Carburants : une législation au détriment de la santé publique

Dans son rapport « Dirty oil » publié le 15 septembre 2016 et repris par la presse, l’ONG Public Eye dévoilait un vaste réseau de commercialisation de carburants de qualité inférieure à destination de l’Afrique, et plus particulièrement du Mali. Un scandale qui a posé sur la table la question de la législation malienne en ce qui concerne la qualité du carburant.

Invendable en Europe en raison de sa teneur en soufre, entre 200 et 1 000 fois supérieure aux normes sanitaires autorisées, le carburant qu’évoque le rapport présente des risques pour la santé des consommateurs maliens. Il est pourtant importé de manière légale vers le Mali et ce, en raison de la faiblesse des normes admises qui ne prévoient justement aucune limite en la matière. Dans un entretien accordé au Studio Tamani au lendemain de la publication dudit rapport, Abdoul Wahab Diakité, vice-président de l’Association des consommateurs du Mali (ASCO-MA) dénonçait le fait que « nos textes présentent de nombreuses insuffisances parce qu’aucune loi n’interdit ou ne précise de conditions à l’entrée de carburant dans notre pays ». Pourtant, selon Zoumana Mory Coulibaly, PDG de l’Office national des produits pétroliers (ONAP), « aucune norme locale n’existe pour ce qui de la qualité du carburant en Afrique. Le Mali au même titre que la majeure partie des États de la CEDEAO est tenu d’appliquer le taux de soufre de 0.5 % » pour son carburant. Pour rappel, la commercialisation d’hydrocarbures au Mali est conditionnée au contrôle de la douane, de la Direction nationale de la géologie et des mines et de la Direction nationale du commerce et de la concurrence, qui délivrent des autorisations à l’importateur. Il convient cependant de souligner qu’il n’existe pas de réglementation uniforme au niveau de la sous-région, chaque pays déterminant le seuil maximal de soufre dans les hydrocarbures qu’il importe.

Selon l’OMS, l’émission des petites particules dans l’air est la cause de 7 millions de décès chaque année.

 

Carburants frelatés toxiques : record sinistre au Mali

Les résultats d’une enquête de l’ONG suisse, Public Eye, révèlent que les carburants vendus en Afrique, surtout à l’Ouest, sont toxiques. Et c’est au Mali que la plupart des échantillons ont été détectés.

Ce sont les résultats d’une enquête qui a duré trois ans. Le rapport « Dirty diesel », 160 pages, rendu public par l’ONG suisse Public Eye, le jeudi 15 septembre, révèle quelque chose d’inquiétant, à savoir que « les négociants suisse inondent l’Afrique de carburants toxiques ». L’ONG épingle les sociétés Vitol, Trafigura et Addax & Oryx, qui, conscientes de la faiblesse des normes légales en Afrique, se permettent d’y écouler des carburants toxiques qui nuisent à la santé des populations. Encore plus inquiétant, ces carburants sont vendus sur le continent par des stations service.

Les échantillons ont été prélevés dans les pays tels que l’Angola, le Bénin, le Congo Brazzaville, la Côte d’ivoire, le Ghana, le Mali, le Sénégal et la  Zambie.  Le maximum de concentration a été détecté au Mali, dans une station de pompage d’Addax & Oryx. « Les carburants analysés présentent jusqu’à 378 fois plus de soufre que la teneur autorisée en Europe. Ils contiennent d’autres substances très nocives, comme du benzène et des aromatiques polycycliques, à des niveaux également interdits par les normes européennes.

Les négociants suisses ne se contentent pas de vendre du diesel et de l’essence toxiques ; ils les fabriquent à dessein, en mélangeant divers produits pétroliers semi-finis à d’autres substances pétrochimiques afin de créer ce que l’industrie appelle « la qualité africaine », explique l’ONG. Aucun des échantillons prélevés, selon Public Eye, n’est vendable, en tout cas pas sur les marchés d’autres continents que l’Afrique. Les carburants produits, de mauvaise qualité, sont exportés de la zone appelée « ARA » (Amsterdam-Rotterdam-Anvers). Pour l’ONG, la production et la vente de ces produits ne sont pas illégales mais plutôt illégitimes. Et de rapporter des prévisions de l’International Council on Clean Transportation (ICCT) qui estime que « la pollution de l’air liée au trafic routier causera, en 2030, trois fois plus de décès prématurés en Afrique qu’en Europe, aux Etats-Unis et au Japon réunis. » C’est le Mali qui enregistre un triste record, le gros des échantillons y ont été détectés, notamment à la station de pompage de la société Addax&Oryx. Contacté par le Journal du Mali, son directeur, Thibaud Dena, s’est borné à dire qu’Oryx « ne vend pas de carburants frelatés. Nos produits respectent les normes. » Il reste que les enquêtes disent le contraire : « Au Mali, Oryx a remporté, parmi nos 47 échantillons, la palme avec son diesel comportant une teneur de 3780 ppm ! Autrement dit, 378 fois plus que la limite autorisée à Malte, où M. Gandur, patron d’Addax & Oryx, est officiellement domicilié, à Genève, siège de ses sociétés. », ajoute le rapport.