Déplacés internes : Survivre dans la précarité

Le nombre de déplacés internes au Mali s’élève à 99 039 individus, selon les évaluations menées  dans les régions de Koulikoro, Ségou et Mopti par les équipes de la DTM (Displacement Tracking Matrix, en anglais), la Matrice de suivi des déplacements. L’augmentation de ce nombre de 14 754 personnes, enregistrée du 1er au 31 mars 2019, fait suite à la dégradation de la situation sécuritaire dans la région de Mopti.

À Bamako, ils sont des centaines à vivre sur des sites d’installation spontanés, comme celui de Faladié, en Commune VI du District de Bamako. Outre l’insalubrité des lieux, ces familles, qui ont fui la violence et l’insécurité, survivent dans la précarité et redoutent l’arrivée de l’hivernage.

Difficile d’imaginer que ce sont des dizaines de familles et des centaines de personnes qui vivent sur ce site improvisé, en plein cœur de la commune VI du District de Bamako. C’est entre le parc à bétail et le dépôt d’ordures, situés à quelques centaines de mètres du monument de la Tour d’Afrique, que ces personnes en quête de survie ont trouvé refuge. Arrivés principalement de la région de Mopti, suite à la dégradation sécuritaire, ces déplacés continuent d’affluer. Ce 16 avril, il est un peu plus de 11 heures. Dans un abri de fortune, fait de paille et recouvert de divers tissus, Zakaria Diallo, membre du « Comité de soutien aux déplacés », recense les nouveaux arrivants. « Ils sont arrivés hier soir. Ils viennent de Yolo, dans le cercle de Bankass », explique t-il.

Rompu à cet exercice depuis l’arrivée des premiers occupants sur ce site, il y a environ 3 mois, M. Diallo, qui est maître coranique en Commune VI, note soigneusement les noms et prénoms de toutes les personnes nouvellement arrivées. Une liste dont les copies seront remises aux autorités, aux partenaires et aux bénéficiaires.

Conditions inhumaines

À ce jour, le site de Faladié compte 796 personnes, dont 575 enfants, sans les nouveaux arrivants, qui n’ont pas encore été recensés, explique Madame Kamaté Francine Dakouo, cheffe de la section promotion communautaire de la Direction locale du Développement social de la Commune VI du District de Bamako. Depuis 2 mois, avec son équipe, elle passe la journée sur ce site, où tout manque.

Par exemple, depuis 3 jours, les cuves installées sur le site ne sont plus approvisionnées en eau. La corvée d’eau fait donc désormais partie des tâches quotidiennes de ces mères de famille, qui avec une résilience remarquable continuent de se battre pour assurer la survie des leurs.

Tedy Barry a quitté le village de Pissa, dans le cercle de Bankass, avec son mari et ses enfants. Dans une atmosphère suffocante, entre la fumée qui s’échappe des ordures qui brûlent à longueur de journée et  les odeurs venus du parc à bétail, l’air est irrespirable. Ces conditions inhumaines ne semblent pour le moment pas déranger la mère de famille. « Ceux qui sont ici ont fui une mort certaine. Nous savons que nous allons tous mourir. Mais mourir dans la paix vaut mieux que vivre dans l’anxiété », explique-t-elle.

Avec ses enfants, elle s’adapte tant bien que mal. Les plus grands font de petits boulots ou du commerce. Elle-même vend des condiments pour acheter ne serait-ce que des beignets pour les enfants le matin, confie-t-elle. En temps normal, chez elle, elle s’occupe de son bétail, dont elle vend le lait et fait de la coiffure le reste du temps. Ses deux premiers garçons voyageaient vers le Burkina ou la Côte d’Ivoire, « pour avoir un peu d’argent. Ils revenaient cultiver le champ pendant l’hivernage », ajoute Madame Barry.

Même si elle désire ardemment retrouver sa vie d’avant, elle n’envisage pas  de retourner chez elle de sitôt. « Trop dangereux. Tous les deux ou trois jours, nous devons fuir parce qu’il y a des attaques ».

Craignant de se faire tuer en cours de route, elle a même choisi de passer par le Burkina Faso et d’emprunter la route de Bobo Dioulasso pour rejoindre Bamako. Si elle ne se plaint pas de cet environnement particulièrement insalubre, Tedy espère que l’endroit sera « aménagé » pour faire face à l’hivernage.

Des actions insuffisantes

La saison des pluies qui pointe à l’horizon constitue la principale hantise sur ce site spontané. En effet, les tentes sont installées sur une partie où les  ordures ont été recouvertes de latérite, donc facilement inondée en cas de pluie. Déjà fréquentes, les maladies liées à ce cadre insalubre risquent de connaître une «  explosion » avec les premières pluies, craint Madame Kamaté du service du Développement social. Surtout avec des enfants en bas âge dont le seul espace de jeu est ce tas de déchets.

Sur le site improvisé, les occupants ont reçu plusieurs aides, dont celles des autorités et de leurs partenaires ainsi que plusieurs associations. Des dons en vivres et non vivres destinés à permettre à ces populations, aussi meurtries que démunies, de survivre. Des aides vitales cependant insuffisantes pour couvrir les besoins de ces déplacés, qui continuent d’arriver vers la capitale.

Adama Kouyaté est le président de l’ONG Initiative contre la faim et pour l’éducation des enfants (IFE Mali), créée en 2012. Les premières actions de son organisation ont bénéficié aux déplacés, avec des collectes de vêtements réalisés pour les déplacés de Gao dès 2013. Plus récemment, pour les déplacés de Mopti installés à Bamako, il a décidé de mener des actions s’inscrivant dans la durée. En plus des dons alimentaires ou non effectués par plusieurs organisations, IFE a choisi, après une enquête de terrain, d’aider notamment les femmes déplacées à Bamako à renforcer leurs capacités afin de pouvoir exercer des activités pour subvenir à leurs besoins.

« Dans un premier temps, une vingtaine de femmes seront formées et disposeront d’un fonds pour démarrer une activité », explique M. Kouyaté. Ce nombre limité, compte tenu du budget de l’ONG, marque tout de même sa volonté de s’inscrire dans une démarche plus durable.

Agir pour le futur

Une démarche  partagée par  d’autres organisations, comme Solidaris 223, qui espère aussi pouvoir former environ 200 femmes avec l’appui de l’Union européenne. Si l’organisation, à travers le réseau Fraternité, a participé à la remise de plusieurs tonnes de vivres aux déplacés, elle souhaite une réinsertion de ces derniers sur leurs lieux d’origine. En effet, la participation à la formation, qui sera donnée sur les lieux de retour, se fera sur la base du volontariat, explique M. Balla Mariko, membre du Conseil des fondateurs de l’association.

Pour « ces déplacés qui manquent de tout », tout est urgent. Des besoins les plus élémentaires, comme l’eau ou l’accès à des toilettes, à l’accès à l’éducation pour les enfants, qui « est un droit pour eux », selon M. Kouyaté. Il faut donc agir et vite.

La première nécessité est de reloger ces familles, car le site est tout simplement inapproprié pour accueillir des êtres humains. À ce besoin s’ajoutent ceux d’une réinsertion et d’un « suivi psychologique », estime M. Mariko. En effet, la plupart de ces personnes ont vécu des traumatismes importants et il est crucial de les aider à surmonter ces drames. D’autant que certains habitants présents sur le site en ressentent déjà les séquelles.

Cette prise en charge, qui s’avère indispensable, implique de «  réfléchir sur l’avenir de ces personnes, qui sont des Maliens et qui n’ont pas demandé à venir à Bamako dans ces conditions », s’indigne M. Kouyaté. Ces familles, dont certaines étaient propriétaires d’un cheptel important, ont dû tout abandonner pour fuir. Il faut leur trouver un site sécurisé à proximité de leur village d’origine, suggère t-il, scolariser les enfants et renforcer les capacités des femmes et des chefs de ménages, à travers des activités génératrices de revenus.

Parce que grandir dans de telles conditions pour des enfants peut nourrir des rancœurs, les rendre vulnérables et en faire des cibles potentielles pour des individus mal intentionnés, avertit M. Kouyaté.

Taximan : travail précaire et peu rémunérateur

Ces transporteurs, qui circulent dans toute la ville pendant de longues heures quotidiennement, connaissent énormément de difficultés dans l’exercice de leur profession.

À Bamako, Youssouf, taximan, confie que « le métier n’est plus aussi rentable qu’avant. Il y a de plus en plus de taximans ». Une hausse qui s’explique, car « il y a trop de chômage », nous confie Adama, chauffeur depuis 10 ans. En dépit de leurs longues heures de conduite à sillonner la capitale, la recette est bien maigre. Pour une majorité de chauffeurs, leur outil de travail ne leur appartient pas, ce qui explique que l’intégralité de la recette journalière ne leur revienne pas. « Quand tu n’es pas le propriétaire du véhicule, tu dois reverser une partie de ton argent à celui-ci », explique Youssouf. Une somme convenue (10 000 francs) entre le chauffeur et le détenteur du taxi, qui fait l’objet d’un accord tacite. Sur les 25 000 voire 30 000 francs CFA récoltés en fin de journée, dans le meilleur des cas, « il faut retirer de 12 500 à 13 000 francs CFA pour le carburant », explique Adama, en plus de la recette destinée au propriétaire. À la fin de la journée, « je ne perçois que 1500 francs. Cela couvre juste mon prix du condiments », déplore Mamoutou, un chauffeur qui approche de la retraite.

Devenir taximan demande un certain investissement. Compter 800 voire 900 000 francs CFA pour acquérir un véhicule au Mali. « Acheter une voiture depuis l’Europe n’est pas rentable. Tu dois payer les taxes pour les affaires économiques et le dédouanement, en plus d’autres frais », souligne Mamoutou. Outre l’achat du véhicule, « il y a l’assurance, la carte de stationnement et de transport et les pièces à remplacer », déclare Adama. Sans oublier que le métier contraint les chauffeurs à être en contact permanent avec la pollution. « Nous ne sommes pas affiliés à l’INPS. Comme nous n’avons pas assez d’argent, nous faisons souvent recours aux pharmacies par terre, parce que nous n’avons pas les moyens de payer une ordonnance de 7 500 francs », dit Mamoutou, d’un ton amer.

La corporation est structurée en syndicats qui regroupent différents comités. « Le syndicat est une couverture. En cas d’accident, le syndicat intervient s’il y a un procès. Tous les mois nous versons à notre caisse une somme qui permet de secourir le conducteur en cas de litige », explique Mamoutou.

Recensement administratif : l’appel au secours du personnel

Depuis le démarrage des opérations (1er mars 2009), les agents ont œuvré dans des conditions difficiles : manque de couverture socio-sanitaire, pas de prise en charge des accidents de travail, licenciements arbitraires, impayés de salaires, pas de frais de déplacement… Colère des agents Au même moment, les responsables de l’opération s’en mettaient pleins les poches. La preuve en est que, depuis le lancement de l’opération (le 1er mars 2009), des sommes indues (2600 Fcfa pour les contrôleurs, et 2100 Fcfa pour les agents de saisies) mensuellement prélevées sur les maigres salaires des agents, ont été destinées aux responsables de l’opération. Certains agents, s’estimant lésés et trompés n’ont pas hésité à  enclencher des procédures judiciaires contre l’Etat. C’’est le cas de cet agent contrôleur, Moussa Sacko qui a traà®né l’Etat devant le juge lundi dernier au tribunal de première instance de la commune 3. Le « carnage » de Mopti La région de Mopti se souviendra de l’opération Ravec. A en croire nos sources, ces agents ne bénéficiaient pas de couverture de soins dans le cadre de leur santé. Pire, ils étaient confrontés à  un environnement difficile d’adaptation. Selon certaines informations, les agents du Ravec, une fois sur le terrain, étaient délaissés par les autorités administratives locales et livrés à  eux-mêmes. Signalons qu’il y a seulement deux semaines, deux agents ont rendu l’âme sur le terrain des suites de la malaria, à  Bankass (Mopti). Auparavant 4 autres agents avaient trouvé la mort pour des raisons inhérentes à  l’état de précarité du terrain. D’autres agents malades attendaient désespérément des soins. l’Etat n’est-il pas aussi perdant dans cette histoire ? Dans le cadre de l’opération Ravec, l’Etat a pourtant déployé de gros efforts matériels et financiers pour la formation des agents. Aujourd’hui, le fait que ces derniers soient complètement délaissés, dénotent d’un manque de vision des autorités pour capitaliser l’expérience de ces agents. Certes le projet RAVEC avait une durée bien déterminée. Mais faudrait-il que l’Etat s’engage à  insérer ces agents de manière à  ce que leur expérience ne soit pas gaspillée.

La presse malienne en crise de légitimité ?

La presse malienne évolue dans un environnement socio-politique o๠le mépris, la tolérance et l’indifférence s’érigent contre la liberté de la presse et donnent à  cette presse un pouvoir qui n’est pas le sien. Le mépris et l’indifférence sont devenus les armes utilisées par les maliens abusés par une certaine presse qui ne distingue pas l’information de ses propres opinions et qui pense qu’il lui appartient de « régler » des comptes. l’espoir né de la liberté de la presse depuis l’avènement de la démocratie s’est estompé très tôt. C’’est pourquoi certains politiques ont mesuré et bien évalué le pouvoir de la presse, surtout dans une démocratie naissante. « Ils ont créé et soutenu des médias d’opinion sous le statut« privé et d’informations générales qu’ils utilisent pour le marketing ou pour régler des comptes ». Les pouvoirs publics s’appuient sur la puissance publique pour mettre la presse sous influence. La précarité économique et financière dans laquelle vit la presse malienne favorise toutes les formes de pression et de corruption du pouvoir économique et politique. Le citoyen malien est la seule victime du non respect des principes professionnels élémentaires de vérification et de recoupement des informations par les organes de presse, surtout face à  la vie privée et à  la dignité de la personne humaine.. Médias privés économiquement paralysés Les défis majeurs auxquels les médias privés sont confrontés sont des problèmes économiques. Ces difficultés économiques ont pour noms, le manque de ressources financières, matérielles, logistiques et humaines sans oublier le déficit de professionnalisme lié au manque de formation et de retard technologique. Les contraintes économiques expliquent en grande partie les dérives et les violations de l’éthique et de la déontologie du métier de journaliste. « Surexploitation » des journalistes par les patrons de presse… A l’ORTM (la télévision nationale) comme dans les journaux en passant par les radios, les journalistes sont nombreux à  être l’objet de la surexploitation. Pour la plupart, ils sont jeunes, ces hommes de médias qui s’ingénient de jour et comme de nuit et dans des conditions difficiles, à  délivrer l’information au public. Reconnaissant cette réalité des journalistes, le ministre de la communication à  l’occasion de la cérémonie d’ouverture des 3èmes journées de la communication et devant les patrons de la presse, a rendu hommage à  ces hommes et femmes de médias pour leur sacerdoce malgré qu’ils soient sous payés, et surexploités, sans assurance maladie ni protection sociale. Aussi, Mariam Flantié Diallo félicite ces hommes de médias pour leur contribution à  l’émergence et à  la consolidation de la démocratie malienne et à  l’ancrage de la liberté d’expression. … qui débouche sur des dérapages récurrents « Quant on ne nous pas donne les moyens, on se créé les moyens », explique un jeune journaliste qui dénonce la précarité de l’organe ou il travaille depuis cinq ans. D’o๠la multiplication des attaques contre les acteurs de la vie politique, le traitement politisé de l’information, la corruption, la confusion entre information et publicité, toutes choses qui violent les règles de base de la déontologie et de l’éthique professionnelle du métier de journaliste. Pour donner à  la presse sa valeur réelle, les experts de la communication examinent la pratique du journalisme dans un contexte socio-économique difficile et qui détourne souvent le journaliste de « son devoir d’informer et de sa liberté d’écrire », pour paraphraser un grand éditorialiste connu.