Maliens de Bangui: la vague continue

Le centre d’accueil des rapatriés de la protection civile accueille ces personnes depuis l’arrivée du premier vol le 6 janvier dernier. « Nous avons beaucoup de difficultés ici. Les personnes qui sont arrivées avec le 3e et le 4e vol n’ont pas tous pu bénéficier de couverture. Je trouve cela très grave car les gens ont été obligés de dormir dehors avec le froid sans couverture » s’indigne Djédy Sylla, malien né à  Dar Salam, un quartier de Bamako. Le manque de couverture s’explique selon le directeur du centre d’accueil Nouhoum Coulibaly « nous avions prévu 500 couvertures puisqu’initialement, C’’était l’arrivée de ce nombre de personnes qui était prévue finalement on se trouve avec plus de 1 000 personnes ». D’autres nationalités ont pu être ramenées grâce à  ce quatrième vol, C’’est le cas d’Aliou Bila Diankado un Centrafricain. « Je me suis enregistré au consulat du Sénégal o๠les Maliens ont organisé l’évacuation de leurs ressortissants. Mes parents ont été tués, J’ai tout perdu. Avec la guerre en Centrafrique, je voulais quitter ce pays. Maintenant, je voudrais regagner le Sénégal puisque J’ai des parents là  bas. Mais pour le moment, je ne sais pas comment faire pour y aller » explique-t-il. Quatre burkinabé, 24 Sénégalais et 6 Gambiens ont pu être identifiés. Ils ont tous été accueillis à  l’aéroport par les représentants de leurs pays au Mali. Leur cas sera géré selon ce qui est prévu, ainsi leur rapatriement vers leurs pays d’origine pourra être organisé. De nombreux Maliens, parmi ces rapatriés sont nés et ont grandi en Centrafrique, C’’est le d’Hussein Diabaté, « je ne sais pas o๠se trouve ma famille, nous sommes en train d’effectuer les recherches. Cependant, la difficulté que J’ai C’’est que les responsables du centre m’avaient demandé de quitter. Je leur ai expliqué que je ne pourrai pas quitter du jour au lendemain. Mons souhait est que le gouvernement nous trouve un logement en attendant que je retrouve ma famille et que je décroche un emploi » raconte-t-il, les yeux rougis par des nuits blanches. Des difficultés pour se loger « Si je pense que ces gens là  ont quitté l’enfer et ici encore, ils sont en train de vivre un autre enfer, cela me rend très triste. Moi-même J’étais en Centrafrique, je suis arrivé par le premier vol. Actuellement, je vis chez mon frère, nous sommes huit à  dormir dans la même chambre mais cela n’est pas grave en soi. Ce qui est important C’’est de retrouver sa famille. Un monsieur est ici, sa famille est venue le récupérer hier, soir mais il a du retourner car cette dernière dit ne pas disposer d’assez de places pour le garder avec ses deux filles et son épouse » relate Amadou Tiocary. Ce monsieur d’une quarantaine d’années dont parle Amadou Tiocary, n’a pas voulu se prêter à  nos questions, il a secoué la tête à  la question de savoir s’il voulait parler. De nombreux cas sont constatés sur le terrain. Les jeunes, pour se soutenir entre eux, et oublier les douleurs vécues en RCA, font du thé et se racontent des blagues. Souvent ce sont plutôt des souvenirs douloureux qui reviennent malgré tout. « Il s’est passé beaucoup de choses cruelles. Même les raconter est traumatisant » se remémore Amadou Tiocary. La récupération des bagages est une étape avant que certains puissent retrouver leurs familles ou même rester au centre d’accueil en attendant. « Chacun dispose d’un numéro inscrit sur son laissez-passer, C’’est grâce à  cela que les bagages sont délivrés. Certains ne disposent pas de numéro, dans ces cas là , une vérification est effectuée et la personne qui arrive à  identifier ce qui se trouve effectivement dans le bagage en question sera en possession de celui-ci » explique Nouhoum Coulibaly, directeur du centre d’accueil des rapatriés de la protection civile. D’autres vols pourront être affrétés pour ramener des Maliens à  Bamako. Il est à  noter qu’environ 2000 autres Maliens sont en Centrafrique. Ceux de la capitale Bangui se sont réfugiés dans le consulat du Sénégal, d’autres vivent dans des provinces du pays.

HCR-Mali: mandat et raisons d’être

Le HCR a été créé par l’Assemblée Générale des Nations Unies. Son mandat consiste à  assurer la protection internationale des réfugiés et à  rechercher des solutions permanentes aux problèmes des réfugiés. En plus de cela, les principes humanitaires sont aussi pris en compte tels que l’impartialité, la neutralité ou encore l’indépendance. Selon Nicolas Kaburaburyo, chargé de la protection au HCR/Mali, « la responsabilité de protéger les réfugiés et autres personnes relevant du mandat du HCR incombe au gouvernement du pays sur le territoire duquel ils se trouvent. Ainsi, le HCR vient en appui aux autorités pour venir en aide à  ces personnes » explique-t-il lors de son exposé. La protection est l’une des conditions qui doit être garantie aux réfugiés et toute autre personne comme les apatrides, les déplacés, les demandeurs d’asile etc. Dans ce cas là , il y a un principe de non refoulement à  respecter. « Les autorités ont l’obligation d’assurer la protection de ces personnes. Il y a une protection nationale et une protection internationale » souligne M. Kaburaburyo. Présent au Mali, depuis une trentaine d’années, le HCR s’occupe des personnes réfugiées venues de plusieurs pays dont la Mauritanie, la Sierra Léone, le Rwanda etc. « Nous travaillons sur deux catégories de populations, des réfugiés en tant que tel qui vivent dans la région de Kayes, ce sont des réfugiés mauritaniens. Nous les prenons en charge au niveau de la santé, de l’éducation, de l’hygiène et de l’assainissement. Nous faisons également un plaidoyer auprès du gouvernement pour que ces réfugiés puissent vivre et circuler librement. Dans un passé récent, la carte d’identité du réfugié vient d’être mis en place au Mali » relate Marie Antoinette Okimba, représentante du HCR au Mali. Détermination du statut de réfugié au Mali Au Mali, la commission nationale chargée des réfugiés relève du ministère de l’administration territoriale et travaille en étroite collaboration avec le HCR.  » Le réfugié et le demandeur d’asile relèvent du mandat du HCR. Quand la demande est faite, une vérification est faite par les autorités afin d’établir la véracité de ce qui est relaté par le demandeur. A la suite de cette demande, il y a possibilité que la demande soit acceptée ou non » explique Nicolas Kaburaburyo, chargé du volet protection au HCR-Mali.

Assaleck et Tako: réfugié et déplacée à la quête du bonheur!

« J’ai laissé mes deux parents, mes frères et sœurs à  Kidal ». La vie en France n’est pas rose, non plus. « Ici, C’’est autre chose, le marché du travail est saturé. Je n’arrive à  exercer mon métier de journaliste que très ponctuellement. Le chômage est partout, même ceux qui ont de l’expérience n’arrivent pas à  trouver du travail à  plus forte raison, moi. Vraiment je me débrouille de temps en temps pour trouver quelque chose à  faire sinon C’’est très dur » confie-t-il. Pour Emmanuel Ekouli, un Camerounais qu’Assaleck a rencontré lors de son voyage en France, « C’’est un garçon sympathique, et je crois qu’il a beaucoup d’avenir. l’Europe est dur, mais je pense qu’il va s’en sortir et retourner au pays la tête haute ». Joint au téléphone à  la veille de la tenue des Assises nationales sur le Nord, Assaleck s’exprime en ces termes pour justifier la tenue de cette rencontre : « C’’est une opportunité d’ouverture car cela va faciliter le dialogue. Il faut que les populations à  la base soient concernées. Généralement, il y a du favoritisme dans le choix des personnes représentées lors de ces discussions. Je crois qu’il faut revoir cela et discuter davantage des questions relatives à  la justice et à  l’éducation ». Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 90% des déplacés internes souhaitent retourner dans leur localité d’origine. La Commission Mouvement de Populations (CMP) a publié un rapport le 30 octobre dernier qui fait état de 283.726 personnes déplacées sur l’ensemble des régions du Mali dont près de la moitié ont pu retourner. Toutes les conditions sont-elles réunies pour leur retour? Le samedi 02 novembre 2013, deux journalistes français de RFI ont été assassinés à  Kidal. Le ministre de la réconciliation nationale et du développement du Nord Cheick Oumar Diarrah a affirmé sur les ondes de Radio France Internationale (RFI) que Kidal n’est pas sécurisée. « Lors de notre passage dans cette ville nous avons été victimes d’un attentat que nous avons minimisé. La région de Kidal ne bénéficie pas de sécurité suffisante pour permettre aux journalistes de s’y rendre ». «Je souhaite, du fond du C’œur, retourner à  Kidal. Avec un peu de stabilité, je serai le premier à  y être. Cette partie du Mali a besoin de nous tous ainsi que de toute l’Afrique. On serait plus utile là -bas. Ce n’est pas pour faire l’éloge des Touaregs mais J’aimerais que les gens n’oublient jamais que nous sommes les seuls Africains qui ne souhaitent pas immigrer lorsqu’il y a la paix chez nous. Ce désert je ne pourrai, pour aucun paradis sur cette terre l’échanger, ni l’oublier ». Marié, Assaleck Ag Tita rêve de revoir « tous les frères et sœurs maliens se donner la main à  nouveau et dans la paix». Quant à  Tako, elle est âgée de 26 ans et a vécu toute son enfance chez sa tante dans la ville de Tombouctou. Il y a un an et demi, quand des combats ont éclaté elle a repris le chemin de Bamako avec sa tutrice. « Ma tante est rentrée avec ses enfants, moi je voudrai travailler ici et rester avec ma mère et mon grand-père qui ne veulent pas non plus que je reparte » relate-t-elle. Titulaire d’un diplôme d’une école de santé, Tako est stagiaire dans le laboratoire d’un centre de santé à  Bamako. En plus de ces acquis, elle a pu bénéficier d’une formation de l’APDF à  l’endroit des femmes et filles déplacées. Cette initiation en activités génératrices de revenus (AGR) a concerné l’apprentissage de la teinture, de la savonnerie et du séchage de légumes. « Moi personnellement, je préfère la teinture. Je voudrais ouvrir ma propre entreprise un jour et apprendre aussi ce métier à  d’autres personnes. Tel est mon souhait le plus ardent » explique-t-elle. 1,80 pour 60 kilogrammes, Tako Kéà¯ta a une pensée pour ses frères et sœurs retournés au Nord « je vais rester ici. Mais je sais aussi que C’’est difficile pour ceux qui sont partis, la vie est chère ». Selon une déplacée retournée à  Diré, Fanta Diabaté, cette dernière a suivi la formation de l’ADPF en compagnie de Tako « C’’est une fille qui a de l’avenir, elle parle peu et se consacre au travail qu’on lui donne » décrit-elle. Tako est célibataire et sans enfant et souhaite « rencontrer quelqu’un à  Bamako, un jour ».