez que les capitales de l’Algérie, du Maroc, de la Lybie ou encore du Burkina Faso sont toutes aux extrémités. Du coup, cela laisse place à  ce grand espace désertique o๠l’Etat est bien loin et o๠les populations ne se sentent pas forcément proches de l’administration », explique Laurence Aid Amour, qui ajoute qu’on mentionne toujours la porosité des frontières comme cause endémique de l’instabilité dans le Sahel. De fait, nuance t-elle, la porosité de l’Etat, bien plus grave, et permet aux trafics en tous genres de se développer. C’’est le cas précis de la Mauritanie et du Mali confrontés à  ces trafics. Halte à  la victimisation Quand au diplomate mauritanien Ahmeda Ould Abdallah, ancien représentant du secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest, il faut éviter le discours de victimisation: «Chaque fois qu’il y a une crise sociale, on parle de complot. Il y a une responsabilité des élytres de chaque état de s’assumer. Alors comment dépasser les complots pour construire les Etats », interroge le diplomate. Une intervention qui a provoqué la colère de l’intellectuelle et essayiste malienne Aminata Dramane Traoré. Pour cette dernière, les élytres se sont toujours assumés mais C’’est le système qui a failli : « Les Etats africains n’ont pas failli, mais on a mis ces Etats en faillite. Les dirigeants occidentaux sont les otages des multinationales. Ils n’agissent que sur ordre de ces multinationales ». Sur la question du nord du Mali, on est entrain de faire croire à  nos frères touaregs, qu’on peut transformer le nord du Mali en un petit Qatar ou il fera bon de vivre grâce aux sous-sols riches en pétrole et uranium », répond le diplomate. Violence et compétition locale Gearg Klate, chercheur et anthropologue s’est intéressé au problème de la violence, des ordres sociaux en compétition et de la politique locale. D’après lui, toute société fait face à  des violences : «Ces violences nécessitent des justifications. l’humanité y a toujours apporté à  des solutions religieuses ». Le politologue et sociologue Michel Gali, professeur en Relations internationale a évoqué les déséquilibres des territoires et la géopolitique de la déstabilisation nord et sud très accrue selon lui. Cette thèse est également soutenue par le maire de Tilemsi( région de Kidal) qui réaffirme l’abandon de leurs zones par l’Etat :  » Je n’ai pas eu la chance d’aller très loin à  l’ école. C’’est pour vous dire que nous ne comprenons pas les termes « régionalisme », « autonomie » ou « indépendance ». Pour stabiliser ce nord, il faut tout simplement responsabiliser la population. Nous avons deux problèmes pendants au nord : le sous développement et le narcotrafic. Quant à  Abdoul Malick Diallo, député d’Ansongo, tous les problèmes viennent du Sahara et du non du Sahel : « Il n’y a aucune limite entre le Sahel et le Sahara. Les narcotrafiquants venus d’ailleurs ne sont pas des maliens et nous imposent leurs lois »