Choguel Kokalla Maïga : un retour et des questions

Absent depuis près de 4 mois, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a repris service le 5 décembre 2022. Un retour aux affaires très scruté pour celui qui avait pris les rênes de la Primature en juin 2021. Alors que sa gestion lors de son premier passage reste décriée par une partie de la classe politique, le Président de la Transition lui maintient sa confiance à l’orée d’une étape charnière de la Transition, l’année 2023.

Son absence aura duré 108 jours. De sa dernière apparition publique, le 9 août 2022 (audience accordée à la Fondation Damaguilé Diawara) à sa visite au Président de la Transition le 25 novembre. Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, qui était en soins suite à un accident vasculaire cérébral, prend de nouveau les rênes du gouvernement.

C’est d’ailleurs le message qu’il a tenu à adresser au Colonel Assimi Goïta lors de la rencontre des deux hommes au palais de Koulouba, avant son message de remerciement au peuple malien lu à la télévision nationale le même jour. « Après plus de 3 mois d’absence, me revoici parmi vous, en pleine possession de mes capacités physiques et intellectuelles », a assuré le chef du gouvernement.

Trois jours après, le 28 novembre, il s’était rendu chez le Président du Conseil national de Transition (CNT), le Colonel Malick Diaw, pour le remercier et lui dire qu’il était apte à reprendre le travail, selon la direction de la communication du CNT.

Le 4 décembre, le Président de la Transition a tranché et mis fin par la même occasion au flou qui persistait autour de la Primature depuis la réapparition du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Un décret présidentiel lu à la télévision nationale par le Secrétaire général de la Présidence a abrogé celui du 21 août 2022 désignant le Colonel Abdoulaye Maïga en qualité d’intérimaire du Premier ministre, remettant de facto Choguel Maiga en fonction.

Le retour effectif aux affaires de celui qui est également Président du Comité stratégique du M5-RFP n’a dès lors pas trainé. « Après près de quatre mois de repos médical, le Premier ministre, chef du gouvernement, Choguel Kokalla Maïga, reprend service ce jour 5 décembre 2022 », a indiqué la Primature lundi, précisant que le chef du gouvernement commençait ses activités par une série de rencontres avec, notamment, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Porte-parole du gouvernement, le Secrétaire général du gouvernement et le Cabinet de la Primature.

« Cette reprise de fonction était déjà actée après ses deux visites au Président de la Transition et au Président du CNT et son message de remerciement aux Maliens. Il fallait juste attendre que le déplacement qui déjà était prévu du Premier ministre par intérim à Kayes ait lieu pour que Choguel Maïga reprenne  fonction et c’est ce qui a été fait », nous confie Dr. Allaye Bocoum, Président du mouvement politique CPM (Convention pour le Mali) et  proche du Premier ministre. À l’en croire, d’ailleurs, le Premier ministre n’a jamais été déconnecté d’avec les autorités, il était au courant de tout ce qui se passait et a souvent donné son avis sur certaines questions.

Un retour qui divise

En remettant Choguel Kokalla Maïga dans ses fonctions, le Président de la Transition a fait le choix de la continuité dans la trajectoire prise par la Transition depuis mai 2021. « Ce retour du Premier ministre montre que les autorités sont respectueuses de leur parole et qu’elles sont stables, elles savent là où elles vont. Le bouclier d’Assimi Goïta se renforce. La conduite de la Transition sera meilleure et l’œuvre de la refondation va se poursuivre », se félicite Dr. Allaye Bocoum. Pour ce fervent soutien de Choguel Kokalla Maïga, son retour va sonner le glas de « ceux qui veulent détruire l’espoir des Maliens » et « l’esprit du M5-RFP va prévaloir à nouveau ».

Mais si ce choix conforte les partisans du Premier ministre actuel, il ne satisfait pas la  partie de la classe politique qui demande depuis plusieurs mois la nomination d’un Premier ministre neutre. Longtemps d’ailleurs, certains observateurs avaient évoqué l’éventualité du départ de Choguel Maïga de la Primature dans un scénario où son « repos forcé » serait également synonyme de sa fin à la tête du gouvernement.

« Le Cadre maintient sa position et sa demande de nomination d’un Premier ministre plus consensuel, moins clivant, apolitique, pour diriger les affaires de la Transition. Notre position n’a pas changé », affirme Dr. Laya Amadou Guindo, l’un des porte-paroles du Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel.

« Pour un retour à l’ordre constitutionnel avec l’organisation d’élections libres, crédibles et transparentes, nous croyons qu’un Premier ministre politique ne peut pas faire ce travail. C’est à ce niveau que nous parlons du Premier ministre actuel. Sinon, notre combat n’est pas dirigé contre une personne », ajoute celui qui dit se réjouir, au-delà de l’adversité politique, que le Premier ministre ait recouvré la santé et aille mieux.

Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, le retour de Choguel Kokalla Maïga aux affaires est « normal », puisque l’intérim suppose qu’une fois que le titulaire est en bonne santé et revient il reprenne ses fonctions.

Selon lui, les prises de position des politiques contre le Premier ministre ont leur explication ailleurs. « Les hommes politiques ne voulaient pas que Choguel Kokalla Maïga revienne. Mais le problème, ce n’est pas le Premier ministre. Ce dernier gère un gouvernement, les décisions ne viennent pas de lui, ce n’est qu’au niveau de l’Exécutif. Je ne vois pas pourquoi on doit s’agiter au niveau d’une personne », fustige-t-il. Cet analyste soutient que Choguel Kokalla Maïga, taxé de « clivant », n’a posé aucun acte d’exclusion à l’endroit de cette classe politique. Toutefois, ses « amis » d’hier au sein du M5-RFP, qui ont dénoncé sa gestion de leur mouvement, se sont retirés pour créer le M5-RFP Malikura. Lancé le 3 août dernier par Mme Sy Kadiatou Sow, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, Konimba Sidibé ou encore Me Mohamed Aly Bathily, ce mouvement, qui est dans une opposition de points de vue avec Choguel Maïga, pourrait selon certains observateurs se prononcer bientôt et exprimer son désaccord à son retour à la Primature.

Tenir le rythme

D’un point de vue médical général, des médecins estiment qu’une victime d’AVC, même si elle recouvre la santé, ne devrait pas immédiatement commencer à travailler à un rythme soutenu. En raison d’une très grande charge de travail à la Primature, qui peut aller à 15 heures d’activités par jour, plusieurs observateurs craignent que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga qui, selon une source, continue de prendre des médicaments, ne soit pas encore totalement en mesure de tenir ce rythme de gestion du gouvernement.

Allaye Bocoum, quant à lui, ne s’inquiète pas outre mesure pour le Chef du gouvernement. « Je pense que le fait qu’il soit passé par cette étape va le forcer à réduire son temps de travail. Il aura un programme beaucoup plus léger. D’ailleurs, l’essentiel du travail est derrière lui. Il fallait tenir tête à toute cette adversité venant de l’extérieur. Je sais qu’il est vraiment apte aujourd’hui à continuer à assurer ses charges », assure le Président de la CPM.

Plus d’inclusion ?

Choguel Kokalla Maïga a été longtemps décrié par une partie de la classe politique, pour laquelle il n’est ni rassembleur ni inclusif, avec des prises de paroles et des discours divisant les Maliens. Avec son maintien à la Primature et à l’amorce d’importants échéances pour la Transition, notamment la préparation et la tenue des grands rendez-vous électoraux à venir, certains analystes pensent que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga devrait changer de posture vis-à-vis de la classe politique en mettant plus d’inclusivité dans la gestion des affaires de la Transition.

« Je pense bien que Choguel Kokalla Maïga a intérêt à rassembler tous les bords, compte tenu des projets du gouvernement, notamment les différentes réformes politiques et institutionnelles à venir et les élections. Il va falloir qu’il soit un homme de consensus qui parvienne à rassembler tous les Maliens », indique Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako.

Boubacar Bocoum pense pour sa part que le Premier ministre subit des attaques infondées de la part des politiques et qu’il est injustement taxé de non inclusif. « Pour moi, le problème est à un autre niveau. Les politiques savent que Choguel  Maïga aussi est politique et qu’ils ne vont pas pouvoir l’embarquer dans un certain nombre de choses. Ils pensent peut-être que ce sera plus facile avec les militaires », accuse l’analyste politique. Et, pour l’heure, rien ne présage d’un changement de ton ou de posture du Premier ministre. « Je pense que les politiques sont obnubilés par leur envie de reprendre le pouvoir. Ils disent que Choguel Maïga est clivant parce que la lutte que ce dernier est en train de mener ils ne pourront pas le faire eux, ayant pris des engagements à l’extérieur », soutient Allaye Bocoum. La « promotion » du Colonel Maïga comme ministre d’État qui assure l’intérim du Premier ministre en cas d’absence, d’empêchement ou de vacance, est analysée par certains comme une ombre permanente sur le Premier ministre ou encore comme un jeu de positionnement des militaires à moyen terme. « Quand vous êtes dans une équipe que vous venez de diriger pendant près de 4 mois, vous avez une particularité. Il est normal que cela fasse de lui la 2ème personnalité du gouvernement », relativise Dr Allaye Bocoum. Le temps et les évènements nous donneront de la matière pour juger de la portée ou non de ce qui s’apparente à un coup politique.

URD : Jusqu’où ira la discorde ?

Alors que le tribunal de la Commune V donné les pleins pouvoirs à Gouagnon Coulibaly le 1er novembre et que ce dernier a été installé ce lundi au siège comme nouveau président du parti Union pour la République et la démocratie (URD), les partisans du professeur Salikou Sanago continuent toujours à ne pas reconnaître sa présidence et entendent saisir la cour suprême. Jusqu’où ira le désaccord ?

Entre Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanago, la fracture est très ouverte. Après la confirmation par la Cour d’appel, le 7 septembre dernier, du jugement N°130 du 4 avril 2022 du Tribunal de Grande instance de la Commune V du District de Bamako, validant le Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022 qui avait porté Gouagnon Coulibaly à la tête de l’URD, ce dernier a reçu les pleins pouvoirs de la justice pour l’administration du parti le 1er novembre 2022, via une ordonnance du juge des référés du Tribunal de 1ère instance de la Commune V. Il dispose ainsi d’une autorisation qui lui donne l’accès au siège du parti et fait de lui le « seul habilité à poser tous actes de gestion et d’administration ».

« En conséquence, M. Coulibaly doit sans aucune entrave reprendre la haute et totale direction du parti et continuer de le gérer et de l’administrer conformément aux textes », précise Mamadou Dicko, membre de l’URD.

C’est dans ce contexte qu’il a été installé ce lundi dans ses fonctions de Président au siège du parti. « Ceux qui ne sont pas d’accord, malgré leur minorité en ont le droit, mais franchement et très honnêtement le Président Gouagnon Coulibaly est légitime à l’URD. Avec lui, nous demeurons engagés à redonner à l’URD son éclat et à nous rassembler avec tous ceux qui le souhaitent », affirme le Président de la jeunesse de l’URD Abdrahamane Diarra.

Cependant, malgré la prise de pouvoir de Gouagnon Coulibaly, c’est loin d’être la fin de l’épilogue judiciaire, car les soutiens du 1er Vice-président, le Pr Salikou Sanogo, ont  annoncé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême.

Dans un communiqué, le 2 novembre le Secrétaire général du parti, Daouda Touré, réputé proche du Pr Sanago, assure « qu’appel a été interjeté contre l’ordonnance du tribunal de la Commune V », et rappelle que « le pouvoir en cassation exercé contre l’arrêt de la Cour d’appel le 7 septembre suit son cour à la Cour suprême ». En outre, une enquête judiciaire est ouverte contre Gouagnon Coulibaly et autres « pour faux et usage de faux » devant le juge d’instruction du 9ème cabinet du tribunal de la Commune III après une plainte des partisans du Pr Salikou Sanogo. « À ce niveau, avec les affaires superposées, je ne pense pas que le dialogue puisse permettre aujourd’hui de réconcilier les cadres de l’URD. Ils sont déjà passés de tribunal en tribunal », explique le politologue Bréhima Mamadou Koné, qui craint un scenario à l’ADEMA des années 2000 – 2002. Confronté à des luttes d’ego, le parti au pouvoir de l’époque avait  vu plusieurs de ses cadres démissionner du parti et créer le leur. Notamment son ancien Président, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), qui avait quitté ce parti en 2000 et fondé en 2001 le Rassemblement pour le Mali (RPM). L’ex candidat du Parti de l’abeille aux élections présidentielles de 2002, Soumaïla Cissé, avait lui aussi créé l’URD en 2003, considérant avoir été lâché par une partie de l’ADEMA-PASJ lors de l’échéance électorale.

« C’est le même jeu qui est en train de se jouer aujourd’hui au sein de l’URD, où les soutiens du Pr Salikou Sanogo risque de quitter l’URD pour aller créer un autre parti, parce qu’il est difficile aujourd’hui d’avoir un consensus. Ce sont des querelles d’intérêts qui opposent les deux parties », indique M. Koné. Selon lui, c’est une question de légitimité qui se pose. « Et quand des questions de légitimité se posent au sein d’un parti politique, il est difficile d’avoir l’union sacrée autour des idéaux du parti », trouve-t-il.

M5-RFP Malikura: 3 mois après sa création, le mouvement essaye de se faire une place

Lancée en août dernier, la nouvelle tendance du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (MR-Rfp) est figée sur ses prérogatives : militer pour l’amélioration de la situation sécuritaire et le redéploiement de l’État sur l’ensemble du territoire malien, la lutte contre la corruption et l’impunité ainsi que le coût de la vie. Estimant que les mêmes inquiétudes qui l’ont poussé à manifester contre l’ex Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) sont toujours présentes, le mouvement a appelé les autorités de la transition à changer de paradigme lors d’une conférence de presse ce mardi. 

Trois mois après sa mise en place, rien ne semble avoir changé pour le M5-RFP Mali Kura. Cette nouvelle tendance considère que, depuis le 3 août dernier, le « partenariat » noué avec les autorités militaires en mai 2021 souffre d’un « déficit de dialogue », qui a « nui à la mise » en œuvre de son projet pour le Mali. Il s’agit de l’arrêt de partage d’informations sur les enjeux majeurs de la transition. Notamment sur le retour de la paix et de l’administration sur l’ensemble du territoire national, la lutte contre la corruption et l’impunité dans la gestion des affaires publiques et la baisse du coût de la vie.

Selon le mouvement, la situation sécuritaire s’est sérieusement dégradée en 2022. Il souligne, entre autres, l’extension croissante des attaques des groupes armés terroristes, leur emprise dans les localités des régions de Ménaka et Tombouctou ainsi que la multiplication des déplacés internes dans le pays.

Sur le plan économique, « les prix des denrées de première nécessité ont fortement augmenté au cours des deux dernières années, pour de multiples raisons imputables à la crise mondiale, mais aussi à la relative inefficacité de l’État à réguler les comportements de certains opérateurs économiques », dénonce le collectif, selon lequel il urge que le gouvernement procède à un examen approfondi de cette question pour prendre toutes les mesures efficaces possibles afin de soulager les populations.

« Le M5-RFP est la force politique qui a créé les conditions de la chute du régime d’IBK, à travers la mobilisation massive du peuple malien contre sa mauvaise gouvernance », s’est exclamé Konimba Sidibé, Président du Comité stratégique M5-RFP Mali Kura. « À  ce titre, cette transition est la nôtre et nous voulons qu’elle soit la transition de rupture avec les mauvaises pratiques de gouvernance, pour gagner la lutte contre les groupes armés terroristes, restaurer la sécurité et la souveraineté de l’État sur toute l’étendue du territoire national et poser les piliers du Mali Kura, tant attendu par le peuple malien. Notre engagement et notre détermination restent totaux pour l’atteinte de ces objectifs », dit-il.

Dans cet élan, le mouvement a rencontré le Premier ministre par intérim, le Colonel Abdoulaye Maïga le 10 octobre dernier et exprimé le souhait de la libération « le plus tôt possible » des militaires ivoiriens détenus au Mali depuis le 10 juillet dernier, trouvant que leur détention est à l’origine d’une tension qui n’est bonne ni pour le Mali en situation de grande fragilité, ni pour la Côte d’Ivoire, ni pour la sous-région, confrontée à une grave crise sécuritaire et économique.

« Ce souci d’apaisement est une forte demande des populations maliennes, qui voient en la République de la Côte d’Ivoire un pays frère, où vivent 4 millions de Maliens, et un partenaire économique majeur du Mali », justifie le Président du M5-RFP Mali Kura.

En rupture avec le M5-RFP originel, où les relations étaient tendues notamment avec Choguel Kokkala Maïga, qui dirigeait le mouvement avant ses soucis de santé, le M5-RFP Mali Kura annonce vouloir être une force politique efficace de veille.

Union à l’URD : la difficile mission de Gouagnon Coulibaly

La Cour d’appel de Bamako a confirmé le 7 septembre 2022 le jugement N°130 du 4 avril 2022 du Tribunal de Grande instance de la Commune V du District de Bamako validant le Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022, qui avait porté M. Gouagnon Coulibaly à la tête de l’Union pour la République et la Démocratie (URD). Confirmé Président du parti de la Poignée de mains en attendant une nouvelle action en justice du camp Salikou Sanogo, l’ancien député de Kati doit s’atteler à la réunification de l’URD, secouée par de divisions internes depuis la disparition de Soumaila Cissé.

En rendant son arrêt le 7 septembre 2022, la Cour d’appel de Bamako a mis fin à 5 mois d’attente des deux camps protagonistes de la crise au sein de l’URD. Mais le feuilleton judiciaire ne semble toujours pas avoir connu son épilogue. Dans un communiqué, le même jour, signé du Secrétaire général Daouda Touré, proche du 1er Vice-président Salikou Sanogo, « l’URD assure qu’un pourvoi en cassation sera exercé contre ledit arrêt de la Cour d’appel dès sa notification ».

Mais, pour les soutiens de Gouagnon Coulibaly, ce pourvoi en cassation sera « sans effets sur l’application rigoureuse et intégrale de l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel ». Ces derniers sont déjà d’ailleurs tournés vers l’investiture du nouveau Président du parti, « dans les prochains jours ». Mais Gouagnon Coulibaly et ses proches veulent tendre la main aux « camarades » qui s’opposent à eux.

Main tendue

Loin d’un triomphalisme affiché, Gouagnon Coulibaly, après cette confirmation comme successeur de feu Soumaila Cissé à la tête de l’URD, se positionne en rassembleur. S’il évite lui-même de se prononcer avant toute passation officielle de pouvoir au sommet du parti, ses proches, quant à eux, communiquent.

Le Secrétaire politique du Bureau exécutif national de l’URD, Bakary Fomba, affirme que M. Gouagnon Coulibaly, qui est « résolument déterminé à rassembler tous les courants du parti, entreprendra très prochainement, dans un esprit d’ouverture et de mains tendue, les actions idoines, permettant de préserver en toutes circonstances l’unité du parti, si chère aux militants ».

« Je pense que la décision de la Cour d’appel n’est pas la victoire d’un camp sur l’autre, mais plutôt une opportunité pour nous tous de nous retrouver pour faire de l’URD un parti encore plus grand », confie également Abdrahamane Diarra, Président de la Jeunesse URD, proche du camp Gouagnon Coulibaly.

Pour parvenir à ces « retrouvailles » après de longs mois de mésententes, Gouagnon Coulibaly et ses proches comptent sur le dialogue. « Nous allons approcher nos camarades qui ne partagent pas nos avis, leur expliquer le bien-fondé de notre démarche. Nous allons aussi accepter des concessions et des compromis », assure Mamadou Dicko, 2ème Secrétaire politique de l’URD.

« Je suis convaincu que tous les courants peuvent se retrouver, pas forcément être d’accords sur tout mais sur le minimum, pour qu’ensemble nous puissions continuer notre combat pour le Mali », poursuit celui qui rappelle que le Congrès qui a élu Gouagnon Coulibaly, n’a « changé personne » et que le Pr. Salikou Sanogo reste le 1er Vice-président du parti. « L’objectif n’a jamais été d’enlever ou d’exclure quelqu’un. Nous continuons à nous battre pour que l’unité du parti soit préservée ».

Nouvelle cohésion ?

Si le nouveau Président de l’URD veut s’employer à réunifier le parti et à tendre la main à ceux qui s’opposent à lui, ces derniers, même s’ils n’excluent pas de refaire route ensemble, semblent résolus à aller au bout de la bataille judiciaire ouverte, en atteste le pourvoi en cassation annoncé.

« Accepter ou pas la main tendue, cela ne se décide pas au niveau d’une seule personne. Nous allons aviser. De toute façon, personne n’a intérêt à ce qu’on mette ce parti à l’eau. Nous avons intérêt à nous unir », glisse Daouda Koné, 7ème Vice-président, proche de Salikou Sanogo.

Élu à la tête de l’URD lors du Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022, avec la participation de plus de 1100 délégués, Gouagnon Coulibaly, 60 ans, ancien député et Président de la Commission des Travaux publics, de l’habitat et des transports de l’Assemblé Nationale de 2007 à 2013, a depuis demandé à la Commission nationale de conciliation et d’arbitrage du parti de « redoubler d’efforts » dans la recherche de « solutions idoines de conciliation qui soient en adéquation avec les textes et pratiques convenus du parti ».

Ses proches l’affirment, l’ancien Directeur de campagne de feu Soumaila Cissé est « ouvert d’esprit » et « totalement disponible » pour rassembler tous les bords.

AIGE : les représentants des partis politiques et organisations de la société civile tirés au sort

En vue de désigner les représentants des partis politiques et  organisations de la société civile au Collège de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation a procédé lundi 22 août 2022 à un tirage au sort, présidé par des huissiers de justice.

Ce tirage s’est imposé comme modalité de désignation par « soucis de neutralité et de transparence » suite au manque de consensus au sein de la classe politique et au sein  des organisations de la société civile pour la désignation de leurs représentants après l’échec des concertations les 21 et 22 juillet 2022.

Au total 75 partis politiques et 11 organisations de la société civile ont été retenus pour ce tirage sur les 273 partis politiques et 96 organisations de la société civile, après réception et examen de 172 dossiers de candidatures  par la commission de suivi de la mise en place de l’AIGE les 3, 4, 5, 8 ,9 et 10 août 2022.

Huit représentants ont été tirés au sort parmi les partis politiques, dont quatre hommes et quatre femmes. Pour les femmes, il s’agit de Oumou Dicko du Rassemblement malien pour le travail (RAMAT- Parti RAHMA), de Dao Hawa Kanté de l’Alliance malienne pour le travail (AMAT), de Coumaré Nana Konaté de la Synergie des initiatives pour la renaissance africaine (SIRA) et de Leila Walet Ibrahim de la Convergence pour l’Emergence du Mali-Faso Jo ton (CEM-FJT).

Quant aux hommes, ce sont Salomon Ongoiba de l’Alliance pour la promotion et le développement du Mali (APDM), Harouna Cissoko du Front uni pour la démocratie et le changement (FUDEC),  Youssouf Coulibaly  de l’Initiative pour la refondation du Mali (IRMA) et Abdrahamane Bakhaga de la Force citoyenne et démocratique (FCD).

Pour les représentants des organisations de la société civile, six personnes ont été tirées au sort, trois hommes et  trois femmes.  Fily Moussa Kanté de la RECOTRADE, Sékou Coulibaly du Collectif des régions non opérationnelles (CRNOP) et Moussa Keita de l’Ordre des notaires  pour les hommes, Djénébou Diakité de la Forsat Civile, Mariam Dicko du Centre malien pour le dialogue inter-parti et la démocratie (CMDID) et Traoré Nane  Sissako du Conseil national de la société civile (CNSC) pour les femmes.

Pour rappel, le collège de l’AIGE est constitué de 15 membres, dont 4 représentants des politiques et 3 de la société civile. En ce qui concerne la classe politique et la société civile,  la suite du processus de désignation des représentants se poursuivra au niveau du ministère de l’Administration territoriale, qui devra arrêter une liste définitive de 7 personnes (4 pour les partis politiques et 3 pour la société civile) parmi les 14 candidats tirés au sort.

Certains partis, à l’instar de l’Adema-Pasj, de Yelema, de la Codem ou encore du RPM, n’ont pas participé au tirage au sort.

M5 – RFP : naissance d’une nouvelle tendance pour la défense des « idéaux » du mouvement

Des démissionnaires du M5-RFP, ont annoncé au cours d’une conférence de presse ce mercredi 3 août, la création d’une nouvelle tendance du Mouvement dénommée ‘’M5RFP- Mali Kura’. La nouvelle tendance dit ne pas reconnaitre le comité du M5-RFP dirigé par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga.  

Après la saignée, c’est désormais la crise ouverte. Après avoir décrié à l’interne la gestion du Premier ministre Choguel Kokalla Maiga également président du comité stratégique du M5-MFP, plusieurs caciques ont décidé de quitter le mouvement et de lancer officiellement depuis ce 3 août un autre mouvement qui veut trancher avec les méthodes existantes. Selon eux, la rectification de la transition n’est restée qu’un slogan et le M5-RFP n’est plus que l’ombre de lui-même. Pour les leaders de cette nouvelle tendance du M5-RFF, le Premier ministre a réussi à en faire  une simple caisse de résonnance de son Gouvernement. « Nous ne reconnaissons plus le comité stratégique dirigé par Choguel Kokalla Maiga » a assuré Me Mohamed Aly Bathily. A noter que les leaders de ce regroupement sont les figures dissidentes du M5-RFP que sont entre autres : Konimba Sidibé du MODEC, Sy Kadiatou SOW et Modibo Sidibé de Anko Mali dron et Me Mohamed Aly Bathily de FASODE.

Accord pour la paix : ouverture d’une réunion de niveau décisionnel

Ce lundi 1 août 2022, s’est ouvert la réunion de niveau décisionnel des parties signataires à l’Accord pour la paix et la réconciliation. Cette rencontre qui prendra fin le 5 aout prochain a pour objectif global de diligenter la mise en œuvre des actions prioritaires de défense et sécurité de l’Accord pour la Paix, conformément à la feuille de route actualisée du 18 Décembre 2020.

La tenue d’une réunion de haut niveau entre le gouvernement et les groupes armés signataires doit lancer le redémarrage de la réintégration socio-économique de catégories particulières d’ex-combattants et de femmes associées aux groupes armés, désignés dans les cinq régions du nord. Cette réunion devrait aussi aboutir à un consensus sur les réformes politiques et institutionnelles en suspens. « Pour ce faire, nous procèderons aux discussions relatives à la répartition des quotas à l’intégration des ex-combattants dans les corps constitués de l’Etat y compris au sein des forces armées et de sécurité, au mécanisme de gestion du cas des hauts cadres civil et militaires des mouvements et enfin, de convenir des réformes politiques et institutionnelles non liées à la révision constitutionnelle » a annoncé le ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la Réconciliation nationale, le Colonel-major Ismaël Wagué.

Sept ans après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation dont la mise en œuvre patine, les groupes armés signataires, eux, appellent à plus d’engagement. Le représentant de la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a souhaité que cette réunion permette d’avancer réellement sur les véritables enjeux.

Les différents partenaires du processus dont la MINUSMA ou encore le chef de file de la médiation internationale souhaitent un plus grand engagement des signataires pour maintenir les acquis et booster la mise en œuvre de l’accord.

La médiation internationale au Mali insiste, sur l’impératif d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, essentielle pour la stabilisation durable du Mali et la refondation de l’État malien.

 

 

 

 

 

Mali – IBK : du Premier ministre à poigne au président de la République contesté

En retrait de la vie politique depuis sa chute du pouvoir en août 2020, le « Kankeletigui » qui était souffrant depuis plusieurs années, s’en est allé définitivement le 16 janvier 2022, laissant derrière lui un parcours politique contrasté. L’homme politique à poigne, rigoureux et ferme, à la réputation forgée en tant que Premier ministre du Mali de 1994 à 2000, a laissé la place à un président de la République contesté, de 2013 à 2020. Retour sur le parcours de celui qui aura consacré sa vie à servir le Mali.

Né le 29 janvier 1945 à Koutiala, Il aurait eu 77 ans le 29 janvier 2022. Mais Ibrahim Boubacar Keita a passé l’arme à gauche 13 jours avant cet anniversaire qui se serait déroulé, s’il avait eu lieu, sobre dans l’intimité familiale de sa résidence privée sise à Sebenikoro. Une résidence héritée de son père, Boubacar Keïta, ancien fondé de pouvoir du Trésor, à laquelle l’ancien président de la République était particulièrement attachée.

Le parcours politique de celui qui a gravi tous les échelons de l’État depuis son retour au pays dans les années 1980, après 26 années passées en France, est assurément le plus abouti et le plus dense de toutes les grandes figures politiques contemporaines du Mali. Il peut se résumer en trois grandes étapes, ponctuées de fortunes diverses. La première, débute lors de sa nomination comme Conseiller diplomatique du président Alpha Oumar Konaré en 1992 et dure jusqu’à l’année 2000, période où il fut successivement ambassadeur en poste à Abidjan, chef de la diplomatie malienne, puis Premier ministre. La seconde démarre en 2002 après sa 1ère défaite à la présidentielle qui le conduit malgré tout à la tête de l’Assemblée nationale (2002-2007), suivie d’une période de traversée du désert. La troisième et dernière grande étape, commence avec son élection à la présidence de la République, en août 2013, pour s’achever au moment du putsch militaire en 2020.

Premier ministre à poigne

En février 1994, quand le président Alpha Oumar Konaré le nomme à la primature, Ibrahim Boubacar Keita, en déplacement à Addis Abeba, n’est à l’époque à la tête de la diplomatie malienne que depuis quelques mois. IBK Premier ministre doit alors faire face à des grèves et une crise scolaire et estudiantine sans précédent, dans un contexte d’ajustement structurel imposé par le FMI et de dévaluation du franc CFA. C’est aussi l’époque où la rébellion touareg sévit. Sur ces différents fronts le chef du gouvernement réussit à trouver des alternatives rigoureuses, procède à de nombreuses arrestations, y compris de leaders estudiantins et religieux, déclare l’année scolaire blanche, et parvient finalement à renouer le dialogue et à restaurer l’autorité de l’Etat. second mandat en 1997.

« Un Premier ministre d’autorité, très convivial, qui avait le sens de l’équipe, qui déléguait et qui assumait et pour le président de la République et pour les ministres ». C’est en ces termes que Moustaph Dicko, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique décrit IBK. « Il a permis de redresser notre pays et de jeter les bases d’une étape démocratique forte (…) Ibrahim Boubacar Keita a été un excellent Premier ministre, qui a rendu à notre pays sa stabilité et a permis de restaurer l’autorité de l’Etat, », ajoute-t-il.

Du perchoir à la traversée du désert

Démissionnaire de la primature en février 2000, IBK pense devoir se préparer pour être le porte-étendard de l’ADEMA à l’élection de 2002. Or, il est mis en minorité au sein de son parti lors d’un congrès qui voit le club des rénovateurs, incarné par le clan CMDT et mené par Soumaïla Cissé, prendre le dessus. IBK démissionne alors avec fracas en octobre 2000 et prend du champ au Gabon, où il compte parmi ses soutiens l’ancien président Omar Bongo Ondimba.

Pour partir à l’assaut de Koulouba, IBK créée le 30 juin 2001 le Rassemblement pour le Mali (RPM) avec de nombreux transfuges de l’ADEMA qui lui sont restés fidèles. Son aura et son bilan à la primature font de lui l’un des favoris à l’élection présidentielle d’avril 2002. A l’issue du 1er tour, arrivé 3ème avec 21,03% des suffrages et seulement 3 500 voix d’écart avec le second, Soumaïla Cissé, ses partisans crient à la fraude électorale suite à l’annulation de plus de 541 000 voix, essentiellement à Bamako, fief d’IBK. Ce dernier appel au calme et apporte son soutien à ATT qui sera éluau 2nd tour.

Dans la foulée, les élections législatives consacrent en juillet 2002 la victoire du RPM qui arrive en tête avec 46 députés sur 147, ce qui permet à son leader d’être consensuellement élu à la tête de l’institution, où il fait office d’allié exigeant du pouvoir exécutif, jusqu’à 2006 et la signature de l’Accord d’Alger, un désaccord profond synonyme d’opposition pour le RPM. Vaincu à la présidentielle de 2007, IBK entame alors sa traversée du désert, malgré sa réélection en tant que député RPM, qui n’en compte plus que 11.

Présidence contestée

Après le coup d’Etat du capitaine Sanogo contre ATT en mars 2012, IBK revient sous les radars. Victimisé, son aura d’homme à poigne intacte, il surfe sur le sentiment d’honneur perdu des Maliens après la débâcle de son armée. « Il apparaissait objectivement comme celui qui, du fait de son parcours, ses réseaux et son expérience, pouvait remettre de l’ordre dans la maison Mali, redresser l’appareil militaire, et mettre fin à la grande corruption », souligne un diplomate en poste à l’époque. Résultat des courses,  « Kankelentigui » est triomphalement élu en aout 2013 avec 77% des voix.

« L’excellent Premier ministre a rappelé au souvenir des maliens le candidat IBK, ils en ont fait le président de la République. Je pense que l’homme est un tout, il a des forces et des faiblesses, IBK n’y échappe pas », résume Moustaph Dicko, tout en nuançant le rôle des militaires et des religieux dans l’accession au pouvoir du Président Keïta.

La rébellion touarègue, la perte de contrôle de pans entiers du territoire, la débâcle de l’armée et la faiblesse de l’appareil de défense, l’apparition du djihadisme, l’affaissement de l’autorité de l’Etat, la corruption endémique, la faillite de l’éducation nationale, et le contexte économique global, sont autant de difficultés dont le président élu a hérité. « Quand il revient en 2013 après une longue traversée du désert, notre pays avait évolué. Notre système institutionnel s’était plus ou moins dévoyé. Il y avait plus l’image de l’individu que l’image du groupe. L’individu ayant pris le pas sur le collectif, de même que les projets personnels sur les projets pour le pays, il n’y avait plus de cohésion au niveau de la gouvernance d’IBK », explique Moustaph Dicko, qui a longtemps cheminé avec lui, un « frère et ami » depuis le congrès constitutif de l’Adema en 1991. « Sa seule personnalité ne suffisait pas, il fallait en plus un projet commun, un engagement commun, une vision commune, ce qui n’a plus existé quand il est revenu au pouvoir ».

Selon l’analyste politique Salia Samaké, il y a « également le facteur âge qui a fait son effet, et dont il faut tenir compte », mais également le choix des hommes, pour lequel le président admettait volontiers qu’il n’avait pas eu « la main heureuse », et une gestion relativement lointaine des affaires de l’Etat. Les scandales provoqués par l’acquisition de l’avion présidentiel et d’équipements militaires, dont les dossiers sont en cours d’instruction par la justice, ont provoqué l’émoi auprès de l’opinion dès la première année de sa présidence, tout comme la perception d’une gestion clanique du pouvoir. Ajoutés aux difficultés à juguler l’insécurité et aux fréquents changements de gouvernement, le président IBK est devenu impopulaire auprès d’un peuple qui l’avait plébiscité, et envers lequel il vouait selon ses propos un « amour fou ». L’émergence du mouvement Antè A bana, qui bloqua le projet de réforme institutionnelle en 2017, en fut l’illustration, tout comme la contestation de sa réélection en 2018.

Un bilan qui reste à écrire

Au chapitre des avancées, la signature d’un accord de paix avec la rébellion armée, le développement de certaines infrastructures économiques (routes, échangeurs, centrales énergétiques, logements sociaux), l’extension de la couverture maladie universelle, tout comme la montée en puissance de l’armée et la relance de la production agricole, sont à l’actif de la gouvernance IBK.

Il est sans doute trop tôt pour dresser un bilan exhaustif des années IBK. Mais jusqu’au bout, le Président, qui sera conduit à sa dernière demeure ce vendredi 21 janvier après des obsèques nationales dus à son rang, aura servi le Mali « de toutes ses forces, pas toujours avec le même bonheur en retour  mais, j’en suis sûr, avec la même volonté », conclut Moustaph Dicko qui regrette la perte d’un homme qui aimait profondément le Mali.

Mohamed Kenouvi

Mali – Oumar Mariko : en liberté provisoire en attendant son jugement

Placé sous mandat de dépôt depuis le 7 décembre 2020, Dr Oumar Mariko, président du parti SADI a été mis en liberté provisoire en attendant son jugement prévu pour le 15 février 2022. L’un de ses avocats Me Mamadou Ismael Konaté, ancien ministre de la Justice s’est félicité de cette décision sur les réseaux sociaux saluant une « juge à l’écoute, un parquet attentif et des confrères engagés et volontaires pour une justice des hommes, libre et indépendante ». Il est reproché à Oumar Mariko des faits d’injures contre le Premier ministre Choguel Maïga « par le biais d’un système d’information et de communication. ». Son co-accusé, Bakary Camara, poursuivi pour avoir diffusé ces propos sur les réseaux sociaux a aussi été mis en liberté provisoire.

2021 : Ce que certains Maliens retiennent

L’année qui s’achève a été émaillée de difficultés pour nos compatriotes. Une année de défis, marquée par le problème de sécurité qui reste au cœur des préoccupations pour beaucoup. Mais la crise scolaire, la vie chère, la crispation politique et l’insécurité peuvent trouver leurs solutions si nous sommes unis, espèrent-ils.

Ousmane Almoudou, syndicat national des enseignants des collectivités territoriales (SYNEFCT)

Sur le plan sécuritaire, il y a encore des choses à faire. Il n’y a malheureusement encore des écoles fermées et les enlèvements se poursuivent. Un enseignant a même récemment été enlevé alors qu’il se rendait en formation, une source d’inquiétude pour tous ceux qui travaillent dans ces zones. Un enlèvement qui s’est heureusement bien terminé.

Ensuite, concernant la situation scolaire de façon générale, il y  a eu les examens de fin d’année auxquels nous n’avons pas pris part, malgré nos alertes. Et les conséquences sont que les enfants actuellement en classe de dixième, leur situation est compliquée. Même si les syndicats ne l’avaient pas souhaité, l’année s’achève sur une situation de tension entre les enseignants et le gouvernement, concernant l’application de l’article 39. On aurait souhaité que la fin de l’année puisse être la fin de cette crise, afin que nous puissions attaquer de façon sérieuse l’année.

Néanmoins, ce que l’on peut retenir et que tout Malien peut retenir, c’est que les autorités actuelles avec leur prise de position sont entrain de donner aux Maliens leur fierté. Parce que nous sommes un peuple issu de grands guerriers et que nous ne sommes pas un peuple soumis. Je pense que les Assises nationales qui sont entrain de se tenir, même si nous n’avons pas été associés en tant que syndicat, nous espérons que c’est un espace qui permettra de donner la parole au peuple et que les résolutions qui sortiront permettront de sortir le pays de la situation dans laquelle il se trouve.

 

Thiero Rachel Sogoba, Association des femmes minières (AFEMINE)

L’année 2021 qui s’achève a été une année très difficile sur tous les plans, surtout sanitaire économique et politique, toutes les activités dans presque tous les secteurs sont en souffrance, des guerres, des incompréhensions, de la tristesse. 

Mais sans espoir on ne peut pas vivre, j’espère que la nouvelle année 2022 sera une année avec plus de paix, de gaieté, d’entente. Que Dieu épargne notre chère patrie de tous ces maux qui la gangrènent.

 Abdoul Wahab Diakité, vice président de l’ASCOMA

Ce que je retiens de l’année 2021, c’est la flambée des prix de tous les produits de première nécessité. Même si le gouvernement a fait des efforts, nous avons été rattrapés par notre politique qui est axée sur l’importation, malgré que nous ayons d’énormes potentialités. Donc le moindre choc sur le marché international affecte terriblement le Mali. La deuxième chose, c’est qu’il faut saluer quand même la stabilité sur le prix des hydro carbures. Même si le gouvernement pêche souvent dans la communication. 

En ce qui concerne le gaz, les prix ne devraient pas augmenter sans la spéculation. Ce qu’il faut encourager ce sont les mesures pour le suivi du contrôle des prix sur le marché.

Sur un plan général, il reste à demander à la classe politique de se surpasser afin de penser au Mali.

Quand on parle de refondation, il s’agit pour moi de revenir à nos valeurs. C’est l’homme malien qu’il faut « refonder ». Parce qu’hier il n y avait pas autant d’injustice, on avait honte de voler, on respectait la chose publique, on respectait les aînés, on avait un devoir patriotique. C’est tout cela qu’il faut retrouver.

Hamidou Doumbia, porte parole parti Yelema

L’année 2021 qui s’achève a été une année très difficile pour notre pays, avec une rupture avec l’ordre constitutionnel, un deuxième coup d’Etat qui a mis à mal les institutions. Les difficultés d’ordre sécuritaire avec les attaques ciblées, des exactions contre les populations civiles. Une année où nous avons eu des difficultés sociales avec les grèves par ci par là. Et aussi avec un nouveau mode opératoire des groupes armés terroristes qui ont commencé à brûler les récoltes, ce qui est très inquiétant pour notre pays.

Donc le tableau n’est pas très élogieux pour notre pays en 2021. Ce qui m’a particulièrement marqué c’est quand même la rupture avec un deuxième coup d’Etat. Ce qui fait que notre pays est parmi ceux qui ont connu le plus de coup d’Etat. Un fait marquant et important à signaler, qu’il faudrait corriger. Donc nous prions pour que l’année prochaine soit une meilleure année pour nous, une année de prospérité, de paix, une année qui nous permettra de retourner véritablement à l’ordre constitutionnel, de faire face à nos ennemis communs, les terroristes qui terrorisent nos populations. Nous espérons que notre pays s’en sortira et que 2022 soit l’année de tous les bonheurs pour notre peuple.

Dr Boubacar Niaré, Syndicat des médecins du Mali (SYMEMA)

Pour 2021, nous en tant que syndicat faisons le grand constat que le pays a été assez secoué par la pandémie qui a beaucoup joué sur le personnel en général dans la mesure où nous avons perdu du personnel en raison de la pandémie. Sur le plan des matériels de prise en charge, c’est vrai que nous sommes dans une situation d’instabilité politique et sécuritaire, mais nous n’avons pas été dotés suffisamment en matériel de riposte par rapport à la maladie à Covid. D’ailleurs en mars, le syndicat a organisé une mission au niveau des différentes structures de Bamako et les conclusions ont montré  qu’il y a avait à l’époque un manque criard de matériel de riposte. Nous avons fait des recommandations qui n’ont pas été satisfaites suffisamment.

L’Etat nous avait promis des motivations, nous avons aussi fait le constat qu’elles ont été inégalement reparties parce que le secteur privé n’a bénéficié de rien. Alors que des structures privées ont fait de gros efforts par rapport à la lutte contre la maladie.

Sur le plan sécuritaire, le personnel a été victime de prise d’otages, mais la stratégie en la matière a payé et le nombre de médecins enlevés puis remis à leur famille était beaucoup.

Sur le plan revendication, la moisson n’a pas été bonne, parce que nous avons donné beaucoup de crédit à la transition, mais nous avons été surpris que les habitudes n’aient pas changé. En novembre 2020, on avait signé un PV de conciliation avec le gouvernement et des délais avaient été accordés. En tout ce sont 5 points qui étaient inscrits. Mais aucun de ces points n’a été satisfait, alors que le premier délai était de 2 mois et le dernier plus tard 6 mois. Malgré nos démarches administratives, dont 3 lettres au Premier ministre, malheureusement le secteur est parmi les plus délaissés. Nous comprenons la sensibilité de notre secteur et le contexte de notre pays, mais  nous ne sommes pas compris.

Il existe néanmoins des aspects positifs comme la dotation de certains hôpitaux en matériel nécessaire qu’ils attendaient. Il faut aussi saluer la bonne décision des autorités d’évacuer notre compatriote ayant donné naissance à des nonuplés. Même si on aurait pu faire face si le matériel était disponible, parce que la compétence existe. Pour la première fois, il ya une ébauche de relecture des textes qui régissent la médecine privée.

Abakary Touré , Président Jeunesse plateforme Nouvelle Espérance « Jigiya Kura »

 

L’année 2021 a été très difficile sur le plan politique, social, économique et culturel pour les Maliens. Nous présentons nos condoléances les plus sincères à toutes les victimes civiles et militaires, nationales et étrangères tombées pour la défense de la patrie.

 

Notre pays est à la croisée des chemins, confronté à une crise multiforme. Il faut un sursaut national de tous les patriotes et républicains épris de paix et convaincus d’un Mali émergent à se donner les mains en vue de sortir notre pays de la crise sécuritaire et politique qu’elle vit depuis bientôt 2 ans. 

 

Nous appelons les autorités actuelles à respecter les engagements pris lors des concertations nationales du 10, 11, et 12 septembre 2020 consignés dans la charte de transition relatif à l’organisation des élections en vue d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel, gage de stabilité social et politique pour notre pays.

 

Pour 2022, nous souhaitons à notre pays et à tous nos compatriotes, le bonheur, le rayonnement, le retour de tous les réfugiés et déplacés dans leurs familles respectives, la sécurité de toutes les localités sous menace terroristes. L’organisation d’élections crédibles et transparentes.

 

Dramé Mariam Diallo, présidente Association Femmes Leadership et développement durable (AFLED)

Sur le plan politique, nous sommes toujours dans la crise. On a eu la rectification, la transition a connu une nouvelle phase et maintenant nous sommes dans une nouvelle crise d’isolement diplomatique, par rapport à nos voisins et la communauté internationale, donc on ne sait pas quel sera notre sort en 2022, sur le plan sécuritaire et politique, on se pose beaucoup de questions. 

Par rapport aux droits des femmes, on a aussi des inquiétudes à avoir parce que la présence massive de militaires s’accompagne toujours de violation de droits, d’abus sur les filles et femmes. Il y a aussi beaucoup d’enlèvements de filles et de femmes qui se font sous silence. Des filles utilisées à des fins d’exploitation en tout genre. C’est une année qui a été difficile pour les femmes avec les effets de la Covid sur l’économie et le pouvoir d’achat des femmes.

En fait 2022, on va l’aborder avec optimisme, on est obligé, même si on peut dire qu’on a beaucoup de choses à régler avec les élections. En ce qui concerne les assises, on peut se demander si la communauté internationale va nous donner une nouvelle chance. On aborde l’année nouvelle avec une certaine appréhension, mais ce qu’il y a lieu de faire, c’est de taire les dissensions à l’interne. Parce que si nous sommes unis à l’interne on peut affronter la communauté internationale, la CEDEAO. Sinon nous avons le droit d’essayer autre chose, si les solutions jusque là appliquées ne marchent pas. Nos partenaires doivent le comprendre, il y a une lassitude après près de 10 ans sans amélioration.

Il s’agit pour nous, toute la société civile, d’assurer la veille, afin qu’il n y ait pas d’autoritarisme.

 

 

Afrique-France: un sommet pour « écouter la parole de la jeunesse »?

Ce Sommet est inédit dans son nouveau format.Pour la première fois depuis 1973, aucun chef d’État africain n’a été convié au sommet Afrique-France qui se tient vendredi 8 octobre à Montpellier (France). Le président français Emmanuel Macron va s’adresser à la jeunesse africaine plutôt qu’aux présidents africains.

Ce nouveau format porte l’empreinte de l’intellectuel camerounais Achille Mbembe. Le théoricien du post-colonialisme a piloté les préparatifs de la rencontre avant de remettre son rapport au président français sur la « refondation des relations entre la France et le continent ».

L’historien camerounais estime que la France est trop déconnectée « des nouveaux mouvements et des expérimentations politiques et culturelles » portés par la jeunesse africaine.

Ce nouveau format sera l’occasion « d’écouter la parole de la jeunesse africaine et de sortir des formules et des réseaux sociaux » selon un communiqué de la présidence française.

Pour cette 28ème édition, ce sont des jeunes entrepreneurs, des membres de la société civile, du secteur associatif, du sport et de la culture qui sont les invités de ce sommet.

Autour de cinq grandes thématiques : l’engagement citoyen, l’entreprenariat et l’innovation, l’enseignement supérieur et la recherche, la culture et le sport, ils échangeront pendant une demi-journée sur la manière de nouer des nouveaux réseaux, de concevoir des projets communs, de bâtir des ponts.

Emmanuel Macron devrait échanger avec douze jeunes invités, dont aucune personnalité connue, repérés lors de débats préparatoires tenus dans 12 pays africains. Les débats tourneront sur « les pistes de réconciliation ». Les questions économiques seront aussi débattues avec 350 entrepreneurs africains sélectionnés.

En outre, une table ronde sur la restitution des biens culturels pillés durant la colonisation et dont le processus est en cours sera au cœur des échanges. A ce titre, Macron devra revenir sur sa promesse faite en novembre en 2017 à l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso) de « créer les conditions pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique » au plus tard en 2022.

Mais pour l’intellectuel sénégalais Boubacar Boris Diop qui s’est exprimé à la veille du sommet dans une tribune publiée sur senegalactu.info, « le face-à-face entre Macron et la société civile africaine aurait été beaucoup plus crédible ou même fructueux si on avait au moins senti sur le terrain des signes concrets de sa volonté de changement. »

A l’issue des échanges, Emmanuel Macron devrait annoncer la création d’un Fonds destiné à soutenir les initiatives de promotion de la démocratie, des programmes permettant une plus grande mobilité étudiante, ou la mise en place d’un « forum euro-africain sur les migrations.

Kayes: Boubou Cissé au coeur de l’action sociale à Dramané

L’ancien premier ministre a chaleureusement  été accueilli du jeudi 29 au vendredi 30 juillet dans ce village situé dans la commune rurale de Kéméné-Tambo, dans la région de Kayes. La population de Dramané a exprimé toute sa reconnaissance au Dr. Boubou Cissé d’avoir doté la grande mosquée du village en eau potable ainsi qu’une quarantaine de familles.  

« Cissé ! Cissé ! Cissé ! », ont scandé, en bon accent soninké, les femmes de Dramané pour accueillir Boubou Cissé. Visé par une supposée affaire « d’atteinte à la sûreté de l’Etat », l’ancien premier ministre n’avait pas pu participer à l’inauguration de la grande mosquée du village le 12 février dernier. Après confirmation de l’abandon des charges par la Cour suprême le 19 avril passé, Boubou Cissé décide de rattraper le temps perdu en se rendant à Dramané où il a eu droit à une visite guidée de la nouvelle mosquée avant d’y tenir la grande prière du vendredi. « Je suis comblé de joie d’avoir fait la prière de ce vendredi avec Boubou Cissé.  Le grand château d’eau que vous voyez, qui alimente la mosquée en eau potable ainsi qu’une quarantaine de familles n’a été possible qu’avec le concours de l’ancien premier ministre. Cela est vraiment un apport capital pour Dramané. Il l’a fait pour Dieu car c’est un musulman et non pour des velléités politiques », témoigne Béchir Oumar Dramé, président  de l’Association des ressortissants de Dramané à Bamako.

 

Les autorités coutumières du village ont témoigné leur reconnaissance à l’ancien cadre de la Banque mondiale avant de lui faire des  bénédictions pour lui. « Nous ne sommes pas à Bamako, mais nos enfants y sont. Et les nouvelles qu’ils nous apportent sur Boubou Cissé ne sont jamais mauvaises. De 1960 à aujourd’hui, après ce que vous avez réalisé ici, Boubou Cissé, puis venir voir les bénéficiaires, personne ne l’avait fait. Tu auras tout ce dont tu demandes ici à Dramané », a déclaré le chef de village, Mamadou Inomo Dramé,

La jeunesse du village a organisé un match de football en l’honneur  du Dr. Boubou Cissé pour témoigner toute leur reconnaissance.

Avant Dramané, l’ancien premier ministre, fort d’une grande délégation, a rendu visite, mercredi 28 juillet, au Chérif de Nioro qui lui a souhaité plein succès pour la vie politique qu’il s’apprête à embrasser.

Boubacar Diallo

Mali – Parrainages électoraux : Une source de corruption ?

Le sujet est brûlant au Sénégal voisin. Le 28 avril dernier, la Cour de justice de la CEDEAO, saisie par le parti Union sociale libérale en décembre 2018, a jugé que le système de parrainage adopté pour la présidentielle de 2019 violait «  le droit de libre participation aux élections ». À quelques mois de la présidentielle au Mali, et à l’heure des réformes politiques et institutionnelles, cette décision fait ressurgir dans notre pays le débat sur le parrainage des candidatures. Un parrainage que certains jugent non seulement discriminatoire mais aussi facteur de situations de corruption.

L’article 149 de la loi N°2016-048 du 17 octobre 2016, portant loi électorale, modifiée en 2018, le stipule clairement. Lors de l’élection du Président de la République, pour être validée par la Cour Constitutionnelle « chaque déclaration (de candidature, ndlr) doit recueillir la signature légalisée d’au moins dix (10) Députés ou cinq (05) Conseillers communaux dans chacune des régions et du District de Bamako ».

Si en général cette disposition ne pose pas d’obstacles aux « grands candidats », elle écarterait de facto certains autres citoyens désireux d’aller à la conquête du pouvoir.

Facteur de corruption ?

Mme Abidine Rakia Alphadi, Malienne de la diaspora qui avait longtemps affiché sa volonté de participer à la présidentielle de 2018, avait fini par se désister à cause d’un système de parrainage qu’elle ne voulait pas « cautionner ».

La Présidente de l’ONG ARCA-International avait d’ailleurs porté plainte devant la Cour de justice de la Cedeao contre ce « système mafieux » de parrainages. « Le parrainage sert juste à acheter des parrains, des signatures d’élus surtout, pour faire valider une candidature à une élection présidentielle», fustige-t-elle.

Loin de partager cet avis, Mamadou Traoré, Président du parti Union An ka bolo di gnogon ma, le plus jeune candidat à l’élection présidentielle de 2018, estime que pour avoir une certaine légitimité il faut se faire parrainer.

« Le parrainage en soi n’est pas mauvais. Je pense qu’il faudra que les candidatures soient parrainées parce que cela témoignera du fait qu’on n’est pas seul à concourir à la fonction de Président de la République », affirme-t-il, assurant par ailleurs n’avoir pas personnellement vécu des situations de corruption, sa candidature « ayant suscité de l’engouement à cause de son courage et de son engagement pour le Mali ».

Mais, lors de la compétition électorale de cette année-là, l’analyste politique Boubacar Salif Traoré, qui avait accompagné un candidat, confie avoir vu « beaucoup de négociations autour des parrainages ».

« Il y a effectivement le fait que certains élus monnayent ce précieux document, qui permet au candidat de valider sa candidature de manière officielle. Certains maires et députés n’hésitent pas à prendre des sommes assez conséquentes pour donner leurs parrainages », témoigne-t-il.

« Cela fait que dans nos démocraties cette situation de parrainage est assez compliquée, dans la mesure où, au lieu de renforcer la démocratie, malheureusement elle affaiblit le processus démocratique. Elle a des conséquences très fâcheuses et assez déplorables », regrette par ailleurs le Directeur du cabinet Afriglob Conseil.

Système de grands parrains?

La question du parrainage pour l’élection du prochain Président de la République pose aujourd’hui au Mali un autre problème. En lieu et place d’une Assemblée nationale, il y a d’une part un Conseil national de Transition dont les membres n’ont pas le statut de députés et de l’autre des maires dont les mandats ont été prolongés à cause de la non tenue des élections communales.

« Je ne pense pas que les membres du CNT soient habilités à parrainer des candidatures, parce qu’ils ne disposent pas de la légitimité populaire. Ces parrainages n’ont de sens que si les personnes bénéficient d’une légitimité issue des urnes », affirme Boubacar Salif Traoré.

Selon lui, dans le cadre de la présidentielle de 2022, il va donc falloir réfléchir pour trouver « un système de grands parrains » au sein de la population. « Des personnes reconnues comme étant à la tête de grandes associations et jouissant d’une bonne moralité », le tout sous le « regard très strict et très vigilant » de l’État.

Germain Kenouvi

Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°318 du 13 au 19 mai 2021 

Mali – PRVM-Fasoko : un parti, deux bureaux exécutifs

Le Parti pour la restauration des valeurs du Mali (PRVM-Fasoko) traverse une grave crise depuis le 26 décembre 2020, date du congrès  qui a vu le Président sortant Mamadou Oumar Sidibé reconduit à sa tête. Contestant ce congrès dont pour des irrégularités dans la tenue, certains membres ont organisé un congrès extraordinaire le 27 février 2021. Il a élu Samba Coulibaly Président. Deux Bureaux du même parti, occupant le même siège, en réclament la légitimité.

« Il n’y a qu’un seul PRVM-Fasoko, c’est celui dirigé par le bureau de Samba Coulibaly, investi à l’issue du congrès tenu le 27 février. Nous ne pouvons pas reconnaitre un bureau autoproclamé », lance Dr. Abdoul Karim Goita, Secrétaire général de ce Bureau.

« Ces éléments déstabilisateurs ne sont plus membres du parti et sont disqualifiés de toute représentativité », rétorque Mamadou Oumar Sidibé. Le Bureau qu’il dirige a pris la décision de suspendre dans un premier temps 39 membres pour « violations graves des statuts et règlement intérieur », puis de radier ensuite 53 militants, dont les principaux contestataires, pour avoir « transgressé de manière constante et répétée les textes régissant le parti ».

Mais les « radiés » ne l’entendent pas de cette oreille. À en croire Dr. Goita, il est stipulé dans les textes que pour suspendre un militant il faut d’abord l’écouter en Conseil de discipline, ce qui n’a pas été le cas. Il dénonce un « vice de forme » également dans la radiation, pour laquelle il n’y a que deux motifs prévus : le détournement de deniers publics ou l’implication dans des affaires foncières.

Aux origines de la crise

Pour trouver les éléments déclencheurs de la discorde, il faut remonter au congrès du 26 décembre, dont les contestataires remettent en cause l’organisation dans la forme et dans le fond.

« Dans la forme, quand un congrès doit se tenir, il doit y avoir une Commission d’organisation chargée de planifier toute la technicité. Selon nos statuts, pour le congrès, le nombre de délégués est égal pour toutes les sections. Mais cela n’a pas été le cas. L’écart entre les délégués issus des Communes du District de Bamako et ceux des régions est criard », dit Abdoul Karim Goita.

« Dans le fond, il n’ya pas eu de présentation du bilan du Bureau sortant et celui-ci n’a même pas démissionné», ajoute-t-il.

Toutefois, selon la Cellule de communication du parti, le congrès s’est déroulé dans des « conditions parfaites, conformément aux statuts et règlements intérieur ». Ce qu’elle appelle une « crise de croissance interne » résulte d’une « aventure de déstabilisation du parti à des fins personnelles », menée par des « fauteurs de troubles » n’ayant pas eu satisfaction au sortir du congrès du 26 décembre 2020.

Décision de justice

Bien avant la tenue du congrès extraordinaire du 27 février 2021, le camp contestataire a attrait le Bureau issu du congrès du 26 décembre 2020 en justice, aux fins de suspension des effets de ce congrès et de suspension des procédures de sanctions à l’encontre des militants.

Mais le juge a décidé de ne pas suspendre ce Bureau, étant donné que la demande venait de ceux-là mêmes, en activité, qui se projetaient sur l’organisation d’un nouveau congrès. Il a ordonné en lieu et place un jugement de fond après le congrès extraordinaire, lorsque les deux bureaux seraient effectifs. Ce qui est le cas depuis le 27 février dernier.

Le 24 mars prochain, l’affaire sera tranchée devant le Tribunal de grande instance de la Commune VI, pour déterminer lequel des deux Bureaux a été légalement et légitimement investi. Une décision ultime qui devrait s’imposer aux deux camps.

« Si la justice tranche en leur faveur, nous agirons en conséquence et nous les approcherons. Nous leur demandons également de se rallier humblement à la décision si elle nous est favorable », prône Dr Goita.

En attendant, pour Mamadou Oumar Sidibé, le parti se porte « bien » et  poursuit son implantation sur le territoire national.

Mali – RPM : entre clans et départ de son fondateur, quel avenir ?

Un peu plus de quatre mois après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, le Rassemblement pour le Mali (RPM) cherche sa voie. Si la dynamique de remobilisation de la base enclenchée par le Bureau politique national se poursuit, des divergences entre les premiers responsables persistent encore aujourd’hui, augurant de lendemains incertains.

L’entrée récente au Conseil national de la transition (CNT) de Mamadou Diarrassouba, 1er Secrétaire à l’organisation du RPM, en rupture avec la ligne du parti, qui était de ne pas participer à cet organe, a accentué les fractures au sein du parti des Tisserands.

« Je ne suis pas là au nom du RPM. Mon apport sera d’aider à ce que toutes les réformes se fassent dans de bonnes conditions et en les adaptant aux réalités du moment. En tant que Malien et patriote, je ne peux pas me mettre en dehors de cela », se défend l’ancien 1er Questeur de l’Assemblée nationale.

Même si l’ex-député se réclame toujours, et plus que jamais, du RPM, malgré ce choix individuel « pour le Mali », sa décision divise au sein du parti. Selon un observateur proche du RPM, certains responsables et militants la partagent, estimant que même en n’étant  pas d’accord avec les procédures, il ne faut  pas jouer la politique de la chaise vide et qu’il faut avoir des éléments dans le dispositif pour savoir ce qui se passe, en prévision des élections à venir en 2022. Mais, pour d’autres, cela procède tout simplement d’une trahison.

Comme par le passé, lors de l’élection du Président de l’Assemblée nationale, les divergences de position entre les clans, certains favorables à l’élection de Moussa Timbiné, d’autres à Mamadou  Diarrassouba, et d’autres ne soutenant ni l’un ni l’autre, continuent au sein du RPM.

« Aujourd’hui, le parti est loin d’être uniforme et loin d’être en cohésion. Le départ de celui qui en est le fondateur fait qu’il se trouve un peu orphelin. Déjà sous IBK il y avait des tensions et des divergences mais maintenant qu’il n’est plus là, c’est pire », confie notre source.

Lendemains incertains

Même si, en termes d’implantation, le RPM est encore le premier parti sur l’échiquier politique national, sa survie au delà l’ex Président IBK suscite bien des interrogations. Réussir à s’accorder sur l’essentiel pour maintenir le parti soudé, de sorte à ce que même s’il ne gagne pas, il figure en bonne position lors des prochaines échéances, c’est cela, à en croire un proche d’IBK,  le vrai challenge du RPM aujourd’hui.

Mais, constate-t-il, « il n’y a personne qui émerge au point d’être présidentiable, derrière qui le RPM va se dresser comme un seul homme et qui pourrait même drainer d’autres forces périphériques, qui ont accompagné le parti depuis 2012 ».

Dans cette configuration, les mésententes persistantes au sein du parti peuvent aboutir  aux départs de certaines figures, pour des ambitions personnelles, si au moment de choisir un candidat pour le parti ou de soutenir un candidat d’une autre force politique les violons ne s’accordent pas.

Mais dans l’immédiat, pour notre interlocuteur, cela ne risque pas d’arriver, parce qu’ « il vaut mieux rester soudé à un parti qui a un nom et une implantation que d’aller tenter une aventure dans un moment aussi incertain ».

À court ou long terme, pour Boubacar Bocoum, analyste politique, la disparition du RPM de l’échiquier politique national est une certitude. « Les conflits internes vont avoir raison du parti », prédit celui qui pense qu’il n’est pas évident qu’avec le pouvoir qui s’installera après la transition le RPM ait les mêmes connexions. « Ils sont en train de mourir. Ne pas l’accepter et vouloir se débattre pour sortir la tête de l’eau est tout à fait légitime, mais réussir est une autre paire de manches », ironise l’analyste politique.

Bréhima Mamadou Koné : « Il n’y a aucun leader au RPM qui fasse l’unanimité »

Le Président du Rassemblement pour le Mali (RPM), Bocary Tréta, a, dans une récente lettre adressée aux Secrétaires généraux des fédérations et des sections du parti, lancé un appel au réarmement moral des militants, en vue de relancer les activités du RPM après les évènements du 18 août 2020. Dans cet entretien, le politologue Bréhima Mamadou Koné livre son analyse sur ce « nouveau départ » du parti des Tisserands.

Quel est votre regard sur la reprise annoncée des activités du RPM ?

Ces activités s’inscrivent dans le cadre de la vie du parti. Il faut faire vivre le RPM et cela passe par l’organisation de certaines activités, pour être en contact avec les cellules de base. Il est important que le parti se retrouve aujourd’hui pour discuter de certaines questions de fond concernant la vie du RPM, mais aussi concernant la vie de la Nation. Malgré le départ d’IBK, ce n’est pas la fin du RPM. Le parti doit continuer à vivre et continuer l’animation du paysage politique.

Doit-on craindre des entraves politiques à cette relance ?

Au sein du RPM, il y a trois tendances. Celle qui est aujourd’hui au niveau de l’animation politique est celle de Tréta, Diarassouba et autres. Mais la tendance IBK, Timbiné, Camara et autres n’est aujourd’hui pas visible sur la scène politique. Il y a aussi celle de l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maiga, dans l’ombre elle aussi actuellement. Le RPM a donc plusieurs problèmes. Un problème de structuration et de représentativité en termes de responsabilité, mais aussi le souci de la légitimité et du charisme de ses dirigeants. Aujourd’hui, il n’y a aucun leader au sein du parti qui fasse l’unanimité et bénéficie de la confiance et de l’investiture de l’ensemble des membres du RPM pour porter les couleurs du parti aux prochaines élections. Il faut s’attendre à une fracture du RPM, à un effritement en fonction des trois tendances citées ci-dessus.

Le RPM risque-t-il une traversée du désert ?

Malheureusement, le Dr. Bocary Tréta, n’est pas un homme charismatique, ni de cohésion, parce qu’il n’a pas su faire régner l’union au sein du parti. C’est un homme de clan et non un leader éclairé. Le RPM risque de devenir comme l’Adema. À chaque fois qu’ils vont choisir un candidat issu du Bureau politique national pour représenter le parti, il y aura d’autres membres qui risqueront de travailler au détriment de ce dernier et de soutenir d’autres candidats. On risque de voir le RPM accoucher de trois ou quatre autres partis politiques dans les années à venir.

Abdrahamane Diarra : « obliger les partis politiques à se regrouper en fonction de leurs idéologies »

Le Président de la jeunesse URD nous fait part de sa vision politique pour le Mali nouveau.

Le Mali, au moment des indépendances, avait bien amorcé sa vie politique. Les tendances politiques obéissaient à des obédiences idéologiques et le militantisme se caractérisait par l’engagement patriotique.

De 1968 à 1991, le libre choix en matière de militantisme n’existait pas. À partir de 1991, l’engouement généralisé pour la démocratie multipartite n’a laissé guère le choix au respect des questions d’obédience idéologique. C’est pourquoi nous comptons aujourd’hui une floraison de partis politiques (plus de 250 pour environ 20 millions d’habitants). Le nombre de ceux représentés au Parlement n’ayant jamais pu excéder la vingtaine, la plupart n’arrivent même pas à faire élire des élus locaux. Une autre difficulté est le nomadisme politique injustifié.

Fort de ces constats, les réformes à opérer dans le Mali nouveau doivent concerner la vie et la pratique politique. L’octroi du récépissé pour la création d’un parti doit connaître un processus plus rigoureux. On peut donner une autorisation provisoire et conditionner l’obtention du récépissé à la tenue d’assises regroupant des représentants de toutes les localités du pays ainsi que de la diaspora, à la disponibilité d’un projet de société déclinant de façon précise l’idéologie et à un registre de signatures de 20 000 personnes au moins, avec adresses et autres contacts vérifiables. Et il faudra que la nouvelle formation s’attende à un retrait de son récépissé lorsqu’elle ne parvient pas à obtenir 10% des suffrages.

Ces réformes obligeront certainement les partis à se regrouper pour faire de réelles offres politiques aux populations et leur donner l’opportunité de meilleurs choix, basés sur des critères objectifs. Le nomadisme sera sanctionné par la perte du mandat.

Il urge aussi de mettre en place un organe unique, permanent et indépendant, dont les missions seront celles de l’ensemble des structures chargées des élections. Cela aura l’avantage de développer de réelles expertises dans le domaine électoral, de permettre la tenue d’élections libres, crédibles et transparentes et de donner leur légitimité aux dirigeants.

Coup d’État du 18 août : Réactions de la classe politique

Au lendemain du coup d’État qui a mis fin au régime d’IBK le 18 août 2020, des acteurs de la scène politique nationale ont réagi, condamnant tous le renversement de l’ordre constitutionnel et appelant à un retour rapide à la normalité. Pour Aliou Boubacar Diallo, « on ne peut que regretter et condamner l’intrusion des forces armées dans le jeu démocratique malien, mais on ne peut pas non plus ignorer que le peuple les soutient très massivement ». Le parti Yelema de Moussa Mara condamne également le coup d’État, « perpétré par une partie de la hiérarchie militaire ». Le RPM appelle la communauté internationale et l’ensemble des démocrates et républicains à œuvrer pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel. La Codem lance aussi un appel à la communauté internationale et aux partenaires pour un maintien de la coopération avec le Mali. La CFR invite l’ensemble des forces vives de la Nation à s’impliquer pour un dénouement heureux de la crise sociopolitique par le dialogue et la concertation.

Mali : Le Chérif de Nioro, le grand chef ?   

Influent guide religieux et leader spirituel, le Chérif de Nioro a vu depuis plusieurs années son influence grandir auprès des élites politiques. Dans un pays où les religieux jouent un rôle important dans la prise de décisions relevant de presque tous les secteurs, Bouyé Haïdara, depuis son fief à quelques centaines de kilomètres de la capitale, incarne un réel pouvoir et une légitimité incontestés, qui, sans être institutionnalisés, semblent être reconnus même par le pouvoir central de Bamako.

La visite, le 17 juin 2020, du Premier ministre Boubou Cissé à Nioro du Sahel, chez le Chérif Bouyé Haïdara, à 48h du grand rassemblement à l’appel du M5-RFP, ne pouvait que susciter des interrogations. S’agissait-il de négocier auprès de lui l’annulation de la manifestation ? Rien n’a filtré de la rencontre entre les deux hommes. Du moins, pas officiellement.

Reconduit une semaine plutôt dans ses fonctions, et dans le contexte brûlant des contestations auxquelles fait face le régime, le Premier ministre, en accord avec le Président de la République, a semblé recourir au Chérif de Nioro pour tenter d’arrêter l’hémorragie. En vain visiblement, puisque le rassemblement a bien eu lieu et que la tension n’a toujours pas baissé, malgré quelques signaux forts envoyés par le Président de la République pour décrisper la situation.

Le Chérif Haidara n’aurait pas jugé avisé d’annuler la manifestation du M5-RFP, qu’il soutiendrait personnellement, à en croire les paroles de l’Imam Mahmoud Dicko. Ce n’était pas la première fois que le pouvoir central de Bamako, en difficulté, tentait de s’appuyer sur le Chérif de Nioro pour se remettre en selle ou désamorcer les tensions sociopolitiques.

La résidence du Chérif à Nioro a toujours vu défiler les hommes politiques, tenants du pouvoir comme y aspirant. Le Président IBK s’y est rendu plusieurs fois, lui d’ailleurs dont le soutien de poids du Chérif a favorisé l’élection en 2013. Il en est de même pour certains ministres et hauts dignitaires du régime.

Au-delà de sa dimension de guide religieux et de leader spirituel, le Chérif de Nioro jouit d’une importante influence sur la sphère politique malienne, avec une autonomie historique, économique et sociale qu’il a héritée de son père, Cheick Hamallah, fondateur du Hamallisme, une branche de la  Tarîqa Tijaniyya, une confrérie soufie.

Une influence incontestable

L’influence du Chérif de Nioro, il la tient d’abord de ce père qui a été une haute figure de la résistance anticoloniale et dont la confrérie, principalement incarnée par cette résistance, cultive son indépendance. Elle revêt en plus une symbolique locale, du fait que ses tenants soient considérés comme des personnes de Dieu, dans la pure tradition du soufisme et du personnage du guide spirituel.

« Cela joue beaucoup et c’est un élément extrêmement important dans la politique du Chérif de Nioro au niveau de ses rapports à l’État malien. En gros, il y a toujours eu une sorte d’accord tacite entre le pouvoir et le Chérif, qui consiste à ne pas trop gêner ses affaires économiques. En échange, il maintient la paix sociale dans son secteur », explique Gilles Holder, anthropologue, co Directeur du laboratoire Macoter de Bamako.

« C’est un rouage important du fonctionnement de l’État malien, qui, vu le nombre restreint de ses fonctionnaires ne peut pas gérer le pays. Donc il se repose toujours sur des personnes ressources. Et le Chérif de Nioro en est une », ajoute-t-il, rappelant  que ce dernier est un homme d’affaires issue d’une famille qui monopolise à la fois les secteurs religieux, économique et politique.

Un autre atout majeur du Chérif de Nioro est la personnalité qu’il s’est forgé, l’image d’un roi dans son royaume, qui n’accourt pas vers le palais présidentiel quand il y a des problèmes, mais reste chez lui et se fait plutôt solliciter par les tenants du pouvoir, qui font le déplacement vers son fief.

« Qui a besoin du Pape se rend à Rome. Tous les présidents se sont rendus à Nioro. Le Chérif ne court pas derrière les présidents ou les  ministres. Il dit ses quatre vérités à n’importe qui, n’importe où et n’importe quand. C’est cela sa force », souligne Mohamed Kimbiri, Président du Collectif des associations musulmanes du Mali, mettant également en avant son altruisme.

« Ce qu’il fait pour la population de Nioro est considérable. Le fait par exemple que les denrées de première nécessité y coûtent moins cher qu’à Bamako concourt à rehausser sa personnalité ».

Le virage politique

« Je me suis engagé en politique suite à une décision qui me semblait anormale pour notre religion, le Code de la famille qu’ATT et ses députés ont voulu nous imposer pour faire plaisir à l’Occident », disait le Chérif Bouyé Haidara le 12 avril 2019 dans une sortie transcrite par son porte-parole.

Cette tentative de révision du Code des personnes et de la famille, dont les contestations des associations musulmanes, menées par le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM), alors dirigé par l’Imam Mahmoud Dicko, a été, pour nombre d’observateurs, la concrétisation des premiers pas du Chérif de Nioro dans l’arène politique.

Bien avant, le Chérif de Nioro était seulement un leader spirituel, qui se consacrait essentiellement à son commerce. S’il était déjà proche du général Moussa Traoré, « ce n’était pas pour des raisons politiques », affirme l’un de ses proches disciples.

Il a ensuite pris plus d’épaisseur, avec les évènements de 2012, où il a été parmi les médiateurs auprès de la junte militaire qui s’était accaparée du pouvoir, contribuant en partie, selon ses ouailles au bon déroulement de la transition, avant d’appeler clairement à voter pour le candidat IBK en 2013, lors de l’élection présidentielle.

Après des différends avec ce dernier, le Chérif de Nioro a alors a maintes reprises, lors de ses sorties après les prières du vendredi, fustigé la gouvernance du Président IBK, allant même jusqu’à jurer « au nom de tous ceux qui me sont chers que si je dois vivre aujourd’hui, une semaine, un mois, une année, je ferais tomber IBK avant la fin de son régime ».

Son soutien à l’Imam Mahmoud Dicko et à toutes ses actions de contestation et de dénonciation de la gouvernance du régime s’inscrivent dans ce sens. Après avoir obtenu en 2019 la tête du Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, c’est le chef de l’État IBK lui-même qui est aujourd’hui dans le viseur.

Profonde relation avec Dicko

La  relation entre Mahmoud Dicko et le Chérif de Nioro, qui perturbe la quiétude de Koulouba, trouve ses racines dans le combat mené et remporté ensemble contre la révision du Code des personnes et de la famille, en 2009.

« J’ai noté cette relation principalement à ce moment. J’étais l’un des rédacteurs, du côté du Haut conseil islamique. J’avais, le jour de la première séance solennelle avec le Président Dioncounda Traoré, noté la présence un peu incongrue d’une personne qui semblait venir de Nioro et qu’on m’a dit être le représentant du Chérif », raconte Dr. Hamidou Magassa, anthropologue, ancien Conseiller spécial de l’Imam Dicko pour ses relations avec l’État et les partenaires.

À l’en croire, par la suite, à chaque fois que le Chérif de Nioro venait à Bamako, l’Imam Dicko lui rendait visite. Le Chérif aurait, dans la foulée, remis 50 millions aux membres de la délégation du Haut conseil pour les appuyer dans la préparation des travaux, un appui financier non négligeable.

« C’est là que j’ai situé personnellement qu’il y avait un lien fort qui se construisait entre ces deux personnes », confie M. Magassa. 

Après le poids révélé du HCIM, à travers la personne de Mahmoud Dicko, sur la scène politique, se sont réveillées un peu les rivalités dans le milieu musulman, ce qui s’est concrétisé par la création en parallèle du Groupement des leaders religieux, dirigé par Chérif Ousmane Madani Haidara.

Ce groupement, selon Dr. Magassa, estimait que le Chérif de Nioro ne devait pas avoir de relations avec l’Imam Dicko et avait plusieurs fois entrepris des démarches auprès de ce dernier pour les stopper, mais en vain.

« Vous êtes de la même Tarîqa que moi, mais ceux qui ont livré mon père aux Français étaient aussi de cette Tarîqa, donc ne venez pas me dire cela », avait rétorqué le Chérif à ceux qui s’opposaient à sa relation avec l’imam Dicko. Un épisode qui, selon l’anthropologue, a renforcé considérablement le lien entre le Chérif de Nioro et l’Imam de Badalabougou.

Commandant de l’ombre ?

L’historicité du Chérif de Nioro et l’aura héritée de son père font de lui un guide religieux et un leader spirituel très respecté. Mais pas que. En politique, Bouyé Haidara pèse également beaucoup. Même s’il ne franchira vraisemblablement jamais la ligne pour concourir à des postes politiques républicains, sa voix compte extrêmement dans la conquête du pouvoir.

« Aujourd’hui, le pouvoir politique est obligé d’aller dans une stratégie de démagogie religieuse. Ce qu’on va chercher chez le Chérif, c’est du régionalisme, d’une part, et d’autre part de la légitimité quand on en fait part dans les médias », relève Gilles Holder.

Pour Dr. Hamidou Magassa, le Chérif de Nioro sait qu’il est une référence pour les hommes politiques et il gère cela, tout en infiltrant d’une manière ou d’une autre l’État, en plus de l’autonomie à la fois historique et économique qu’il possède.

« Que les hommes politiques défilent chez lui est devenu normal, parce que, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, on ne peut pas s’installer au pouvoir au Mali si on ne fait pas un petit tour à Nioro », glisse-t-il.

Repères

2009 : Bouyé Haidara prend, avec Mahmoud Dicko, le leadership de la lutte contre la révision du Code des personnes et de la famille

2012 : Implication auprès de la junte militaire pour désamorcer la crise politique

2013 : Le Chérif de Nioro appelle à voter IBK

12 avril 2019 : Bouyé Haidara jure dans une adresse à ses fidèles de faire tomber IBK avant la fin de son régime

4 Mars 2020 : Le Chérif de Nioro demande à Mahmoud Dicko de surseoir à une manifestation contre le régime, le 6 mars

5 – 19 juin 2020 : Le Chérif de Nioro envoie ses représentants au rassemblement du M5-RFP

17 juin 2020 : Visite du PM Boubou Cissé chez Bouyé Haidara à Nioro

Germain KENOUVI

 

Infographie: Marc Dembelé

 

État d’urgence : Suffisant pour tout légitimer ?

Depuis quelques semaines, certains Maliens dénoncent des arrestations extrajudiciaires sur les réseaux sociaux. D’autres se plaignent que leur liberté d’expression ne soit plus garanti. Ces « entraves » à l’état de droit peuvent-elles être légitimées par l’état d’urgence.

Entré en vigueur, sans interruption, depuis novembre 2015, après l’attaque d’hommes armés contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako, l’état d’urgence a une nouvelle fois été prorogé d’un an en octobre 2019 au Mali, jusqu’au 31 octobre 2020. Sous l’état d’urgence, certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes, comme la liberté de circulation ou la liberté de presse.

Juridiquement, l’état d’urgence trouve son fondement dans la Constitution. Il renforce les pouvoirs des autorités administratives et judiciaires, des forces de police et même de l’armée, car la situation est telle qu’il faut renforcer le pouvoir exécutif.

Mais, il est instauré au détriment des libertés publiques. « L’état d’urgence est une situation exceptionnelle, une mesure qui viole les libertés publiques. C’est un pouvoir en soi, donc s’il faut tout légitimer par cet état, on sera dans un état de non droit.

L’état d’urgence est nécessaire dans certaines situations. Mais il est bon de se demander s’il a produit les résultats escomptés », estime Maître Makan Diallo, avocat inscrit aux barreaux du Mali et de Paris. L’important, selon lui, est de savoir ce que ce régime d’exception a apporté au Mali.

Certaines interdictions sont des garanties qui normalement sont prévues par la loi et doivent accompagner l’état d’urgence. « On est dans un état de droit, où les gouvernants, tout comme les gouvernés, sont soumis à des règles de droit. Donc, si l’État ne joue pas son rôle, les gouvernés ont le droit de manifester leur désapprobation », ajoute-t-il.

Dr Ali Maïga, représentant des universités du Mali à la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) et Président de la sous-commission promotion, abonde dans le même sens que l’avocat. « Il n’y a rien de plus naturel que le droit d’aller et de venir. Lorsque vous privez quelqu’un de sa liberté de se déplacer, vous faites une atteinte assez grave à ses droits fondamentaux ».

Il reconnait au citoyen le droit de montrer que ces « droits, qui outrepassent le cadre national et qui sont universels, ne doivent pas être violés sans justification ». Toutefois, il affirme que casser et brûler ne sauraient être des droits pour la population, mais plutôt des délits.

Aminata Keita

CMAS : La nouvelle monture de l’imam Dicko

Le 7 septembre prochain, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS) sera lancée à Bamako, au Palais de la culture. Sous le parrainage de l’ancien Président du Haut conseil islamique du Mali, la structure se veut le seul représentant et soutien des actions de l’imam de Badalabougou. La suite de son combat pour un nouvel idéal  de gouvernance ?

« Sa déclaration du 7 septembre sera le fil conducteur de la CMAS. Quand l’Imam dira d’aller à droite, nous irons à droite, quand il dira le contraire, nous le ferons. C’est donc un outil politique qui est mis à sa disposition pour résoudre les problèmes de notre pays », affirme Issa Kaou N’Djim, porte-parole de l’imam Mahmoud Dicko et coordinateur  général du mouvement  qui sera lancé ce samedi à Bamako. Avec sa verve habituelle, il a rappelé les actions menées par son mentor, notamment la lutte contre le projet du Code de la famille en 2010, l’ouverture d’un cordon alimentaire lors de la crise dans les régions du Nord, les missions de bons offices, la lutte contre le projet d’éducation sexuelle complète et l’organisation des manifestations des 10 février et 5 avril 2019. La coordination entend défendre la vision religieuse, sociétale et coutumière, ainsi que politique, de l’imam.

Un goût d’inachevé 

À la tête du Haut conseil islamique de 2008 jusqu’à avril 2019, l’imam Mahmoud Dicko a beaucoup animé la scène nationale. Sa voix porte et son influence n’a de cesse de croître. Son rejet affiché de la gouvernance actuelle du pays et son indignation face aux atteintes aux principes de l’Islam lui font enfourcher un nouveau cheval. Pour Ballan Diakité, chercheur au CRAPES,  la création de la coordination que parraine l’Imam est une manière pour lui de compenser son départ du Haut conseil islamique et de se maintenir sur la scène. « Avec l’influence qu’il a sur la jeunesse musulmane aujourd’hui, il est évident qu’il doit se trouver un cadre de convergence de l’ensemble de ses partisans afin de pouvoir continuer à exercer l’influence qu’on lui a connue ces dernières années. La mise en place de ce collectif révèle l’ambition de l’homme : rester présent sur la scène politique malienne ».

Pour le Dr Gilles Holder, co-directeur du Laboratoire Macoter de Bamako et spécialiste de l’Islam en Afrique,  la création de ce mouvement est loin d’être un pis-aller pour  l’Imam Dicko, qui mène  au quotidien des activités riches et diverses. « La question est comment prolonger au sein de la société civile les actions qu’il a souhaitées mettre en place lorsqu’il était au Haut conseil islamique, et en particulier à faire de ce Haut conseil un espace de société civile religieuse ? C’est-à-dire aller au-delà des aspects sociétaux et moraux pour être dans des aspects plus sociaux, plus citoyens, plus politiques, et politiques au sens noble du terme », explique l’anthropologue.

Un terrain  glissant

Au Mali,  l’imam Dicko veut influer sur  la gouvernance du pays. Un terrain glissant et semé d’embûches. « Il y a beaucoup des choses qui lui ont réussi, Dieu merci, mais  je crois qu’il aura sur ce projet beaucoup de problèmes. Il se lance dans quelque chose qu’il ne maitrisera pas. Il veut faire de la surenchère religieuse, ce qui est très mauvais », confie l’un de ses anciens collaborateurs. Pour le porte-parole de l’imam, le temps est venu pour eux « d’agir sur toutes les questions de la vie politique ». Il pose la question : « comment voulez-vous soustraire la vie politique de quelqu’un de sa foi ? ». Dans sa tirade, Issa Kaou N’Djim proteste contre la diabolisation de l’homme religieux et tire à boulets rouges sur les acteurs de la démocratie. « Il n’y a aucune loi au Mali qui donne un statut aux religieux. Pourquoi donc vouloir les diaboliser ? Un chef religieux qui s’est libéré de ses charges au nom de la communauté religieuse a le droit d’aller sur l’arène  politique », martèle-t-il, ajoutant « la démocratie, c’est le rapport de forces et si la majorité du peuple croit à la CMAS, alors la volonté du peuple se fera ». De son côté, l’islamologue Gilles Holder trouve « qu’on peut être citoyen et musulman. Ceux qui condamnent cela ont mal compris les choses, mais le problème est peut être au-delà, car un projet de société qui voudrait se baser sur la morale islamique pourrait introduire la Charia dans la Constitution », argumente-t-il.

Cependant, le co-directeur du Laboratoire Macoter de Bamako estime que l’imam n’a pas intérêt à se jeter dans l’arène politique. « On dit que quand on entre dans le marigot des caïmans c’est fini. Le fait de ne pas y avoir trempé son pied le sauve et lui donne une autorité morale, même si elle est contestée », relève l’islamologue. Il croit également que le mouvement en gestation guette les élections législatives à venir. Car, ajoute-t-il, Mahmoud Dicko et son équipe savaient qu’ils allaient quitter le HCI, vantant au passage leur savoir-faire organisationnel depuis  toujours. « Ce que je sais est qu’il entend animer la chose publique, pour le moment, dans le cadre de la société civile et, dans cette animation, tenir compte des valeurs religieuses. Il peut trouver son compte dans cela, mais s’il s’engage sur le terrain politique, il se cassera le nez d’emblée, car une fois dedans il sera confronté à des très dures réalités et décevra forcement », pense pour sa part Woyo Konaté, Docteur en philosophie politique et professeur à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako.

Des analyses qui ne calment pas les ardeurs du porte-parole de l’Imam dont la conviction sur les atouts de son guide semble totale. « C’est le peuple qui décidera. C’est lui qui est souverain et à lui seul appartient la légitimité », dit N’Djim. Il ajoute « ce mouvement, c’est d’abord arrêter ce qui est inacceptable et proposer ce qui est la solution. Nous sortons de la contestation, nous voulons la solution. Il s’agit d’assurer l’intégrité du territoire national, d’organiser un véritable dialogue national et ensuite d’imposer les conclusions de ce dialogue, parce que c’est la volonté du peuple ».

Quel projet ?

Le changement de gouvernance passe par un projet novateur, pouvant redonner au peuple la confiance entamée. Mais la classe politique, majorité et opposition, a déçu. D’où ce qu’appelle Issa Kaou N’Djim « la troisième voie », l’Imam Dicko. « Est-ce que ce sont les religieux qui sont à la base de cette corruption généralisée ? Ceux qui se réclament acteurs de la démocratie, qu’ont-ils apporté dans leur majorité, si ce n’est le sang, le chaos, l’humiliation et la perte de notre souveraineté nationale. En 1991, pourtant, le Mali était souverain sur l’ensemble de son territoire. Aujourd’hui, toute la communauté internationale est chez nous à cause de l’incapacité de nos dirigeants à gérer notre pays », accuse le coordinateur de la CMAS.

Une désolation sur laquelle compte surfer le natif de Tombouctou pour faire miroiter son projet face à un peuple fatigué des scandales et de la mal gouvernance. « Ce qui caractérise Mahmoud Dicko, et cela on le sait depuis longtemps, ce n’est pas qu’il soit wahhabite, mais le fait qu’il ait un projet de société. Et ce projet est partagé par une minorité agissante et très bien formée. Son objectif est de moraliser la vie publique, politique, en disant qu’on a perdu toutes les valeurs et que seul l’Islam peut rétablir ces valeurs, qui sont nécessaires au développement et à la paix dans le pays. En disant que ce n’est pas l’homme qui a un libre arbitre, mais Dieu qui arbitre », détaille l’anthropologue Gilles Holder, qui considère que le mouvement se restructure en parti pour porter ce projet.

Cette coordination est désormais en marche. L’avenir nous dira sur quoi elle va déboucher.

Dialogue politique inclusif: travaux préparatoires sur les termes de référence

Sous la supervision de Cheick Sidi Diarra, président du comité national d’organisation du Dialogue, un projet de termes de référence a été élaboré afin de permettre aux participants des différents groupes de travail de faire des propositions tenant compte de leurs préoccupations .

C’est au Centre International des Conférences de Bamako (CICB) le mardi 3 septembre 2019 que des groupes de travail de différents secteurs de la vie publique, politique et sociale ce sont retrouvés pour examiner le projet de termes de référence et faire des propositions selon leurs expériences et leur regard sur la gestion du dialogue initié dans le pays.

Organisation des travaux avant l’atelier de validation

Pour la préparation de l’atelier de validation du dialogue politique inclusif, les différents acteurs se sont organisés en quatre groupes de travail selon les centres d’intérêts sociaux, professionnels, associatifs et politiques. Le groupe de travail des organisations de la société civile composé entre autres des organisations féminines, de la jeunesse, des celles confessionnelles, des autorités traditionnelles… dans ses propositions demande que les thématiques soient discutées et non proposées comme libellées dans le projet des termes de référence. Il s’interroge notamment sur la formule dialogue politique inclusif ou dialogue national ? Pour cette première journée dans ce groupe de travail il s’agissait entre autres de mieux cerner le contenu du premier document de travail qui n’est autre que le projet d’un squelette d’idées à revoir et à améliorer.

La Chambre de commerce et d’industrie, l’APCAM (Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali) – Chambre d’agriculture, la Chambre consulaire et la chambre de métier se sont concertées dans le groupe de travail des organisations professionnelles et les Ordres professionnels. Le monde des affaires et professionnel dans ses propositions entend s’appesantir sur les réformes des institutions pour permettre une  nouvelle façon de travailler mais aussi et surtout pour plus de transparence. Plusieurs autres idées après la présentation du projet de termes de référence ont été notées à l’instar de la mise en place d’un mécanisme de suivi des différentes préconisations ainsi que la mise en œuvre des attentes de ces corporations.

Autour de la table de discussions, les organisations syndicales composées des centrales syndicales et autonomes ainsi que le patronat ont aussi entamé les discussions sur les termes de références sans oublier le groupement des partis politiques, des associations politiques et des groupements signataires et non signataires de l’accord pour la paix issu du processus d’Alger.

Pour conduire le dialogue inclusif, plusieurs rencontres des forces vives de la nation ont eu lieu au préalable. Des organisations, des groupements des partis politiques, des associations, en passant par les anciens chefs d’état et anciens Premiers ministres ont été consultés. C’est à l’issu de ces rencontres et bien d’autres que le projet de termes de référence a été élaboré et soumis aux autres syndicats, institutions et organisations. Pour mener à bien les travaux et pour plus d’efficacité, quatre groupes de travail ont été mis en place selon les centres d’intérêts afin de cerner les propositions des termes de référence et de proposer des canevas en prélude à l’atelier de validation présidé par le Premier ministre d’ici à dix jours au plus tard.

Le Premier Ministre dans la région de Mopti

Le Premier ministre, Boubou Cissé, a entamé depuis ce jeudi une visite  de cinq jours en 5ème région qui le conduira  successivement à Mopti, Youwarou, Ténenkou, Kémacina et Djenné.

Le Premier Ministre, Boubou Cissé est attendu,  à Ténenkou, où il aura des entretiens avec les autorités administratives, politiques, les représentants de la société civile et des communautés.

L’information a été  donnée mardi à Ténenkou, par l’adjoint du préfet de Cercle, Ibrahim Koïta, au cours d’une réunion à laquelle ont pris part les sous préfets de Diondiori, de Kareri, de Togoro Kotya, de Toguéré Coumbé, les élus locaux, les autorités traditionnelles, les responsables des services techniques et les représentants de la société civile.

Les populations entendent échanger avec le Premier Ministre sur plusieurs sujets dont, entre autres, l’enclavement du cercle, l’accès à la connexion internet 3G, la circulation des motos, l’emploi des jeunes, l’accompagnement des femmes et les questions de sécurité et de santé.

Les défis du nouveau gouvernement

Ils sont nombreux les défis qui attendent le gouvernement de Boubou Cissé rendu public le 5 mai 2019. Même si la question de la sécurité reste lancinante au Nord et au Centre du pays, celle sur l’éducation est aussi préoccupante au regard des grèves enchaînées ces derniers mois. A la veille des examens officiels, l’inquiétude des apprenants et des parents a toujours un regard hagard fixé à l’horizon des solutions.

24h après la formation du nouveau gouvernement, le premier ministre a tenu un premier conseil de cabinet durant lequel il a enjoint à ses membres d’œuvrer à éviter une année blanche et à garantir une meilleure justice.

D’autres préoccupations sociales comme les coupures d’eau et délestages invitent le nouveau gouvernement à repenser notre modèle économique dans un contexte qui est le notre afin d’anticiper et d’optimiser en termes de rendement dans différents secteurs économiques.

Au rang des défis, lutter contre l’urbanisation galopante afin de sortir de l’anarchie architecturale dans nos grandes villes s’inscrit comme une urgence progressive dans laquelle ce gouvernement et ceux à venir doivent pleinement s’investir. Il est d’ailleurs important sinon vital de repenser notre environnement tout en le préservant pour les générations futures. De façon progressive, une vision plus éclairée sur la question pourra certainement voir le jour pour plus de civisme.

Gouvernement : Autopsie d’une équipe hétérogène

La liste du gouvernement de large ouverture a été révélée le dimanche 5 mai, après plus de dix jours d’attente. C’est une équipe de 38 ministres, avec des figures politiques de l’opposition et de la majorité. Revue des troupes.

Au bout de l’attente, un gouvernement de 38 ministres, après d’intenses concertations ayant abouti à un accord politique. Dans cette équipe, des personnalités jusque-là opposées au pouvoir et des figures qui ont déjà fait leurs preuves. Si certains ont été reconduits, il y a plusieurs entrées. Certains ministères ont tout simplement changé d’appellation, alors que le Premier ministre cumule son poste avec l’Économie et les finances, avec une ministre déléguée au Budget. « Il y a dans ce gouvernement des hommes et femmes valables de par leur passé, comme le ministre de la Justice et d’autres », note Dr Aly Tounkara, sociologue et professeur à la faculté des Sciences humaines et des sciences de l’éducation. Il note aussi la présence de certains ministres à qui sont « reprochées certaines pratiques à un moment donné, même si elles n’ont pas été prouvées par un travail judicaire ». Deux secrétariats d’État sont les nouveautés quelque peu inédites de ce gouvernement. Un auprès du ministre de l’Éducation nationale, chargé de la Promotion et de l’intégration de l’enseignement bilingue, et l’autre auprès du ministère de l’Agriculture.

Prises de guerre ?

Pour mener à bien les réformes nécessaires à l’évolution de l’histoire démocratique du pays, le choix des certains hommes de l’opposition a aussi primé. L’effervescent  Président du Parena, Tiebilé Dramé se retrouve aux Affaires étrangères, alors que son camarade du Front pour la sauvegarde de la démocratie FSD, Pr Oumar Hamadoun Dicko, prend le portefeuille du Dialogue social, du Travail et de la Fonction publique. L’autre entrée de taille est celle de l’Honorable Amadou Thiam, à qui revient le ministère des Réformes institutionnelles et des relations avec la société civile. Dans un pays en proie à l’insécurité et à une opaque distribution de la justice, la venue du général de division Ibrahim Dahirou Dembelé à la tête du département de la Défense et celle de Me Malick Coulibaly au ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux, soulagent certains observateurs. Pour le politologue Ballan Diakité, le Premier ministre Boubou Cissé « aurait pu mettre en place un gouvernement de technocrates. Des hommes avec un programme et une feuille de route à mettre à exécution au bout de deux ou trois ans, pour ensuite évaluer les résultats de leur travail ».

Issa N’Diaye : « La dérive du religieux vers le politique est un danger pour la République »

Dimanche dernier, le Président du Haut conseil islamique (HCI), l’imam Mahmoud Dicko, et le Chérif de Nioro mobilisaient des milliers de fidèles au stade du 26 mars pour une « journée de prières et de réconciliation ». Mais le meeting a été dominé par des sujets politiques. Le Professeur Issa N’Diaye, ancien ministre, président du forum civique, « espace de réflexion et d’action pour la démocratie », répond aux questions de Journal du Mali sur cet évènement.

Ce meeting était-il pour un acte politique ?

C’est devenu un acte politique, dans la mesure où il y eu a des prises de positions sur des questions politiques et non religieuses. Ce glissement est dangereux. Et c’était prévisible, dès lors que le religieux s’affranchit des limites de l’espace de culte et vient sur la scène publique, notamment dans un stade. Depuis un certain nombre d’années, les politiques se sont mis à courtiser les religieux et c’est ce qui les a amenés à sortir des mosquées et à envahir les places publiques. Le gouvernement lui-même a créé un ministère du Culte. Ce glissement permet aux religieux de jouer un rôle sur l’échiquier politique alors que n’est pas leur lieu. La dérive du religieux vers le politique constitue un danger pour la République. C’est assez grave comme perspective.

Quelles pourraient être les conséquences d’une fracture entre le gouvernement et les religieux ?

Il y a déjà une division du monde religieux, en tout cas du côté islamique, parce qu’il y a un clan pro pouvoir et un autre anti pouvoir. Ce qui peut conduire à des affrontements entre ces deux tendances. Il y a  aussi un risque de polarisation politique, dans la mesure où des leaders de partis d’opposition étaient présents à ce meeting. C’est une vieille habitude, mais une présence significative des partis politiques de l’opposition veut dire qu’il y a un enchainement logique : un des camps se positionne en faveur de l’opposition et l’autre du pouvoir.

La démission du Premier ministre qu’ils réclament est-elle envisageable ?

De leur point de vue oui, mais là ils ont franchi un pas qu’ils ne devaient pas. En franchissant cette limite ils deviennent partisans sur le plan politique. Ce qui n’est pas, par définition, leur rôle. C’est une faute et cela me surprend de la part de Dicko, qui m’a paru être un homme assez intelligent. L’immixtion dans le politique risque de lui faire perdre beaucoup des plumes. En poussant l’analyse, on peut se demander s’ils n’y a pas un projet politique et s’il n’y aura pas un imam candidat à la prochaine élection présidentielle.

La Nation rend hommage à Seydou Badian Kouyaté

Un hommage national à l’écrivain et l’homme politique s’est tenu jeudi sur l’esplanade de la Bourse du Travail. Le président de la République a salué la mémoire d’un «grand homme qui laisse la République vide. »

Politiques et personnalités ont célébré la mémoire de Seydou Badian Kouayté, ce jeudi sur l’esplanade de la Bourse du Travail lors d’une cérémonie d’hommage national à l’écrivain et homme politique, décédé dans la nuit du vendredi 28 décembre 2018 à Bamako. Arrivé peu après 15 heures, le président de la République Ibrahim Boubacar Keita a signé le livre des condoléances, avant de s’incliner devant le cercueil recouvert du drapeau malien. Il salué dans un discours empreint d’émotion la mémoire de Seydou Badian Kouyaté, un « grand homme qui laisse la République vide ». Il a par la suite élevé l’illustre disparu à la dignité de grand-officier de l’ordre national à titre posthume. Les intervenants qui se sont succédé ont tous dépeint un grand homme, intègre, qui n’a eu de cesse de se battre pour ses idéaux.

« Il n’appartenait pas qu’à nous, et qu’à notre famille, mais à tout le Mali, voire à toute l’Afrique » a assuré un des petits-fils de l’auteur de  »Sous l’Orage ». Il a exprimé sa gratitude à ‘’Papa’’, qui a leur a inculqué l’honnêteté et portait irrémédiablement ce pays dans son cœur. Il a par la suite appelé les forces vives du pays à « se donner la main » afin de suivre la voie du médaillé d’or de l’indépendance. Dans son oraison funèbre, Amadou Koita, ministre de l’Emploi, de la Jeunesse et de la construction citoyenne, porte-parole du gouvernement a tenu à rappeler que le principal mérite de Seydou Badian Kouyate est d’avoir consacré toute son énergie à la nation.


Des dizaines de personnalités étaient présentes à cet hommage national qui a duré un peu plus de deux heures. Membres du gouvernement, présidents des institutions de la République, leaders de partis politiques, chefs religieux ou encore Antoinette Sassou Nguesso, épouse du président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso, représentant ce dernier, avec qui Seydou Badian Kouyaté entretenait une relation particulière. Après la prière mortuaire, le cercueil de l’auteur de l’hymne national du Mali a été conduit au cimetière de Niarela, où il repose désormais.

Présidentielle 2018 : Les jeunes, « acteurs de changement » dans le champ politique

Ils sont de plus en plus nombreux sur la scène politique. Il suffit de se rendre dans les quartiers généraux de campagne pour se rendre compte que leur présence n’est pas figurative. Décidés à faire partie du « jeu », les jeunes maliens sont le cœur de cette période électorale.

« Nous ne sommes plus là comme de simple badauds », assure Cheick Haïdara, croisé à un meeting de l’URD. Le jeune homme d’une vingtaine d’années écoute attentivement le message délivré. Il filme, « c’est un live que je fais, pour que tous mes amis entendent avec moi ce qui est dit ici ». « Je vais faire ça avec autant de candidats que je peux. On ne va plus aller voter comme ça, encore moins pour de l’argent ou un plein d’essence ». Il y a tout juste cinq ans, ce jeune homme aurait té regardé par ses compères « comme un  martien !». « La politique, ce n’était pas du tout mon affaire. J’étais plus jeune mais aussi je me disais que c’est une affaire de vieux, c’est eux qui sont responsables du pays. J’avais le droit de vote mais en 2013, je ne suis allé nulle part », confie Alfa, tout juste 30 ans.

Aujourd’hui, en pleine campagne pour la présidentielle du 29 juillet, ils sont nombreux, comme ces deux jeunes, à suivre de près l’actualité politique et à écumer les quartiers généraux, tout comme les sites internet et les réseaux sociaux des candidats, à la recherche de… « De quoi ? De leurs arguments, de ce qu’ils proposent aux Maliens », répond Habiba, étudiante en sociologie et qui rêve, un jour, d’entrer en politique. « J’observe, je prends même note parfois, quand je trouve des idées ou une manière de faire intéressante », explique-t-elle. Cette élection, « c’est une chance pour nous. Nous avons l’esprit ouvert maintenant, nous sommes plus conscients et nous voulons être acteurs de la vie de ce pays, du changement », finit-elle. Mahal quant à lui est pour ainsi dire, la main dans la pâte. « Je me suis engagé auprès d’un candidat parce qu’on ne peut pas vouloir changer les choses et rester en marge du processus. Ainsi, je peux défendre mes idées, porter le projet de mon candidat. Je me sens acteur », se réjouit-il.

A Tombouctou, Fatouma Harber est plutôt sceptique. « Je n’attends rien de ce scrutin » avoue-t-elle. Pour l’activiste connue, « le tableau est trop noir…» A Badiangara où  elle vit, Bintou a elle aussi son idée fixe : la sécurité. « Il faut que tout se passe bien. Les bagarres, la guerre, ce n’est pas bien.  Je ne veux qu’une chose, que le prochain président s’occupe de ramener la paix. Surtout dans la région de Mopti. Depuis que je suis enfant, je n’ai jamais vu ce que nous avons vécu cette année dans notre région. Il faut y mettre fin ». « Nous avons tous peur ici, ça ne peut plus continuer comme ça. Le président du Mali doit penser à nous tous, travailler pour tous les Maliens, pour toutes les régions ».

Fake news : Attention danger

En janvier, Donald Trump a publié son palmarès des fake news Awards. Sur sa liste, des lauréats bien connus, Washington Post, CNN, ou encore le New York Times. Le 45ème Président des Etats-Unis reproche à ces médias de s’être rendus coupables de traitements biaisés lors de la campagne électorale américaine.

Si ces « Oscars » sont des « Trumperies », ils relèvent un fait, l’ampleur prise par les fake news.  En France, un projet de loi censé lutter contre elles a même été débattu à l’Assemblée. Une volonté du Président français Emmanuel Macron, en croisade contre ces fausses informations après en avoir été victime lors de l’élection présidentielle. Nous n’en sommes pas encore là au Mali, mais à quelques jours de la présidentielle, vigilance doit être le maitre-mot. « Il faut retenir que c’est une pratique qui a toujours existé en période électorale. Nous sommes dans un contexte où les journalistes ont perdu le monopole de la diffusion de l’information. N’importe quel citoyen, journaliste ou non, peut collecter et diffuser ce qu’il veut, y compris des fake news », explique Assane Diagne, rédacteur en chef francophone du site Africa Check, spécialisé dans la lutte contre les fausses informations.« Avec le contexte sécuritaire qui prévaut, il faudra plus de responsabilité et de professionnalisme de la part des journalistes pour éviter de tomber dans le piège de la manipulation », préconise-t-il. Le cocktail essor des réseaux sociaux – course effrénée à l’information fait que les fake news fleurissent sur la toile.

Comment les détecter ?

Selon Diagne, c’est assez simple. « Dès que nous doutons, nous vérifions. Et, pour douter, il fait un minimum de culture générale. C’est le point de départ », dit-il.  Douter de tout donc, et vérifier.  « Il faut faire du fact checking. C’est la recherche des preuves des faits sur lesquels il y a des doutes relatifs à leur exactitude ».

Il n’y a pas de tactique universelle pour contrer les fake news, chaque parti adopte donc sa propre stratégie de combat. Accusé de montages financiers dans un article de Médiapart repris par certains médias maliens, le candidat du parti ADP – Maliba, Aliou Boubacar Diallo, a très vite réagi pour s’inscrire en faux contre ces « révélations ».  « On nous avait également imputé la grève des médecins de 2017, certains affirmaient que c’était nous qui la pilotions », révèle un cadre de l’ADP. « Notre stratégie, dans ce genre de cas, est de répondre automatiquement et assez vigoureusement pour dissiper tous les doutes. C’est ce que nous avons fait », ajoute-t-il. Du côté de la CODEM, on préfère laisser couler. « Il est absolument impossible de contrôler les réseaux sociaux. Répondre, c’est leur donner du crédit. Nous ne tomberons pas dans la provocation », affirme Mama Sow, le chargé de communication du parti.

Baba Dakono : « Les prémices d’une crise n’indiquent pas forcément sa matérialisation »

Alors que l’élection présidentielle approche, les tensions entre l’opposition et le gouvernement vont croissant. L’interdiction de la marche de la Coalition pour l’alternance et le changement et la volonté de l’État de faire respecter l’état d’urgence semble être les principaux points de discorde. Baba Dakono, chercheur à  l’antenne de Bamako de l’Institut d’étude de sécurité, analyse les risques de crise post-électorale.

Que pensez-vous des préparatifs de l’élection présidentielle du 29 juillet ?  

Le scrutin présidentiel de 2018 est envisagé dans un contexte particulier. Trois points méritent une attention particulière. D’abord la présence des agents électoraux et du matériel de vote sur l’ensemble du territoire n’est pas garantie. Les nouvelles cartes d’électeurs ne seront disponibles qu’en juin, laissant seulement quelques semaines au gouvernement pour leur distribution. Sans oublier qu’avec les premières pluies les routes sont impraticables dans de nombreuses localités, créant ainsi un défi logistique supplémentaire.

Ensuite, vu contexte sécuritaire, la présence effective des représentants de l’administration (préfets et sous-préfets), qui doivent organiser les opérations de vote, n’est pas assurée dans de nombreuses localités du nord et du centre. Ce qui va entraver le déroulement du scrutin. Il faut également ajouter qu’avec la relecture de la Loi électorale le gouvernement envisage de produire de nouvelles cartes biométriques pour remplacer les cartes Nina (numéro d’identification nationale), utilisées depuis 2013. Les nouvelles dispositions permettent, en cas de force majeure, l’utilisation de la carte Nina quand les nouvelles sont indisponibles. Si cette mesure tend à prévenir des difficultés logistiques, elle rappelle tout le défi opérationnel lié au scrutin du 29 juillet.

Enfin, le calendrier de cette élection correspond à une période où de nombreux électeurs, notamment en milieu rural, sont préoccupés par les activités agricoles et accordent peu d’importance à une élection. Ainsi, en plus des menaces sécuritaires, la mobilisation pourrait être très réduite.

C’est toute la difficulté d’organiser la présidentielle du 29 juillet qui soulève des inquiétudes sur la capacité des acteurs du processus électoral à surmonter les difficultés. Sans visibilité sur les actions menées et celles envisagées pour une élection acceptable par les parties prenantes, il est difficile d’éluder les hypothèques sur ce scrutin.

On entend parler de plus en plus de possibilité de crise post-électorale.  L’atmosphère tendue ne l’annonce-t-elle  pas déjà ?

Une crise électorale naît du concours de certaines circonstances, dont la méfiance entre les acteurs et l’instrumentalisation du contexte. Les violences liées aux élections peuvent intervenir avant, pendant ou après elles. L’inquiétude ne doit pas porter uniquement sur la période post-électorale, mais sur toutes les étapes du processus.

C’est dire que les prémices d’une telle crise existent depuis les débats autour de la révision constitutionnelle avortée de juin 2017, dans un contexte de tensions et d’escalade verbale. Actuellement, les clivages entre partisans du Président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, et opposants cristallisent l’attention, dans une atmosphère tendue. Les opposants sont convaincus que les attentes déçues des Maliens par l’actuel président offrent un terrain politique favorable à l’alternance. A contrario, le camp de l’actuel président, jugeant son bilan positif, estime pouvoir remporter l’élection en dépit de la situation décrite par l’opposition. Les récentes déclarations  de l’opposition, comme celles de la majorité, sur la probabilité d’une victoire dès le premier tour attestent du sentiment que chaque  camp entretient. Les récentes manifestations de l’opposition visent d’ailleurs à démontrer l’impopularité de l’actuel président.

Dans un contexte post électoral, si, en 2013, les résultats ont été acceptés sans heurts, il n’est pas évident que ce soit le cas cette année, tant certains candidats sont convaincus de leur victoire et déterminés à la faire accepter. Toutefois, les prémices d’une crise n’indiquent pas forcément sa matérialisation. Il est donc urgent de créer les conditions pour l’acceptation d’un scrutin imparfait et des résultats qui y découleront.

Est-ce que l’emploi par un grand nombre d’acteurs, nationaux comme internationaux  du terme de crise post-électorale, n’est pas un facteur de conditionnement du peuple malien ?

C’est possible, mais cela ne doit pas occulter les risques, qui sont réels. Nous sommes dans un contexte de fragilité et les conséquences d’une crise politique au Mali peuvent être désastreuses pour le pays et pour toute la région sahélienne.

Quelles sont les solutions  aujourd’hui pour éviter les risques ?

Le plus important est de pouvoir identifier tous les risques liés à ce processus électoral. Quand ils sont connus, il est plus facile de les contenir. Ensuite, il est utile de rappeler la nécessité d’un cadre de dialogue inclusif sur les conditions d’organisation du scrutin. Il existe un cadre de concertation gouvernement – partis politiques, mais cela fait deux mois que ce comité ne s’est pas réuni. La majorité et l’opposition s’en rejettent la faute. Il est important, voire primordial, qu’aujourd’hui ce cadre se réunisse et que le dialogue s’ouvre aux autres parties prenantes, comme la société civile et les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

La certification des résultats de l’élection par l’ONU, demandée par l’opposition, n’est-elle pas aussi une  option pour éviter les contestations et les violences ?

Je pense que les Nations unies ont mis fin à ce débat en estimant que la situation ne s’y prêtait pas.