« Chitane » : Bientôt la sortie ?

Prévu pour représenter le Mali dans la catégorie des longs métrages lors de la 26ème édition du Fespaco, du 23 février au 2 mars 2019 à Ouagadougou, le film « Chitane », largement financé par le budget national du Mali, n’est toujours pas achevé. Sujet de nombreuses interrogations sur ce blocage, il en serait aujourd’hui au stade de la postproduction et ne devrait plus tarder à sortir.

Difficile d’en savoir plus sur les nombreux problèmes de financement qu’avait suscité « Chitane » par le passé, tant les voix autorisées au Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM) restent silencieuses, par « devoir de réserve », nous a-t-on dit.

D’aucuns avaient évoqué une somme de 448 millions de FCFA qui aurait été débloquée par le ministère de la Culture mais n’aurait pas été utilisée à bon escient par l’ex-directeur du CNCM, ce qui aurait  considérablement retardé la finalisation du film bien avant le début du Fespaco.

À en croire des sources à la production technique du long métrage, le retard accusé est en fait dû à plusieurs raisons et le blocage réside aujourd’hui essentiellement au niveau de la postproduction.

« Le retard est dû à beaucoup de manquements à plusieurs niveaux. Et tout d’abord au retard dans la motivation concernant l’effectivité du papiement des cachets », note Souleymane Konaté, monteur du film.  « Il y a eu tellement de problèmes d’argent autour de la production qu’à un certain moment l’équipe technique avait perdu toute confiance face au département concernant les payements », ajoute t-il.

À quand la sortie ?

« Tout est bouclé et un premier montage du film a été fait à Paris. Maintenant, nous espérons, avec le nouveau directeur du CNCM, trouver d’autres partenaires pour le financement afin de terminer la postproduction », explique Assane Kouyaté, le réalisateur, pour qui 4 à 5 semaines de travail de plus devraient suffire pour la mise au point finale de « Chitane ».

Les problèmes de payement des artistes et techniciens qui ont travaillé sur le film étant en passe d’être entièrement réglé par la nouvelle direction du CNCM, toutes les voix semblent désormais s’accorder sur un achèvement rapide de « Chitane », qui a déjà largement dépassé les délais de production normaux d’un long métrage.

« Je pense que si l’on s’y met maintenant avec tous les moyens matériels, le film pourrait être achevé dans les trois mois à venir, pour être présenté dans d’autres festivals. C’est juste une question de temps et de moyens techniques et financiers », estime Mohamed Lamine Touré, le cameraman.

« Balkissa, les démons de minuit » : Des lendemains prometteurs pour le cinéma malien ?

De prime abord, pour l’entendre, il faut bien tendre l’oreille à moins de lui placer un amplificateur dans la voix. Car Aïda Mady Diallo, réalisatrice-scénariste de « Balkissa », du haut de ses cent-soixante-cinq centimètres, au regard discret, donne l’impression d’être d’une timidité maladive. Mais cette perception tranche avec le rythme fulgurant imprimé à son premier long métrage dont la première eut lieu vendredi 29 mars à Bamako. Une heure trente minutes trépidantes qui laissent peu de répit aux spectateurs pris dans un tourbillon de scènes qui s’enchaînent dans une cadence époustouflante. Forcément, le titre du film en soi, « Balkissa, les démons de minuit », en dit long sur le vertige dans lequel Aïda Diallo nous entraîne, peinture torride des mœurs et valeurs d’une société à la boussole grippée. Le thème du film aurait tout aussi bien pu être : « Les hommes résistent à tout, sauf à la tentation de la chair !».

« Balkissa, les démons de minuit », est une allusion à l’expression usitée «le démon de midi», cette tentation aveuglante de la chair qui s’empare des humains au milieu de leur existence. Certes, la fresque brossée par Aïda est une tentative pour décrire les mœurs en vigueur aujourd’hui au Mali. Mais, en réalité, ces mœurs ont une dimension à la fois diachronique (universalité, simultanéité dans l’espace) et synchronique (similitude dans le comportement des humains, depuis la nuit des temps) à laquelle les auteurs des tragédies grecques nous ont habitués. Sophocle, Euripide, Eschyle…, des siècles avant notre ère, ont produit sur ces thèmes des œuvres immortelles qui foisonnent.

Si la lâcheté, l’égoïsme, la vénalité, la luxure dans les relations humaines, qui prospèrent allègrement dans le film d’Aïda, sont devenus des traits de caractère du Mali contemporain, force est de reconnaître  qu’ils ne sont pas propres à notre seule société ; ils sont permanents sous d’autres cieux, aujourd’hui comme hier et sans doute comme demain !

Bamako, Ségou, Kayes, Sikasso, Gao, Tombouctou…et même nos plus petits hameaux pullulent de « Dramane », délaissant leur compagne d’hier pour des midinettes croqueuses de diamants, vampires assoiffés du magot de vieux barbons impénitents dont le vieillissement ne saurait être un handicap et pour qui, comme l’affirmait un journaliste français, « le démon de midi n’est qu’un bon diable » à qui il ne faut pas désobéir !

De ce point de vue, Aïda Mady Diallo, nous a gratifiés d’un divertissement honorable qui jure avec la grisaille culturelle accablante qu’on ne peut que déplorer. Du reste, le public bamakois ne s’y est pas trompé en prenant d’assaut le millier de places de la salle du cinéma Magic (ex-Babemba) remplie comme un œuf, jusqu’aux allées qui regorgeaient de monde. Le constat qui s’impose, démontrant la soif inextinguible du public malien pour la production cinématographique nationale et africaine, doit interpeller les autorités maliennes. Le combat pour la survie du ventre va de pair avec celui pour la survie de l’esprit, car l’homme ne vit pas que de pain.

Bravo, Aïda ! Bravo à toute votre équipe ! Ce coup d’essai laisse entrevoir des perspectives prometteuses, d’autant que vous vous exprimez sous le coaching généreux de maîtres à l’envergure de Cheikh Oumar Sissoko. En vous faisant confiance, l’opérateur Afribone a, manifestement, fait le bon pari. Ce pari ne restera certainement pas vain si vous continuez dans la voie de la persévérance. Chapeau l’Artiste, Djénéba Koné, talent admirable au jeu si naturel, à Oumou Coulibaly dans le rôle de Youma qu’elle interprète avec un aplomb impressionnant ! Toute l’équipe, dont la plupart font du cinéma pour la première fois, mérite des encouragements. Il est vrai qu’ils ont pu compter sur la maestria et la vigilante protection d’un de nos plus grands acteurs de théâtre, Aguibou Dembélé, alias Dramane dans le film, qui officie au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasséké Kouyaté de Bamako.

La qualité technique du film, sous la direction du cameraman Gaoussou Bassékou Tangara, assisté d’Israël Oron, a été appréciée. Dommage qu’elle ait pâti, lors de la projection, de la faible qualité des projecteurs de la salle, donnant aux images une impression de léger flou.