Dans l’intimité des filles de joie à Bamako

Samedi quatorze décembre. Le froid enveloppe Bamako. Dans la pénombre, les fêtards sortent de leur terrier à  bord de bolides aux moteurs vrombissants. A l’opposé de tous ceux qui se dirigent vers le centre-ville pour s’offrir un peu d’évasion dans la chaleur des boites de nuit, nous préférons enjamber le pont FAHD pour rejoindre l’auto-gare de Sogoniko. A mi-chemin entre Magnambougou, Faladié et Badalabougou, l’auto-gare est calme ce soir, du moins en apparence. Regroupés autour d’un feu pour chasser le froid, des apprentis et des vigiles viennent à  notre rencontre pour s’enquérir de l’objet de notre visite à  une heure si tardive. Les salutations passées, ils nous indiquent une route latéritique jouxtant le mur de clôture de la direction nationale des transports. C’’est le nid des professionnelles du sexe. Disposées en haie d’honneur, elles hèlent les clients. Tout y passe : « chéri, chou, beau-gosse, doudou, tonton », des appellations saugrenues assaisonnées de sifflements. Novices sur ce terrain d’un genre particulier, nous avançons prudemment. Une dame, grande comme trois pommes avec un tissu adipeux immense comme la colline de Koulouba, nous coupe la route « mon doudou rêvé, venez avec moi, je vous envoie au nirvana avec un tarif réduit, juste 2000 F ». Surpris, nous acceptons la proposition. Une nymphe jeune et audacieuse vint s’interposer en s’offrant à  1000 F. Ce fut le début d’une rixe infernale entre « gazelles » et « vipères ». Gazelles est le nom donnée aux jeunes filles encore pimpantes pendant que les anciennes sont surnommées les vipères. Les deux gammes de produits ne se piffent pas. Les gazelles monnayent leurs services entre 2000 F et 10 000 F. Elles sont jeunes, audacieuses, pressées, voraces et rapides. Farima, leur égérie, a accepté de se confier contre un billet de banque de 5000 F représentant une heure de bons et loyaux services «vous pouvez vous envoler en l’air ici avec 2000 F si l’acte se fait au pied du mur et donc sans déplacement. Avec 5000 F, nous allons à  côté o๠nous prenons une chambre ventilée à  2000 F, nous donnons 500 F au préposé à  notre sécurité et les 2 500 F restants nous reviennent. Si nous devons nous déplacer, nous exigeons 10 000 F ou au minimum 7 500 F pour une heure ». Quid des heurts avec les vipères? Farima soutient qu’ « elles sont vieilles, défraichies et amorties. Au lieu de se reconvertir, elles nous enquiquinent en tentant de prendre nos pigeons avec des prix trop bas. Elles biaisent le business. Nous ne les aimons pas tout comme les filles mineures-employées de maison le jour et professionnelles du sexe le soir. Elles vendent entre 200 F et 500 F avec en sus un sandwich ou une boisson». A Sogoniko, la clientèle est souvent composée de voyagistes, de voyageurs en transit et de badauds désireux d’oublier les affres de journées éprouvantes. Les rues des princesses De Sogoniko, nous prenons l’avenue de l’OUA pour la rue princesse à  Badalabougou. l’endroit est chic et animé : bars, maquis, gargotes et dancing cohabitent en toute homogénéité. La rue est Princesse porte bien son nom. Les filles y sont bien protégées. Bien éclairée, la rue exhibe ses trésors. Les professionnelles du sexe sont moulées dans des jupes ultra courtes, le nombril et le dos dehors, un bustier transparent laisse apparaitre une poitrine ferme. Tranquillement, le client négocie le prix de la passe. 15 000 F est le prix planché. Toute négociation conclue se concrétise dans un hôtel situé non loin. La chambre coûtera au client entre 3 500 F et 5 000 F pour une heure. Autre spécificité, les filles de la rue princesse ne se déplacent que pour passer la nuit et là , le tarif grimpe jusqu’à  25 000 F minimum. 25 000 F, C’’est le prix planché à  la rue princesse à  l’hippodrome o๠nous débarquons vers trois heures du matin. Nichée derrière la pâtisserie Express, la rue princesse de l’hippodrome abrite les boites de nuit XS et Star night, des boutiques de prêt-à – porter, la glacerie LGM et d’autres petits coins exquis. Nous choisissons de nous installer au Star night. Boite de nuit réputée pour ses strip-teaseuses attirantes, le Star night rappelle à  bien des égards Africa Star de Dakar. Elégantes et discrètes, les filles de joie étudient au loin la proie avant de passer à  l’abordage. Leurs prestations offertes dans un hôtel mitoyen vont de 25 000 F à  75 000 F. Elles proposent des services complémentaires souvent exigés par des clients vicieux et désireux d’expérimenter des choses vues ailleurs. Michel, de passage au Mali en provenance de Liège, ne nous cache pas son désir de passer du bon temps avec l’une d’entre elles pour dit-il « voir si elles sont bonnes et que font-elles de leur ceinture de perles ? Je suis en vacances et je veux savoir si tout ce qui se raconte sur ces muses noires est vrai et je suis prêt à  payer un double tarif pour m’offrir deux filles en même temps ». Mattel, la trentaine passée, est venue d’un pays limitrophe pour monnayer ses talents. « Je suis une professionnelle qui fait de la satisfaction du client une priorité. Ancienne étudiante en marketing, je sais fidéliser mes clients. J’ai des bottes secrètes pour ferrer mes proies et dans mon répertoire se trouvent les numéros d’hommes mariés à  la recherche de sensations fortes » explique avec un sourire narquois Mattel. Les blanches aussi Mattel pouvait jouer dans la cour des grands, non loin de la rue princesse. Dans une ruelle lovée entre l’école Pape Gueye FALL et l’ambassade Chine, des filles blanches habillées en robe moulante ou en collant se promènent avec une mèche de cigarette coincée entre les lèvres. Elles viennent d’Asie, d’Afrique du Nord ou des pays de l’ancienne URSS. Interpellées, elles demandent à  être payées d’abord. Marché conclu, l’une d’entre elles du nom de Cendrine révèle « être venue en Afrique pour gagner des sous en peu de temps. Avec l’arsenal juridique assez répressif contre les professionnelles du sexe chez nous, nous avons plus de chance ici. Chaque soir, je peux empocher entre 150 000F et 250 000 F mais il arrive que des opérateurs économiques louent nos compétences pour avoir le beurre et le sourire de la pâtissière. En quoi faisant ? Ils nous prennent pour trois jours à  250 000 F pour leur servir de secrétaire ou d’interprète lors de rencontres avec leurs partenaires étrangers et après ils peuvent aussi se faire C’liner. C’’est du gagnant-gagnant ». Surtaxe des rapports non protégés Notre randonnée nocturne se termine à  l’ACI 2000. Nous trouvons les filles de joie non loin de la bibliothèque nationale et de la nouvelle piscine olympique. La mise correcte, elles font des va et vient dans l’espoir de tomber sur l’oiseau rare. Approchées, elles refusent de répondre à  nos questions prétextant être entrain de travailler. Nous prenons la ruelle contigà¼e à  l’ANAC pour voir les réalités de ce milieu interdit aux novices. Ici, la possibilité de tâter le produit est offerte au client. Ce plus s’explique par le coût élevé des services. Avec 20 000 F, le client a peu de chance de satisfaire sa libido. Les filles de l’ACI 2000 sont chères. Elles l’expliquent par les tarifs de location des chambres. Seule particularité, ici, le client peut s’offrir des rapports non protégés à  des prix décuplés. Marta, une fille de joie assez joviale et compréhensive nous conseilla de « vider les lieux pour ne pas chasser les clients d’autant que C’’est entre trois heures et cinq heures du matin que les bons clients rodent dans la zone et tout corps étranger les fait fuir ». La brigade des mœurs n’étant jamais loin, nous prà®mes congé de Marta et de ses amies.

Loulo : quand les filles de joie sauvent les mariages !

Situé la zone d’exploitation minière, Loulo village se trouve à  40 km du cercle de Kenièba dans la région de Kayes. Avec la découverte de l’or dans cette localité en 2004 , tous les villages riverains du site dans la commune rurale de Sitakily ont connu une explosion démographique . Selon le chargé du développement communautaire de la société minière de Loulo, la population de la commune rurale de Sitakili ne dépassait 200 habitants en 2004 au moment de l’implantation de la mine. Aujourd’hui, la commune rurale de Sitakili est passée environ à  12000 habitants. l’or ne profite pas seulement les hommes venus de tous les horizons du Mali, mais aussi aux professionnels de sexes. Le plus vieux métier du monde est pratiqué au vu et au su de tous dans les villages riverains du site minier de Loulo. On peut y rencontrer des nigérianes, des guinéennes, des ghanéennes et même quelques maliennes. Toutes ces filles de joies viennent aussi chercher fortune dans cet eldorado. Un habitué, que nous appellerons Mr M. nous confie que « chez les prostituées, on peut discuter de prix entre 500 à  1000F pour les étrangers précisément les nigérianes qui n’ont assez de problème. Mais pour les maliennes le prix varie entre 1000 et 2000 francs par heure», témoigne M. Elles ont « sauvé » les couples On aurait pu s’attendre à  une farouche opposition de la population à  la présence de ces dames qui somme toute, contribuent à  la dégradation des mœurs dans la zone. Eh bien non, C’’est plutôt le contraire qui se produit. Ces dames ont été bien accueillies. Et pour cause, elles aident à  éviter ou au moins limiter les infidélités des femmes du pays qui étaient devenues des proies faciles pour les travailleurs des mines. Adultères, disputes, répudiation et familles brisées étaient en effet devenus le lot des habitants de ces localités situés aux alentours des sites miniers. Ce qui mettait à  mal le fonctionnement de l’exploitation, les riverains étant devenus, à  un moment donné, hostiles à  la présence même des travailleurs de la mine. Le cas du village de Djidian Kenièba est assez illustratif de cette situation pour le moins insolite. Mougatafe Sissoko a salué l’arrivée des professionnels de sexe en grand nombre. Pour lui, elles ont permis d’occuper ailleurs les travailleurs des mines et ainsi de « baisser la tension dans mon village o๠les disputes entre les conjoints déstabilisaient les familles ». « Nos femmes nous appartiennent maintenant avec l’arrivée de ces professionnels» ajoute-t-il. Des professionnels de sexe « agréées » ! A Loulo, les filles de joie sont pour ainsi dire suivies, pour protéger au maximum les travailleurs. Ainsi, selon le chargé du développement communautaire de la mine de Loulo, elles subissent régulièrement des consultations dans la clinique construite par la société minière. Elles y font également régulièrement leur test de dépistage du VIH SIDA. « Dans nos cliniques, les consultations de toutes les populations sont gratuites et y compris les médicaments et tout le monde peut en profiter» affirme Youssouf Ongoiba. Selon les responsables de la structure de santé, les infections sexuellement transmissibles sont fréquentes dans la zone. Elles sont même la troisième cause de consultation après la diarrhée et le paludisme. En cette période de lutte contre le sida la clinique de Société minière de Loulo a enregistré 100 personnes dépistées dont une personne s’est révélée séropositive. Modibo Fofana

Sévaré, nouveau temple de la prostitution

A sévaré, une fois la nuit tombée, chacun se cherche un endroit pour destresser et se remettre après une journée de dur labeur. En tout cas, pas question que ça soit le week-end. Et l’on n’a pas besoin d’être maquisard pour connaitre les coins chauds de la ville. C’est une ville o๠l’économie nocturne bouge à  merveille. En plus, les maquis sont sous l’emprise de vagues de jeunes filles (venant du Burkina voisin) qui s’y logent. Ces « filles de joie » accèdent facilement à  cet endroit du Mali car elle empruntent « la route du poisson », c’est à  dire celle qui passe de la frontière Burkinabè à  Koro, Bankass et Badiagara. La ville de Sévaré leur donne ainsi des « opportunités d’affaires » et leur fait gagner de l’argent dans la prostitution. Très loin de leur pays d’origine, elles n’ont aucune honte à  exercer (même à  visage decouvert) ce métier. Elles ont pour clients, des touristes, des hommes d’affaires et même des fonctionnaires en mission dans la zone. Récit d’une ballade dans « Sévaré by night » A 22h je me suis engouffré dans un taxi en compagnie de mon ami Olivier. Ce dernier est médecin et intervient dans la zone au compte de l’organisation « Medecins sans frontières ». 2 km séparent mon hôtel du maquis « Bavaria ». Un autre maquis est contigu à  ce haut lieu de débauche. C’est là  que mon ami et moi campâmes pendant au moins 2 heures d’horloge. Ici l’accueil est chalereux sur fond sur lumière savamment tamissée. Regoupée autour de tablettes disséminées dans une vaste cour, une bonne poignée de clients trinque déjà . La bière et la liqueur coule à  flot, avec à  coté de demoiselles au charme étincelant. Au même moment, du coupé-décalé, tonne dans les oreilles. J’avais de la peine à  entendre les mots prononcés par mon ami Olivier. Subitement ce dernier s’est vu flanqué d’une jeune dame habillée en tenue très sexy avec une poitrine exubérante. Elle nous a invité à  nous asseoir, à  trois, autour d’une tablette. Tout autour de nous, défilaient ses consoeurs (toutes habillées dans le même style), devant une kyrielle de chambre de passe. Toutes attractives, ces jeunes dames, n’hésitaient pas à  se jeter dans la « gueule du loup » pourvu qu’il y ait l’argent. Deux minutes après, une autre, du nom de Nadège, nous a rejoint et s’est particulièrement intéréssé à  moi. Grande de taille et très élégante, elle évacuait la fumée d’une cigarette par ses narines. Sympathique comme d’habitude, je n’ai pas manqué de la harceler de questions. Sans se douter de mon identité, du moins, sans savoir que je faisais mon boulot d’investigateur, elle n’avait le moindre tabou pour me répondre. Comme si l’on se connaissait bien avant. Ma première question adréssée à  Nadège était de savoir comment se passaient les choses ici. Sans detour, elle m’a tout détaillé à  propos de la passe. Elle m’a demandé de lui commander de la bière. La discussion s’est interrompue quand Nadège s’est excusé auprès de moi après avoir aperçu à  l’entrée d’un de ses fidèles clients. J’ai du patienter 20 minutes environ pour qu’elle nous rejoigne à  nouveau à  la table. A son retour, j’ai pas manqué de lui poser la question de savoir pourquoi elle s’était choisi le chemin des maquis. « J’habite ce coin depuis 3 mois. Mon objectif est de me trouver un fond pour faire du commerce à  Ouaga ». Toutefois, ajoute-elle, « je n’ai aucune intention de rester dans les maquis ». Ensuite, j’ai réussi à  arracher quelques mots sur les lèvres de la compagne de Olivier. Cette dernière a affirmé qu’elle n’avait jamais fréquenté de maquis dans son pays, le Burkina. Cependant, dit-elle, « je le fais ici parceque personne ne me connait ». Une violente tempête à  miniuit a interrompu pour de bon la causerie et a anticipé notre départ de ce milieu qui avait tout l’air d’un « monde à  part ».

Dépravation des mœurs : la prostitution bat son plein à Bamako

Le plus vieux métier du monde La prostitution au Mali, comme partout ailleurs, date des temps immémoriaux. Il y a trente ans, elle se faisait de façon modérée et les étrangères étaient plus nombreuses sur le terrain que les maliennes. C’’était plutôt des filles venues d’Afrique centrale, du Ghana ou du Togo. Durant ces dernières décennies, le match s’annonce serré. Avec d’une part, les maliennes voulant s’approprier tous les terrains de chasse, y compris la complicité de proxénètes sortis de nulle part. Et d’un autre côté, les «étrangères» qui font tout pour rester maitresses de la chasse. Chambres de passe De 2002 à  aujourd’hui, les chambres de passe ont poussé comme des champignons à  Bamako. En effet, la CAN 2002 tenue à  Bamako en janvier, n’a fait qu’accentuer et encourager la débauche au Mali. Elle fut l’occasion pour nos frères chinois, d’implanter leurs réseaux de prostitution. Avec en prime, des chambres beaucoup plus abordables que celles des Maliens et des prostituées chinoises à  l’appui. l’affluence était de taille. Et chacun y trouvait son compte. Les hommes d’affaires, les fonctionnaires d’Etat, les sportifs, les commerçants et même les petits vendeurs de rues. Tout le monde. Cela aboutira plutard, à  l’ouverture des maisons closes chinoises. Les chambres de passe étant très populaires et là , tout le monde se rencontre dans les couloirs en sortant ou en rentrant, les chinois ont trouvé la sublime idée d’investir dans les maisons closes. Maisons closes Signalons que ces maisons closes ne sont pas à  la portée de tous. C’’est pour les « boss ». Et oui, les hommes pleins aux as. Ceux dont les poches pèsent plus lourds qu’eux mêmes. Parmi ce beau monde, se trouvent des touristes, des hommes d’affaires qui voyagent avec leur maitresse et les mettent dans toutes les meilleures conditions. Pendant Madame est à  la maison, imaginant Monsieur en plein voyage d’affaires avec une tonne de boulot sous la main. Les hôtels dans la danse Par ailleurs, les grands hôtels de la cité des trois caà¯mans s’avèrent de véritables caà¯mans en se lançant dans la course aux sous. Dans ces hôtels o๠descendent des hommes d’affaires, des dirigeants politiques Maliens et étrangers, la prostitution fait rage. Selon des sources fiables, il est mis à  la disposition de chaque client qui désire « s’amuser » un peu, des albums photos de filles et de femmes. Dans ces albums se trouvent toutes les informations sur la fille qu’on veut prendre. Notons que les prix sont fixés par les hôtels. Une partie leur est reversée et l’autre est donnée à  la fille. La prostitution est présente partout au Mali. Ceux qui se cachent pour la pratiquer et/ou louer des services, sont plus nombreux que les autres qui le font ouvertement. Incapacité de la brigade des mœurs La brigade des mœurs dirigée par la commissaire Ami Kane, s’est mille et une fois, vu mettre des batons dans les roues. Car, beaucoup d’hommes d’affaires, dents fonctionnaires d’Etats, et parfois même, de hautes personnalités du pays, fréquente ces lieux. Il est donc très difficile de combattre ce phénomène qui fait parfois l’affaire de tous.