Eau potable: nos enfants vont la payer 5 fois plus cher

l’Afrique de l’Ouest est relativement bien pourvue en ressources hydriques avec plus de mille milliards de mètres cubes d’eau douce renouvelés chaque année à  travers le cycle hydrologique normal de la région. De l’eau, il y en a donc assez pour tous les usages. Outre l’eau de boisson, l’agriculture, l’élevage et l’industrie, entre autres, disposent d’une réserve suffisante pour assurer le développement de la sous-région. Or, les conflits liés à  l’eau sont légion et l’accès à  la ressource encore difficile pour des dizaines de milliers de personnes. Le problème se trouve sans doute au niveau de la répartition de la ressource, de sa gestion ainsi que de sa préservation. « De nombreuses initiatives ont été prises pour étudier la question et dégager des pistes de solutions, force est de reconnaà®tre que la marche vers l’équité dans la gestion et la préservation de la ressource en eau est encore longue et semée d’embuches », reconnait M. Maxime Somda de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, UICN. C’’est pour faire face aux défis divers de la gestion au quotidien de la ressource en eau que les sociétés de distribution d’eau potable en Afrique se sont réunies au sein d’une organisation dénommée l’Association Africaine de l’Eau. Elle s’est donnée pour mission entre autres de faciliter l’échanges d’expériences entre les différents acteurs, la formation, la recherche, d’assurer la gouvernance de l’eau et de protéger l’environnement afin de garantir la quantité et la qualité des eaux. Cette dernière mission est l’une des plus importantes et sur laquelle se concentrent les efforts depuis quelques années maintenant. Car, si rien n’est fait, il n’y aura plus de source correcte pour donner de l’eau en quantité et en qualité. Le captage et le traitement des eaux raréfiées et polluées reviendront plus cher et par ricochet le coût de l’eau. « Nos enfants risquent de payer l’eau cinq fois plus cher que nous » assure même Olivier François Gosso, directeur de la production de la Société des Eaux de Côte d’Ivoire (SODECI), membre de l’AAE. Quand on sait que les usagers ont déjà  du mal à  faire face au coût actuel et que l’on va inexorablement vers la fin de l’utilisation non tarifée de l’eau en Afrique. Les sources d’eau sont en danger l’eau, C’’est la vie. A force de le dire, on finit par se demander si ce n’est pas devenu un argument creux tant ceux-là  même qui en ont besoin au quotidien en sont les premiers fossoyeurs. l’exemple des ressources en eau du Bassin du Niger est frappant. Principale source pour les différents besoins de la vie humaine, le fleuve Niger n’en est pas moins agressé par les activités de ses usagers. Dégâts auxquels s’ajoutent les effets des changements climatiques que sont la baisse de la pluviométrie, la dégradation des terres, l’ensablement, etC’… La population qui exploite les eaux du Niger est estimée à  100 millions de personnes, ceci représente une pression énorme sur la ressource. En Guinée, château d’eau de l’Afrique de l’Ouest avec plus de dix sources de cours d’eau internationaux sur son territoire, les riverains du Tinkisso, le plus important affluent sur la rive gauche du fleuve Niger, meurent de soif. Situation paradoxale s’il en est mais qui s’explique par le fait que le cours d’eau a particulièrement souffert de la rapide et profonde dégradation des écosystèmes de son bassin. Selon une récente étude de l’UICN, son débit a tellement diminué qu’il ne parvient même plus aujourd’hui qu’à  satisfaire le 1/5 des besoins qu’il couvrait il y a encore quelques années. La situation du Tinkisso est celle de bien d’autres cours d’eau et les différents acteurs s’en rejettent la responsabilité. « Au niveau des sociétés distributrices, notre rôle va du captage au robinet. Nous assurons la sécurité, la qualité de l’eau que nous livrons au consommateur. C’’est à  l’Etat de prendre en charge la préservation de la ressource, qu’elle soit en surface ou souterraine » se défend l’AAE, à  travers son secrétaire général, M. Sylvain Usher. Selon lui, les sociétés d’eau ne sont pas écoutées par les politiques. A la SODECI, on affirme avoir « tiré sur la sonnette d’alarme depuis au moins quinze ans ». « Nous avons dit à  l’Etat de Côte d’Ivoire qu’il fallait prendre en compte la protection de la ressource pour en assurer la pérennité », affirme M. Gosso. « La pollution chimique causée par les industries, la pression démographique, l’assèchement naturel des nappes, nous avons parlé de tout ça en son temps. Mais on ne nous a pas écouté et aujourd’hui, nous réagissons dans l’urgence pour faire face aux pénuries, alors que les données sont connues » ajoute-il. La balle uniquement dans le camp de l’Etat ? Dans la plupart des pays ouest-africains, en Côte d’Ivoire comme au Mali, la protection de la ressource eau est du ressort de l’Etat. l’importance des moyens à  mettre en œuvre poussent les autres acteurs à  se décharger sur les gouvernants qui ont, eux, la capacité de mobiliser des fonds importants. Les investissements infrastructurels sont donc à  la seule charge de l’Etat qui détient en quelque sorte la « souveraineté de l’eau ». Les municipalités, les sociétés distributrices, les acteurs de l’environnement, les usagers, tous pointent du doigt l’Etat qui ne joue pas ce rôle et laisse de nombreux risques peser sur l’approvisionnement à  long terme en eau. l’inexistence ou la non application des textes (principe du pollueur-payeur par exemple), la faiblesse des ressources allouées à  la préservation des sources d’eau, autant de manquements relevés du côté des autorités. Mais, il y a un mais. Si tous, consommateurs, industriels, agriculteurs, sociétés de distribution, etc. trouvent leur compte dans l’exploitation de l’eau, tous devraient se sentir solidairement responsables de sa préservation. Tous sont d’accord qu’aujourd’hui « le problème, ce n’est pas la ressource qui existe en quantité suffisante ». Même si tous n’y ont pas accès de manière équitable justement à  cause des coûts de traitement et des infrastructures à  mettre en place pour cela. La situation risque d’être encore plus difficile si des mesures courageuses ne sont pas prises maintenant pour préserver la ressource contre toutes les agressions qui pourraient rendre ces coûts plus importants et les frais d’accès insupportables à  plus une grande partie de la population. Elles Ces mesures vont de la protection des sources d’eau que sont les nappes phréatiques et les fleuves à  la gestion efficace de l’eau distribuée en évitant le gaspillage. Laisser couler le robinet, ou fermer les yeux sur un barrage illicitement installé par un particulier ou même faire des forages de manière anarchique est tout aussi coupable que de verser de la boue de vidange dans le fleuve. La conjugaison des efforts de tous les acteurs est la seule voie pour assurer la préservation de la ressource, la sauvegarde de cette eau si nous voulons en assurer la disponibilité dans de bonnes conditions pour nous et pour les générations futures.

Accès à l’eau : il faut aussi protéger la ressource

« Je n’ai pas robinet chez moi. Depuis que J’ai déménagé à  Niamakoro, J’achète l’eau à  la borne. Au début, je m’approvisionnais auprès du charretier. J’achetais le seau de 20litres à  50F mais quand la borne a été installée, je me suis abonnée parce que ça me reviens moins cher. Je suis passée de 6000F par mois à  1500 environ. Mais pour 3 seau d’eau par jour, je trouve que C’’est vraiment cher payé ». Le témoignage de N’na Fatoumata pourrait être celui de dizaines de milliers de Bamakois qui sont confrontés au quotidien au problème de l’accès à  l’eau potable. En moyenne, la personne qui ne peut avoir un compteur et qui va à  la borne fontaine, paye finalement le m3 d’eau 5 fois plus cher que celui qui a les moyens d’un branchement individuel. En milieu urbain comme en milieu rural, l’accès à  l’eau potable est un véritable défi pour les populations et les autorités qui ont en charge ce secteur. Malgré les investissements colossaux faits en termes d’infrastructures, des millions de personnes, au Mali comme ailleurs en Afrique, restent sans avoir de l’eau en qualité et en qualité suffisante. La ressource quand elle est disponible n’est d’ailleurs pas forcément de qualité à  cause de la vétusté des installations et des mauvaises pratiques des usagers. Financer la préservation des ressources en eau Mais la question de l’accès à  l’eau potable amène aussi à  la problématique de la pérennité même de cette ressource dont l’exploitation augmente en même temps que l’accroissement exponentiel de la population. l’eau de boisson n’est d’ailleurs pas le seul usage fait des ressources disponibles. Il faut également prendre les besoins de l’agriculture, des industries, entre autres. Comment alors garantir l’accès au plus grand nombre et pour tous les usages, tout en assurant un financement équitable de la préservation de la ressource, tel est le fil conducteur d’un atelier international qui se tient depuis ce lundi 1er juillet dans la capitale ivoirienne. La rencontre qui regroupe une trentaine de communicateurs de l’Afrique de l’Ouest autour d’experts de la question de l’eau a pour thème « le financement de l’eau et la protection de la ressource en l’Afrique de l’Ouest ». Venus de douze pays, les femmes et hommes de média vont, pendant cinq jours, échanger sur les enjeux du financement de la protection de la ressource en eau. Il est en effet indispensable selon les experts que les ressources en eau exploitées à  ce jour pour fournir de l’eau de boisson ou encore de l’eau matière première pour les autres usages soient préservées pour en assurer l’accès et la pérennisation. Organisé par le Programme régional Afrique Centrale et Occidentale de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN-PACO) et le Partenariat Mondial de l’Eau-Afrique de l’Ouest (GWP/AO), l’atelier permettra d’améliorer la compréhension et de renforcer les capacités d’information des participants. Des communications et surtout une visite de terrain qui sera suivie de productions de reportages meubleront la semaine de travail. La rencontre d’Abidjan est la septième du genre et fait suite à  des ateliers sur les problématiques des eaux transfrontalières, de la Gestion intégrée des ressources en eau, des barrages etC’… Financement de l’eau au Mali Le financement de l’eau au Mali est essentiellement mené par les bailleurs étrangers, coopération bilatérale ou multilatérale, et des ONG internationales. La gestion de la ressource en eau est assurée par deux entités, la Société malienne du patrimoine de l’eau potable (SOMAPEP) et la Société malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP). Ces deux entités ont désormais, chacune en ce qui la concerne, la charge de conduire une nouvelle stratégie d’amélioration de l’accès à  l’eau potable dans notre pays.