Binetou Sylla : « Je suis là pour mettre la qualité en avant»

Passionnée d’histoire, militante de la culture africaine, Binetou Sylla voulait devenir professeur-chercheur à  l’université. Mais pour le moment, elle affirme avoir mis en « stand-by » son doctorat en histoire pour continuer l’œuvre de son père, le travail d’une vie, le plus grand catalogue des musiques africaines de l’industrie musicale. « Le destin m’a rattrapé, C’’est un beau destin aussi » dit-t-elle un sourire en coin. Le secteur culturel tout comme les autres secteurs au Mali ont souffert de la crise politico-sécuritaire depuis 2012. Pour un nouveau départ, la nouvelle directrice de Syllart Records, un label de musique qui existe depuis 30 ans, est venue à  Bamako pour restructurer, redynamiser et montrer aux musiciens que le studio Bogolan est là  et sera toujours là  pour eux. La qualité d’abord Situé dans le quartier Quinzambougou, ce studio appartenant à  son père, accueille les productions locales et internationales dans un environnement acoustique salué par les plus grands ingénieurs du son. « Le studio Bogolan sera pour moi, la pierre angulaire des projets que J’ai envie de mettre en place avec des musiciens, ce sera une plateforme centrale de création o๠je pourrai tester des nouvelles sonorités musicales avec la jeune génération de musiciens » nous confie la jeune directrice. A-t-elle les moyens de ses ambitions ? l’héritière de Syllart Records répond que C’’est sa détermination, son dynamisme, sa rigueur et le travail. « Je suis d’abord là  pour mettre la qualité en avant, pas nécessairement la rentabilité financière. Pour mon père, C’’était sa façon de voir les choses, donc J’estime qu’il faudra continuer dans ce sens ». Pour lutter contre la piraterie, elle pense qu’il est difficile de se battre seule contre un système bien organisé au niveau international, sans l’aide des autorités. En attendant que les pouvoirs publics proposent une solution concrète, Binetou estime qu’il faut trouver le modèle économique qui permettra aux artistes de vivre de leur métier. Selon Binetou Sylla, avec le développement des nouvelles technologies, ce problème pourra être en partie résolu. Il suffira de développer un système de téléchargement légal en Afrique. « Il y a beaucoup de choses positives qu’on pourra mettre en place avec le téléphone. Il faut trouver les moyens avec les opérateurs de téléphonie mobile pour que les gens puissent télécharger la musique et payer un peu. En occident, le modèle est déjà  assis mais ça viendra petit à  petit en Afrique. C’’est un challenge et ça nous obligera à  changer nos habitudes. C’’est une chance pour la musique africaine parce qu’elle sera plus écoutée dans le monde, car avec Internet, il n’y a pas de frontière ». Des projets en cours Déjà , le 3 décembre prochain, il est prévu la sortie du CD, « Les ambassadeurs du motel de Bamako », une superbe réédition des enregistrements de ce groupe mythique fondé au Mali dans les années 70. Binetou Sylla compte également créer une Fondation qui mettra en avant la promotion, la sauvegarde du patrimoine sonore et musical africain. « C’’est un projet que mon père avait essayé de concrétiser en rachetant les catalogues de musique ancienne africaine, en faisant des rééditions, etc. Ce sera une Fondation panafricaine qui mettra l’accent sur le fait que la musique est notre richesse et fait partie de notre patrimoine». Pour la capitaine de cette industrie musicale, Syllart Records ne connaà®t pas de frontière en termes de genres et de styles musicaux. Il restera toujours un label ouvert et sera là  pour soutenir les musiciens africains. Elle espère que les artistes lui feront confiance comme ils ont fait confiance à  son père. « Je suis là  pour travailler, il n’y a que le travail qui paye et qui compte aussi ». Par ailleurs, elle se joint aux artistes guinéens pour demander la libération de ses « compatriotes et frères » de la Guinée Conakry Malick Kebe, directeur général de l’agence guinéenne des spectacles, et Abdoulaye Mbaye alias Skandal de la maison de production Meurs Libre Prod. Ces organisateurs de spectacle ont été emprisonnés en juillet dernier suite au drame de Rogbane en Guinée. « La jeunesse guinéenne a besoin de ses plus brillants acteurs. Il faut la justice et rien que la justice » soutient-elle.