Le lévirat, une pratique encore répandue au Mali

Cette coutume est particulièrement appliquée si le défunt a laissé derrière lui des enfants en bas âge. C’’est une coutume indiquée en cas de décès de l’époux chez certaines ethnies du Mali Dans nos sociétés traditionnelles, la vie est collective comparativement à  la société moderne ou la famille se limite à Â «Â  papa, maman et les enfants ». C’’est pourquoi nos ancêtres ont légué des valeurs sociétales pour le bon fonctionnement de nos sociétés en instituant le lévirat. Pourquoi cette pratique ? Elle vise à  assurer la pérennisation dans la prise en charge sociale et psychologique des enfants du défunt. Bien vrai que dans la pratique, elle connaà®t plusieurs formes diverses selon les ethnies. La plupart des cas, cette union a pour but de perpétuer le nom du défunt et de sécuriser la transmission du patrimoine. Cette rituelle, souvent forcée, combinée avec la polygamie est encore pratiquée malgré le modernisme. Selon le sociologue, Boureima Tereta, le lévirat ou le sororat(l’homme épouse la soeur de sa défunte femme ), étaient des manières de consolider, le tissu familial pour éviter la dispersion des enfants du défunt ou de la défunte. A la différence des veuves esseulées qui se livrent à  des pratiques peu recommandables pour faire vivre leur progéniture, le lévirat et le sororat constituent un excellent moyen pour contrer ce genre de solution extrême. Tradition et religion Dans le centre, comme le sud et l’ouest, cette pratique reste vivace au Mali. Certains érudits justifient le lévirat par le poids de la tradition. La religion accorde aussi une valeur aux hommes qui “héritent” des femmes de leur grand frère défunt. Pour la soeur d’une défunte, il s’agit de ne pas laisser les neveux habiter sous le toit d’un autre homme. En milieu rural, les enfants constituent des bras pour les travaux champêtres. Cette pratique, souvent forcée et combinée avec la polygamie, est notamment encore pratiquée dans certains pays africains. Le Bénin l’a interdite en même temps que la polygamie le 17 juin 2004. Elle est encore pratiquée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Burkina Faso, le Sénégal ou le Togo. Elle existe également dans certaines communautés du Tchad La tradition considère les femmes comme des « biens versés » dans le patrimoine du défunt à  partager entre héritiers. Ces épouses elles-mêmes n’étant pas héritières, l’islam a inversé cette relation avec la société. Elle interdit de façon absolue les mariages du type lévirat et sororat, sans le consentement des deux personnes concernées. les témoignages “Cette pratique (lévirat) a été réfléchie par nos ancêtres pour le maintien de la cohésion sociale. C’est aussi une manière de consoler les orphelins laissés » explique Sidiki Tangara thérapeute. Djeneba Sangaré enseignate à  la retraite estime elle que la fille qui accepte de prendre la place de sa grande sœur défunte est choyée par toute la famille et son mariage est célébré avec faste. Pour Haby, 30 ans,  » cette pratique est révolue et d’un autre temps et enferme la femme dans un carcan qu’elle ne maà®trisera pas forcément, soumise qu’elle sera aux lois de la famille d’accueil ». Dangers du lévirat Au Mali l’Association des femmes Juristes lutte contre la pratique du lévirat. Selon la présidente de cette association : «Â dans la tradition tribale, quand une femme perd son mari, elle est mariée de force au frère de celui-ci. En plus de son caractère rétrograde, le lévirat peut être dangereux pour la santé du futur époux car selon Maà®tre Maà¯ga, « si un homme est mort de sida, il a sans doute infecté sa femme, qui transmettra à  son tour son nouveau mari et par ce biais à  toutes ses femmes. » Certaines campagnes de prévention du sida, en Afrique, stigmatisent aussi la pratique du lévirat en indiquant que celle-ci favorise la propagation de la maladie. Cela dit, certains auteurs font remarquer que la pratique du lévirat est la seule mesure de protection sociale dont bénéficient les veuves dans ces pays et qu’il n’est pas forcément bienvenu de lutter contre cette pratique sans en remplacer l’aspect social. Mais cet argument suffit-il à  dissuader cette pratique encore répandue chez certaines ethnies ?

Mandé Alpha Diarra ou l’art de conjuguer science et littérature

Né à  Nonkon, petit village de la région de Kayes, Mandé fait ses études primaires à  l’école de son village. Dès la classe de CM2, il se fait remarquer par ses professeurs à  travers ses notes de rédaction. Ses feuilles circulaient partout à  l’école en guise d’exemple afin de motiver les autres élèves à  suivre son exemple. Vu l’encouragement de ses profs, Mandé confesse : « Mes profs me disaient tous les jours, C’’est du bon boulot mon garçon, continue comme cela. Tu seras un futur cadre de ce pays. Je me suis alors dis dès cet instant que je serai écrivain. » A partir de la classe de seconde, il rédige une série de poèmes et remporte le prix du meilleur élève écrivain en herbe à  la fin de chaque année scolaire. Il maà®trisait non seulement la littérature mais aussi les sciences et sera orienté en biologie. Après son succès au bac, il ira en section vétérinaire, option qui était son dernier choix après ceux de réalisateur de cinéma et de psychopédiatre. En 1976, Mandé reçoit une bourse d’étude pour l’école vétérinaire de Paris. Il obtient son diplôme de docteur vétérinaire en 1980 puis intègre un an plus tard l’institut de médecine tropicale o๠il étudie l’Economie de développement rural à  Montpellier (Sud de la la France). A la fin de ses études en 1984, il a ainsi une casquette de Dr vétérinaire économiste. Le début d’une carrière littéraire prometteuse Dans les années 1976, Mandé fait la rencontre à  l’université du célèbre écrivain malien Seydou Badian Kouyaté. Il lui donne le manuscrit de son tout premier roman. Celui-ci, après avoir jetté un coup d’œil, l’apprécie immédiatement. « C’’est grâce à  mon ainé Seydou Badian que J’ai eu le courage de continuer à  écrire» témoigne ainsi Diarra. Mais ce n’est qu’en 1981 que « Sahel sanglant sécheresse » paraitra aux Editions Présence Africaine. Dans ce roman, l’auteur nous parle de la grande sécheresse des années 1973-74 qu’a connu le Mali, avec une histoire qui se déroule dans un petit village près les rails, dénommé Léa. Le chef d’arrondissement détourne l’aide internationale envoyée pour la population, qui finit par se révolter sous la direction d’un jeune scolaire Loum et de son frère Boua. Au final, les deux frères arrivent à  convaincre les pauvres villageois d’effectuer un partage équitable des grains. En 1985, il publiera la nouvelle « Pourquoi écrivez-vous ? », avec l’écrivain Massa Makan Diabaté, dans un numéro spécial du journal français ‘Libération’, qui sera ensuite édité en livre de poche. Les nouvelles pour dénoncer… En 1988, il participera à  la rédaction de nouvelles intitulées «Paris-Dakar et autres nouvelles » autour du rallye automobile du même nom, aux Editions Souffles, dirigées par Bernard Magnier ainsi que des écrivains sénégalais, maliens, négériens, algériens et burkinabés. Mandé Alpha mettra 10 ans à  rédiger son second roman intilué « La Nièce de l’imam ». Le livre paraitra en 1994 aux éditions Sépia à  Paris et Jamana à  Bamako. Le roman traite la condition d’une jeune femme dans une famille polygame du Sahel malien. Elle est mariée a Bilayi, un riche commerçant et bailleur de fonds de l’Etat. Ce dernier achète tout le monde avec son argent. Mais les esprits commencent à  se réveiller et à  se révolter. C’’est le début des problèmes entre Balayi et sa famille ». Cahier d’un retour au pays natal Son dernier roman est intitulé « Rapt à  Bamako » est coécrit avec Mari Florence Ehret, paru en 1999, aux éditions Figuier/EDICEF. C’’est un roman jeunesse/policier, relatant l’histoire d’un jeune français d’origine malienne. ‘Rapt à  Bamako’ est certainement le roman qui aura le plus frappé l’esprit des jeunes lecteurs. Revenu à  Bamako pour assister aux élections présidentielles de son pays, le héros a d’abord le regard du jeune de culture française sur la société malienne. Il épouse les aspects qui l’avantagent tels que les relations avec sa grand-mère et repousse ce qui est en contradiction avec la culture française. Ce roman dénonce également la façon dont sont organisées les élections au Mali. Sutout les superstitions. Les féticheurs de l’un des candidats réussissent à  lui faire croire que s’il réussit à  couper le bras d’une femme albinos, il sera indiscutablement élu. En voulant donc enlever sa propre nièce qui est albinos, il se trompe et enlève une jeune française venue au nom de la francophonie, assister aux élections. Voilà  un roman policier à  la malienne, à  vrai dire assez passionnant. Mandé Alpha Diarra est actuellement le chargé de communication de la compagnie malienne de développement du textile (CMDT). Parallèlement, il est journaliste à  mi-temps et romancier. L’auteur a participé à  de nombreuses rencontres littéraires aussi bien en France qu’au Mali. Par ailleurs, Mandé est en pleine rédaction du tome 2 de ‘Rapt à  Bamako’.

Pour ou contre la polygamie?

Si la polygamie servait autrefois à  unifier une concession, à  perpétuer la tradition d’un village, ou à  combler un veuvage, aujourd’hui, elle est parfois signe d’ostentation, ou d’utilité pour des jeunes femmes qui cherchent un statut, ou à  s’en sortir financièrement…Mais à  côté de sa voisine sénégalaise, adepte de l’union partagée, qu’est-ce qui motive la femme malienne à  entrer en polygamie ? Ou qu’est ce qui au contraire l’en empêche ? De même pour les Hommes ! D’ ou vient la polygamie ? Au Mali, la polygamie est légale et près de la moitié des hommes sont polygames. Le phénomène est d’autant plus répandu que 99 % de la population est musulmane. D’après Oumar Sissoko enseignant, un homme monogame est un homme à  demi célibataire, car le jour o๠il aura des ennuis avec sa femme, elle retournera chez ses parents et à  lui, le vagabondage sexuel ! Le retour au Camalènbaya ! D’o๠l’intérêt de la polygamie pour assurer sa tranquillité ! « Il vaut mieux avoir plusieurs femmes que de vaquer au libertinage sexuel ». Et Mr Sissoko confirme sa position : « J’accepte cette pratique parce que un polygame est un homme heureux ! Ses épouses cherchent à  lui faire plaisir en voulant devenir la préférée…». Abdourahmane Diallo, Administrateur civil, 50 ans, se base lui sur la religion et juge que si les conditions matérielles et sociales sont réunies, on peut prendre une seconde épouse, voire une troisième, pourvu qu’il y ait une équité entre elles : « Si les femmes du Prophète (PSL), s’entendaient bien, pourquoi pas le commun des mortels… » Et pourtant, Mr Diallo, a vécu une première expérience plutôt négative : « Ma seconde épouse, plus jeune, ne s’entendait pas avec la première et lors des réunions familiales, il y a eu quelques clashs ! s’en est suivi une séparation ! ». Abdoulaye B, journaliste à  Radio Guintan est lui formellement contre la polygamie de nos jours : « Autrefois, les hommes prenaient beaucoup de femmes pour assurer une descendance, avoir des bras vigoureux pour nourrir la famille ! Avant, la polygamie se basait sur une organisation sociale codifiée, mais les temps ont changé, les mentalités ont évolué, la polygamie sert maintenant le plaisir de l’homme. Dans un ménage polygame aujourd’hui, il n’y a plus d’amour, d’harmonie et la division règne. Très souvent, les enfants se détestent et leur éducation n’est plus assuré… ». Le point de vue féminin… Il y a plus de femmes que d’hommes sur terre… Est-ce une raison pour faire preuve de générosité et d’abnégation pour ne pas laisser certaines vieilles-filles seules ? Il y a bien sûr le point de vue des principales concernées : « Au Mali, affirme Aissata Diallo, journaliste dans une chaà®ne privée, si tu atteins 30 ans et que tu n’as toujours pas trouvé chaussure à  ton, pied, tu risques de finir deuxième et devenir une Sinamousso ( coépouse) ! Car la majorité des hommes au-delà  de trente ans sont mariés ! Et cela devient difficile de trouver un prince charmant de libre ; Alors il vaut mieux avoir trouvé sa moitié dès 25 ans pour ne pas finir dans un ménage polygame ! » Est-ce cependant l’unique raison qui pousse certaines à  accepter ce choix de vie ? « Moi je cherche un statut social à  travers la polygamie, explique Khady, 30 ans, commerciale. « Je vis ma vie, je vaque à  mes occupations et J’ai ma propre maison, donc je n’ai aucune raison de me brouiller avec ma coépouse ». Pour celles qui sont contres, la polygamie signifie rien de moins que des problèmes: « Les coépouses, jalouses entre elles, ont parfois recours au Marabout pour nuire les unes aux autres ! », témoigne Aminata Touré. « Pour rien au monde, je n’accepterai de partager un homme, avec une autre », lâche Seynabou, 24 ans, étudiante en Communication et déterminée, il vaut mieux éviter les problèmes… » D’autres l’acceptent à  contre C’œur à  cause de la pression familiale et l’aspect financier : « La veille de mon mariage, mon mari à  fait savoir à  mes parents qu’il souhaitait opter pour le régime monogame et aucun membre de sa famille n’était d’accord avec cette idée. Or avec la polygamie, la femme peut bénéficier des biens de son mari et C’’est ce qui m’ a poussé à  y finalement adhérer… », explique Mme Sidibé Assan Bah. Le Nouveau Code de la Famille, en cours d’ apdotion à  l’ Assemblée Nationale, prévoit le régime de Séparation des biens.  » Dans la réalité, bien des hommes n’ assument pas leur responsabilités et abandonnent les charges familiales, pour lesquels ils s’étaient engagés. Chaque coépouse se bat alors pour nourrir ses enfants. Les femmes souffrent beaucoup en polygamie et C’’est ce qui entraà®ne le vagabondage des enfants, et la délinquance juvénile…», ajoute Mme Bah. Mais la polygamie signifie t-elle souffrance seule pour les femmes ? « Maman Téné avait été délaissée par le père Benfa, dès que ce dernier avait épousé ses deux jeunes femmes, il avait transporté ses affaires chez ses nouvelles épouses… et il ne plaisantait plus avec elle, ne se confiait plus à  elle… », raconte l’écrivain malien Seydou Badian dans son roman Sous l’orage, une histoire o๠tradition et modernité se confrontent, à  travers le personnage de Kany, qui refuse d’épouser Famagan et devenir une coépouse, lorsque sa Maman, la pousse à  comprendre les souffrances et les sacrifices vécus, dans son propre ménage… Alors, que le texte de réforme du Code de la Famille et des Personnes, au Mali, est en cours d’adoption à  l’Assemblée Nationale, la polygamie soulève de nombreuses questions, celui des droits de succession et d’héritage, de la protection de la veuve, en cas de décès du mari… Le nouveau texte prévoit une protection plus solide pour la femme, qui pourra hériter des biens acquis pendant le mariage, jouir d’ une garantie de son droit d’ habitation et d’occupation des terres appartenant à  la famille ( Auparavant, la veuve était renvoyée chez ses parents sans rien). Mais le code permet aussi que l’ on applique les règles coutumières ou religieuses de partage de l’héritage… des régles qui bien souvent font primer l’ homme sur la femme! Mais qu’on soit pour ou contre cette pratique, elle est entrée dans nos mœurs, et nul ne peut juger un homme qui a décidé de prendre plusieurs épouses, ou une femme qui veut bien signer le régime polygame à  la veille de son mariage. Reste à  définir les règles d’une cohabitation harmonieuse et à  assurer l’éducation parfaite des enfants qui en naitront. Voilà  tout le défi de la polygamie aujourd’huiÂ