Fleuve Niger : catastrophe écologique en vue

À Torokorobougou, juste à la descente du Pont Fahd côté rive droite, le décor qui s’offre à la vue de tous ceux est désolant : un monticule d’ordures, des îlots de forêts, et des champs, directement dans le lit du fleuve Niger. « Ce sont les charrettes appartenant à des GIE qui viennent déverser les ordures ici vers 3h ou 4h du matin, depuis bientôt deux ans. Nous avons alerté les autorités municipales en vain, et la décharge s’accroit de jour en jour », confie celui qu’on appelle « Ancien », maraîcher. Avec une longueur de de 4 184 km, le fleuve Niger, qui traverse aussi la Guinée, le Niger, et le Nigeria, est confronté au Mali à un problème « d’agression physique civique », selon Hamadoun Dicko, chef de la section communication de l’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN). Il explique qu’à Mopti, Koulikoro, Ségou, comme à Bamako, l’exploitation du sable et du gravier, ainsi que le maraîchage, nuisent au fleuve. Les industries, les hôtels (dont 80% n’ont pas de station de traitement d’eaux usées), sans oublier les teinturières, tous déversent dans le fleuve leurs eaux souillées, le transformant en dépotoir à ciel ouvert. « Cela peut tuer les animaux aquatiques, jouer sur la qualité des poissons, et provoquer des maladies diarrhéiques. C’est un acte criminel. Aujourd’hui, la dégradation des berges aussi est un réel problème », ajoute M. Dicko, qui pointe du doigt la responsabilité des mairies et de la Direction nationale de l’assainissement. À l’en croire, aucun de ces acteurs ne joue son rôle. Au-delà des initiatives telles que le Programme national de sauvegarde du fleuve Niger (PNSFN), qui vise à le réhabiliter, c’est une véritable opération de sauvetage qu’il faut lancer pour le Djoliba. Elle passe d’abord par le changement de comportement de ses usagers et riverains.

Eaux usées : pollution hydrique et maladies

La ville de Bamako, à l’image des grandes villes, est confrontée au problème de la gestion de ses eaux usées. Qu’elles soient d’origine domestique, industrielle ou même agricoles, les eaux usées, quand elles ne sont pas évacuées et/ou traitées, dégradent le cadre de vie et provoquent de nombreuses maladies, comme le paludisme et la diarrhée. Encore à ce jour, la grande majorité des eaux des ménages sont déversées dans la rue ou dans les caniveaux, destinés à l’écoulement des eaux de pluies. Quand aux déchets liquides industriels ou liés à l’activité artisanale (tannerie, teinture), ils se retrouvent eux aussi dans les caniveaux, d’où ils rejoignent les collecteurs puis le fleuve. Awa Diarra, teinturière à Banconi, explique que « nous déversons nos eaux dans les caniveaux, parce que les autorités n’ont pas montré un lieu de stockage ». En dehors de la seule station d’épuration située dans la zone industrielle de Sotuba, il n’existe en effet aucune structure de collecte ou de traitement de ces eaux souillés par les polluants persistants qui finissent par s’infiltrer dans le sol et rejoindre la nappe phréatique, quand ils ne vont pas directement sur les légumes arrosés avec les eaux des marigots et autres puits infectés. L’Agence nationale de gestion des stations d’épuration  du Mali (ANGESEM), mise en place en 2009, envisage « la construction des deux stations de traitements des boues de vidanges dans les communes de Mandé et de Mountougala  », explique Siriman Kanouté, chargé de communication. Le traitement des boues de vidange constitue en effet un grand défi : à ce jour, elles sont déversées dans les champs où elles sont sensées servir de fumier ou pire, directement dans le fleuve Niger. Le principe de « pollueur payeur », qui devrait permettre de générer des ressources, est quand à lui appliqué de façon encore trop marginale, ce qui fait que les structures en charge de ces questions n’ont guère les moyens de s’en occuper de manière efficace.